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jeudi 31 octobre 2019

L’agribashing, une fable qui freine l’indispensable évolution de l’agriculture


L’agribashing, 

une fable qui freine 

l’indispensable évolution 

de l’agriculture



 23 octobre 2019 / François Veillerette 





 L’agribashing n’existe pas, défend l’auteur de cette tribune. Ce ne sont pas les agriculteurs mais le système agricole qui est critiqué. Et vouloir interdire une telle critique est dangereux, nous explique-t-il.

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 François Veillerette est directeur de l’association Générations futures.

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« Agribashing ». C’est le terme à la mode depuis plusieurs mois dans le monde agricole français. Cet anglicisme, qu’on pourrait traduire par « dénigrement » ou « lynchage médiatique » dont serait victime l’agriculture, est sur les lèvres de tous les représentants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA, majoritaire), sa présidente, Christiane Lambert, en tête.

Générations futures publie une carte de vente des pesticides en France fondée sur des chiffres officiels ? Agribashing ! Les émissions Envoyé spécial ou Cash Investigation diffusent des programmes montrant les conséquences des pesticides ou sur le glyphosate ? Agribashing encore ! Le quotidien Le Monde révèle le dessous du scandale des « Monsanto Papers » ? Agribashing toujours ! Les riverains des zones cultivées demandent à être protégés des pulvérisations de pesticides ? Agribashing plus que jamais !

La FNSEA met maintenant tellement en avant ce supposé agribashing qu’elle en a même fait un de ses principaux motifs de récrimination lors de ses dernières manifestations. Et il ne s’agit pas d’une simple plainte pour la forme : en demandant « l’arrêt de l’agribashing », le but n’est pas seulement de faire capoter quelques réformes contraignantes mais aussi de restreindre la liberté d’expression des personnes ou organisations critiquant le système agricole actuel. Le syndicat aimerait qu’on restreigne la possibilité de publier des documents fondés sur des données publiques, comme l’a fait Générations futures récemment. Le président de la FDSEA de l’Aude n’a ainsi pas hésité à demander « l’élaboration de règles d’utilisation des données publiques agricoles », dont on se doute qu’elles ne favoriseraient pas une meilleure transparence.

Il est légitime de mettre ces sujets dans le débat public


Par ailleurs, la pression est également mise sur les journalistes. Un théoricien de l’agribashing a ainsi produit un rapport sur ce thème pour une branche régionale de la FNSEA dans lequel il a été jusqu’à compter le nombre d’occurrences des termes liés aux pesticides et ceux liés au cancer dans les articles du journaliste du Monde Stéphane Foucart, lui reprochant de s’acharner sur les pesticides et de vouloir faire passer de façon subliminale le message « pesticides égale cancer » !

L’équipe d’Envoyé spécial, d’Élise Lucet, a également subi des attaques sans précédent après la diffusion d’un sujet sur le glyphosate en janvier dernier. Les plaintes de la FNSEA ont apparemment été bien entendues par le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, qui déclarait quelques jours avant l’ouverture du Salon de l’agriculture : « Ma priorité est de faire remonter le revenu des agriculteurs et lutter contre l’agribashing. » Depuis, il a même annoncé vouloir créer un « observatoire de l’agribashing ». Même le président Macron a cru devoir apporter son soutien face au « sentiment d’agribashing » des agriculteurs lors du dernier Salon de l’agriculture là encore.

Mais, de quoi s’agit-il vraiment ? Il faut d’abord éviter la confusion entre l’agribashing mis en avant par la FNSEA et les quelques agressions dont ont été victimes récemment des agriculteurs. Il s’agit là de délits que nous condamnons fermement et qui sont punis par la loi. L’agribashing mis en avant par la FNSEA vise particulièrement les critiques nombreuses faites sur les pollutions de l’environnement et de l’alimentation par les pesticides et les conditions d’élevage, qui ont suscité des interrogations et des exigences croissantes de la société ces dernières années.

Sur la question des pesticides, les critiques ont été légitimées sur le fond par la reconnaissance de la réalité scientifique de la dangerosité des pesticides (selon une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale [Inserm] de 2013). L’usage excessif de pesticides a même été officiellement reconnu par l’État et un plan de réduction de leur usage a été adopté il y a plus de dix ans (malheureusement, faute de volonté politique il n’a produit qu’une augmentation de l’usage des pesticides).

Il est donc tout à fait légitime de mettre ces sujets dans le débat public, qu’on soit une ONG ou un média. Cela ne constitue en aucun cas une volonté d’agresser l’agriculture mais l’expression d’une exigence croissante sur les questions sanitaires et environnementales. D’ailleurs, la journaliste de L’Opinion Emmanuelle Ducros, peu suspecte d’agribashing car se considérant elle-même comme un « relais de parole du monde agricole », le reconnaît : « L’agribashing n’existe pas », a-t-elle déclaré lors d’un récent débat à la Maison de la chimie, à Paris. Et d’indiquer qu’il s’agit plus d’un problème de ressenti des agriculteurs face aux critiques dont le système agricole fait l’objet.


Cette stratégie de disqualification de toute critique du système agroalimentaire 

 

Mais cette campagne outrancière de la FNSEA sur un agribashing fantasmé pourrait menacer la liberté d’expression et d’information si le pouvoir politique ne réagissait pas en remettant les choses à leur juste proportion ou si les organes de presse se laissaient intimider. Nous attendons des responsables politiques et des médias qu’ils réaffirment le principe d’une totale liberté d’expression dans ce domaine.

Mais aussi, et peut-être surtout, la poursuite de cette stratégie de disqualification de toute critique du système agroalimentaire, au motif qu’elle constituerait un insupportable agribashing, constituerait une grave menace pour les agriculteurs eux-mêmes. En effet, comment penser que le monde agricole saurait faire évoluer sa vision et prendre un virage vers une indispensable agroécologie si toute critique un peu sévère des pratiques actuelles devenait taboue au motif d’agribashing ? La stratégie qui consiste à crier à l’agribashing n’aurait qu’un effet : accroître encore le divorce entre le système agricole actuel et la société qui aime l’agriculture mais lui demande de changer. À l’opposé de cette vision, une critique factuelle des modes de production agricoles — fut-elle parfois sévère — est indispensable à l’émergence d’un nouveau contrat entre la société et le monde agricole, afin d’élaborer un nouveau modèle intégrant les préoccupations sociales, économiques, sanitaires et écologiques pour le bien-être de tous.


 Lire aussi : Réforme de la PAC : La Commission européenne s’entête dans l’agriculture productiviste et connectée


Source : Courriel à Reporterre
Dessin : © Sanaga/Reporterre
- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de la rédaction.
- Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.



 Source : https://reporterre.net/L-agribashing-une-fable-qui-freine-l-indispensable-evolution-de-l-agriculture?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

mercredi 30 octobre 2019

Migrants : huit raisons de leur donner une chance

Migrants : 

huit raisons 

de leur donner une chance

 
Angels Unaware, du sculpteur canadien Timothy Schmalz, sur la place Saint-Pierre, au Vatican.

  

• • 21 octobre 2019  

 

Le 29 septembre dernier, Journée mondiale des migrants et des réfugiés, le Pape François a dévoilé une nouvelle statue sur la place Saint-Pierre : la première en 400 ans.

Angels Unaware représente 140 figures humaines de différents âges et ethnies sur un bateau. C’est l’œuvre du sculpteur canadien Timothy Schmalz, qui a également créé les statues du parc Champlain Wendat à Penetanguishere, en 2015.

La beauté de cette statue est difficile à décrire.

