Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

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mardi 30 juin 2020

Cette semaine à l'Atelier de l'Entonnoir


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MARDI

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MERCREDI

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JEUDI

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SAMEDI

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A VENIR....

Lundi 6 Juillet
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lundi 29 juin 2020

Les métabolites, ces poisons qui coulent au robinet



Vidéo à voir absolument !
https://youtu.be/FGZ0bloqt_Q


Les métabolites, 

ces poisons qui coulent au robinet




 Métabolites. 
Retenez bien ce mot. 
C'est de la dynamite ! 


Les métabolites sont issus de la dégradation des pesticides de synthèse au contact des sols, de l’eau, du soleil, etc.

Les bons spécialistes de la question affirment que certains sont plus toxiques encore que les pesticides dont ils sont issus.

Nul ne connaît la liste de tous les métabolites de tous les pesticides, car personne ne la cherche.

Pourtant la loi considère que les métabolites doivent pourtant être comptabilisés comme des pesticides.

Nous posons la seule question qui compte : pourquoi ne recherche t-on pas les métabolites ?

Pourquoi ?

Le meilleur moyen de ne pas avoir la fièvre, c’est de ne pas prendre sa température...



Source : https://www.youtube.com/watch?v=FGZ0bloqt_Q&fbclid=IwAR2AP1UP-nPuuxcwL42E99yndkr_YTeZfV-GxWOWIzzeyTt-qpGHMB7GUsk

dimanche 28 juin 2020

Alerte Medecins Pesticides crée un blog autour des perturbateurs endocriniens


Alerte Medecins Pesticides 

crée un blog 

autour des perturbateurs 

endocriniens




L'association Alerte des Médecins sur les Pesticides, crée par un médecin de Limoges vient d'ouvrir un blog pour dénoncer l'immobilisme des pouvoirs publics face aux dangers des perturbateurs endocriniens.

Mais au fait de quoi s'agit-il ?

Entretien avec le docteur Pierre-Michel Périnaud.


Publié le 02/06/2020




Parabènes, phtalates, bysphénol A, cadmium, triclosan, plomb, alkylphénols, hydroxyanisol (BHA), butylhydroxytoluène (BHT), ignifuges bromés (PBDE), mercure, téflon et autres composés perflurorés (PFC), etc. Tous sont des perturbateurs endocriniens, et tous nous entourent au quotidien.

On les retrouve dans l'alimentation, les emballages, les cosmétiques, tissus, produits d'entretien, médicaments, produits électroniques, pesticides, dans les plastiques, etc.

Deux phrases qui se terminent par "etc." c'est mauvais signe. C'est dire si ces listes sont longues et si le sujet est vaste et délicat puisqu'il touche à l'ensemble de l'industrie, de l'économie et à notre quotidien.

Tout d'abord qu'est ce que le système endocrinien ? 


Pour faire simple il s'agit de l'ensemble des glandes dites "endocrines" qui sécrètent des hormones, ces messagers chimiques qui déclenchent des effets biologiques sur les cellules et les organes.

Le système endocrinien comprend notamment les ovaires, les testicules, les glandes thyroïde, parathyroïdes et surrénales, l’hypophyse, l’épiphyse cérébrale et le pancréas.


 © perturbateurs endocriniens.com

 

Qu'est ce que des perturbateurs endocriniens ?


Pour la définition du terme "perturbateurs endocriniens" allons faire un tour du côté de l’Organisation Mondiale de la Santé qui les désigne comme suit :
« Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)- populations ». OMS, 2002

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail  (ANSES) précise :

  • Les perturbateurs endocriniens sont des substances qui dérèglent le fonctionnement hormonal des organismes vivants et peuvent entraîner ainsi des effets néfastes sur la santé et l’environnement.
  • Les perturbateurs endocriniens peuvent interférer avec toutes les grandes fonctions des organismes vivants : croissance, reproduction, comportement, nutrition, métabolisme, système nerveux
  • En perturbant le système endocrinien, ces substances peuvent altérer différents processus tels que la communication entre cellules ou tissus et la régulation d’étapes clés du développement d’un organisme.
  • Certaines de ces substances peuvent ainsi entraîner des effets délétères, notamment sur la reproduction, et nuire à la fertilité ou perturber le développement du fœtus. Des études récentes montrent que les perturbateurs endocriniens peuvent également avoir d’autres effets au niveau de l’organisme comme des effets métaboliques, neuro-développementaux ou immunitaires.



 © perturbateurs endocriniens.com



Le problème ainsi posé, il semble évident, d’un point de vue médical, afin de préserver la santé de chacun et d’éviter de lourds problèmes de santé à tous, qu’il faille éliminer ces substances, en tout cas les limiter au maximum, de notre quotidien.

Or, il suffit de jeter un œil à la composition des produits de consommation courante qui nous entourent pour s’apercevoir qu’ils sont omniprésents, de notre assiette à notre salle de bain en passant, par nos vêtements, notre mobilier, etc…

L’association Alerte des Médecins contre les Pesticides créée par le docteur Pierre-Michel Périnaud, installé à Limoges, et regroupant des praticiens de toute la France, vient à cet effet de publier un blog, en collaboration avec l'association européenne (basée à Bruxelles) HEAL, pour tenter de faire avancer les choses.


Entretien avec le docteur Pierre-Michel Périnaud (président d'Alerte des Medecins contre les Pesticides) 


  • Pourquoi avoir créé ce blog ?

Docteur Pierre-Michel Périnaud : Tout simplement parce que malgré le fait que les dangers qu'ils représentent soient établis, la réglementation en la matière s'est enfermée dans une sorte d'impuissance face aux lobbies industriels. Or il faut absolument que les politiques se mobilisent pour réglementer l'usage des perturbateurs endocriniens et faire appliquer la réglementation. Si ce n'est pas le cas, dans 20 ans rien n'aura changé.

  • Que dit la réglementation européenne ?

