On a reçu deux courriers à propos de la goudronnerie de Vinça
Bonjour.
Ici Jean Monestier.
Ci-joint deux courriers au sujets de la goudronnerie de Vinça.
Remarquez que "goudronnerie" rime avec "cochonnerie" alors que "poste d'enrobage" rime avec "entubage".
Amitiés.
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Premier courrier
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Jean Monestier Le Soler, le 01.07.2015
19, avenue Jean Jaurès
66270 LE SOLER
04 68 92 89 49
06 83 99 03 25
à Monsieur le Commissaire Enquêteur
sur le projet d’implantation d’un poste d’enrobage à Vinça
Hôtel de Ville
66320 VINÇA
Réf courrier : 15Q01LTB
Objet : Poste d’enrobage de Vinça.
Monsieur le Commissaire Enquêteur,
Quoiqu’habitant Le Soler, je me permets d’intervenir auprès de vous pour vous exprimer ma totale opposition à l’implantation d’un « poste d’enrobage » à Vinça. D’une part, je réside en aval de cette installation éventuelle par rapport à la Têt ; d’autre part nous savons désormais que nous vivons sur la même biosphère et que tout ce que les hommes font en un point a des conséquences sur l’ensemble de la planète.
Comme d’habitude, on met toujours en avant les emplois créés, mais on évite de parler de ceux qui seront supprimés. Outre le cas d’école des supermarchés, qui tuent le commerce de proximité tout en exacerbant nos émissions de carbone, on peut citer la centrale électrique de Gardanne, qui va créer 50 emplois sur place sans qu’on essaie d’évaluer ceux qui seront détruits dans un rayon de 300 km par la mise en coupe rase des forêts, avec toutes les conséquences que cela implique pour les scieries et les chaufferies locales, les activités touristiques, et les équilibres hydrographiques.
Je souligne donc la nécessité de faire un bilan sérieux de ce projet en terme d’emploi, et de lui imputer les suppressions probables qu’on doit envisager dans un périmètre de cinq à dix kilomètres, que ce soit dans le domaine touristique, pour lequel la région de Vinça n’est pas trop mal dotée, que dans celui de l’agriculture biologique, pour lequel je vous rappelle que la production française est largement déficitaire par rapport à la demande, ce qui tend à mettre notre balance des paiements en déficit.
Pablo Servigne, dans « Nourrir l’Europe en temps de crise » avance par ailleurs (page 91) que « les formes d’agriculture hyper-intensives (en main d’œuvre) mais efficientes en énergie, comme la permaculture, sont susceptibles de générer 7 emplois à l’hectare ».
Sur le plan sanitaire, je crois me souvenir qu’un ouvrier qui a répandu du goudron sur les routes pendant toute sa carrière a réussi à faire reconnaître comme maladie professionnelle le cancer qui en est résulté. Le produit qui serait manipulé ne serait donc pas anodin, et l’on risque inévitablement d’en disperser au sol et dans l’atmosphère, ce qui dans les deux cas menace la qualité de l’eau, à commencer par celle qui est retenue par le barrage de Vinça, destinée à l’irrigation et à la baignade.
Je vous rappelle qu’il coûte des dizaines de fois moins cher de préserver une eau de qualité que de la traiter pour la rendre potable, comme l’ont calculé des villes, comme Munich, qui ont primé le passage à l’agriculture biologique pour les paysans travaillant sur les champs captants de leurs réseaux de distribution !
Quant aux règlements qui encadrent ce type d’installation, une importante littérature rappelle que les normes sont d’abord le fruit d’un arbitrage politique basé sur les prix au jour de la décision, mais pas sur la valeur ni le prix des choses dans le futur. Le principe de précaution, qui, sur ce point, met réellement en cause notre survie, commande de ne pas se contenter d’un respect formel de normes qui servent d’abord à protéger ceux qui les édictent.
Enfin, je suppose que l’installation d’un « poste d’enrobage » qui s’ajouterait à ceux qui existent déjà dans le département, situé à mi-chemin entre Ille et Prades, prépare la réalisation de la route à quatre voies projetée entre ces deux villes. Dans la mesure où cet investissement va obligatoirement augmenter nos émissions de carbone, et dans le contexte actuel du dérèglement climatique, où nous allons de façon de plus en plus certaine vers un réchauffement de 4 degrés et non plus de 2 degrés, j’ose écrire aujourd’hui que ce projet est criminel vis-à-vis des générations montantes, déjà nées ou à naître.