L’histoire humaine


L’immigration a toujours été un fait de l’histoire humaine. Les gens voyageaient à pied, à cheval, en bateau, traversant des rivières, des mers, et des océans. Le Canada en particulier est un pays dont l’existence est très étroitement liée aux contributions des divers groupes ethniques qui le peuplent.

« Depuis les années 1960, le Musée Canadien des civilisations collectionne des artefacts issus de l’immigration et recueille des informations sur les traditions culturelles. Il s’agit des artefacts apportés au pays par les immigrants, des articles créés par les immigrants et leurs descendants en empruntant des matériaux canadiens et des idées locales, et des articles qui continuent à être utiles et fonctionnels dans les foyers d’immigrants. Le Musée collectionne également des documents historiques, sociaux, familiaux et culturels afin de placer ces artefacts dans leur contexte culturel. (Source : Le Canada, terre d’asile, Jean-Philippe Proulx, Histoire Canada, 2016).

L’emploi : un défi


Bien que le Canada soit l’un des pays les plus accueillants pour les immigrants, les immigrants qui arrivent au Canada éprouvent souvent du mal à trouver un emploi.

Dans son article du Devoir, Les immigrants récents peinent à trouver un emploi, daté du 18 janvier 2019, Jessica Nadeau écrit : 
« En pleine pénurie de main-d’œuvre, alors que les entreprises cherchent par tous les moyens à attirer des employés, les immigrants font encore face à des ‘obstacles systémiques’ et à de la discrimination dans leur recherche d’emploi, constate une nouvelle étude du Comité consultatif personnes immigrantes (CCPI), rendue publique jeudi. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En février 2018, le taux de chômage chez les personnes nées au Québec était de 5,1 %. Pour les personnes immigrantes arrivées il y a moins de cinq ans, c’est pratiquement le triple, alors que leur taux de chômage frôle les 14%. »

Population vieillissante


Les statistiques de l’emploi – pour ce qui à trait au marché du travail – sont particulièrement révélatrices : population vieillissante, faible taux de natalité et manque de main-d’œuvre qualifiée.

Selon Radio Canada : « En cinq ans, le pourcentage de personnes de 65 ans a dépassé celui des personnes de moins de 14 ans. Jamais depuis la naissance de la Confédération, ce groupe d’âge n’avait connu une aussi forte progression qu’entre 2011 et 2016. Le poids démographique des aînés est un signe indéniable du vieillissement de la population canadienne, alors qu’un siècle plus tôt les jeunes étaient les plus nombreux. »

Ressource précieuse


Dans son article intitulé La pénurie de main d’oeuvre, un frein à l’expansion, publié le 24 avril 2019 dans Le Droit, Dominique La Haye écrit que les nouveaux immigrants, dont la plupart ont un niveau d’éducation élevé (55% des titulaires de doctorat au Canada sont des immigrants) constituent une ressource précieuse pour l’employeur canadien.

Les nouveaux arrivants qui se rendent au Canada dans le cadre du système d’immigration de main-d’œuvre qualifiée sont de bons candidats pour plusieurs raisons :

1. La plupart ont des diplômes de troisième cycle. Dans le Toronto Star, Nicholas Keung écrit en 2018 que « de nombreux nouveaux arrivants ont non seulement des diplômes universitaires, mais leurs attentes élevées en ce qui concerne les résultats scolaires de leurs enfants semblent également conduire à la poursuite d’études supérieures chez leurs enfants, selon une nouvelle analyse gouvernementale interne. Le rapport du ministère de l’Immigration, obtenu grâce à une demande d’accès à l’information, a révélé que 36% des enfants d’immigrants âgés de 25 à 35 ans étaient titulaires d’un diplôme universitaire, contre 24% de leurs pairs de parents nés au Canada. »

2. La grande majorité des immigrants parlent les langues officielles. La majorité d’entre eux parlent ces langues couramment vu qu’ils ont fréquenté des écoles et collèges compétitifs dans leur pays d’origine, où la langue d’enseignement était l’anglais ou le français, tandis que d’autres nouveaux arrivants se sont donné beaucoup de mal pour apprendre la langue anglaise ou française dans des cours de formation pour adultes avant et après leur arrivée au Canada.

3. Ils parlent plusieurs langues en plus de l’anglais et du français. Ceci est un atout majeur dans une économie mondialisée.

4. Ils sont adaptables et résilients. Le processus d’immigration est en lui-même exigeant. Les personnes qui suivent ce processus sont en général capables de s’adapter au changement et de gérer les situations stressantes.




5. Ils sont flexibles, courageux et adaptables. Ils ont choisi l’aventure canadienne – quitté leur pays d’origine et plongé dans l’inconnu. Ils ont surmonté de nombreux obstacles pour s’installer dans un nouveau pays et ont acquis de nouvelles compétences.

6. Ils n’ont de casier judiciaire dans aucun pays. Ils ont été soumis à des contrôles de police stricts dans tous les pays de résidence avant d’être acceptés par le système d’immigration Canadien.

7. Ils ont une expérience de travail dans leur domaine. Malgré leur expérience de travail, les immigrants touchent souvent une rémunération moins élevée que les personnes nées au Canada. Malgré de nombreuses années d’expérience dans leur pays d’origine, beaucoup sont employés dans des emplois de débutants. «Les non-immigrants gagnaient en moyenne 36 300 $, les immigrants gagnaient 29 770 $, selon le recensement de 2016.» (Source: CBC)

8. Ils entretiennent des relations sociales, professionnelles et commerciales hors du Canada qui peuvent être utiles à l’employeur Canadien. Ils peuvent également apporter une nouvelle perspective sur de nouvelles façons de faire les choses.

Dans un environnement commercial mondialisé, multiculturel et en constante évolution, les nouveaux arrivants peuvent se révéler une ressource précieuse pour le marché local.

Source : https://l-express.ca/migrants-huit-raisons-de-leur-donner-une-chance/

mardi 29 octobre 2019

Mercredi 30 octobre à l'Atelier de l'Entonnoir - Arrivée du Café Zapatiste et projection du film LA FRONDE NASA ou TIERRAS TOMADAS


Camarades,
 
Ça y est, le café est cueilli, envoyé, torréfié, empaqueté, livré, trié et prêt à être dégusté par vos papilles pressées.

La soirée de distribution du café aura lieu ce mercredi 30 octobre à l'Atelier de l'Entonnoir, 1 rue des marchands à Prades.
 
 
 
Au programme, à partir de 19h, Projection du documentaire d'Amandine d'Elia sur la lutte des Nasa, autochtones du sud de la Colombie, pour récupérer les terres d'un milliardaire qui leurs avaient été promises. 
 
LA FRONDE NASA ou TIERRAS TOMADAS, dure 42 minutes, 42 minutes de combat, déterminé à faire respecter le droit à la terre. On en discutera ensuite. 
 
Et Morgane de la librairie La Libambulle vous proposera des bouquins autour des zapatistes et des luttes sociales et environnementales. A consulter ou à acheter. 

Des paquets de café seront proposés à la vente, 3,5€/250g, quantité très limitée, premier.e.s arrivé.e.s premier.e.s servi.e.s.
 
Faites tourner l'info et à Mercredi !

La lluita continua


Timothée P


(Si vous ne pouvez être disponible et que vous avez réservé du café, contactez-moi par mail ou au 0677170794 et on s'arrange)

Extrait du film ici :

https://vimeo.com/130802922?fbclid=IwAR1bWceI6bBw301uIPbbWP7s-zTzoVvg7U0nJSLjk8u4jANGxC8cswVobRg

lundi 28 octobre 2019

Vendredi 1er novembre - Rassemblement des Coquelicots devant toutes les mairies 18h30

Le 1er novembre, 

veillée funèbre 

pour les victimes des pesticides



"C’est le jour de la Toussaint que va se dérouler 
notre prochain rassemblement. 
L’occasion pour nous de commémorer 
toutes les victimes de l’agro-chimie.