Docteur Pierre-Michel Périnaud : Pour le moment l'Union Européenne a admis le danger que représentent les perturbateurs endocriniens, elle a d'ailleurs choisi une approche de ces substances "par le danger" c'est-à-dire en admettant qu'ils peuvent poser problème à très faible dose.

Mais pour le moment elle n'a définit les perturbateurs endocriniens que pour les pesticides et les biocides, pas pour ceux qui concernent l'alimentation les jouets et autres...

Et elle n'a adopté une réglementation que pour ceux-là. Et uniquement sur un nombre limité de substances, elle a exclu de la réglementation celles pour lesquelles les données scientifiques ne sont pas encore suffisantes, parce que pas assez étudiées et qui sont seulement "suspectées" d'être des perturbateurs endocriniens, elles ne sont pas concernées par une exclusion du marché.

D'autre part la mise en place de la réglementation s'est faite d'une manière incroyablement lente. Elle a été adoptée en 2009, mais à cause de la pression des lobbies de l'industrie, n'a été appliquée qu'à partir de 2018.


  • Et pour les substances que l'on retrouve dans l'alimentation, les jouets des enfants, les cosmétiques ?

Docteur Pierre-Michel Périnaud : Pour l'instant l'Union Européenne n'a pas statué. Mais si le modèle choisi pour réglementer les perturbateurs endocriniens utilisés dans les pesticides passe et reste en l'état, nous craignons qu'il soit fait de même pour les autres. Et ce n'est pas imaginable.

  • Et la France dans tout ça ?

Docteur Pierre-Michel Périnaud : Nous avons choisi d'étudier l'exemple de 25 perturbateurs thyroïdiens. Il faut savoir que les substances chimiques ont une autorisation de mise sur le marché limitée et doivent être réévaluées tous les 10 ou 15 ans.  Une quinzaine des substances témoins arrivaient au terme de leur autorisation de mise sur le marché. Celle ci devait être réexaminée entre 2019 et 2020. Et bien nous avons eu la surprise de constater que leur autorisation avait été reconduite sans examen, par simple dérogation. Ce qui signifie que les industriels et les politiques se permettent d'autoriser l'utilisation d'une substance sans que sa dangerosité ne soit réévaluée...

Le rôle que la France a à jouer, et le même que celui des autres états membres. A savoir défendre une meilleure protection des personnes par le vote ! Et nous souhaitons que les votes des états soient rendus publics, afin qu'il s'agisse d'un réel engagement politique.

L'Europe vient d'annoncer pour la toute première fois des stratégies chiffrées en matière d'environnement et de santé publique : réduire de 50% l'usage des pesticides et augmenter de 25% la part du bio d'ici 2030. Il y a donc une véritable volonté politique qui ne doit pas rester un effet d'annonce. Et pour cela les députés européens doivent clairement s'engager.


Le blog d'Alerte des Médecins contre les Pesticides et de HEAL va au-delà du rappel des dangers des perturbateurs endocriniens, il est un appel au courage des députés européens, des élus, des états, pour protéger les citoyens.





 Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/alerte-medecins-pesticides-cree-blog-autour-perturbateurs-endocriniens-1836088.html?fbclid=IwAR2fv0XcdvEcBAE4LJyHrnB4G7hIbsrrACMOIonyP17HvVROKFf4npvlx20


samedi 27 juin 2020

Adieu à la privatisation ? Paris, Grenoble, et le combat inachevé de la remunicipalisation de l’eau


Adieu à la privatisation ? 

Paris, Grenoble, 

et le combat inachevé 

de la remunicipalisation de l’eau


par Olivier Petitjean




Comment la France, bastion historique de la privatisation de l’eau, est-elle devenue en quelques années un vivier de remunicipalisation de ce service public vital ? Des villes comme Paris et Grenoble ont mis fin à la domination des géants privés du secteur et surtout, ce faisant, contribué à l’émergence d’une nouvelle génération de services publics de l’eau, plus démocratiques. Mais le combat est très loin d’être terminé. Article extrait de notre publication Villes contre multinationales.

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En 2019, Paris a célébré le dixième anniversaire de la remunicipalisation de son eau, lorsque la gestion et l’exploitation du service ont été reprises des mains du secteur privé et une nouvelle société municipale, Eau de Paris, a été créée pour prendre le relais. À bien des égards, la fin de la privatisation de l’eau à Paris aura été un tournant. D’abord, bien sûr, à cause de la taille de la ville et de son importance symbolique. Ensuite parce que c’était la ville où les deux leaders mondiaux du secteur privé de l’eau, Veolia et Suez, qui se partageaient jusqu’alors le marché parisien, avaient leur siège. Enfin, et peut-être surtout, en raison de la manière dont cette remunicipalisation a été conçue et mise en œuvre : non seulement de manière négative, pour se débarrasser d’opérateurs privés qui ne donnaient pas satisfaction, mais comme une affirmation positive. L’affirmation du service public, de ses valeurs, et de sa capacité à être tout aussi efficace et innovant que les entreprises privées, ainsi qu’à relever les défis sociaux et environnementaux auxquels les opérateurs d’eau sont de plus en plus confrontés.

Dix ans après la fin de la privatisation, il est devenu difficile de trouver quelqu’un pour contester l’existence et le succès du nouvel opérateur public Eau de Paris. En 2017, celui-ci a d’ailleurs reçu le prestigieux Prix du service public des Nations unies. Lors de la remunicipalisation, le prix de l’eau a baissé de 8 % grâce aux économies réalisées sur les transferts financiers vers les entreprises privées et leurs actionnaires. En 2019, il était toujours inférieur à ce qu’il était avant la remunicipalisation, et le plus bas de toute la région parisienne. Eau de Paris a également introduit des mécanismes innovants de transparence et de gouvernance démocratique, comme l’Observatoire parisien de l’eau, une commission de citoyens et de représentants de la société civile dotée d’un rôle consultatif important dans le fonctionnement de l’opérateur. L’opérateur a poursuivi une politique active de facilitation de l’accès à l’eau pour les ménages les plus pauvres et les sans-abri (y compris, ces dernières années, les migrants). Le nombre de fontaines publiques a augmenté dans toute la ville. Il a lancé des programmes pour encourager les économies d’eau. Enfin, comme d’autres villes de France et d’ailleurs, Paris a également noué des partenariats avec le monde agricole afin de protéger ses captages d’eau. Un soutien financier et technique est proposé aux agriculteurs pour passer en bio, ce qui réduit le niveau de pesticides et de nitrates dans les eaux souterraines et de surface, et donc les coûts de traitement nécessaires pour rendre l’eau potable.

