Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

samedi 30 août 2014

Dans le Tarn, encore une Zone à Défendre

Il est question de faire un barrage pour alimenter en eau une dizaine d'agriculteurs qui continuent à produire du maïs. 
Cela signifie faune et flore sacrifiées.
Les temps changent, changeons les pratiques !


Dernières nouvelles du Collectif de Sauvegarde de la Zone Humide du Testet


Dans une belle envolée démocratique, le Conseil Général (CG) a interdit l’accès de la maison forestière de Sivens où nous avions prévu de nous rassembler ce week-end… L’accès et l’utilisation de l’espace de la forêt départementale (aire d’accueil, de pique-nique, de jeux, sentiers et itinéraires de randonnées) sont également interdits. La Préfecture a donc refusé nos déclarations de manifestations. Etant donné les lourdes sanctions pénales en cas de manifestation illégale, nous annulons évidemment les rassemblements prévus à la maison forestière.

Nous repoussons notre rassemblement de soutien aux grévistes de la faim à dimanche 31 août 15h sur une propriété privée à proximité. Le 1er RV est fixé au carrefour de Barat (croisement des D132 et D32), des personnes vous orienteront ensuite. Un plan sera mis en ligne ce samedi soir. Un parking sera disponible sur le lieu privé mais favorisez le covoiturage pour limiter le nombre de véhicules.

Il y aura des prises de paroles et la présentation du Comité de soutien aux grévistes. Ceux-ci en sont à leur 3ème jour sans s’alimenter et n’ont toujours pas de nouvelles du CG à propos de leurs demandes de réponses et d’un débat public contradictoire. Le soir, il y aura une veillée de soutien sur le même lieu privé, prévoir des tentes, sacs de couchages et lampes. Amenez aussi de quoi manger et boire. La météo sera belle, se protéger du soleil.

Il est très important de se mobiliser durant cette période critique (déboisement prévu lundi 1er septembre) afin d’obliger le CG à accepter un moratoire d’au moins quelques semaines jusqu’aux décisions attendues du tribunal, du ministère chargé de l’écologie et de la commission européenne.

Nous pouvons gagner si suffisamment de citoyens se mobilisent d'ici lundi ! Ce sera une belle victoire collective !

Une cyberaction est en place ici :





Les opposants au barrage du Testet résistent aux forces de l’ordre

BARNABÉ BINCTIN (REPORTERRE)
mercredi 27 août 2014


Remaniement ou pas, les grands projets inutiles continuent. Les gendarmes interviennent depuis lundi au Testet, dans le Tarn, pour évacuer les zadistes qui s’opposent à la réalisation d’un barrage destructeur de la biodiversité.

Si les écologistes ont connu une rentrée politique mouvementée, marquée par leur refus final de participer au deuxième gouvernement de Manuel Valls, celle qui les attend sur le terrain risque d’être tout autant agitée. Depuis deux jours, la zone humide du Testet (Tarn), menacée par un projet de barrage du Sivens, est le lieu d’affrontement entre les opposants au projet et les forces de l’ordre, arrivés en nombre – plus d’une cinquantaine – lundi 25 août.
La situation n’est pas sans rappeler, à petite échelle, l’opération « César » de novembre 2012, à Notre-Dame-des Landes. D’un côté, une soixantaine de militants-activistes qui souhaitent empêcher la réalisation d’un nouveau projet inutile et imposé, qui verrait la destruction de plusieurs espèces protégées. Après avoir été une première fois évacués de la zone le 16 mai dernier, ils réoccupent depuis le 15 août ces terrains devenus « ZAD » depuis près d’un an.
De l’autre, les gardes mobiles venus encadrer les travaux préliminaires à la mise en chantier du site : derniers prélèvements d’espèces par les naturalistes, terrassement en vue de la création d’une zone de stockage pour les engins et le bois, etc.
L’enjeu : démarrer à partir du 1er septembre le chantier de déboisement.
Le nouvel arrêté de déboisement avait été retardé l’hiver dernier. Mais le Conseil Général et la préfecture du Tarn semblent maintenant déterminés à enclencher cette étape cruciale dans l’avancement du projet : « Ils veulent passer en force. S’ils parviennent à déboiser, on sera à nu, on ne pourra plus se cacher et ils auront donc fait une grosse part du boulot » prévient Camille (pseudonyme), l’un des « activiste-pacifiste » de l’occupation depuis ses débuts.
Sur place, les zadistes ont mis depuis quelque temps tout en œuvre pour ralentir au maximum le processus. Pendant une semaine, ils ont réinvesti les lieux, afin de monter des cabanes et autres constructions compliquées à démolir. « On faisait ça de manière clandestine, la nuit, en douce. On ne s’est rendu apparent que vendredi soir dernier » raconte Camille.
Mais dès lundi, la tension monte avec les forces de l’ordre. Fred, un autre occupant sur place, raconte l’escalade : « Ils ont fait venir des gendarmes de toute la région, et certains, comme ceux du PSIG [Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie], étaient très énervés. Il y a eu des provocations, et c’est parti en baston, il y a eu des vrais combats ». Lundi soir, la police a procédé à deux arrestations avec inculpation pour violences sur des forces de l’ordre.
Dans la nuit de lundi à mardi, des barricades ont été installées sur la zone. Celle qui bloquait le pont du Tescou à tenu jusqu’à 16h mardi. Un hélicoptère a sillonné le ciel dans la journée pour contrôler depuis les airs les opérations policières. Mardi soir, à 20h, les gendarmes semblaient avoir battu retraite, laissant aux zadistes une nuit de plus pour organiser la résistance des prochains jours.