Ce n’est plus le moment de construire de nouvelles infrastructures routières ni les équipements qui approvisionneront ces chantiers. Hervé Le Treut, climatologue reconnu et approuvé par ses pairs et non par quelque officine stipendiée par le lobby pétrolier, est venu le 14 novembre 2013 à l’Hôtel de l’Agglomération de Perpignan-Méditerranée pour conclure son exposé sur le climat par une seule prescription : « Diminuez vos émissions de carbone ! ».
Or le passage déjà engagé vers les pétroles non conventionnels, va, au contraire les augmenter de façon terrifiante si nous ne nous décidons pas, le plus tôt possible, à rouler moins vite, moins loin, et moins souvent. En effet, le taux de retour énergétique de ces produits est de plus en plus bas. C'est-à-dire que quand il faut extraire trois barils pour pouvoir en exporter un, les deux autres passant dans le processus d’extraction, le prix n’est pas multiplié par trois car nous ne payons jamais la ressource, mais seulement les coûts d’extraction, mais les émissions de carbone, elles, sont bien multipliées par trois, c'est-à-dire qu’au lieu d’en émettre une tonne, nous en émettons trois. Ceci fait ressortir la contradiction majeure qu’il y a entre la gestion économique et la gestion écologique pour le maintien d’une biosphère habitable. Il faudrait donc que, au fur et à mesure que ces produits entrent dans notre mix pétrolier, nous divisions globalement par trois nos kilomètres parcourus.
Espérant vous avoir sensibilisé au danger vital de ce projet qu’on nous présente comme anodin, et à la réalisation duquel je m’oppose absolument, je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire Enquêteur, l’expression de mes
Respectueuses Salutations Citoyennes.
Jean Monestier.
Si besoin était, je précise que je me réfère notamment aux ouvrages suivants :
(1) « SIX DEGRES - Que va-t-il se passer ? », par Mark Lynas, Editions Dunod 2008 -
collection Quai des sciences.
(2) « Vert paradoxe », Le piège des solutions écoénergétiques, de David Owen, Editions Écosociété - 2013.
(3) « Nourrir l’Europe en temps de crise », Vers des systèmes alimentaires résilients, de Pablo Servigne,
Editions Nature & progrès, Namur - 2014.
(4) « Pétrole : la fête est finie ! », Avenir des sociétés industrielles après le pic pétrolier, de Richard Heinberg,
Editions Demi-Lune - Collection Résistances - 2008.
(5) « La fin de la croissance », de Richard Heinberg, Editions Demi-Lune - Collection Résistances - 2012.
(6) « Comment tout peut s’effondrer », de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, éditions Seuil - 2015.
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Second courrier
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Jean Monestier Le Soler, le 28.06.2015
19, avenue Jean Jaurès
66270 LE SOLER
04 68 92 89 49
06 83 99 03 25
à Fédération du PCF
44, avenue de PRADES
66000 PERPIGNAN
Réf courrier : 15P28LTA
Objet : Poste d’enrobage de Vinça.
Chers amis,
J’ai trouvé dans ma boite aux lettres votre « quatre pages » m’exposant des extraits de votre programme politique et me conviant à la fête du TC des 26 et 27 juin.
Je suis tout à fait d’accord avec nombre de vos prises de position :
- Refus d’une austérité à la grecque, ce qui n’interdit pas une véritable sobriété vis-à-vis des ressources naturelles, ce qui implique simultanément un retour à une Société bien plus égalitaire, au lieu de glisser dans la guerre de tous contre tous telle que la prépare entre autres le démantèlement progressif du code du travail.
- Choix d’élus en prise avec la vie réelle, comme semble l’être la nouvelle conseillère départementale du canton de Thuir, ce qui n’exclut pas un recours systématique au référendum pour les projets impliquant un soutien fiscal bien supérieur aux prélèvements habituels,
- Un vigoureux recadrage des banques, avec encouragement à la création de banques coopératives d’envergure régionale et le réinvestissement d’un quota de l’épargne collectée dans les entreprises et les collectivités locales.
Par contre, je suis très dubitatif sur votre soutien au « poste d’enrobage » de Vinça. Vous arguez de la création de trois emplois pérennes. Mais toutes les activités non spéculatives créent un peu ou beaucoup d’emploi. Il faut donc poser au préalable la question de l’utilité sociale de ces emplois, de leur qualité humaine, de leur éthique.
Seriez-vous disposés, au nom de l’emploi, à soutenir la création d’une fabrique de mines antipersonnel, d’un Eros Center, tels que ceux vers lesquels on dirige les chômeuses allemandes physiquement bien dotées sous la menace de perdre leur allocation, ou d’un atelier utilisant de l’amiante, ce produit pour lequel on pronostique 100.000 victimes en France après un siècle d’utilisation forcée ?