Autant de réalisations qui distinguent plutôt flatteusement Eau de Paris de son grand rival le Sedif (Syndicat des eaux d’Ile-de-France), le syndicat intercommunal de l’eau d’une grande partie de la banlieue parisienne, qui est également le plus important contrat de Veolia dans le monde. En plus de facturer un prix de l’eau plus élevé qu’Eau de Paris, le Sedif est régulièrement critiqué, y compris par la chambre régionale des comptes, pour son manque de transparence. Une autre différence clé entre Eau de Paris et les entreprises privées est l’accent mis sur la technologie. Les multinationales comme Suez ou Veolia ont tendance à privilégier les solutions technologiques pour rendre l’eau potable ou pour traiter les eaux usées, parce qu’elles sont plus lucratives et parce qu’elles verrouillent leur contrôle sur les services de l’eau et de l’assainissement (car il s’agit évidemment de technologies propriétaires). Eau de Paris, de son côté, a délibérément choisi de privilégier la prévention sur la dépollution a posteriori.

Mais Paris n’a pas été la seule pionnière de la remunicipalisation de l’eau en France. Elle a été précédée par une autre ville, Grenoble. Tout comme Paris et avant Paris, Grenoble a choisi non seulement de mettre fin à un contrat de privatisation de l’eau entaché de corruption, mais de construire activement un service public de l’eau adapté aux besoins et aux défis futurs de la ville et de ses citoyens. Une eau de meilleure qualité a été fournie aux usagers à un prix moins élevé, et des mécanismes de gouvernance démocratique ont été introduits. Le succès du nouvel opérateur public de l’eau a ensuite inspiré un programme politique plus large de remunicipalisation et de « verdissement » des services publics.

Grenoble et Paris ont quelque chose d’autre en commun. Les promoteurs de la remunicipalisation ne s’y sont pas contentés de donner le coup de grâce à la privatisation et de construire un service public performant et démocratique sur leur propre territoire ; ils se sont également engagés activement pour soutenir la remunicipalisation de l’eau ailleurs en France et dans le monde. Des acteurs grenoblois ont aidé Paris à mener à bien sa propre remunicipalisation. À leur tour, les experts et les dirigeants d’Eau de Paris ont aidé d’autres élus, des groupes de citoyens et des syndicats à s’opposer à des projets de privatisation dans leurs villes ou à entreprendre leur propre remunicipalisation. C’est ainsi, par exemple, que les mécanismes de gouvernance participative mis en place à Grenoble lors de la remunicipalisation ont inspirés ceux d’Eau de Paris, lesquels ont ensuite été imités par d’autres villes.

Les lobbyistes du secteur privé cherchent souvent à présenter cette « campagne » pour la remunicipalisation comme purement idéologique. Certes, les acteurs de la remunicipalisation à Grenoble et à Paris étaient convaincus des vertus et du potentiel du service public, et doutaient que la recherche de profits soit compatible avec une gestion responsable de l’eau. Mais s’ils ont choisi de dédier du temps et de l’énergie à promouvoir activement la remunicipalisation ailleurs, c’est aussi et surtout en raison des nombreux obstacles auxquels ils ont été confrontés (et restent confrontés) lorsqu’ils ont tenté de s’opposer aux intérêts de puissantes multinationales comme Veolia et Suez. Ils étaient bien placés pour savoir que les villes doivent unir leurs forces si elles veulent réussir à construire une véritable alternative de service public sur le long terme.




Comment la vague mondiale de privatisation de l’eau s’est retournée


Les années 1990 ont été à bien des égards l’apogée de la privatisation de l’eau. Pendant un certain temps, l’idée a semblé régner que la gestion privée de l’eau était la seule voie à suivre. Les nouveaux contrats s’accumulaient partout dans le monde pour Veolia et Suez (et d’autres multinationales comme Bechtel, Thames Water ou RWE qui considéraient alors l’eau comme un secteur prometteur). Aux États-Unis, en Europe et dans les pays du Sud, de l’Argentine à l’Indonésie et aux Philippines, les villes semblaient confier en masse leurs services de l’eau à des opérateurs privés, apparemment séduites par leurs promesses d’efficacité, d’innovation et d’argent liquide – et dans de nombreux cas sous pression des institutions financières internationales. Jusque-là, la gestion privée de l’eau était restée l’exception. Seules la France et dans une moindre mesure l’Espagne avaient accordé une place importante aux entreprises privées dans la gestion des services d’eau et d’assainissement. Puis est arrivée la vague néolibérale des années 1980, qui a vu le Chili sous le général Pinochet et le Royaume-Uni sous Margaret Thatcher privatiser entièrement leur secteur de l’eau. Pendant un temps, certains ont pu croire que le monde entier allait suivre la même voie.