Mais sur le camp de la Bouillonnante, le QG de la lutte comme le racontait notre envoyé spécial l’hiver dernier, les conditions d’occupation sont sommaires : « Nous n’avons qu’une caravane avec un espace de cuisine collective et quelques tentes ; le risque d’être délogés dès demain n’est pas à exclure. Si on était une centaine de plus, ce serait beaucoup plus compliqué pour eux », explique Fred.
Les promoteurs du projet profitent peut-être de l’agitation politique nationale liée au remaniement du gouvernement pour avancer discrètement. Pour José Bové, un des principaux soutiens politiques à la résistance au projet de barrage« les autorités jouent sur le rapport de force en sortant les grands moyens, dit-il à Reporterre. Ils sont dans une logique lourde, une logique ‘bulldozer’. Quelque soient les ministres en place, c’est la même logique productiviste qui continue ».
Pour alerter l’attention publique, plusieurs opposants entament à partir de ce mercredi une grève de la faim. Avec comme principale revendication, celle d’un moratoire pour ouvrir un débat public qui n’a jamais eu lieu. « Il y a eu une enquête publique bâclée, et une réunion d’information qui a fait office de débat public, explique Christian, qui fait partie des jeûneurs. Nous demandons au Conseil Général un vrai dialogue, qu’il réponde enfin aux questions que l’on pose sur l’utilité publique du projet ».
Au Testet, les prochains jours seront décisifs pour l’avenir de la forêt et des prairies qui bordent le Tescou…

Source : Barnabé Binctin, pour Reporterre.
Photos : Cédric Rutter.

Cet article a été réalisé par un journaliste professionnel et a entrainé des frais. Merci de soutenir Reporterre :
 

vendredi 29 août 2014

Perpignan, 19 et 20 septembre 2014 : Décoloniser nos imaginaires avec la Ligue des Droits de l'Homme

La Ligue des Droits de l’Homme 66 vous invite à



"coloniser nos imaginaires"




Les 19 et 20 Septembre 2014 à Perpignan

Ces rencontres auront lieu chaque année, autour des problématiques de "colonisations" historiques, géographiques, économiques, culturelles ....


Vendredi 19 septembre : Les travailleurs forcés d’Indochine en France

* - 17 h, librairie Torcatis (rue Mailly à Perpignan), Pierre Daum, journaliste et écrivain, signera et présentera son livre « Immigrés de force » sur les travailleurs indochinois en France de 1939 à 1952.

* - 18h30, cinéma le Castillet, Pierre Daum présentera le film tiré de son livre, «Công Binh, la longue nuit indochinoise » (http://www.congbinh.net/), réalisé par Lam Lê. Entrée 5€.

L’immigration n’aurait-elle pas toujours été choisie, sélectionnée, appelée, encouragée, etc ?
Choisie et… rejetée au gré des circonstances économiques ou militaires et des tambouilles électorales ?
Choisie, et parfois même forcée. C’est ce qui est arrivé à quelque 20.000 Indochinois entre 1939 et 1952, que la France impériale a enrôlés de force. En l’espace de six mois, ils ont débarqué en métropole pour soutenir l’appareil de production de ce qui était alors la « mère patrie »...

* - 20 h 30, buffet-discussion, offert par la LDH dans le hall du Castillet.
Table de presse avec livres sur la colonisation, les pays colonisés ....



Samedi 20 septembre : "Autre/s et Apartheid, de l'Afrique du Sud à la Palestine"

* - 15 h 30, en partenariat avec l’association « Les riverains de la Place Cassanyes»», contes pour enfants à partir de 6 ans dans le quartier Saint-Jacques (lieu à confirmer) par le conteur Wilfried Delahaie, sur le thème de « l’Altérité ». Entrée libre.

* - 18h, cinéma le Castillet, débat en présence de Michèle Sibony, vice-présidente de l’Union Juive Française pour la Paix, et un-e représentant-e du Collectif 66 "Paix et Justice en Palestine"
Elle interviendra sur l'histoire et l'actualité des colonies israéliennes implantées en territoire palestinien, et sur l'impact en Israël de la campagne internationale "Boycott, Désinvestissement, Sanctions"

* - 19h : petite collation offerte par la LDH dans le hall du cinéma, et table de presse

* - 19h30 : cinéma le Castillet, dans la même salle, film « Roadmap to Apartheid» («Feuille de route pour l’Apartheid, de l’Afrique du Sud à la Palestine»). En présence de Michèle Sibony.

Récompensé lors de nombreux festivals de films documentaires, ce film d’Ana Noguera et Eron Davidson a su faire face magnifiquement au défi que constitue une comparaison entre des Histoires de pays très différents. Bien peu de réalisateurs se sont risqués à un tel exercice politique, et c’est ce qui fait tout l’intérêt de cette œuvre. Entrée 5€.




« Nous avons conscience que notre liberté est incomplète 
tant que celle des Palestiniens n’est pas acquise » - Nelson Mandela.



mercredi 27 août 2014

Compte-rendu du Café Repère du Conflent du jeudi 21 Août 2014

Bonjour tout le monde,

quelques notes rapides prises ce jeudi 21 août pour le Repère du Conflent

Sous le cadran solaire et sur la terrasse du Bar du Canigou nous étions une bonne quinzaine de personnes autour d'un verre de rouge, d'un demi ou d'un thé.

Au menu le problème de l'eau pour la vallée du Cady avec les villages de Casteil, Vernet les Bains et Corneilla de Conflent.
Le contrat avec la Saur arrive à sa fin en juin 2015.
Un collectif de citoyens, le bien-nommé CUSEC (Collectif des Usagers au Service de l'Eau du Cady) s'est créé pour que la gestion de l'eau soit prise en main par le service public.
Jean de Casteil nous fait part de la réponse du Printemps de Casteil aux propos agressifs tenus par le président du Sivom (syndicat qui gère l'eau et les services d'assainissement), le maire de Corneilla, contre le CUSEC.
Le prix de l'eau à Vernet les Bains atteint le taux prohibitif de 4,58 € le m3, alors qu'il est à 3,45 au niveau national, 2,50 à Sahorre, 1,70 à Py et 1,45 à Olette...
Les fuites atteignent également un volume conséquent.
Les trois forages envisagés sont une erreur pour l'environnement.,
Faire travailler un bureau d'étude, recevoir des subventions semblent être la seule utilité des mesures annoncées.
La solution serait que le CUSEC se mobilise assez pour que le SIVOM dénonce le contrat avec la SAUR. Une régie publique pour le bénéfice de tous est toujours préférable à une entreprise privée dont on sait par avance que le seul objectif est le profit pour quelques uns.