Qui sont ces victimes ? 

Commençons par Paul François, victime française de Monsanto. 
Puis nous penserons aux Antillais, les victimes du Chlordécone. 
Au paysans du Nicaragua, victimes du Nemagon. 
En Indonésie et ailleurs, nos pensées iront 
vers les ouvriers des plantations de palmiers à huile, 
victimes du Paraquat. 
Nous n’oublierons pas non plus tous ceux qui, 
en Inde, en Chine, en Afrique, au Brésil, 
ont croisé la route de cette industrie qui assassine tout ce qui est vivant. 

Enfin nous nous rappellerons pourquoi nous nous battons ; 
pour nos enfants, pour les abeilles et les mésanges, 
pour les paysans et la beauté du monde !"


On s'habille en noir (ou seulement un brassard) avec la cocarde rouge bien en vue !
Et comme toujours, faisons connaître et signer l'Appel des Coquelicots ici
https://nousvoulonsdescoquelicots.org/

Nous approchons le million !

A tout bientôt

 

dimanche 27 octobre 2019

[🖼#DécrochonsMacron] Jugé•es coupables, les décrocheur•ses de Paris font appel !

[🖼#DécrochonsMacron

Jugé•es coupables, 

les décrocheur•ses de Paris 

font appel !

 

Paris, 16 octobre – Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu son jugement : les huit militant⋅es d’ANV-COP21 ont été déclaré⋅es coupables et condamné⋅es à 500 euros d’amende ferme. Ils et elles ont décidé de faire appel. 

ANV-COP21 regrette cette décision qui condamne des citoyen⋅nes non-violent⋅es et qui détourne l’attention du vrai coupable, le gouvernement français qui ne prend pas la mesure de l’urgence climatique.



 Etienne, Emma, Cécile, Pauline, Félix, Thomas, ce matin au Tribunal de Grande Instance de Paris. Crédit photo : Basile Mesré Barjon



8 militant⋅es d’ANV-COP21 comparaissaient le 11 septembre au Tribunal de Paris


Félix, Alma, Cécile, Emma, Thomas, Vincent, Marion, Étienne, Pauline, comparaissaient au Tribunal de Grande Instance de Paris le mercredi 11 septembre dernier suite à des actions de décrochage du portrait présidentiel le 21 et 28 février. Des actions non-violentes de désobéissance civile qui visent à dénoncer la double posture d’Emmanuel Macron qui s’érige en leader du climat sur la scène internationale mais ne prend pas, au niveau national, les mesures nécessaires pour faire face à l’urgence climatique et sociale. Lors de ce procès, le procureur a requis une amende de 1000 euros dont 500 avec sursis. Malgré l’interdiction préfectorale de rassemblement, une foule de 500 personnes ainsi que de nombreux représentants de la société civile étaient présents en soutien.

500 euros d’amende ferme


Ce mercredi 16 octobre à 9h, le Tribunal de Paris a rendu son jugement : les 8 militant⋅es ont été reconnu⋅es coupables et condamné⋅es à 500 euros d’amende ferme. Il s’agit de la troisième décision de justice dans ce sens et la plus sévère, après celles de Bourg-en-Bresse et d’Orléans, où d’autres citoyen⋅es avaient été condamné⋅es suite à des actions de décrochage de portrait. Vincent Verzat, présent sur l’action en tant que média pour la chaîne Youtube Partager C’est Sympa, lui, a été relaxé, confirmant sa position extérieure à l’action et sa liberté en tant que journaliste de documenter des actions militantes. Les 8 militant⋅es d’ANV-COP21 ont décidé de faire appel et déclarent rester déterminé⋅es à dénoncer l’inaction climatique et sociale du gouvernement.


Le 16 septembre dernier, le Tribunal de Grande instance de Lyon a émis une décision historique en prononçant la relaxe des deux militants en procès, qui reconnaissait en plus l’état de nécessité et la légitimité des actions de désobéissance civile face à l’urgence climatique. Nous faisons appel face de cette décision inique du Tribunal de Paris, car il est injuste de voir des militant⋅es non-violent⋅es condamné⋅es, tandis que la politique du gouvernement nous met en danger face au péril climatique, et que des juges comme celui de Lyon ont légitimé nos actions.” affirmait Pauline Boyer, une des condamné⋅es.
 

Une forte répression qui ne ternit pas notre détermination


Depuis les premières actions de décrochages, 20 procès sont intentés sur le territoire à l’encontre des militant⋅es climat d’ANV-COP21. Les prochains sont ceux de Bonneville et d’Orléans qui se tiendront simultanément le 17 octobre. Le premier procès en appel se déroulera quant à lui le mardi 29 octobre à la Cour d’Appel de Lyon à l’encontre des 6 citoyen⋅nes du Beaujolais. Malgré la répression, les militant⋅tes restent déterminé⋅es à dénoncer l’inaction du gouvernement. “Face au péril climatique, il est nécessaire et urgent pour chaque citoyen⋅ne d’agir : c’est le cas du juge de Lyon, qui a pris une décision courageuse en reconnaissant la légitimité de nos actions ainsi que la gravité de la situation que le gouvernement essaie pourtant de cacher. Plus déterminé⋅es que jamais, nous appelons à poursuivre les actions de décrochage et invitons chacun⋅e à son échelle à poser des actes courageux afin de relever ensemble le défi climatique. déclare Rémi Donaint, porte-parole d’ANV-COP21.


Source : https://anv-cop21.org/paris-decrocheurs-declares-coupables-decident-de-faire-appel/

samedi 26 octobre 2019

Grève victorieuse de travailleurs sans papiers : « Nous régulariser, c’est tirer tout le monde vers le haut »

Grève victorieuse 

de travailleurs sans papiers : 

« Nous régulariser, 

c’est tirer tout le monde 

vers le haut »


par




Alors que le gouvernement a lancé un énième « débat » sur l’immigration, Basta ! est allé à la rencontre de travailleurs sans titre de séjour en lutte pour leurs droits. Suite à une grève coordonnée sur une douzaine de sites en région parisienne, une centaine d’entre eux viennent d’obtenir gain de cause.

« Patron, y’a beaucoup de gilets jaunes dans le restaurant. » Ce matin-là, un employé chinois prévient par téléphone le propriétaire de Sukiyaki (Paris 11ème) du fait que plusieurs syndicalistes ont pénétré l’établissement. Abdourahmane Guiro et ses trois collègues de la cuisine viennent de « débrayer ». Le serveur prend le combiné pour préciser : « C’est pas les gilets jaunes, patron. C’est la CGT. Vous devriez venir... »

Mardi 1er octobre, comme « Abdou » et ses camarades, 150 travailleurs sans papiers, soutenus par la CGT, ont cessé le travail pour « mettre fin à l’arbitraire préfectoral et patronal ». Douze piquets de grève ont vu le jour à Paris, en Hauts-de Seine et Seine-Saint-Denis dans des enseignes ayant pignon sur rue comme le fast-food KFC Place d’Italie, le cinéma UGC Bercy, l’hôtel Campanile du Bourget, la brasserie chic Le Flandrin. Ou encore chez Polipro, une entreprise spécialisée dans le nettoyage… de foyers d’hébergement de travailleurs migrants.