Mais ce n’est pas ce qui a eu lieu. Il n’aura fallu que quelques années pour que la vague de privatisation s’arrête net. De nombreux contrats phares signés dans les années 1990 ont été annulés à Buenos Aires, La Paz, Atlanta, Berlin ou Dar es Salaam. Plusieurs facteurs expliquent cet échec. Le premier a été la crise financière en Asie et en Amérique du Sud, jusqu’à l’effondrement du système monétaire en Argentine en 2001-2002, qui a mis à nu l’insoutenabilité économique de nombreux contrats d’eau. Un second a été la résistance populaire à la privatisation, qui impliquait presque toujours des hausses du prix de l’eau. La « guerre de l’eau » de Cochabamba, en Bolivie, où des semaines de protestations ont conduit au départ forcé de la société états-unienne Bechtel et au retour à la gestion publique en 2001, reste le symbole de ce refus généralisé d’un service de l’eau dominé par les intérêts des grandes entreprises et de leurs actionnaires. À Cochabamba, à l’époque, tout comme dans les villes françaises comme Paris et Grenoble, ce refus s’est transformé en une force positive : le mouvement de « remunicipalisation », non plus seulement focalisé sur l’opposition aux multinationales et à la privatisation, mais aussi sur la réforme et la démocratisation des services de l’eau. Il ne s’agissait pas seulement d’en revenir à la situation antérieure à la privatisation, mais aussi et surtout d’aller de l’avant.

Depuis lors, le secteur mondial de l’eau est dominé par une sorte de guerre de position.
D’une part, les multinationales (désormais à peu près uniquement Veolia et Suez) continuent à chercher de nouvelles conquêtes, toujours avec le soutien actif des bailleurs et des institutions internationales, mais avec un succès variable. Elles se heurtent quasi systématiquement à une coalition de syndicats, de mouvements sociaux, de groupes de la société civile et d’élus. La lutte contre les projets de privatisation de l’eau en Grèce, imposés par la tristement célèbre « troïka » [1] chargée de maintenir le pays sous le joug de l’austérité dans les années 2010, en est un bon exemple.

En France, le tournant de la vague a été plus radical encore. Outre Grenoble et Paris, des dizaines de villes françaises, petites ou grandes comme Rennes, Nice ou Montpellier, ont remunicipalisé leurs services d’eau au cours de la décennie 2005- 2015. À ce jour, aucune n’a choisi de le re-privatiser, et il n’y a plus généralement pas un seul exemple de ville qui ait choisi de passer de la gestion publique à la gestion privée [2]. Certes, plusieurs grandes villes françaises comme Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux ont choisi, lorsque leurs contrats d’eau ont expiré, de renouveler la délégation du service à Suez et Veolia, malgré des campagnes citoyennes parfois actives pour la remunicipalisation. Ce choix a été justifié par les baisses importantes du prix de l’eau consenties par les entreprises privées pour préserver leur contrat (voir ci-dessous). Du fait de ces renouvellements, ainsi que des contrats en région parisienne comme le Sedif, les entreprises privées de l’eau couvrent encore une majorité de la population française (mais pas une majorité des communes françaises).

Le cas français


Qu’est-ce qui a fait de la France un tel vivier de remunicipalisation ? La réponse est simple : c’est le pays qui a l’expérience la plus longue et la plus profonde du recours au secteur privé dans ce domaine. Les élus et les citoyens français connaissaient de manière plus intime les problèmes de la privatisation de l’eau, et il y avait tout simplement plus de contrats à remunicipaliser. Les études menées par des organisations de consommateurs ont démontré, à maintes reprises, que le prix de l’eau était plus élevé dans les villes privatisées que dans les villes en gestion publique.

Un déclencheur important de la vague française de remunicipalisations remonte en fait aux années 1990. Dans un contexte de scandales retentissants sur le financement illégal de partis politiques par des entreprises privées, une loi décisive, dite « loi Sapin », a été adoptée en 1993, améliorant significativement la transparence des marchés publics et des contrats de privatisation, et – autre point critique – limitant la durée de ces contrats. En un mot, la loi a obligé les maires et les autres responsables politiques locaux, qui jusque-là décidaient plus ou moins tout seuls, à conduire une procédure d’évaluation transparente avant d’attribuer ou de renouveler leurs contrats de service public. Tout à coup, la gestion privée de l’eau n’était plus un fait accompli.

À dire vrai, le mouvement contre la privatisation et pour la remunicipalisation de l’eau en France n’a jamais été un mouvement populaire de grande ampleur. Il y a toujours eu dans l’opinion publique, et plus encore dans la société civile (qu’il s’agisse d’associations anti-corruption, de consommateurs, d’habitants ou environnementales) un soutien de principe pour la gestion publique de l’eau. Mais c’était rarement l’enjeu prioritaire. De même pour beaucoup d’élus locaux, mais au moins était-ce un symbole politique fort, un « marqueur à gauche ». « De manière générale, l’opinion est favorable à l’eau publique, confirme Anne Le Strat, qui a mené à bien la remunicipalisation en tant qu’adjointe au maire et présidente d’Eau de Paris. Mais ce soutien se concrétise surtout quand on peut montrer des exemples concrets de réussite, comme à Paris. »

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Dans chaque cas, il aura donc fallu que des acteurs prennent les choses en main et sachent tirer profit du soutien (même peu actif) de la société civile et de l’opinion publique, ainsi que de l’importance symbolique de l’eau et du service public, pour atteindre leurs objectifs. « L’essentiel est de savoir construire des alliances », explique Jean-Claude Oliva, de la Coordination Eau Ile-de-France, un groupe de la société civile qui promeut la remunicipalisation. Dans une ville comme Avignon, il y a eu un mouvement citoyen important pour la remunicipalisation, et le maire était plutôt favorable, mais ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour surmonter les oppositions. À Grenoble, la société civile locale a joué un rôle clé dans la lutte contre la corruption dans le secteur de l’eau et la promotion de la remunicipalisation. À Paris, l’arrivée d’une majorité de gauche au conseil municipal en 2001 et de la militante écologiste Anne Le Strat en charge du portefeuille de l’eau a été décisive. À Nice, c’est la résistance des maires des villages montagnards appelés à être absorbés dans l’agglomération niçoise, qui souhaitaient garder leurs réseaux d’eau publics, qui a conduit à la remunicipalisation. Ceci malgré le fait que le service des eaux de la ville était géré par Veolia depuis le XIXe siècle, et que le maire de Nice est un homme politique réputé très conservateur.