Pour plus de détails vous pouvez lire cet article avec trois liens dedans :

http://leprintempsdecasteil.blogspot.fr/2014/08/vendredi-22-aout-2014-haro-sur-le-bidet.html

Réunion du Collectif CUSEC ce mercredi 27 août, 18h, chez Olivier et Hélène à Casteil là où nous avons fêté les 3 ans du Repaire du Conflent

                                   ((((((((((((((((((((((()))))))))))))))))))))))

Ensuite Geneviève qui habite Oreilla nous fait part de la nouvelle décision de la municipalité concernant la gestion de l'eau. 
Le débit de la source est moindre qu'avant, l'été c'est le canal qui vient de la rivière Cabrils qui vient en aide. Un entrepreneur, le même qui a déjà 'enfermé' l'eau à Nyer, se propose de faire tous les travaux pour 'enfermer' l'eau qui vient du Cabrils. En effet, la gestion du canal (réparations, nettoyage) devient trop lourde pour la petite commune d'Oreilla.
Le tubage du canal et l'entretien des installations seraient à la charge de l'entrepreneur, qui compenserait ses dépenses en mettant une petite turbine à la sortie. Il pourrait ainsi produire de fin octobre à début mai de l'électricité qu'il vendrait à EDF pour son profit personnel. De mai à octobre, cette eau irait à l'arrosage. Quant à l'eau courante,  il y aurait assez pour tout le village pendant toute l'année.
Ne pourrait-on pas plutôt associer la municipalité et même les citoyens qui le souhaitent à l'investissement afin de  produire de l'électricité pour le bénéfice de tous ?

                                         ((((((((((((((((()))))))))))))))))

Georges Lapierre qui connait bien le Mexique nous parle du mouvement Zapatiste.
Les transnationales sont plus fortes que les communes.
Au Mexique il y a 56 langues différentes avec de très nombreuses ethnies.
Les communes ont du mal à lutter contre les projets de mines à ciel ouvert, les projets de barrages et de parcs éoliens. Il y a également les maffias qui sont très offensives.

Il est tard, nous nous séparons.

Le prochain Café Repaire du Conflent se tiendra à Villefranche le jeudi 18 septembre à 19h30 au Bar du Canigou.

(LN)

mardi 26 août 2014

Des nouvelles de l'eau dans la Vallée du Cady


Vendredi 22 août 2014 - Haro sur le bidet du Cady


Bulletin n°1 du SIVOM de la Vallée du Cady (suite)
La diffusion du bulletin du SIVOM (en charge de l'eau potable et de l'assainissement de la Vallée du Cady) a été amorcée fin juillet 2014 et n'a,
à ce jour, pas été faite auprès de tous les usagers de nos 3 villages
(Casteil, Vernet Les Bains et Corneilla de Conflent).
Aussi, vous trouverez la version numérisée ici : bulletin n°1 du SIVOM.

Pour rappel, Le Printemps de Casteil a donné son premier ressenti quant à ce bulletin : voir notre article du 25 juillet 2014 sur le sujet.

Le collectif CUSEC (Collectif des Usagers de l'Eau de Cady),
qui regroupe des usagers de Casteil, Vernet Les Bains et Corneilla,
a communiqué son analyse du bulletin et conteste les chiffres
relatifs au prix de l'eau affichés par le SIVOM. Pour en savoir plus : Cusec.

Une nouvelle réunion du SIVOM s'était déroulée "clandestinement"
le 12 août 2014, bien entendu sans en informer les citoyens.
En l'absence de tout public, le SIVOM a pu se dérouler en toute discrétion,
sans avoir à déclarer le huis clos pour expulser l'auditoire.

Lors du Conseil Municipal de Vernet du 21/08/14, il a été déclaré que le SIVOM n’aurait qu’une, ou au plus deux années de vie dans la mesure où le Préfet avait en projet une régie des eaux regroupant 30 villages du Conflent
(dont Casteil, Vernet Les Bains et Corneilla de Conflent). 

lundi 25 août 2014

Comment se Meurt La Poste et l'Horreur Numérique

On  reçu ça : 


Comment se meurt la Poste.

                                                                                          Jean Monestier


Au début du mois de juillet 2014, j’ai longuement attendu l’arrivée dans ma boite aux lettres de résultats d’analyses de laboratoire et d’un bilan de mon cardiologue, deux documents que je devais présenter lors d’une consultation programmée le 21 juillet à l’hôpital de Perpignan. D’après les secrétariats des expéditeurs, ces plis avaient été postés vers le 4 juillet. Ils n’étaient toujours pas arrivés au 8 août, et j’ai dû courir dans les bureaux pour me procurer des duplicatas in extremis en vue de cette consultation du 21 juillet. De plus, le 5 août, au retour d’une absence de 4 jours, je trouvai dans ma boite aux lettres un rappel de mon fournisseur d’eau se référant à une facture non encore payée qui avait été émise le 8 juillet, et que je n’avais pas reçue non plus. J’ignore évidemment si d’autres plis sont en souffrance. Ne croyant pas recevoir plus de trois cents courriers ordinaires par année, je subis donc un taux de perte d’environ un pour cent par an, alors qu’avant l’arrivée des néolibéraux, qui allaient faire partout mieux et moins cher, la Poste annonçait qu’elle ne perdait pas plus d’une lettre sur 100.000. La « rationalisation » du service du courrier, toujours en cours, multiplie donc déjà par 1000 le taux de plis perdus. Merci les néolibéraux !
A la Poste de ma commune, on s’occupe encore des expéditions, mais plus du tout de la distribution, et on m’a renvoyé vers un centre téléphonique situé on ne sait où. Joint après une procédure numérique désormais inévitable (Faites le 1, faites le 2, faites le 3 !) un monsieur très poli, dont les communicants vérifient soigneusement la politesse par des enregistrements impromptus, m’a expliqué que, pour le courrier ordinaire, on ne pouvait rien faire. Seuls les envois recommandés ou suivis peuvent être recherchés. La Poste pourrait malgré tout collecter les réclamations. Elle en localiserait alors les recrudescences de façon statistique, sur telle commune, sur telle semaine, et elle pourrait aller voir de plus près ce qui s’est passé. Mais apparemment, elle ne le fait pas. Inutile donc, strictement inutile de réclamer pour du courrier ordinaire. C’est comme cela d’ailleurs que la rareté des réclamations permet aux cerveaux cubiques de proclamer que leur rationalisation donne d’excellents résultats.
C’est ainsi que la Poste se meurt.
La dégradation a commencé par les levées des boites aux lettres installées sur la voie publique. Dans les pièces d’Eugène Labiche, à Paris, on peut envoyer à 15h00 une carte pour instaurer, déplacer ou décommander un rendez-vous fixé à 18h00 le même jour. Il devait donc y avoir cinq ou six levées par jour et le courrier intra muros était trié et distribué aussitôt. En province, je pense qu’il y avait deux levées par jour, sans doute davantage dans les grandes villes, et je me souviens, étant enfant, avoir remarqué sur les boites aux lettres, alors bleues, l’affichage des heures de ces levées, souvent une le matin et une en fin d’après midi.