« On travaille 11 heures par jour, 60 heures par semaine mais on est payé 35h »

 

Ils sont commis de cuisine, plongeurs, serveurs, éboueurs, routeurs de presse ; elles sont femmes de chambres, manutentionnaires, agentes d’entretien, majoritairement originaires d’Afrique de l’Ouest. Horaires à rallonges, heures supplémentaires non payées, salaire au rabais, pass navigo non remboursé, un seul jour de repos, pas de congés, ces travailleurs dissimulés, préposés aux tâches ingrates, restent corvéables à merci dans des secteurs employeurs de main d’œuvre bon marché.

« On travaille, 11 heures par jour, 60 heures par semaine mais on est payé 35h », raconte Abdourahmane, délégué CGT qui occupe avec les trois autres grévistes la salle déserte du restaurant japonais, non loin de la place de la Bastille. Ce Sénégalais de 29 ans feuillette ses fiches de paie, devant nous. En CDI, comme ses collègues, son salaire mensuel varie chaque mois sans qu’il ne sache pourquoi. « C’est le chef qui décide le nombre d’heures qu’il paye ».

Son cousin, Dia Yogoba, travaille ici depuis 2016. Six jour sur sept. A 28 ans, l’ancien plongeur est devenu chef cuisinier.« En tout je suis payé 1700 euros, mais je ne suis déclaré que 1200 euros. Le reste, je le touche en cash ». Comme souvent dans la restauration...

« Tant que t’as pas de papiers, c’est comme ça »

 

Une partie de sa paye est envoyée à sa famille restée au pays. La dissimulation du travail va jusqu’aux prénoms des employés. Quand « Abdou » passe les commandes des clients à la cuisine au sous-sol, il se doit d’appeler le chef cuisinier non plus Dia, mais « Sumo ». Alimami, le commis, devient « Yensero ». Les clients ne doivent pas savoir que les spécialistes du Yakibosa, les as de la soupe Miso et autres plats cuisinés japonais sont en fait Sénégalais.

Depuis des années, l’équipe cuisine subit ces conditions de travail sans rien pourvoir dire. « Si on veut boire, on doit acheter nos bouteilles d’eau. On doit même laver les baguettes jetables », s’indigne le plongeur de l’équipe. Sow Djyby 36 ans, rentre chez lui à Drancy à 2h du matin tous les soirs, avant de réembaucher à 10h le lendemain. « Le patron est obligé de nous garder, il ne trouve personne prêt à travailler ici. Et nous on n’a pas le choix », expliquent ces nouveaux syndicalistes.

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« J’ai reçu les papiers pour ma retraite, mais je ne pourrai jamais la toucher »

 

Abdourahmane a bien tenté de se défendre. La réponse patronale fuse : « Tant que t’as pas de papiers, c’est comme ça. » Il n’en fallait pas plus pour que le serveur se rende à la CGT. « Ça m’a touché au cœur. J’ai des droits. En plus on est en France… » Deux jours de conflit ont suffit à faire céder son employeur, accompagné de son avocat, à toutes les revendications.

Employés avec une fausse carte de séjour ou sous l’identité d’une personne en situation régulière, ils cotisent à toutes les caisses (maladie, chômage, vieillesse), mais sans toucher les prestations afférentes. Les immigrés sans-papiers rapporteraient près deux milliards d’euros par an aux caisses sociales, selon une campagne de sensibilisation sur le « racket » des cotisations (Lire ici). « J’ai reçu les papiers pour ma retraite mais je ne pourrai jamais la toucher », illustre Alimami.

S’ils ont tout du salarié lambda en apparence, ces travailleurs dépourvus de titre de séjour ne peuvent prétendre aux mêmes droits que les autres. Contrairement au code du travail qui attribut les mêmes droits à toute personne embauchée, étrangère ou non, avec ou sans papiers [1]

« Ils appartiennent à la classe ouvrière de ce pays »

 

« Ils appartiennent à la classe ouvrière de ce pays », interpelle Maryline Poulain, pilote du collectif immigration de la CGT. En sortant au grand jour, ces travailleurs de l’ombre viennent rappeler cette réalité, à l’heure où le gouvernement entend faire de l’immigration le problème prioritaire des français. « Tout ça, c’est de la politique, glisse l’un des grévistes. La réalité, c’est qu’on fait plein de sales boulots que les français ne veulent pas faire à cause des mauvaises conditions de travail. » La stratégie syndicale se veut profitable à l’ensemble des salariés : « Nous régulariser, c’est augmenter les salaires (…), c’est tirer les conditions de travail de tout le monde vers le haut », lit-on sur le tract commun.

Cette action coordonnée s’inscrit dans « la longue tradition des luttes de travailleurs sans papiers », tiennent à rappeler plusieurs participants lors de l’ultime assemblée générale tenue au siège de la CGT à Montreuil, avant l’action. En 2018, 160 travailleurs migrants avaient été régularisés après des semaines de grève. Aujourd’hui, les salariés de Chronopost maintiennent toujours la pression.

En 2008, puis l’année suivante, plusieurs milliers de travailleurs sans papiers avaient cessé le travail pendant de longs mois, dans toute l’Île de France, pour obtenir les premières « régularisations par le travail ». Plus de 4000 cartes de séjour avaient alors été délivrées par la préfecture suite à la présentation d’une promesse d’embauche d’un employeur, obtenue par la grève.

« Les grèves de sans-papiers ont inventé beaucoup de choses utiles au mouvement ouvrier », remarque Jean-Albert Guidou de la Cgt 93. Exemple ? Transformer son entreprise d’intérim – temple de la précarité – en un lieu légitime de grève a fait jurisprudence. Les intérimaires, d’abord exclus de la circulaire de régularisation par le travail, avaient réussi à obtenir en 2009 des conditions de régularisation.

Assouplir les conditions habituelles de régularisation

 

Sur le boulevard Magenta, à Paris, Maïga, écouteurs sur les oreilles, arrive juste devant l’agence d’intérim Proman qu’occupe une quarantaine de grévistes devant un personnel désœuvré. « On a dormi là cette nuit et on restera autant de temps qu’il le faudra », assure Harouna, l’un des deux délégués, qui travaille comme poseur de voies.

Maïga vient de découvrir le mouvement sur internet. « J’ai pas hésité à venir ce matin. J’ai travaillé ici en août dernier. » Débarqué en France en 2017, il avait déjà entendu parler « au pays » de ses prédécesseurs qui avaient obtenu leur carte de séjour en 2010. Un peu plus tard, Maïga arbore le même badge vert « gréviste » que ses camarades. C’est Émeline qui inscrit les nouvelles recrues potentielles, sur une petite table à l’intérieur. « On en est à 42 grévistes. »

Critères requis pour faire partie de la liste des « régularisables » ? Pouvoir justifier d’un minimum de 310h dans la même entreprise de travail temporaire et d’un an de présence en France. Des critères moins contraignants que la circulaire Valls de 2012, qui fixe le cadre habituel. « La grève permet d’assouplir les dossiers, constate Gérard Delahaye de la CGT Préfecture de Police qui suit cette question en interne depuis quelque années. L’objectif est d’harmoniser les critères pour sortir du cas par cas imposé par l’administration ».

Trois ans de présence sont normalement exigés pour des demandes de régularisation individuelles, tandis que certains grévistes, ici, ne sont en France que depuis un an. L’idée est aussi de forcer la porte des préfectures : « En temps normal, la CGT 93 n’a droit qu’à un dépôt de dix dossier tous les trois mois », souligne un syndicaliste.

« On décharge onze camions de 26 tonnes dans la journée »


Abdoulaye Dembélé, Malien de 36 ans, attend sur le trottoir.