De manière significative, le mouvement de remunicipalisation en France a aussi été en partie impulsé par des personnalités au profil de techniciens, qui n’avaient pas nécessairement des opinions très marquées sur les mérites de la gestion publique et privée en elles-mêmes, mais qui n’étaient pas satisfaites des abus et de la position de pouvoir absolu de Veolia, Suez et d’une troisième société un peu plus petite, la SAUR. Ils voyaient surtout dans la remunicipalisation un moyen de réintroduire une saine concurrence dans le secteur, mais n’ont pas hésité à nouer alliance avec des élus et des militants plus engagés.

Les salariés du secteur de l’eau et leurs syndicats posaient un tout autre problème. Au début, certains d’entre eux se sont même opposés à la remunicipalisation. Ceci s’explique par le fait que les salaires et les conditions étaient historiquement meilleurs dans les entreprises privées. On peut comprendre que les travailleurs ne soient pas nécessairement enthousiastes face aux incertitudes liées à un changement d’employeur. Les partisans de la remunicipalisation ont parfois été peu diplomatiques dans leurs discours publics sur les entreprises privées, omettant de faire la différence entre les salariés, qui faisaient leur travail, et les dirigeants et actionnaires qui se focalisaient sur les profits. Au fil du temps, la perte ou le rétrécissement de leurs contrats les plus lucratifs ont forcé les entreprises de l’eau comme Veolia à supprimer des emplois, ce qui les a rendues un peu moins attrayantes par rapport aux opérateurs municipaux où, au moins, les travailleurs peuvent être fiers de leur travail et des valeurs du service public.


L’Empire contre-attaque


La remunicipalisation a toujours été impulsée depuis le niveau local. En France comme au niveau mondial, la vague de retour en gestion publique a souvent opposé des « villes » (élus et fonctionnaires locaux, mais aussi mouvements sociaux et groupes de citoyens) aux gouvernements nationaux et aux institutions internationales, y compris l’Union européenne. Ces derniers ne promeuvent pas nécessairement la privatisation de manière ouverte et agressive ; mais, au-delà de leur posture de neutralité apparente, ils tendent à pousser ou adopter des politiques qui favorisent de fait le secteur privé.

Un premier domaine politique souvent favorable aux entreprises est celui du droit de la concurrence. Régissant l’attribution des contrats et des marchés publics, il tend à traiter les entreprises privées d’envergure nationale ou européenne comme les acteurs « normaux » du marché, et tous les autres – petites entreprises, firmes locales, et entités à capitaux publics (et les opérateurs remunicipalisés sont les trois à la fois...) – comme des exceptions devant être justifiées. Les règles et les lois relatives à la gestion de la ressource en eau en général, dans la mesure où elles influent les conditions dans lesquelles les services d’eau sont fournis, peuvent également se trouver instrumentalisées en faveur du secteur privé.

Enfin, les politiques de coopération internationale et d’aide au développement sont elles aussi mises à profit pour favoriser l’expansion des entreprises d’eau françaises et européennes dans le reste du monde. Les programmes destinés à financer l’accès à l’eau dans les pays pauvres sont de plus en plus conçus sous la forme de « partenariats public-privé », ce qui revient à faire financer par les contribuables européens de nouveaux contrats pour des firmes comme Suez ou Veolia, tout en affichant hypocritement des objectifs humanitaires.

Il va sans dire que les multinationales de l’eau consacrent des efforts considérables de lobbying aux niveaux national et européen pour s’assurer que le cadre juridique et réglementaire continue de favoriser leurs intérêts. Mais même abstraction faite de ce lobbying, deux raisons fondamentales font que les décideurs nationaux et européens tendent de toute façon à privilégier leurs intérêts. La première est qu’ils suivent presque tous aveuglément le mantra de l’austérité budgétaire, qui incite à faire sortir l’eau des budgets publics. La seconde est qu’ils sont généralement soucieux de soutenir leurs « champions nationaux » (ou européens) aussi bien sur le marché domestique qu’à l’étranger.

Comment les entreprises privées de l’eau ont-elles réagi face à la menace de la remunicipalisation ? La perte de Paris a sans aucun doute été un choc d’importance mondiale pour Veolia et Suez, désormais obligées de répondre à des questions embarrassantes sur les raisons pour lesquelles leur ville d’origine leur avait tourné le dos. Elles ont généralement répondu en proposant des baisses spectaculaires du prix de l’eau, de l’ordre de 20 ou 25 % dans des villes comme Lyon, Marseille ou Toulouse. En pratique, cela signifie qu’elles ont opté pour un service de l’eau « low cost », dont beaucoup craignent qu’il se révélera rapidement insoutenable à la fois pour ces entreprises elles-mêmes et pour les services et infrastructures dont elles ont la charge. Jean-Claude Oliva estime d’ailleurs que leur communication autour du prix de l’eau est souvent trompeuse. « Il faut regarder l’ensemble de la structure tarifaire, pas seulement le prix de l’eau pour 120 m3 d’eau, qui est la référence habituelle pour la consommation annuelle d’une famille, mais qui est sans doute trop élevé. Quand on consomme moins d’eau, les baisses de prix sont souvent beaucoup plus faibles qu’annoncées. »

Suez et Veolia tendent également à se recentrer sur des contrats de moindre envergure, tels que la construction ou l’exploitation d’usines de traitement, moins lucratives mais aussi moins risquées que la gestion de tout un service. On peut y voir une forme de privatisation insidieuse. Les deux multinationales ont recalibré leur stratégie en mettant en avant leur capacité à offrir aux élus locaux une gamme de services jouant sur les synergies potentielles entre l’eau, l’assainissement, les déchets, le chauffage ou la gestion des équipements publics, souvent avec un aspect « big data » ou « ville intelligente ». Elles ont désormais tendance à se présenter comme des fournisseurs intégrés de « solutions durables » pour les villes. Mais elles continuent à miser très fortement sur des solutions technologiques prêtes à l’emploi et sur la remédiation plutôt que sur des politiques de prévention telles que les approches « zéro déchet ». En ce sens, leurs nouveaux discours promotionnels consistent essentiellement à mettre de nouveaux vêtements sur leurs activités historiques.