Dans les grands établissements, la dernière pouvait être à 20h00 ou 21h00. A Toulouse, à la fin des années 60, on pouvait encore poster jusqu’à 23h00 au centre de tri qui jouxtait la gare. Mais le courrier voyageait alors en train, cette vieillerie. J’ai connu un de ces « ambulants » qui triaient la nuit à bord des wagons-postes. Il avait l’air assez content des nombreux jours de liberté que cela lui procurait en compensation. Car, de même qu’il y a temps partiel et temps partiel, il y a travail de nuit et travail de nuit. Cela devait coûtertrop cher, et tout ceci n’existe plus.
Les nouveaux gestionnaires ont mis bon ordre à cette gabegie. En général, il n’y a plus qu’une levée par jour. C’est largement suffisant, puisqu’il n’y a aussi qu’une distribution. Mais l’heure de cette levée avance peu à peu. Dans ma commune, la plus tardive, près du bureau de Poste, est à 15h00, et ce n’est gère mieux au chef-lieu du département. Quant aux boites installées dans les rues, qui sont par ailleurs une espèce en voie de disparition, (ceci expliquant sans doute cela) elles sont levées de plus en plus tôt. Estimez-vous heureux si c’est à 12h00 ou 13h00, car, pour nombre d’entre elles, la « dernière » levée du jour est à 9h00 du matin. Bientôt, pour que votre courrier parte aujourd’hui, il devra avoir été posté hier. Il est donc devenu strictement impossible de répondre à une lettre importante par retour du courrier, c'est-à-dire le jour où on l’a reçue. On n’arrête pas le progrès.
Par ailleurs, les cerveaux cubiques se sont attaqués au tri. Plus question de laisser les facteurs trier eux-mêmes le courrier intra muros avec leurs dix petits doigts. C’était tellement anti-productif de prendre une lettre issue de la levée locale, d’allonger un peu le bras, et de la mettre directement dans le casier du collègue qui la distribuerait. Tout cela était furieusement artisanal, pour ne pas dire ringard, et monstrueusement coûteux, bien sûr. Payer les facteurs pour trier et allonger le bras ? Vous n’y pensez pas, alors que nous avons des trieuses automatiques capables de traiter des milliers de plis à l’heure. Non ! Les facteurs doivent se concentrer sur leur « cœur de métier », la tournée, une tournée qui peut être ainsi plus longue et plus « productive ». On aurait pu laisser coexister les deux systèmes, celui des facteurs gérant localement le courrier du canton, et celui de la machine qui trie pour toutes les directions selon les codes postaux. Mais le propre d’un système industriel, c’est qu’il est totalitaire. Il rend un service « identique » à tous les « clients », et n’accepte aucune exception. Je ne dis pas un service « idéal ». Je dis un service « identique », uniforme, même si cette sorte d’égalité mécanique génère aussi de la médiocrité. Ainsi, quand tout le courrier des Pyrénées Orientales a été systématiquement regroupé près du chef-lieu pour être traité dans un « centre de tri départemental », ma mère a découvert que des résultats d’analyses biologiques postés à quelques rues de son domicile pouvaient mettre quatre jours pour arriver dans sa boite aux lettres. Du temps des facteurs artisans, c’était en général un jour. Cherchez l’erreur
Bien, sûr, il y a Internet, ce système électronique où l’on peut, en un clic, envoyer la même lettre à 300 personnes, dont peut-être 80% ne la liront pas. D’aucuns s’acharnent à ce que l’on puisse tout faire par voie électronique : recevoir et payer une facture, effectuer un virement international, échanger des lettres, des documents, diffuser des circulaires, des bulletins d’information, des journaux, et, bien sûr, des publicités innombrables qui permettent de faire croire que le système est quasi gratuit. On ne peut pas encore transmettre un parfum, un produit biologique (sang, sperme) mais ce n’est qu’une question d’années.
En fait, Internet est d’abord une école de fausse ubiquité et d’immédiateté quasi réflexe, de responsabilité masquée, de contre-productivité cachée, où la masse des flux de circulation des informations, parfois contradictoires, étouffe peu à peu la communication. Des pourcentages énormes de messages ne sont pas pris en compte par leurs destinataires. Les faux sont quasi indétectables, et, bien sûr, plus aucune confidentialité  n’est garantie. Pourtant les nuages d’électrons, que je soupçonne d’avoir un effet hypnotique, font oublier peu à peu le vrai papier des vrais documents. Ne serait-ce pas là le véritable objectif de cette carte si bien forcée ?
Pourtant, tout cela est écologiquement ruineux. Dans un article paru dans le N°111 de La Décroissance, Fabrice Flipo, premier auteur de « La face cachée du numérique » (Editions l’Echappée), rappelle que la consommation d’énergie de la branche TIC augmente de 6% par an, ce qui a annulé, entre 1990 et 2005, tous les gains énergétiques effectués par les ménages sur tous leurs autres appareils domestiques. Sans parler de la consommation croissante (sans espoir de recyclage) de nombreux métaux rares. Comme le fait remarquer Fabrice Flipo : [ Le numérique est le seul domaine dans lequel on trouve que remplacer du renouvelable (papier) par de l’épuisable (métaux, etc.) est une stratégie « durable ». ] Bien sûr, environ 20% des gens ne sont pas encore connectés à domicile, mais ils sont considérés comme les derniers des Mohicans, et toutes les administrations, entreprises, et associations les pressent de se rallier à la majorité, de gré ou de force.
On nous dit que la Poste voit son activité « courrier » baisser de 5% par an, ce qui, sauf erreur de ma part, fait près de 40% en dix ans. Malgré les réorganisations, redéploiements, restructurations, et autres rationalisations diverses, infligeant aux  personnels d’innombrables mutations d’office, il nous faut donc constater que nous sommes face à une retraite bien orchestrée : - fermetures des petites postes rurales (même si le bilan carbone en est catastrophique), - regroupement des boites aux lettres des particuliers en des points économiques à desservir, - prolifération des automates permettant de remplacer le travail des salariés, « redéployés » ailleurs, par celui des usagers, pardon, des « clients », qui est gratuit, - multiplication et modification incessante des tarifs, camouflant de solides augmentations pour de nombreux cas particuliers (DVD désormais refusés au tarif lettres) sous le manteau troué du prix unique du timbre, fétiche désuet encore contrôlé par le gouvernement, et enfin - diversification générale des ventes, au point que certains bureaux ressemblent désormais à un grand bazar la veille de Noël.
Bien que ce soit un peu différent, ce bouillonnement tarifaire fait penser au « yield management » pratiqué par la SNCF sur les TGV et TEOZ. Il s’agit, je pense, de la même stratégie marketing, qui vise à faire perdre au client toute référence de prix, afin de lui faire payer un montant en €uros individualisé et le plus élevé possible. Cette individualisation du tarif, piétinant la législation habituelle sur les prix et les règles de toute démocratie, permet évidemment de maximiser la recette globale, mais, hélas, pas de résorber le déficit. C’est ainsi que le service public est transformé à toute force en « entreprise », et que les derniers postiers voient leur métier se dissoudre dans les réformes à répétition et les recrutements de vagues de jeunes précaires à la recherche d’un « job ».
Le coup de grâce sera bien sûr la privatisation, dont l’objectif premier est de mettre fin à la péréquation, ce cauchemar des néolibéraux. De même que les « Mutuelles » Santé gagnent de l’argent sur les deux tableaux en séparant les actifs des retraités dans les contrats d’entreprise, ce qui est l’inverse parfait de l’esprit mutualiste, les différents « marchés » de la Poste seront gérés séparément. A Paris et dans les grandes villes, il est peu coûteux de traiter des milliers de plis : un tarif abaissé par rapport au timbre unique achètera l’adhésion des « clients » urbains, la grande majorité, tout en permettant à l’actionnaire, nouveau profiteur, de gagner de l’argent grâce aux grands volumes concernés. En milieu rural, ce sera l’inverse : on pratiquera une belle marge sur des courriers plus rares et presque pris en charge au cas par cas. Le timbre entre un petit village de l’Ardèche et un petit village de l’Aude coûtera peut-être cinq €uros, sauf si l’Etat décide que ce secteur ressort encore du Service Public, auquel cas c’est le contribuable qui paiera la différence, quitte à gémir en permanence sur le poids de tous ces « assistés » ruraux. La suppression de la péréquation est d’abord une énorme destruction de solidarité républicaine et d’égalité. Mais on nous dira peut-être que le moindre hameau est connecté à Internet (tous les élus locaux y travaillent d’arrache-pied) et qu’envoyer une lettre est désormais un luxe qui se paye.
Si nous ne faisons rien, voilà donc ce qui nous attend, la mort de la Poste après une longue agonie.