Avant de rejoindre la France en 2017, il a d’abord passé un an en Libye. « C’est très dur pour les Noirs là-bas. J’ai fait plusieurs passages en prison. » Abdoulaye y cumule les petits boulots non déclarés, comme jardinier, jusqu’à économiser la somme de 200 dinars pour payer un passeur. Direction la Sicile en bateau, puis Milan et Nice en train. Terminus Gare du Nord. « Je ne connaissais personne en arrivant, je dormais dehors ».

Après quelques boulots de maçonnerie, Abdoulaye se retrouve au pôle déchargement de Haudecoeur, une entreprise cliente de Proman spécialisée dans l’importation de produits alimentaires « On décharge toute la journée des sacs de pois-chiche de 50 kg, parfois onze camions de 26 tonnes. » Chacun pourrait décharger jusqu’à une tonne par jour. « On a mal au dos, aux épaules, mais on ne peut rien demander dans notre situation », souffle son collègue de déchargement Dabo Banon, en France depuis 2015.

Abdoulaye, Dabo et leur dizaine de collègues ont levé leur piquet, débuté la veille devant le siège d’Haudecoeur à La Courneuve (93). Conclusion des négociations avec ce donneur d’ordre : il reviendra aux entreprises d’intérim, telles que Proman, de remplir les formulaires de promesse d’embauche et de signer les « certificats de concordance » de l’identité d’un travailleur « sous alias », attestant leur ancienneté professionnelle.

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Un secret de Polichinelle ?


« Tout le monde sait qu’on n’a pas de papiers, mais ils en profitent », résume Dabo. L’emploi de sans-papier, un secret de Polichinelle ? « Beaucoup d’employeurs peu scrupuleux font passer le financier avant l’humain. Et profitent du trafic d’Êtres humains », reconnaît un directeur d’entreprise de travail temporaire (ETT) sous couvert d’anonymat. L’homme se dit « extrêmement surpris » par le mouvement et plaide la bonne foi : « C’était la première fois qu’on voyait ces personnes, dit-il en parlant des grévistes. Les gens avec qui on buvait le thé chaque mois quand ils venaient chercher leur paye n’étaient pas nos vrais employés. » Mais en fait, ceux qui louaient leur carte de séjour aux intérimaires sans papiers.

La boîte a cependant accepté de leur signer les cerfas nécessaires à la demande de titre de séjour. Par « respect pour le personnel avec qui on travaille », et par « fidélité » avec l’entreprise utilisatrice. Proman a aussi, finalement, accepté un protocole d’accord après trois jours de conflit. L’ETT s’engage à fournir un contrat de huit mois de mission par an, formation comprise. Une spécificité aux intérimaires sans-papiers, acquise par la lutte.

« Les patrons savent que les sans-papiers sont déterminés »


À ce jour, onze employeurs ont ainsi cédé à la pression des grévistes. Ces derniers peuvent reprendre le travail, leurs dossiers étant déposés en préfecture. « Les conditions de travail ont été à chaque fois améliorées dans les protocoles de fin de conflit », affirme le 7 octobre un communiqué de la centrale syndicale. La crêperie « La Terrasse de Pomone », au jardin des Tuileries a été plus longue à convaincre. La direction aurait finalement consenti à remplir les fameux cerfas, ce mardi. Il ne resterait donc que la dizaine de grévistes de Cervus Ett à Levallois-Perret (92). L’entreprise refuserait de négocier malgré plusieurs tentatives du syndicat.

Malgré ces résistances patronales, au moins une centaine de travailleurs sans-papiers ont donc obtenu gain de cause en moins d’une semaine. « L’expérience des luttes précédentes joue dans le rapport de force, note Jean-Albert Guidou, L’État, les patrons, n’ont pas intérêt à jouer le pourrissement du conflit car ils savent que les sans-papiers sont déterminés. » Une détermination qu’illustre aussi la lutte, toujours en cours, du collectif des Gilets noirs, qui s’oppose notamment au groupe Elior pour obtenir la régularisation de nombreux travailleurs sans-papiers – tout en réclamant une régularisation plus globale.

Mercredi dernier, en allant à son travail, Dao s’arrête devant les banderoles CGT dressées sur la devanture du restaurant Sukiyaki pour discuter avec les militants. Cet employé de restauration a été régularisé après avoir fait grève en 2008, mais son employeur ne lui délivre aucune feuille de salaire depuis janvier. Avec ou sans-papiers, la lutte pour les droits continue.

Ludo Simbille

Photo : Des travailleurs sans-papiers de Chronopost Alforville (Val-de-Marne) ont mené une grève de plus de 100 jours. La filiale de La Poste les emploie en intérim ou en sous-traitance, parfois depuis plusieurs années / © Denis Dupouy.

Sur le même sujet :

- « C’est nous, les femmes de chambre, qui allons gagner » : plus de deux mois de grève dans un hôtel quatre étoiles
 
- Travail forcé et esclavage moderne sont de retour en Europe



jeudi 24 octobre 2019

L'AIE s'attaque aux SUV, deuxième cause d'émissions mondiales de CO2

L'AIE s'attaque aux SUV, 

deuxième cause 

d'émissions mondiales de CO2 

 

   |  Rachida Boughriet

Les ventes en hausse des véhicules SUV (Sport Utility Vehicle), depuis une décennie dans le monde, sont fustigées par l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Les SUV sont plus lourds et plus consommateurs de carburant que les berlines. Ces véhicules émettent donc davantage de dioxyde de carbone (CO2) et « remettent en cause les réductions d'émissions sur le marché des voitures particulières », a critiqué, le 15 octobre, l'AIE.


Elle recense, aujourd'hui, plus de 200 millions de SUV dans le monde, contre 35 millions environ en 2010., soit 60 % de l'augmentation du parc automobile mondial depuis 2010, chiffre l'AIE. « Environ 40 % des ventes annuelles de voitures dans le monde sont aujourd'hui des SUV, contre moins de 20 % il y a dix ans ».

En conséquence, ajoute l'AIE, les SUV représentent « le deuxième facteur contribuant à l'augmentation des émissions mondiales de CO2 depuis 2010, après le secteur de l'énergie ». La flotte mondiale de SUV a vu ses émissions augmenter de près de 0,55 gigatonne (Gt) d'équivalent CO2, au cours de la dernière décennie, pour atteindre environ 0,7 Gt.

« Si l'appétit des consommateurs pour les SUV continuait de croître au rythme de cette dernière décennie, ces voitures ajouteraient près de deux millions de barils par jour à la demande mondiale de pétrole d'ici 2040, annulant les économies permises par 150 millions de voitures électriques », prévient l'AIE. Les voitures « plus grosses et plus lourdes, comme les SUV, sont plus difficiles à électrifier et l'augmentation de leur demande croissante pourrait ralentir le développement de parcs de véhicules propres et efficaces ».

En France, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a aussi épinglé l'augmentation des ventes des SUV. L'an dernier, ils ont représenté plus d'un tiers des ventes dans l'Hexagone et contribué à la hausse des émissions de CO2 des voitures neuves vendues. En examinant le projet de loi de finances pour 2020, l'Assemblée nationale a rejeté, ce jeudi 17 octobre en séance publique, les amendements qui proposaient d'ajouter un malus écologique sur le poids des véhicules, en particulier les SUV.