« On peut aller encore plus loin et faire encore mieux »

 

Après des années de conquêtes pour la remunicipalisation, le secteur français de l’eau a-t-il atteint un nouvel équilibre entre gestion publique et gestion privée ? C’est ce que le secteur privé et ses alliés voudraient faire croire, en laissant entendre que l’opposition entre public et privé n’est plus pertinente. Les cas de remunicipalisation semblent bien avoir été moins nombreux ces dernières années, bien qu’en 2018, le contrat du Sedif ait été sérieusement entamé par le départ annoncé d’une vingtaine de communes pour construire des opérateurs publics.

De toute évidence, la privatisation de l’eau sous sa forme la plus « pure » et la plus cynique n’est plus à l’ordre du jour. Mais quand bien même elles ont changé de discours et recalibré leurs stratégies, les entreprises privées de l’eau poursuivent toujours, en substance, les mêmes objectifs que naguère. La remunicipalisation reste une bataille difficile, comme elle l’a toujours été. « Ce que nous avons gagné, nous ne l’avons pas reperdu, souligne Anne Le Strat. On pourrait dire que nous avons gagné la bataille des idées, mais seulement en partie la bataille politique. Les entreprises privées de l’eau restent puissantes, mais elles ne contrôlent plus entièrement le jeu. »

Dans un contexte de crise climatique et face aux enjeux sociaux et écologiques de plus en plus pressants auxquels sont confrontées les villes, les efforts pour construire ou reconstruire des services de l’eau soutenables et démocratiques et pour défendre les valeurs du service public sont plus importants que jamais. « On peut aller encore plus loin et faire encore mieux, conclut Anne Le Strat. La cause de l’eau publique a encore beaucoup de potentiel politique, en particulier dans un contexte où l’accès aux ressources naturelles et la satisfaction des besoins fondamentaux deviennent plus problématiques. Ce n’est pas le secteur privé qui apportera des solutions. »

Olivier Petitjean


- Cet article est extrait de Villes contre multinationales, publié par l’Observatoire des multinationales et ses partenaires du réseau européen ENCO, un recueil d’articles inédits écrits par des militants, des journalistes, des élus et des chercheurs de divers pays européens, offrant un panorama d’une confrontation qui se joue dans de nombreux secteurs, de la privatisation de l’eau à Uber et Airbnb.

- « Villes contre multinationales » est publié dans le cadre de la collection Passerelle de ritimo. Plus d’informations ici, notamment pour obtenir une version imprimée.

- D’autres articles extraits de cette publication sont progressivement mis en ligne ici.

IIllustration originale : Eduardo Luzzatti. Photos : Jeanne Menjoulet CC BY-ND via flickr ; Ithmus CC BY via flickr.

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[1Formée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.

[2Certains services publics de l’eau ont cependant été absorbés par des entités intercommunales plus vastes ayant confié le service au secteur privé.



Source : https://multinationales.org/Adieu-a-la-privatisation-Paris-Grenoble-et-le-combat-inacheve-de-la

vendredi 26 juin 2020

La coupe rase, une aberration écologique qui menace nos forêts


La coupe rase, 

une aberration écologique 

qui menace nos forêts



 15 juin 2020 / Gaspard d’Allens (Reporterre)










Résultats d’une gestion industrielle des forêts, les coupes rases se développent en France. Forêts uniformisées, biodiversité en berne, érosion des sols et hausse des températures... Reporterre fait le point sur les conséquences de cette pratique.

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Des forêts moissonnées comme des champs de blé. Des machines qui arrachent, coupent et débitent un arbre en moins d’une minute. Des hectares entiers dévastés, la surface scalpée de toute végétation, creusée par des ornières béantes à même l’humus. Ces scènes ne se déroulent pas à l’autre bout du monde mais au cœur des massifs français, dans le Morvan, dans le Limousin, dans les Landes. En cause ? La sylviculture industrielle et la pratique, si singulière, des coupes rases qui s’est développée ces derniers temps.

« Les forêts françaises sont aujourd’hui à la croisée des chemins, comme le modèle agricole dans les années 1950 », alerte l’association Canopée. La menace d’une industrialisation plane et devient sur certains territoires de plus en plus palpable. Des forêts de feuillus diversifiées sont transformées en monocultures résineuses. L’âge d’exploitation des arbres est sans cesse abaissé. En France, 79 % des arbres ont moins de cent ans. Plus de la moitié des forêts du Morvan ont été remplacées par des plantations de douglas ou d’épicéas.

Au centre de ce système productiviste, la coupe rase cristallise toutes les tensions. Début juin, des associations écologistes, dont Canopée et SOS forêts, ont lancé une série d’actions et de manifestations pour dénoncer cette pratique. Des parlementaires, à l’initiative de la députée France insoumise Mathilde Panot vont aussi déposer dans les prochains jours une proposition de loi pour interdire les coupes rases supérieures à 0,5 hectare. Le bras de fer est engagé. Reporterre revient sur les éléments clés de la bataille.

Une coupe rase, qu’est-ce que c’est ?


Pour les habitants du Morvan ou du Limousin, la définition saute aux yeux. Le bruit des machines et le fracas des arbres qu’on tronçonne se déroulent devant chez eux. D’après l’Inventaire forestier national (IFN), une coupe rase « désigne en gestion forestière l’abattage de l’ensemble des arbres d’une parcelle ». Elle est utilisée soit pour remplacer une essence par une autre, souvent des feuillus par des résineux, soit pour couper l’ensemble d’une parcelle cultivée en futaie régulière : un modèle de gestion sylvicole où les arbres ont le même âge, la même hauteur et peuvent donc être abattus en même temps.