                           Jean Monestier.  
    
                                             Le 10.08.2014
Titulaire d’une maîtrise d’économie auprès de l’Université de Toulouse.
              Artiste-Auteur-Indépendant.
               Objecteur de croissance.
Défenseur d’une biosphère habitable.
Amorce de bibliographie.

 « De la démolition des PTT, une entreprise d’Etat », par Nicole Mahoux, Editions de l’IESE – 2013, un regard depuis l’intérieur de l’institution, que j’ai lu après avoir écrit ce texte, qui n’est au fond que le regard extérieur d’un citoyen lambda. 
J’avais lu,  bien auparavant :
 « Se distraire à en mourir », de Neil Postman, réédité par Fayard/Pluriel - 2010,
 « La face cachée du numérique », coordonné par Fabrice Flipo, Editions l’ÉCHAPPÉE - 2013.
« L’emprise numérique », de Cédric Biagini, Editions l’ÉCHAPÉE - 2012.
« Le travail sans qualités », de Richard Sennet, Editions Albin Michel -  2000.
« La culture du nouveau capitalisme », de Richard Sennet, Editions Albin Michel -  2006.
« Le travail du consommateur », de Marie-Anne Dujarier, Editions LA DECOUVERTE – 2008.

                 ))))))))))))))))))))))))))))))))(((((((((((((((((((((((((((((((((




dimanche 24 août 2014

L'Europe et le Canada disent 'oui' à la justice privée

L’Europe et le Canada disent 

« oui » à la justice privée

         Le Monde.fr | 16.08.2014 à 15h21 • Mis à jour le 17.08.2014 à 09h35 | Par Maxime Vaudano


C’est un document aride de 519 pages qui, en temps normal, n’aurait jamais attiré l’attention de quiconque en dehors du cénacle des multinationales et des spécialistes du commerce international. « Fuité » le 13 août par le journal télévisé allemand « Tagesschau » sur son site, le texte confidentiel de CETA, l’accord de libre-échange conclu entre l’Union européenne et le Canada, a pourtant été accueilli avec grand intérêt.

Et pour cause : il montre que l’Europe a accepté de déléguer une partie de sa justice à des tribunaux arbitraux privés.

Une répétition générale avant d’appliquer cette logique à grande échelle avec le traité transatlantique Europe–Etats-Unis ?

1. De quoi s’agit-il ?

    Comme de nombreux traités commerciaux signés ces vingt dernières années
  (mais c’est une première pour l’Europe), le CETA (« Comprehensive Economic and Trade Agreement ») installe un tribunal privé au nom barbare :
   le mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats, appelé ISDS en anglais.
   Si elles s’estiment lésées par les décisions des Etats dans lesquels elles exercent leurs activités,
         les entreprises canadiennes et européennes pourront porter plainte devant cette instance composée non pas de juges professionnels, mais d’arbitres triés sur le volet, le plus souvent issus de grands cabinets d’avocats d’affaires.
 Ce mécanisme fait également partie des dispositions les plus critiquées du traité transatlantique en cours de négociation.
                 