 

Source : https://www.actu-environnement.com/ae/news/suv-co2-aie-ademe-34247.php4#xtor=ES-6

 

 

mercredi 23 octobre 2019

Guyane : l’Etat donne son feu vert à la prolongation de la concession de la Montagne d’or

Guyane : 

l’Etat donne son feu vert 

à la prolongation 

de la concession 

de la Montagne d’or

Par


Le méga-projet de mine Montagne d’or en pleine forêt amazonienne est potentiellement relancé par l’avis favorable que l’administration doit présenter mercredi 16 octobre, et que Mediapart a pu lire. La ministre de l'écologie dit mercredi matin que le gouvernement s'oppose au projet.


En août, Emmanuel Macron appelait le monde à agir pour préserver l’Amazonie contre les méga-feux. En octobre, son administration rend un avis favorable à la prolongation de la concession du méga-projet minier Montagne d’or en Guyane. Ce gigantesque projet d’extraction d’or en pleine forêt amazonienne est combattu par les peuples autochtones de Guyane ainsi que les écologistes réunis dans la coalition Or de question.


Mardi 15 octobre après-midi, ils ont annoncé sur leur blog Mediapart que la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de Guyane, qui regroupe les services déconcentrés du ministère de la transition écologique, allait donner son accord à la demande des sociétés minières Nordgold et Columbus Gold Corporation.

Ces deux entreprises, actionnaires respectivement à hauteur de 55 % et 45 % de la Compagnie minière Montagne d’or, veulent étendre les concessions dites Élysée et Bœuf-Mort, qui s’étendent sur les territoires de Saint-Laurent-du-Maroni et d’Apatou. Elles correspondent au périmètre géographique du projet Montagne d’or, une immense mine qui pourrait s’étendre sur 800 hectares, dont près de la moitié de forêt primaire (voir ici le reportage de Christophe Gueugneau en Guyane).

Ces concessions, attribuées depuis de nombreuses années, sont arrivées à expiration le 31 décembre 2018. Les industriels en profitent pour solliciter une extension de l’autorisation de chercher des métaux : cuivre, plomb, zinc, argent, molybdène, tungstène, chrome, nickel, et platine.

Sous l’égide du préfet de Guyane, la DEAL doit présenter son rapport d’instruction mercredi 16 octobre à la Commission départementale des mines, une instance propre au territoire guyanais, qui réunit des représentant·e·s des industriels, des collectivités territoriales, de l’État, des peuples autochtones, et des associations écologistes.

Mediapart a pu lire le rapport d’instruction de la DEAL, sur 34 pages, daté du 7 octobre 2019. Considérant que la Compagnie Montagne d’or « dispose des capacités techniques nécessaires pour poursuivre le développement » du projet minier, des moyens de les financer et que « les programmes d’exploration et d’exploitation proposés sont rationnels et réfléchis », le service instructeur propose un avis favorable au prolongement des concessions. Le pétitionnaire demande un rallongement de vingt-cinq ans pour les deux dossiers. Seul bémol, la DEAL recommande de limiter à quinze ans la concession dite Élysée, compte tenu des incertitudes pesant sur le gisement.


Document de 34 pages à consulter sur le site de l'article


Si cet avis est confirmé par la puissance publique – les avis de la commission des mines sont consultatifs –, le calendrier est déjà établi : les travaux miniers devraient être déposés au cours du second semestre 2019. Le démarrage prévisionnel de la construction de la mine serait fixé fin 2020 ou fin 2021, en fonction de la date de dépôt et de l’avancée de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale et minière. Mercredi matin, Élisabeth Borne a réagi via son compte Twitter : « Notre position est claire : le projet Montagne d’Or est incompatible avec nos exigences environnementales, le gouvernement y est opposé. L’avis de la commission des mines de Guyane ne peut en aucun cas autoriser des travaux d’exploitation, il ne changera rien à notre décision. »



La position de l’exécutif n’est pas si claire en réalité : la commission des mines n’est en effet pas chargée d’autoriser l’exploitation du site mais de prolonger la concession. La ministre joue sur les mots, et par sa réponse floue, continue de nourrir l'ambiguïté.

Les impacts néfastes sur l’environnement de la mine sont évoqués par la DEAL, mais très rapidement : « Les incidences éventuelles des travaux projetés sur l’environnement sont étudiées, et des mesures de maîtrise de l’impact sont proposées, notamment l’élaboration sur chacune des concessions d’un projet de réhabilitation et de revégétalisation. » Pourtant, la destruction d’une forêt primaire est par définition irréparable, puisque une plantation d’arbres n’a rien à voir avec un écosystème forestier millénaire. La DEAL ne s’arrête pas là, dans la licence qu’elle accorde aux sociétés minières : des « risques majeurs » liés à l’utilisation du cyanure, une substance très toxique, sont bien « identifiés », mais, selon l’administration, « le pétitionnaire précise les mesures à prendre pour stocker et surveiller les produits, ainsi que celles à suivre pour que son utilisation se fasse dans les meilleures conditions ». À en croire ce rapport, pas d’inquiétude à avoir, donc.

Manifestation contre la Montagne d'or à Saint-Laurent-du-Maroni. © CG


Pourquoi l’État se montre-t-il si favorable aux désirs des industriels ? En mai dernier, Emmanuel Macron a déclaré que ce projet de méga-mine d’or n’était pas « compatible avec une ambition écologique et en matière de biodiversité ». Alors que la plateforme internationale de recherche sur la biodiversité (IPBES) présentait son rapport alarmant sur la destruction des espèces animales et végétales, le chef de l’État a ajouté : «Il y aura une évaluation complète pour le prochain conseil de défense [écologique] sur ce sujet et une décision formelle et définitive sera prise, en concertation avec le territoire. »

Cette déclaration faisait suite au débat public qui avait récolté des avis massivement négatifs sur le projet. La Commission nationale du débat public avait demandé plus d’informations aux sociétés minières, notamment sur la gestion des risques. Mais en juin, le président de la Compagnie Montagne d’or, Pierre Paris, a écrit une tribune dans Les Échos pour réaffirmer son intention de mener à bien le projet minier.

Pour Marine Calmet, porte-parole du collectif Or de question : « Nous n’avons jamais cru aux paroles d’Emmanuel Macron parce qu’on savait que le dossier de la concession était en cours de renouvellement. Nous avons sollicité François de Rugy lorsqu’il était ministre de l’écologie : aucune réponse. Nous avons sollicité Élisabeth Borne : aucune réponse. »

Mediapart a interrogé le cabinet de la ministre de l’écologie mardi soir à ce sujet, sans réponse au moment de la publication de l’article. Mais mercredi matin la ministre de l'écologie a répondu sur Twitter à l'interpellation du député européen Yannick Jadot. Pour Or de question, la cause est entendue : « Si cette concession est prolongée, le projet de mine ne peut pas être enterré. Si ce n’est pas la Compagnie Montagne d’or qui la creusera, ce sera une autre société. Elle s’appellera autrement, peut-être “Trou béant dans l’Amazonie”, mais ce sera pareil. La seule manière de l’arrêter, c’est de ne pas renouveler la concession. »

Puis mercredi en début de matinée, le ministère a répondu par courriel que l’examen en commission des mines de Guyane « est une simple étape de cette procédure » et que « la DEAL a donné un avis favorable, sur la seule base de critères techniques et financiers conformément au code minier, mais qui ne préjuge pas de la décision finale qui sera prise ». Selon le cabinet d’Élisabeth Borne, c’est dans le cadre de la procédure d'autorisation environnementale que « sont examinés les critères environnementaux du projet : c’est donc dans ce cadre que pourra être constatée l’incompatibilité de l’exploitation prévue avec les exigences de protection de l’environnement ».