Par ailleurs, on met toujours en avant les emplois créés, mais on évite de parler de ceux qui seront supprimés. Outre le cas d’école des supermarchés, qui tuent le commerce de proximité tout en exacerbant nos émissions de carbone, on peut citer la centrale électrique au bois de Gardanne, qui va créer 50 emplois sur place sans qu’on essaie d’évaluer ceux qui seront détruits dans un rayon de 300 km par la mise en coupe rase des forêts, avec toutes les conséquences que cela implique pour les scieries et les chaufferies locales, les activités touristiques, et les équilibres hydrographiques.
Vous soutenez qu’il n’y a aucun problème sanitaire, mais je crois me souvenir qu’un ouvrier qui a répandu du goudron sur les routes pendant toute sa carrière a réussi à faire reconnaître comme maladie professionnelle le cancer qui en est résulté.
Ne serait-ce pas à cause de cela qu’on essaierait d’éviter apparemment le mot « goudron » pour désigner le projet ?
Qui est joyeusement volontaire pour manipuler le même produit à Vinça ?
Quant à la pollution de l’eau, savez-vous qu’il coûte des dizaines de fois moins cher de préserver une eau potable que de la traiter pour la rendre potable, comme l’ont calculé des villes, comme Munich, qui ont primé le passage à l’agriculture biologique des paysans installés travaillant sur les champs captants de leurs réseaux de distribution ?
Si ce « poste d’enrobage » doit polluer l’eau, il serait hautement préférable de le savoir avant qu’après, et de ne pas se satisfaire de réponses juridiques purement formelles et d’une affirmation technique favorable mais guère argumentée. En effet, un seul litre de carburant pollue 10 mètres cubes (10.000 litres) d’eau pendant dix ans. Quant aux règlements qui encadrent ce type d’installation, dois-je vous rappeler que les normes sont d’abord le fruit d’un arbitrage politique basé sur les prix au jour de la décision, mais pas sur la valeur ni le prix des choses dans le futur ?
Enfin, je me demande si l’installation, en plus de celui de Perpignan, d’un « poste d’enrobage » situé à mi-chemin entre Ille et Prades, ne prépare pas la réalisation de la route à quatre voies projetée entre ces deux villes. Dans la mesure où cet investissement va mécaniquement augmenter nos émissions de carbone, et dans le contexte du réchauffement climatique, dont vous avez peut-être entendu parler, et pour lequel seules les moyennes planétaires sont pertinentes et non telle ou telle observation locale, j’ose écrire aujourd’hui que ce projet est criminel vis-à-vis des générations montantes, déjà nées ou à naître. Je vous ferai d’ailleurs remarquer que la relance du transport ferroviaire, et notamment du Train Jaune, à laquelle vous semblez favorable par ailleurs, est incompatible avec la création de routes nouvelles au service de la « dictature » automobile et du lobby pétrolier international.
La création d’une laverie départementale des verres consignés, vers Bouleternère par exemple, tout en générant une prodigieuse économie d’énergie, créerait au moins autant d’emplois, en permettant d’utiliser jusqu’à vingt fois les bouteilles et flacons des liquides alimentaires produits et consommés localement, tels que les eaux, sodas, bières, jus de fruit, vins, qui sont bus quasi quotidiennement, ce qui garantit un volume significatif de travail.
Plus puissante encore en termes d’emploi serait une incitation sérieuse à la pratique de l’agriculture biologique, dans les produits de laquelle nous sommes déficitaires, puisque Pablo Servigne, dans « Nourrir l’Europe en temps de crise » (éd. Nature & Progrès Belgique) avance (page 91) que « les formes d’agriculture hyper-intensives (en main d’œuvre) mais efficientes en énergie, comme la permaculture, sont susceptibles de générer 7 emplois à l’hectare ».
Qu’en pensez-vous ?
J’envoie copie de ce courrier à un certain nombre de mes relations, accompagné de votre texte « A Vinça, y a-t-il le feu au lac ? », et je ne manquerai pas de leur faire parvenir, évidemment sans la modifier, votre réponse éventuelle.
Cordiales Salutations Citoyennes.
Jean Monestier.
Membre de diverses associations concernées par
l’Ecologie et l’Economie,
Artiste-Auteur-Militant,
Défenseur d’une biosphère habitable.
P.J. : extrait de « Or noir », de Matthieu Auzanneau - éditions La Découverte.
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