2. Quel intérêt ?

A l’origine, l’ISDS était intégré aux accords commerciaux pour pallier les carences des systèmes judiciaires des pays en développement et rassurer les multinationales occidentales : garanties contre le risque d’expropriation arbitraire, elles étaient censées investir davantage. Pourquoi donc l’intégrer à un traité entre deux économies modernes comme l’Europe et le Canada ?
 « Les multinationales n’ont pas confiance dans la justice des pays de l’Est, comme la Roumanie ou la Bulgarie », souffle un vieux routard de l’arbitrage international. Elles pourront donc réclamer des dommages et intérêts devant l’ISDS, au nom du respect des principes de libre-échange inscrits dans le CETA. Délocaliser le règlement des conflits vers un tribunal arbitral permettra également, selon les entreprises, une plus grande neutralité dans les décisions, les juridictions nationales étant susceptibles d’être influencées par les Etats attaqués.


3. Quels sont les risques ?

Pour ses (nombreux) opposants, l’ISDS pourrait coûter très chers aux Etats qui ne se soumettent pas aux desideratas des multinationales. Attaqué 35 fois en vingt ans dans le cadre de l’ISDS de son accord commercial avec les Etats-Unis, le Canada a ainsi été condamné à six reprises et forcé de verser au total 170 millions de dollars (130 millions d’euros) de compensations à des entreprises américaines (sans compter les frais de procédure), selon un rapport récent du Canadian Centre for Policy Alternatives. Les arbitres ont jugé que les règles de non-discrimination et de non-expropriation fixées par l’accord avaient été enfreintes.
  Un cas récent, encore en cours d’instruction, fait grand bruit au Canada : estimant que la justice canadienne a invalidé injustement deux de ses brevets, le laboratoire pharmaceutique américain Eli Lilly réclame 100 millions de dollars
   (75 millions d’euros) de compensation pour ses profits gâchés.
       
   Pour l’ONG américaine Public Citizen, Eli Lilly tente d’utiliser l’ISDS pour détruire le système canadien de validation des brevets, au mépris des choix démocratiques opérés par les Canadiens.
Dans la négociation du CETA, les Européens ont refusé de prendre en compte cette crainte, en déclinant la proposition canadienne d’exclure clairement les questions de propriété intellectuelle du champ de l’ISDS.
 Plus généralement, les craintes se focalisent sur l’absence de garde-fous dans l’ISDS : les arbitres sont libres de livrer leur propre interprétation de notions juridiquement floues comme « l’utilité » d’un investissement, ou « l’expropriation indirecte d’un investissement ». Il n’existe aucun mécanisme d’appel ou de responsabilisation des arbitres.
 Pour connaître tous les détails, lire notre analyse de la version fuitée de l'accord de CETA
  Tout juste les négociateurs ont-ils introduit la possibilité pour l’Union européenne et le Canada d’adopter des déclarations contraignantes fixant l’interprétation de points problématiques, auxquels les arbitres devront se conformer.
     
Cela suffira-t-il à empêcher les multinationales de contester les choix politiques des gouvernements, comme le pétrolier américain Lone Pine, qui réclame 250 millions de dollars (190 millions d’euros) au Québec pour avoir imposé un moratoire sur la fracturation hydraulique et l’exploration du gaz de schiste, annulant « arbitrairement » des permis déjà accordés ? Le texte du CETA reste flou à ce sujet : il précise que les mesures servant des
   « objectifs légitimes d’intérêt public, tels que la santé, la sécurité ou l’environnement » ne sauraient être contestés,
  « sauf dans les rares circonstances où l’impact de la mesure [...] apparaît manifestement excessif ».

4. Le texte va-t-il entrer en vigueur ?

  Nous en sommes encore loin. Le CETA doit être officiellement dévoilé et signé le 25 septembre prochain, mais devra passer par de nombreuses étapes de validation avant d’entrer en vigueur – pas avant 2016. Côté européen, il devra être approuvé par les 28 chefs d’Etat et de gouvernement, puis par le Parlement européen, avant de faire le tour des 28 parlements nationaux.
C’est là que les choses pourraient se compliquer. Dans le cadre des discussions sur le traité transatlantique, la France et l’Allemagne ont exprimé publiquement leurs réticences sur l’ISDS, jugé inutile, comme le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et un nombre croissant de parlementaires européens.
      On imagine mal comment ils pourraient le soutenir dans le CETA.


La société civile fait également monter la pression, en préparant une « initiative citoyenne européenne » rassemblant un million de citoyens pour interpeller la Commission européenne sur les dangers du CETA et du traité transatlantique.
 Les négociateurs se retrouvent donc face à un dilemme : soit ils retirent in extremis le chapitre de l’accord consacré à l’ISDS, comme le demandent certains opposants, pour faciliter son adoption ; soit ils tentent de passer en force, prenant le risque d’un échec cuisant comme lors du rejet de l’accord ACTA, en 2012.
  Le texte de l’accord « fuité » étant présenté comme définitif (avant « toilettage juridique » et traduction), il semble y avoir peu de chance qu’il soit profondément modifié d’ici sa signature.
    Pour approfondir : Ce que révèle la version fuitée de l'accord de libre-échange Europe-Canada
 
 Maxime Vaudano
Journaliste au Monde.fr

samedi 23 août 2014

CHIKUNGUNYA : UN INSECTICIDE INTERDIT EN EUROPE, AUTORISÉ EN GUYANE

observatoire le 16/08/2014 par Sébastien Rochat

CHIKUNGUNYA : UN INSECTICIDE INTERDIT EN EUROPE, AUTORISÉ EN GUYANE


Mobilisation en Outre-Mer contre le malathion, faible propagation de l'info en métropole

Attention, ça pique. L'épidémie du chikungunya, virus qui se transmet par les moustiques, a déjà touché plus de 135 000 personnes aux Antilles et dans les Caraïbes depuis le mois de février, selon l’Institut de Veille Sanitaire (InVS). Et pour stopper cette épidémie, le quotidien France-Guyane révèle que le gouvernement vient d'autoriser provisoirement l'utilisation d'un insecticide pourtant interdit en métropole. Toxique en Europe et inoffensif en Outre-Mer ? Le malathion, c'est son petit nom, suscite de nombreuses inquiétudes en Guyane (mais aussi en Nouvelle-Calédonie). Pétition, page Facebook : la mobilisation s'organise et la polémique enfle en Outre-Mer. En revanche, en métropole, pas d'inquiétude : à quelques rares exceptions près (France Info, FranceTV Info), le malathion n'a eu aucun effet médiatique notable en ce long week-end du 15 août. 