Pour le gouvernement, il faut attendre la réforme du code minier pour « intégrer à l’avenir le critère de protection de l’environnement dès la délivrance des concessions : il sera à l’avenir possible de refuser en amont la délivrance d’un titre minier sans attendre la phase des travaux, dans le cas où le projet serait manifestement incompatible avec la protection de l’environnement ». Problème : cette réforme du code minier est promise depuis plus de dix ans et les premiers mouvements contre l’exploitation des gaz de schiste, par tous les gouvernements, mais n'a jamais été mise en œuvre.

Député européen LREM, ancien directeur général du WWF, ONG très engagée contre le projet Montagne d’or, Pascal Canfin explique mardi soir qu’« en l’état actuel du schéma régional et du code minier », l’État « n’a pas le choix, sauf à s’exposer à des risques d’indemnisations. D’où la nécessité de réformer le code minier ».

Juridiquement, la situation est beaucoup moins claire, selon Guyane Nature Environnement. Car les deux concessions guyanaises ont expiré fin décembre 2018. L’État n’ayant pas répondu à cette date, la demande de prolongement est en droit d’être considérée comme implicitement rejetée. Au point que la société Montagne d’or a attaqué ce rejet implicite devant le tribunal administratif de Cayenne – le jugement n’a pas encore été rendu. 
Par ailleurs, pour qu’une demande de prolongement de concession soit valide, il faut qu’elle fasse l’objet d’une exploitation. Or les deux périmètres visés, Bœuf-Mort et Élysée, ne sont plus forés à l’heure actuelle, comme en atteste une note de la DEAL que Mediapart a pu consulter. Ils n’ont pas non plus fait l’objet des travaux de réhabilitation, accordant de droit aux entreprises la prolongation de l’autorisation de rechercher des minerais.

La puissance publique disposait donc d’arguments à opposer à la demande des industriels. Pourquoi ne pas en avoir tenu compte ? Interrogé à ce sujet mardi soir, le ministère de la transition écologique ne nous a pas répondu.




Cet article a été actualisé mercredi matin vers 8 h 30 pour intégrer la réaction de la ministre de la transition écologique, Élisabeth Borne. Puis vers 10 h 15 pour ajouter les réponses envoyées par son cabinet, arrivées par mail en début de matinée.

Une erreur a été corrigée : Marine Calmet est la porte-parole du collectif Or de question.

Source :https://www.mediapart.fr/journal/france/161019/montagne-d-or-l-etat-fait-marche-arriere



mardi 22 octobre 2019

Au Rojava kurde, on attaque aussi une manière de vivre libre

Au Rojava kurde, 

on attaque aussi 

une manière de vivre libre


17 octobre 2019 / Entretien avec Corinne Morel Darleux



L’attaque de l’armée turque contre la Fédération autonome de Syrie du Nord et de l’Est fait craindre le pire pour les civils, livrés aux milices, mais aussi pour l’avenir de l’expérience politique inédite et originale menée au Kurdistan syrien. Explication par Corinne Morel Darleux dans cet entretien.

Corinne Morel Darleux est conseillère régionale Auvergne – Rhône-Alpes, militante écosocialiste, autrice et chroniqueuse régulière de Reporterre. Elle s’est rendue au Kurdistan syrien à deux reprises : au printemps 2018, où elle était accueillie par le mouvement des femmes kurdes, et au mois de juillet 2019, avec la fondation France Libertés.



Reporterre — Depuis plus d’une semaine, l’armée turque bombarde et envahit le Kurdistan syrien, autrement nommé Rojava. Vous vous êtes rendue au Rojava à deux reprises. Pouvez-vous nous présenter cette région autonome et les fondements de son expérience de la démocratie 

Corinne Morel Darleux — Le Rojava est situé en Syrie du Nord et s’étend sur une bande qui longe la frontière avec la Turquie. On devrait aujourd’hui l’appeler « Fédération autoadministrée de Syrie du Nord et de l’Est », puisque sa zone géographique s’est considérablement étendue au gré des victoires sur Daech [l’organisation État islamique]. C’est désormais un territoire grand comme le Danemark, et où vivent cinq à six millions d’habitants.

Parmi ces habitants, beaucoup étaient venus s’y réfugier car c’était l’un des rares espoirs de paix et de coexistence multiculturelle dans cette partie du monde. Ce territoire regroupe des ethnies et des religions très différentes, dans un principe d’égalité entre toutes ces cultures.

Tout ce territoire s’était, il y a quelques années, déclaré autonome par rapport au régime de Bachar el-Assad. Ses membres sont en train — hélas, je ne sais plus s’il faut en parler au présent ou au passé — d’y mettre en œuvre une administration autonome, c’est-à-dire un système démocratique fondé sur deux concepts : le municipalisme libertaire et le confédéralisme démocratique.

Ces tentatives d’expérimenter une autre forme de démocratie, plus directe, ont comme unité de base « la commune ». Pas « la commune » au sens municipal, comme chez nous, mais au sens de plusieurs dizaines de foyers regroupés pour prendre les décisions qui les concernent directement, et qui, ensuite, sont représentés dans des assemblées de quartiers, de cantons ou de régions pour ce qui nécessite d’être coordonné à échelle plus large.

L’un des piliers du Rojava est également le féminisme. Dans cette organisation démocratique, les différents niveaux de décision sont paritaires et les femmes — qui jusqu’à peu n’avaient même pas le droit de sortir de chez elles — sont entrées en politique. Elles siègent dans les administrations, dans les différentes assemblées citoyennes, elles ont la possibilité de créer leurs emplois, de monter des coopératives paysannes ou économiques. Elles ont aussi pris les armes contre Daech et, encore aujourd’hui, font partie des Unités de protection du peuple (YPG) au même titre que les hommes.


Pourquoi est-il crucial, à vos yeux, de défendre le Rojava ?


D’abord, le peuple kurde est un peuple sans État, dont les droits ont été bafoués pendant de longues décennies. Cette population a toujours été opprimée, elle n’avait même pas le droit de parler sa propre langue.

Ensuite, le projet politique mené au Rojava est inédit, il fait partie des rares poches d’expérimentation, dans le monde, d’autres manières de vivre loin du capitalisme et de ces sociétés avec des États autoritaires tels qu’on en connait, de plus en plus, en Occident. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien, à cet égard, qu’il y a eu beaucoup de messages de sympathie et de soutiens croisés entre la Zad de Notre-Dame-des-Landes et le Rojava. Ce sont des lieux qui ouvrent des brèches.

Il y a aussi une logique de loyauté vis-à-vis de nos anciens alliés, puisque les Kurdes se sont battus contre Daech en notre nom et ont payé un très lourd tribut, avec 11.000 tués, au moment où Daech frappait en Occident et notamment en France. On sait aussi que la Turquie a favorisé le développement de Daech en Syrie. Or, l’armée turque bombarde à proximité des lieux où sont détenus les anciens combattants de Daech et provoque des troubles qui ont déjà permis à plusieurs centaines de prisonniers de s’échapper. La Turquie occupe aujourd’hui Afrin, une ancienne ville du Rojava, avec l’appui de milices djihadistes. Donc, si la Turquie arrive à prendre le contrôle de ce territoire, il y a un énorme risque de résurgence de Daech. On en voit les prémices depuis une semaine avec des attaques de cellules dormantes de Daech du côté de Raqqa et ailleurs en Syrie du Nord. C’est inquiétant pour la suite, et pas seulement en Syrie, mais aussi dans tous les pays qui ont déjà été frappés, dont la France.

Dans le nord de la Syrie, au printemps 2018.


Comment s’explique la vague de sympathie de l’extrême gauche française envers les Kurdes ?

Il y a, dans la gauche française, une adhésion au projet politique révolutionnaire qui est mené en Syrie du Nord. Je me suis toujours gardée d’encenser l’expérience au Rojava et j’ai tenté de conserver un esprit critique, mais j’ai été très impressionnée par l’ambition du projet, le courage dont faisaient preuve les femmes et les hommes qui le mettent en place là-bas, et par sa solidité politique et humaine.

Les seuls vrais freins à la mise en œuvre de ce projet, en réalité, sont plutôt de nature géopolitique : tout est très difficile dans un pays qui fait face à des conflits armés en permanence, qui était déjà menacé par l’armée turque, qui sortait tout juste des affrontements terribles contre Daech, et qui devait faire face à des blocus récurrents. Le Rojava vit une situation de pénurie généralisée, avec la plupart des foyers privés d’eau courante, des coupures d’électricité… Dans ces conditions hostiles, il est difficile ne serait-ce que de tenir des élections. Ce qui a été réalisé là-bas est vraiment phénoménal.


Quels étaient les projets en cours de réalisation en matière d’écologie ?


Il y a un très beau projet de reforestation, « Make Rojava Green Again », mené par la commune internationaliste, des volontaires internationaux qui travaillent avec les populations locales et les collectivités pour planter des arbres dans cette zone qui était auparavant dédiée par le régime syrien à la monoculture intensive de céréales. Quand on y est allé, il n’y avait quasiment que des champs jaunes à perte de vue, avec tout ce que ça pose comme problème en matière de lutte contre la sécheresse et d’alimentation vivrière. Ce projet de reforestation était donc extrêmement bienvenu. Il y a aussi un fleurissement de coopératives paysannes, notamment de femmes, qui réapprennent la polyculture, l’agriculture vivrière, l’agriculture biologique avec un souci de l’environnement qui est inscrit dans les piliers du projet politique.


Dans un tweet publié en début de semaine, vous disiez « Des hôpitaux sont bombardés, des convois civils ciblés, des puits détruits, des camps pilonnés, on en est à 130.000 déplacés, des fous de Daech en fuite… »

Je vois en permanence défiler dans ma tête les lieux, les projets, les visages des gens sur place… On est actuellement dans la phase de bombardement, qui précède une invasion terrestre. Celle-ci devrait être menée par des milices, les supplétifs d’Erdogan, qui ont participé à déloger les Unités de protection du peuple (YPG) de l’enclave d’Afrin. Ils ont alors commis de nombreuses exactions sur les populations civiles. Et on ne peut pas oublier ce qu’a été Daech : enlèvements, tortures, viols, lapidations, personnes réduites en esclavage. Ce qui m’inquiète terriblement pour la suite est le moment où les personnes qui n’auront pas pu fuir, ou seront rattrapées par l’avancée des djihadistes, vont se retrouver dans des situations abominables. Quand on parle de guerres et de géopolitique, c’est souvent abstrait, mais très concrètement, il s’agit des hommes, des femmes et des enfants qui se retrouvent pris au piège avec des brutes dont on a déjà vu ce qu’elles étaient capables de faire.




Vous finissez cette publication par : « Et la réponse de la France à tout ça, c’est le retrait face à la Turquie ? » En voulez-vous au gouvernement français ?

J’en veux beaucoup à Donald Trump, déjà. Je ne comprends pas comment il est possible, en 2019, d’avoir à la tête des États-Unis quelqu’un d’aussi inconséquent, qui en une semaine provoque quasiment à lui tout seul un tel désastre humanitaire et géopolitique. J’en veux au président turc, j’en veux aussi au gouvernement français, et à tous les autres. Je ne sais pas ce qui se passe dans les couloirs diplomatiques, mais qu’il n’y ait pas eu de réaction virulente. Le Conseil européen a mis une semaine à se réunir, il a fallu plusieurs jours pour demander une convocation du conseil de sécurité de l’ONU.

La France, elle, ne s’interroge toujours pas sur son appartenance à l’Otan [Organisation du traité de l’Atlantique Nord], dont sont membres à la fois les États-Unis et la Turquie. Il n’y a pas de réflexion de fond sur les questions de sécurité et de défense, et ça ne date pas de Macron. C’est un héritage plus ancien. Mais je crains qu’on ne finisse par payer très cher l’absence de réflexion géopolitique autonome et sensée de la part de la France.


Dans le nord de la Syrie, au printemps 2018.



Que peuvent faire les citoyens français ?

Notre pouvoir est relativement limité, parce que nous sommes face à des cadres de géostratégie internationale compliqués à faire bouger. Mais il est très important de dire et de redire que tous les gestes de soutien comptent. Un texte, publié par la commune internationaliste et le projet Make Rojava Green Again, dit que toute l’information qui est relayée rend la révolution immortelle et permet de graver ce moment dans l’histoire pour qu’il ne soit jamais oublié.

Il faut passer par tous les biais possibles d’information : dans des médias, auprès des voisins, de la famille, des amis… Rien n’est anodin. Ça n’arrêtera peut-être pas la guerre, mais ça donne du courage aux Kurdes, à toutes celles et ceux qui vivent là-bas, de sentir que tout le monde ne les abandonne pas. Il y a des rassemblements, souvent appelés par le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), il y a aussi des actions qui commencent à se multiplier, dans des aéroports vis-à-vis de Turkish Airlines, ou via des appels à boycotter des produits turcs. Make Rojava Green Again propose de planter des arbres devant les ambassades turques pour en bloquer l’entrée. Une banderole a aussi été déroulée au Stade de France, lundi 14 octobre, lors du match France-Turquie. Tout ce qui permet de montrer notre désaccord avec cette offensive est bon. On peut aussi aider financièrement les victimes via Roja Sor-Soleil rouge. [1]

La seule vigilance que j’ai est de ne pas attiser les tensions entre les communautés ici. Rien ne serait pire que d’importer le conflit en France. Il faut qu’on y fasse attention, parce qu’une des choses qui fait la beauté et la grandeur du projet de Syrie du Nord, c’est précisément de permettre aux uns et aux autres de vivre ensemble, de manière fraternelle. Et je veux croire qu’il y a aussi beaucoup de personnes d’origine turque, en France, qui n’approuvent pas la situation.

Puisque vous êtes ici…

... nous avons une faveur à vous demander. La crise environnementale et sociale n'a jamais été aussi forte, et pourtant son traitement médiatique reste à la marge. Nous considérons à l'inverse que la question écologique est centrale dans le fonctionnement de la société. Reporterre s'est donné pour mission d'informer et d'alerter sur ce qui constitue, selon nous, l'enjeu principal du XXIe siècle. Pour cela, notre équipe de journalistes professionnels publie chaque jour des articles, des enquêtes et des reportages. Contrairement à une majorité de médias, le journal n'a ni propriétaire, ni actionnaire, ni publicité. Il est géré par une association à but non lucratif. Nous ne servons aucun intérêt particulier, si ce n'est celui d'informer. Tous nos articles sont en libre accès, car nous considérons que l'information doit être accessible à tous sans condition de ressources.

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[1Par chèque, au siège de l’association (2, passage du Fossé noir, 10120 Saint-André-les-Vergers ; par virement à la banque : CIC TROYES HOTEL DE VILLE, IBAN : FR7630087335000002074770150, BIC : CMCIFRPP ; en ligne par Paypal sur le site rojasorfrance.com/




Lire aussi : Appel à une rébellion internationale pour le Rojava
 


Source : Alexandre-Reza Kokabi pour Reporterre
Photos : © Corinne Morel Darleux
. chapô : Dans le nord de la Syrie, au printemps 2018.


Source : https://reporterre.net/Au-Rojava-kurde-on-attaque-aussi-une-maniere-de-vivre-libre