 Coupe rase en Gironde, à Lugos.

 
Les coupes rases ont pris de l’ampleur après la Seconde Guerre mondiale, d’abord aux États-Unis où les militaires ont reconverti leurs matériels — tanks et autres engins à chenilles — en outils agricoles et forestiers. Elles se sont ensuite propagées en Europe à mesure que la mécanisation des travaux forestiers s’intensifiait. Avec l’arrivée des abatteuses en France — ces monstres d’acier mi-tractopelle mi moissonneuse-batteuse — les coupes rases sont devenues la norme en futaie régulière. Les abatteuses remplacent entre huit et dix bûcherons, pèsent au moins vingt tonnes et empilent plus de 250m3 de bois par jour.

Pour voir cette vidéo cliquer sur ce lien :  


Pour l’association Canopée, « la coupe rase est indissociable d’un modèle industriel de la forêt ». Elle termine le cycle de la plantation artificielle et est d’autant plus rentable et efficace que la forêt est uniformisée. Ce système est portée par les grosses coopératives forestières qui proposent aux propriétaires une gestion clé en main. Elles détiennent sur l’ensemble de la filière un quasi monopole puisqu’elles produisent à la fois les plants, conduisent et conseillent les travaux et commercialisent le bois. La coopérative Alliance forêts bois, par exemple, vend un tiers des plants forestiers en France grâce à sa filiale Forelite. Elle a donc tout intérêt à préconiser des coupes rases... pour mieux vendre ensuite des travaux de plantation.

Peu de données existent pour évaluer en France l’étendue des coupes rases. La dernière étude remonte à 1999. Elle estimait à l’époque le nombre de coupes à 48.900 chaque année, couvrant une surface totale d’environ 104.300 hectares. Soit 0,8 % de la surface forestière nationale. Les chiffres actualisés manquent. Les plantations représenteraient aujourd’hui environ 16 % de la forêt française. Une proportion qui peut sembler assez faible à l’échelle nationale mais qui cache des disparités locales. Sur le plateau de Millevaches ou les Landes, par exemple, la majorité des forêts sont plantées et soumises aux coupes rases.

Des forêts de feuillus diversifiées sont transformées en monocultures résineuses.
La demande accrue en bois énergie, depuis le Grenelle de l’environnement en 2007, contribue aussi à la multiplication de cette pratique. Les forêts sont de plus en plus considérées comme la solution miracle pour remplacer notre dépendance aux énergies fossiles et des arbres entiers sont transformés en granulés alors qu’ils pourraient être utilisés pour d’autres usages. Dans le projet de Stratégie nationale bas carbone, le gouvernement prévoit d’augmenter les coupes de 70 % d’ici 2050 — passant de 48 mégamètres cubes de bois récolté en 2015 à 65 en 2030 et 83 en 2050.

Quelles conséquences sur l’environnement et la biodiversité ?


Les coupes rases n’ont pas seulement un impact paysager ou esthétique, loin de là. En rasant du jour au lendemain l’ensemble d’une parcelle forestière, elles stoppent net le cycle de la vie et dégradent durablement les écosystèmes. Les espèces d’oiseaux associées aux gros bois perdent leurs habitats, comme les pics ou les sittelles, de même que les insectes xylophages ou encore les chiroptères. C’est tout un cortège d’animaux, de petits mammifères, de champignons et de plantes connexes qui s’en trouve bouleversé. La microfaune est broyée. Le monde fongique aussi.

« Après une coupe rase, la température peut augmenter de plus de dix degrés au sol, indique le naturaliste Alain-Claude Rameau, auteur du livre Nos forêts en danger (Atlande, 2017). Les champignons mycorhiziens — indispensables à l’alimentation des arbres — ne supportent pas le dessèchement ni l’exposition à de trop fortes températures. Ils sont éliminés, décrit-il. Une coupe rase peut aussi créer des frontières et être impossible à traverser pour des insectes comme le pique prune ou le grand capricorne. »

Plusieurs études montrent un déclin de la faune et la flore dans les milieux forestiers. 40 % des espèces de coléoptères saproxyliques (dépendant du bois mort) sont menacées. D’autres insectes le sont également comme la cétoine dorée, la lucane cerf-volant ou la rosalie alpine. Même des oiseaux sont concernés : la pie grièche grise, le torcol fourmilier ou le gobe mouche. L’homogénéisation des forêts explique en partie cette chute de la biodiversité. 30 % des insectes forestiers dépendent des arbres morts, 40 % des oiseaux des bois ont besoin d’arbres sénescents : ce sont des écosystèmes qui n’existent pas dans des plantations gérées en coupes rases.

Mis à nu par une coupe rase, le sol s’érode. Ici, une coupe dans le Morvan.
L’utilisation de matériels lourds — abatteuses et débardeurs — malmène aussi les sols, elle les tasse et les rend durs comme une cuirasse de béton. Elle appauvrit la vie organique. L’arrachage des souches enlève également une source précieuse d’humus et de minéraux. « Il faut cent ans pour fabriquer un centimètre de sol forestier et dix minutes pour le détruire », résume Vincent Magnet, adhérent de l’association Nature sur un plateau dans le Limousin.

Mis à nu, le sol s’érode. Avec la pluie, sur les parcelles en pente, la terre descend dans les fonds de vallons, polluant les rivières et ensablant les frayères. L’association Eaux et rivières du Limousin a porté plainte à plusieurs reprises contre la filière bois. Les procès sont toujours en cours.

Quels impacts sur le climat ?