Fortes fièves, douleurs articulaires intenses : tels sont les principaux symptômes du virus du chikungunya qui se transmet à l'homme par une espèce de moustiques (Aedes aegypti ou albopictus). Depuis le mois de février, l'épidémie se répand en Outre-Mer et dans les Caraïbes. Selon les derniers chiffres de l'InVS, relayés par l'AFP, 31 décès liés à ce virus ont été recensés dans les collectivités et départements français. Essentiellement des personnes âgées vulnérables, qui ne résistent pas au virus.

Près de 135 000 personnes auraient déjà été touchées par le virus, dont 73 000 en Guadeloupe et aux îles alentours, 55 000 en Martinique et 1 665 cas en Guyane, département où le virus continue de progresser alors que l'épidémie ralentit aux Antilles. Pour stopper sa progression, le gouvernement vient d'autoriser en Guyane, pour une durée de six mois, l'utilisation d'un nouvel insecticide, le malathion, les moustiques résistant au produit habituellement utilisé, la deltaméthrine. Problème : l'Europe a interdit l'utilisation du malathion en 2007, décision appliquée en France l'année suivante. Pourtant, à la demande du préfet, la Guyane a bien obtenu une dérogation le 5 août pour utiliser de nouveau ce produit. L'arrêté, signé par les ministères de l'Écologie, des Affaires sociales et de la Santé, est paru le 13 août au Journal Officiel. Dès le lendemain, le journal France-Guyane s'étonnait de cette décision "approuvée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation ainsi que par le Haut conseil de la santé publique". "Un consensus des plus surprenants, compte tenu de la haute toxicité du malathion", constate France-Guyane. 

Interrogé par le journal, Christophe Duplais, chimiste du Centre national de la recherche scientifique, dénonce cette décision : "Il s'agit d'une molécule qui va se dégrader en quelque chose d'encore plus nuisible, affirme-t-il. Ça tue tout. Le problème est que les pulvérisations se font depuis la route, sur 5 à 10 mètres. Plus loin, on ne trouve que des traces du produit. Elles ne suffisent pas à tuer le moustique mais constituent des doses homéopathiques qui favorisent la résistance. Par ailleurs, pulvériser, ça veut dire que le produit va dans les jardins, les fruits, les légumes". Et le chimiste de s'emporter contre "des gens [qui] prennent des décisions et choisissent d'utiliser un produit mortel et toxique sans consulter ni les scientifiques ni la population. Quel niveau de risque doit-on atteindre pour se protéger contre le chik ?" 

Une pétition en ligne, relayée par le site Guyaweb.com, demande d'ores et déjà "l'interdiction de pulvériser ce produit toxique en Guyane". "Le malathion est un insecticide et un neurotoxique, interdit en Europe depuis 2007 et en France depuis 2008 ! [Au moment de sa décomposition, le malathion dégage du] "malaoxon, composé 60 fois plus toxique ! (...) Ce produit hautement toxique va se retrouver dans les jardins, les cours, les écoles, les crèches, etc. L'impact d'un tel produit est mal connu et son efficacité pour lutter contre le chikungunya reste à prouver", indique le texte de la pétition.

Ce n'est pas la première fois que le malathion suscite une telle polémique. Au mois de février, le site de la chaîne Nouvelle-Calédonie 1ère indiquait que les épandages de malathion avaient repris pour lutter contre une autre épidémie, le Zika. Les autorités sanitaires de Nouvelle-Calédonie avaient ainsi donné cette autorisation bien que "sa toxicité pour l'homme et les mammifères (...) a été prouvée", écrivait 1ere.fr. Quelques mois plus tard, le même site expliquait que la mobilisation s'organisait à Nouméa. Un collectif "Non au malathion", présent sur Facebook, a mis en ligne une pétition qui a reccueilli 1200 signatures en une semaine.

Malgré tout, cette mobilisation en Nouvelle-Calédonie n'a pas empêché le gouvernement d'autoriser le malathion en Guyane. Et c'est peu dire que l'information de France-Guyane n'a pas eu un niveau de propagation épidémique en métropole. Selon nos constatations, à ce jour, seules France Info et FranceTV Info ont relayé l'information :
Bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz
L'AFP a bien évoqué le Chikungunya et sa propagation en Guyane dans une dépêche en date du 15 août. Mais le texte a de quoi piquer les yeux : à aucun moment, l'AFP ne rappelle la toxicité supposée du malathion. Tout juste apprend-on, qu'"un arrêté interministériel permet depuis début août l’utilisation dérogatoire et pour 6 mois d’un insecticide". Christian Meurin, directeur général de l’Agence régionale de santé de Guyane, assure seulement à l'AFP qu'"au niveau européen, le malathion n’a pas d’autorisation pour la lutte antivectorielle, par contre il est recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et est utilisé au Canada et aux Etats-unis". Dormez tranquille (avec moustiquaire), l'OMS veille.
Mais qu'en est-il exactement de la toxicité réelle ou supposée du malathion ? En fonction des sources, le malathion est soit toxique (à des degrés inconnus), soit tellement inoffensif qu'on aurait presque envie de le mélanger à du rhum pour l'apéro. Dans le doute, avant de lire la suite, mettez des gants, un masque et une combinaison.

TOXIQUE OU PAS ? POUR L'OMS, C'EST "PEU DANGEREUX POUR L'HOMME" 

Sur le site du gouvernement de la Polynésie française, le malathion est présenté comme un insecticide qui "agit par contact, ingestion et vapeur sur les insectes et dégage une odeur très désagréable". Classé dans la catégorie "produits dangereux", il est considéré comme "nocif en cas d'ingestion". Evitez de le mettre dans un cocktail donc. En revanche, si vous voulez vous rassurer, lisez plutôt les recommandations de l'OMS, relayées par l'institut de recherche pour le développement (IRD), pour qui le malathion est un insecticide de classe III, c'est-à-dire faisant partie des "insecticides peu dangereux pour l’homme dans les conditions normales d’utilisation". Traduction : visez plutôt les champs que votre verre et tout ira bien.

Pas de quoi s'inquiéter donc : un rapport de l'institut de recherche pour le développement (IRD), relayé par l'Observatoire des Résidus de Pesticides (créé en 2003 par le ministère de la Santé et de l'Agriculture), précise que le malathion est "fréquemment employé à Tahiti, en Guyane et en Guadeloupe", notamment parce qu'il est "le moins cher de tous les [pesticides] organophosphorés". En outre, "le malathion possède l’avantage de se dégrader rapidement dans l’environnement, ce qui limite dans le temps son impact sur l’environnement". Le rapport ajoute qu'il est "peu toxique sur les oiseaux et les mammifères". Finalement, la toxicité ne concerne que les poissons et les abeilles (fini le miel et la langouste).

Dans ces conditions, on se demande bien pourquoi l'Europe et la France ont interdit son utilisation. Dans un article soufflant le chaud et le froid, Les nouvelles calédoniennes (accès payant) relativisaient en avril dernier cette interdiction qui n'aurait pas été prise "pour une raison de toxicité. Le motif est administratif, lié au non-renouvellement de la demande d’homologation du fabricant. Cet état de fait serait d’ordre économique, la marge réalisée ne répondant pas aux attentes", assure le journal. Dans ce même article, Kevin Lucien, directeur du Sipres, le Service d’inspection et de prévention des risques environnementaux et sanitaires, justifie l'utilisation de l'insecticide en reprenant la classification de l'OMS ("peu dangereux pour l'homme").

Tout de même prudent, le quotidien de Nouvelle-Calédonie donne aussi la parole à Ludmilla Guerassimoff, en charge du dossier "pesticides" à l'UFC Que choisir. Et que dit-elle ? "Le malathion est hypertoxique pour l'homme (...) puisque l’on sait aujourd’hui que ce n’est plus la dose qui fait le poison. Comme pour les perturbateurs endocriniens. On sait qu’une dose infinitésimale peut avoir une répercussion énorme pour un enfant en développement neurologique". Et la représentante d'UFC Que choisir d'affirmer que "le malathion est un perturbateur endocrinien", sous-entendant ainsi qu'il pourrait entraîner des anomalies physiologiques et de reproduction chez l'homme. Moins affirmatif, un rapport de l'Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques) précise que le malathion est "classé catégorie 2 (potentiel perturbateur endocrinien) pour l’homme et la faune sauvage" dans un rapport d'étude de la direction générale de l'environnement de la commission européenne. Difficile de s'y retrouver donc.
"LES RISQUES NE PEUVENT PAS ÊTRE ÉCARTÉS" (ANSES)

A mi-chemin entre les pro et anti-malathion, on trouve l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation). Dans un avis rendu le 18 mars 2014 sur plusieurs insecticides"pouvant être utilisées dans le cadre de la prévention d’une épidémie de chikungunya en Guyane", l'ANSES tente une synthèse sur la dangerosité, entre autres, du malathion, pour les opérateurs (ceux qui l'épandent) et les habitants. "Les usages jugés acceptables (...) pour l’opérateur sont des applications en tracteur avec pulvérisation basse (pour les cultures de fraises) et des applications avec un pulvérisateur manuel en extérieur (pour les pommiers), sous réserve de port d’EPI adéquat (gants et combinaison de travail) par les opérateurs", indique l'ANSES (document PDF). Il suffirait donc pour les opérateurs de prendre leurs précautions. Sauf qu'à la page 41 du rapport, c'est la douche froide : "Au regard du manque d’informations sur les expositions au malathion (...) lors d’application par nébulisation à froid sur véhicule et par atomiseurs à dos, les risques ne peuvent pas être écartés pour les opérateurs malgré le port d’EPI (gants, masque, combinaison)", précise l'ANSES, qui a tout de même donné un avis favorable pour son utilisation.

Pour les habitants, l'ANSES est également prudente. Si vous ne marchez que cinq minutes près d'un champ en train d'être traité, l'exposition est faible. En revanche, pour "une personne présente dans la rue ou dans sa maison avec fenêtres et portes ouvertes" à proximité d'un espace en train d'être traité, l'ANSES écrit qu'il"ne peut être démontré une absence de risque pour les résidents dans la zone traitée avec du malathion". 

LE PRÉCÉDENT GUADELOUPÉEN : LE PESTICIDE "CHLORDÉCONE"


Avec de telles interrogations, on comprend mieux la mobilisation de la population en Guyane. Et ce d'autant plus que le cocktail à base de produits chimiques est bien connu en Outre-Mer. En avril 2013, Le Monde évoquait le cas de la Guadeloupe, devenu "un monstre chimique" à cause d'un pesticide, le chlordécone, répandu de 1972 à 1993 pour lutter contre un charançon (espèce d'insectes) amateur de bananes alors que les Etats-Unis avaient interdit l'usage de ce pesticide dès 1976. Aujourd'hui, on sait que que ce produit est un perturbateur endocrinien (qui a des conséquences sur les hormones) et un neurotoxique classé cancérogène possible. Problème : la durée de vie du produit est estimé à 7 siècles. Et vingt ans après l'arrêt de l'utilisation de ce pesticide en Guadeloupe, "produits de la pêche, gibiers ou légumes sont contaminés".

Aujourd'hui encore, ce pesticide fait des ravages en mer. C'est "une catastrophe écologique qui prend la dimension d'un désastre économique aux Antilles françaises", écrivait Le Monde. Car la Martinique est également touchée : "la contamination due au chlordécone a rendu les langoustes impropres à la consommation" par exemple. En 2013, le gouvernement avait débloqué 2 millions d'euros d'aides pour les pêcheurs.

En revanche, s'agissant des conséquences sanitaires sur la population, on commence à peine à en prendre conscience : en 2012, une étude effectuée sur une cohorte de 1 042 femmes et leurs enfants exposés au pesticide in utero montrait un "retard du développement psychomoteur, une moindre appétence visuelle pour la nouveauté, une réduction de la vitesse d'acquisition de la mémoire visuelle".

Certes, on n'en est pas là avec le malathion. Mais quand un produit interdit en métropole est autorisé provisoirement en Outre-Mer, le spectre d'un nouveau monstre chimique est dans toutes les têtes. Sauf dans les médias en métropole.

Par Sébastien Rochat le 16/08/2014