Le changement climatique sert d’alibi pour accroître les coupes rases. Les sécheresses et les attaques de pathogènes se multiplient notamment dans l’est de la France où la mortalité des arbres et les dépérissements sont très importants. « La filière en profite pour raser des peuplements jugés pas assez productifs en les remplaçant par des plantations », regrette l’association SOS forêt.

Pour accélérer le rythme des coupes, les industriels affirment, en effet, que les forêts vieillissantes seraient mal adaptées aux changements climatiques et que les jeunes plantations stockeraient plus de carbone. Ces deux arguments ne sont pourtant pas avérés scientifiquement.

De récents travaux, dans la revue Nature notamment, ont montré que les forêts âgées de plusieurs siècles, voire de millénaires, continuaient d’absorber du carbone. Le stockage ne se fait pas seulement dans la biomasse aérienne mais dans les sols forestiers. « Plus ces sols sont riches avec une forte activité biologique, plus il y a de carbone accumulé », précise le professeur au Museum national d’histoire naturelle, Jean-François Ponge.

Les espèces d’oiseaux associées aux gros bois perdent leurs habitats, comme les sittelles.
En mettant subitement à nu une forêt et en retournant la terre, une coupe rase peut être particulièrement néfaste. La matière organique se décompose et la coupe libère le carbone qui était stocké dans le sol. Nicolas Martin, chercheur à l’Inra (Institut national de recherche agronomique), a calculé qu’il fallait au minimum quarante ans après une coupe rase pour qu’une plantation revienne à l’équilibre et stocke autant de carbone que la précédente. « À court-terme, ce n’est donc pas neutre. Augmenter les coupes est incompatible avec les objectifs de la COP21 et l’urgence de la crise », dit-il.

Une étude parue en 2016 dans la revue Science remet aussi en cause le mode de gestion des forêts et leur capacité à tempérer le changement climatique. Les scientifiques y révèlent que « sur plus de deux siècles si les forêts étaient restées majoritairement feuillues et non gérées, elles auraient stocké 10 % de carbone en plus ». Remplacer des feuillus par des conifères, comme c’est le cas dans le Morvan, n’est pas forcément une bonne idée d’un point de vue climatique. Un article publié en 2018 dans la revue Nature montrait que les résineux, plus sombres, captaient plus de chaleur et alimentaient le réchauffement.

En rasant la végétation, la coupe rase accroît aussi les températures. Tout récemment, le 25 mai dernier, le CNRS a encouragé à maintenir en permanence un couvert forestier dense. « On augmente ainsi l’effet tampon de la canopée forestière qui agit comme une couverture isolante atténuant les températures maximales journalières, écrivent les scientifiques. Sur le long terme, une augmentation de cet effet tampon permet d’infléchir la courbe du réchauffement climatique tel que ressentie dans le sous-bois et ainsi de laisser le temps aux communautés végétales inféodées à ces milieux de s’adapter à ce changement. »

Existe-t-il des alternatives ?


Les coupes rases ne sont en rien une fatalité. De nombreux pays ont décidé de les réglementer voire de les interdire. Depuis 1902, la Suisse a banni les coupes rases de son pays. Dans une loi de 1991, elle précise que « les coupes rases et toutes les formes d’exploitation dont les effets pervers peuvent être assimilés à ceux des coupes rases sont inadmissibles ». En 1948, la Slovénie a suivi son exemple et rendu obligatoire « une sylviculture proche de la nature ». Depuis 1975, l’Autriche soumet les coupes de plus de 0,5 hectare à une autorisation spéciale et interdit celles de plus de deux hectares. Plusieurs Länder d’Allemagne ont aussi imposé de fortes restrictions aux coupes rases.

En Lettonie, leur taille est régulée en fonction du type de sol. Sur sol sec, elle ne doit pas dépasser cinq hectares. Sur sol humide, la coupe se fait par bandes n’excédant pas cinquante mètres de largeur pour les sols tourbeux, et cent mètres pour les sols minéraux. Toutes ces politiques se veulent des réponses locales aux dégradations des écosystèmes forestiers.

Une coupe rase à Saint-Victor-Montvianeix (Puy-de-Dôme).
À l’inverse, en France, la réglementation est assez permissive. Par exemple, l’article L124-6 du code forestier fixe une obligation de reconstitution du peuplement au plus tard cinq ans après une coupe rase plutôt que de définir une surface maximale à partir de laquelle les conséquences négatives des coupes rases seraient interdites.« Autrement dit, dans le code forestier actuel, la forêt n’est pas définie comme un écosystème vivant mais plutôt comme un capital dont on souhaite assurer la capacité à fructifier », analyse l’association Canopée.

Pourtant des alternatives existent. Depuis les années 1980, le collectif Pro sylva qui compte près de 300 propriétaires en France prône la futaie irrégulière – une forêt diversifiée avec un mélange d’essence que l’on récolte pied par pied. Partout en France, des collectifs citoyens rachètent aussi des monocultures résineuses pour les gérer différemment en introduisant peu à peu des feuillus et en bannissant les coupes rases. Et ces modèles n’ont rien d’une utopie, ils fonctionnent dès à présent.

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 Lire aussi : Dans les forêts du Morvan, l’État refuse d’encadrer les coupes rases

Source : Gaspard d’Allens pour Reporterre
Photos :
. chapô : Coupes rases dans le Morvan. © Roxanne Gauthier/Reporterre
. Des pins dans les Landes. Frédéric Vissault /Flickr
. Coupe rase suivie de plantation à Saint-Victor-Montvianeix en Auvergne, France. © Marie-Lan Nguyen / Wikimedia Commons
. Coupe rase Leyre Lugos. Jérôme FP / Flickr
. Des pins dans les Landes, au coucher du soleil. Flickr
. Sittelle. Pixabay

Complément d’info : Lire l’ouvrage Main basse sur nos forêts, par Gaspard d’Allens, dans la collection Reporterre-Seuil


Source : https://reporterre.net/La-coupe-rase-une-aberration-ecologique-qui-menace-nos-forets?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne