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lundi 31 août 2015

Découverte du 'plus grand' gisement de gaz en Méditerranée

ENI annonce la découverte du « plus grand » gisement de gaz en Méditerranée de l’histoire



La nouvelle ne pouvait pas mieux tomber pour le président égyptien, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, au moment où son pays fait face aux menaces du groupe terroriste Etat islamique, à une crise économique lancinante, à une forte poussée démographique et à une demande en énergie croissante que ses ressources et ses infrastructures sont incapables de satisfaire.
Le groupe pétrolier italien ENI a annoncé, dimanche 30 août, la découverte d’un énorme gisement gazier à une centaine de kilomètres des côtes de l’Egypte. La compagnie le présente comme « le plus important jamais fait en Méditerranée ». Il dépasserait la taille de « Léviathan », le gisement mis à jour au large d’Israël en 2010 mais qui, lui, fait l’objet d’un litige entre l’Etat hébreu, le Liban et Chypre.

Ambitieuses campagnes d’exploitation

Baptisé « Zohr », ce nouveau champ géant renfermerait 850 milliards de mètres cubes, l’équivalent de 5,5 milliards de barils de pétrole. C’est une excellente nouvelle pour l’ENI, société fortement implantée en Egypte (et dans la Libye voisine), où elle prospecte depuis sa création en 1953. Elle détient 100 % de la licence d’exploitation et son patron, Claudio Descalzi, a indiqué que les coûts d’exploitation relativement bas l’incitaient à faire cavalier seul, sans partager les risques et les coûts avec d’autres majors, comme le font souvent les groupes pétroliers. ENI devrait avoir comme seul partenaire la compagnie nationale égyptienne du pétrole et du gaz.
Les ingénieurs de l’ENI ont foré jusqu’à 4 100 mètres de profondeur d’eau et de roche pour finalement localiser « Zohr » à 1 450 mètres sous le niveau de la mer. Ils devraient utiliser les équipements et les plates-formes déjà exploitées en Méditerranée pour réduire les coûts de production de cet « éléphant » gazier. Le prix du gaz, qui n’a jamais été aussi bas depuis deux ans et demi, ne le dissuade pas d’accélérer la cadence. M. Descalzi a annoncé qu’il espérait lancer les premiers forages dès le début de 2016, sans toutefois se prononcer sur la date de livraison des premières cargaisons de gaz, qui n’interviendront pas avant 2017 au mieux.
La major italienne s’est lancée depuis des années, notamment en Afrique, dans d’ambitieuses campagnes d’exploration qui ont débouché sur des découvertes importantes, comme au Mozambique. Si celle qu’elle vient de faire en Méditerranée se confirme, elle dépassera largement ses objectifs en matière de nouvelles ressources en hydrocarbures. Car un doute subsiste toujours : en 2015, cinq ans après sa mise à jour, une étude a montré que les réserves de Léviathan étaient de 20 % inférieures à la prévision initiale, même si elles restent considérables.

Pénuries récurrentes d’électricité

Ce nouveau gisement géant est aussi une manne inespérée pour l’Egypte. Au point que Matteo Renzi, le président du Conseil italien, a immédiatement téléphoné au maréchal Al-Sissi pour « discuter de l’impact de cette découverte sur la stabilité énergétique de la Méditerranée et sur les perspectives de développement de la région ». Le Caire devrait en utiliser une bonne partie pour ses propres besoins. Et cette découverte « historique » va « transformer le scénario énergétique » de l’Egypte, a assuré M. Descalzi.
Car « Zohr » pourrait répondre aux besoins de ce pays de plus de 85 millions d’habitants pendant plusieurs décennies, alors que les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) pèsent sur le pays et le placent dans une forte dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs. Des coupures d’électricité importantes – comme la panne géante au Caire en septembre 2014 – frappent régulièrement le pays, surtout au moment des fortes chaleurs, quand les climatiseurs tournent à plein régime. Selon EDF, qui aide l’Egyptian Electricity Holding Company à améliorer ses performances, la demande excède de 20 % les capacités des producteurs locaux.
Les pénuries d’électricité récurrentes ont été l’une des causes de l’impopularité de Mohamed Morsi, le président issu des Frères musulmans, renversé par l’armée en juillet 2013. Depuis, la réforme du secteur énergétique est présentée par son successeur comme l’un de ses chantiers prioritaires. Le pays manque de moyens financiers pour se doter des centrales dont il a un urgent besoin. Ces énormes ressources gazières de proximité permettront d’alimenter de nouveaux moyens de production d’électricité, mais aussi de renforcer le tissu industriel du pays. Mais elles risquent aussi de retarder le plan de développement des énergies renouvelables (solaire, éolien), annoncé au début de l’année par M. Al-Sissi, pour soutenir la croissance et « respecter l’environnement ». Aujourd’hui, 90 % de l’électricité consommée en Egypte est issue des énergies fossiles.

Source : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/08/30/eni-annonce-la-decouverte-du-plus-grand-gisement-de-gaz-en-mediterranee-de-l-histoire_4740677_3212.html

dimanche 30 août 2015

Soyons réalistes : 10 raisons d'ouvrir les frontières

Soyons réalistes : 10 raisons d’ouvrir les frontières

Au moment où l’Europe reste démunie face à l’arrivée des migrants, deux chercheurs qui travaillent sur les flux migratoires prennent à contre-pied le discours dominant. Voici leur plaidoyer.


Entre 2000 et 2014, 40.000 migrants sont morts aux frontières, dont 22.000 en tentant de rejoindre l’Europe, qui est aujourd’hui devenue, pour eux, la destination la plus dangereuse au monde. Pour la seule année 2014, plus de 3500 sont morts noyés en Méditerranée.
Le décompte macabre continue chaque jour. Et les survivants sont bloqués aux frontières externes mais aussi internes de l’Europe (comme ces derniers jours entre l’Italie et la France), multipliant les situations de mise à l’écart, de violence et d’humiliation. Cela au nom d’une raison d’Etats européens qui disent répondre aux peurs et aux demandes des habitants pour plus de sécurité, de contention et d’imperméabilité.
Et pourtant, nous affirmons qu’il serait plus rationnel, plus juste, plus sûr, d’ouvrir les frontières. A l’opposé de l’idée trop répandue dans les médias et les discours politiques, cette proposition n’a rien d’un fantasme naïf et irréaliste. Au contraire : c’est l’ouverture des frontières qui permettrait enfin de sortir d’un engrenage de violences qui a déjà fait des milliers de morts parmi les migrants, et de dessiner un horizon pour un véritable projet politique européen en matière d’asile et d’immigration.
Voici dix raisons pour lesquelles il faut ouvrir les frontières.

1. Parce que fermer les frontières ne sert à rien


Notre premier argument est de bon sens. Le fait migratoire est un fait social, une réalité du monde contemporain, auquel il est absurde de vouloir résister. Vouloir empêcher les migrations est aussi vain que de vouloir empêcher la nuit de succéder au jour. Les gens ne choisissent pas de migrer ou de rester parce qu’une frontière est ouverte ou fermée.
L’idée que la fermeture des frontières puisse limiter les flux migratoires est irréaliste et criminelle, et méconnaît complètement la réalité des migrations. Elle ne fait que rendre les déplacements plus précaires, plus coûteux et plus dangereux, transformant la Méditerranée en charnier. Ouvrir les frontières, c’est avant tout permettre aux gens de migrer dans des conditions sûres et dignes, c’est mettre un terme à la tragédie qui se joue aux frontières de l’Europe.

2. Pour lutter contre les passeurs


Ouvrir les frontières, légaliser les mobilités de tous, c’est tuer dans l’oeuf le business de ceux qui ont fait profession du trafic de cargaisons humaines, en profi tant, de plus en plus et de manière de plus en plus dangereuse, d’une économie de la prohibition. Ouvrir les frontières, c’est la manière la plus efficace de lutter contre les passeurs. C’est permettre aux migrants d’arriver en avion plutôt qu’en bateau.

3. Parce que l’invasion annoncée est un fantasme


Aucune enquête n’a prouvé la véracité des «appels d’air» ou des «invasions» tant annoncés et fantasmés. La construction du mur entre le Mexique et les Etats-Unis n’a nullement ralenti les flux migratoires entre les deux pays, pas plus que l’ouverture de la frontière entre l’Inde et le Népal n’a provoqué d’afflux massifs de migrants, comme l’ouverture des frontières au sein de l’Europe de Schengen.
Ni l’opération de sauvetage Mare Nostrum, menée par l’Italie en 2014, ni les régularisations de migrants en situation irrégulière (600.000 en Espagne en 2005, 500.000 en Italie en 2006, près de cinq millions aux Etats-Unis en 2014, etc.) n’ont jamais provoqué d’augmentation soudaine et significative de la migration «clandestine». Elles ont juste permis de commencer à réconcilier les migrants avec leurs sociétés de départ et de destination.


4. Pour permettre aux migrants de rentrer au pays


Argument paradoxal, et pourtant : ouvrir la frontière, c’est certes laisser entrer le migrant, mais c’est aussi lui permettre de repartir sans inquiétude. Beaucoup de migrants sont aujourd’hui coincés dans leur pays de destination, par peur de ne plus pouvoir y revenir ensuite si jamais ils en sortaient.Ouvrir les frontières rendrait la mobilité plus fluide, et permettrait à des milliers de migrants de rentrer au pays voir une famille qu’ils n’ont parfois pas revue depuis plusieurs années.

5. Parce que les migrants pourront déployer tout leur potentiel économique


Toutes les études montrent que la contribution économique des migrants à leur pays de destination est d’autant plus positive que leur situation y est sûre et légale. Rendre toutes les migrations légales ferait de facto disparaître l’immigration «clandestine», et permettrait aux migrants de déployer leur plein potentiel économique dans le pays d’accueil.
Leur contribution économique est aussi dirigée vers leur pays d’origine: les transferts financiers des migrants vers leurs familles représentent trois fois le montant de l’aide officielle au développement versé par les pays industrialisés. Il est absurde de lier l’aide au développement au contrôle des migrations puisque au contraire, c’est la mobilité qui est un facteur potentiellement puissant de développement.

6. Pour permettre un progrès social


L’embauche des travailleurs étrangers en situation irrégulière dans les pays riches est un «dumping social», l’équivalent d’une «délocalisation sur place»: les pires conditions sociales sont imposées à des travailleurs sans droits. La légalisation des migrants leur donnerait accès aux mêmes droits et aux mêmes rémunérations que les autres salariés.
Elle rendrait visible leur participation à l’économie du pays d’accueil, notamment par leur contribution – et celle de leurs employeurs – aux prestations sociales. Par nature, la migration «illégale» n’existe plus avec des frontières ouvertes. Les situations de précarité administrative disparaissent et les conditions de travail s’améliorent et s’harmonisent.

7. Parce que la liberté de circulation est un droit fondamental


Le droit de quitter son pays est inscrit dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. C’est une question de liberté et d’égalité. Le destin des uns et des autres est déterminé par l’endroit où ils/elles sont né/e/s. C’est la fermeture des frontières qui crée le privilège du lieu de naissance, cette inégalité insupportable. L’ouverture des frontières reconnaît la légitimité de toute migration, et le droit à la mobilité de chacun.

8. Pour mieux connaître les migrants et mieux protéger ceux qui en ont besoin


Il faut le répéter : ouvrir les frontières, ce n’est pas supprimer les frontières. Soyons légalistes : le fait d’autoriser les libres circulations permettrait de mieux les accompagner, de savoir où vont les migrants et dans quelles conditions. C’est s’assurer que les migrations se déroulent dans les meilleures conditions possibles pour tous, et que ceux qui ont besoin d’être protégés le soient effectivement.

9. Parce qu’il est possible de remettre l’hospitalité au centre de la politique


Des voisins solidaires et mobilisés, un tissu associatif dense capable d’organiser l’accueil des étrangers et aider leur insertion, des villes qui créent de meilleures conditions de logement en centres d’accueil pour les errants : telles sont les formes d’une hospitalité sans condition qui existent déjà dans la société et qu’un gouvernement aurait la possibilité de mobiliser et d’aider, à l’opposé de la guerre aux migrants qui forme aujourd’hui le régime officiel de pensée et d’action.

10. Pour réaffirmer l’unité de l’Homme


Dans les années 1930, les juifs ou les exilés espagnols étaient devenus des «indésirables». Aujourd’hui, face au retour de l’idée qu’une partie des humains sont indésirables, nous avons le choix de réaffirmer l’unité de l’Homme et traduire cette idée en politique. Contre l’obscurantisme, il s’agit simplement de relancer l’humanisme.

Michel Agier et François Gemenne

Bio express


MICHEL AGIER est anthropologue, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement et directeur d’études à l’EHESS. Il a publié, aux Editions La Découverte, «la Condition cosmopolite» (2013) et «Un monde de camps» (sous sa direction, 2014).

FRANÇOIS GEMENNE est politologue, enseignant aux universités de Liège et de Versailles-Saint-Quentin, directeur exécutif du programme Politiques de la Terre à Sciences-Po. Il va publier, en 2016, «Vive l’immigration», aux Editions La Découverte.
Tribune parue dans "l'Obs" du 25 juin 2015. 

Source : http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20150626.OBS1607/soyons-realistes-10-raisons-d-ouvrir-les-frontieres.html

samedi 29 août 2015

EDF distille la propagande nucléaire dans les lycées avec le feu vert de l'Education nationale

EDF distille la propagande nucléaire 

dans les lycées avec le feu vert 

de l’Education nationale

21 juillet 2015 Emilie Massemin (Reporterre) 

EDF propose des conférences "sur le développement durable“ dans les établissements scolaires. Vantant subtilement l’énergie nucléaire et stigmatisant la transition énergétique. Reporterre s’est procuré l’enregistrement d’une de ces conférences, au lycée René Char d’Avignon. Analyse.

C’est une leçon un peu spéciale qu’ont reçue les élèves du lycée René Char d’Avignon le 20 avril dernier. A la place de leur cours de principes fondamentaux de l’économie et de la gestion (PFEG), un conférencier, Romain Gras, leur a parlé production d’électricité et développement durable pendant une heure et demie. Détail troublant, ce monsieur travaille pourl’agence Junium Diffusion, un prestataire d’EDF. Alors que la production d’électricité de ce dernier dans le monde était à 82,2 % nucléaire en 2014.
Cet enseignement était-il aussi neutre qu’on est en droit de l’attendre de l’éducation publique ? Pour le savoir, Reporterre s’est procuré un enregistrement de l’animation proposée par M. Gras aux lycéens de René Char.
En introduction, l’intervenant présente les différents types d’énergie. Il poursuit sur les véhicules électriques, puis sur le pétrole, le gaz et le charbon, dont il souligne le caractère néfaste pour le climat et l’économie française. C’est là qu’arrive le nucléaire, « moyen alternatif » de produire de l’énergie qui« coûtait moins cher » à la France, dépourvue de réserves de gaz, de charbon et de pétrole.
Puis M. Gras détaille le fonctionnement de la filière atomique, de l’extraction de l’uranium à la gestion des déchets radioactifs. Il ne dissimule pas l’impact environnemental de cette industrie même s’il souligne que « l’uranium a un avantage, c’est un minerai à la base peu cher, beaucoup moins que le pétrole ».
« Ceux qui travaillent là [dans le réacteur] sont soumis à la radioactivité, poursuit l’intervenant. On porte bien sûr des combinaisons pour s’en protéger. » Insouciant, il rapporte avoir « pris des doses de radioactivité supérieures à la normale » cet hiver. Des propos qui minimisent les risques, alors qu’une étude du Centre international de recherche sur le cancer (Circ)montre que l’exposition prolongée à de faibles doses de radioactivité accroît le risque de décès par leucémie chez les travailleurs du nucléaire.

Tchernobyl, Fukushima, démantèlement, déchets : le grand déballage

Les catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima sont évoquées, ainsi que leurs conséquences – mise en en place d’une « zone interdite » et difficultés à gérer les quantités phénoménales d’eau radioactive à Fukushima.
Le grand déballage continue avec les problèmes du démantèlement - « on ne peut pas déconstruire totalement une centrale nucléaire » - et les déchets radioactifs - « il y en a une partie, (…) on ne peut pas enlever la radioactivité, on ne sait pas quoi en faire (…) donc on les stocke ».
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Un groupe scolaire installé à proximité de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher.

Démontrer que le nucléaire est la solution la moins mauvaise

Le conférencier de Junium ne semble donc pas promouvoir ouvertement le nucléaire. En tout cas, il ne cache pas les dangers de ce mode de production. Son discours est plus subtil : démontrer qu’en dépit de ses défauts, l’atome reste la source d’énergie la moins mauvaise. Chose rassurante, les lycéens ne semblent pas dupes.
« Si le nucléaire c’est tellement bien, pourquoi l’Allemagne veut s’en débarrasser, de toutes ses centrales ? », demande l’un d’eux. La réponse fuse, un peu agacée : c’est un « choix politique » suite à l’accident« rarissime » de Fukushima en 2011. Et dans la bouche de M. Gras, c’est loin d’être une bonne idée : « Depuis 2011, l’Allemagne rejette énormément deCO2, parce qu’elle a lancé des centrales qui brûlent du charbon. » Ce qui est exact : les émissions de CO2 allemandes sont passées de 742,2 Mt en 2011 à 755,3 Mt en 2012 (cf p. 36 de ce document de l’IAE) - mais ont diminué en 2014. Mais il est possible que ce retour au charbon ne soit que passager : la transition énergétique est en marche outre-Rhin.
Une transition énergétique qui ne semble guère convaincre M. Gras. « [Les Allemands] ont développé massivement l’éolien. Super, ironise-t-il. Vous la contrôlez l’éolienne ? (…) Vous contrôlez rien du tout. » Les autres énergies renouvelables ne trouvent guère grâce à ses yeux. Les centrales hydrauliques, c’est bien, « c’est plus puissant, ça produit plus ». Mais « impact à mesurer (…). Vous inondez une vallée. Donc on déplace des villages ». L’énergie marémotrice, c’est pas mal, les hydroliennes aussi, « mais il y a un souci, c’est d’ordre économique. Produire de l’électricité en pleine mer, (...) techniquement, on sait faire, mais en ce moment c’est très coûteux ».
En revanche, le conférencier n’évoque pas les coûts incontrôlés de la construction de l’EPR, du stockage des déchets et des démantèlements ?
Quant aux économies d’énergie, elles ne sont tout simplement jamais mentionnées, comme si la politique énergétique se résumait au choix de la production d’électricité.

« Pas neutre », juge un parent d’élève

L’intervention de l’envoyé d’EDF au lycée a fait grincer quelques dents chez les parents d’élèves. « Je trouve que ce n’est pas neutre, juge l’un d’eux. Le lycée aurait pu faire venir plusieurs intervenants différents, un dans les énergies renouvelables, un dans le nucléaire, un dans l’efficacité énergétique, pour que les élèves puissent avoir différents points de vue. »
« La question sur l’Allemagne était intéressante à poser, je voulais savoir ce qu’il allait répondre. Mais je trouve qu’il a évité le sujet », relève une élève. La remarque sur les doses de radioactivité l’a laissée perplexe : « Quand il a dit qu’il avait été irradié, il essayait de dédramatiser mais je n’ai pas trouvé ça convaincant. »
De son côté, la proviseure du lycée René Char a indiqué à Reporterre qu’elle n’avait « pas de commentaire à faire sur cette intervention ».
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Brochure de présentation des prestations proposées par Junium Diffusion pour EDF.

Une convention signée entre EDF et l’Éducation nationale

Cette conférence n’est pas un cas isolé. Elle est délivrée dans le cadre d’une convention qui lie EDF et l’Éducation nationale depuis le 30 avril 2002.Reporterre en a demandé le texte au ministère de l’Éducation nationale, qui ne lui a pas encore envoyé. Le producteur d’électricité propose ainsi quatre types de conférences aux établissements scolaires. Cinq mille interventions ont été réalisées en France pendant l’année scolaire 2013-2014, peut-on lire dans une note envoyée par le service pédagogique d’EDF.
- Télécharger la note d’EDF :
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EDF balaie du revers de la main tout soupçon de propagande nucléariste. Les conférences ne traitent pas des activités d’EDF, mais proposent « une vision globale de ce qu’est la production d’électricité et les enjeux d’un mix énergétique, par rapport aux trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental », y assure-t-on en réponse aux questions de Reporterre. En plus, les conférenciers ne sont pas payés par EDF, mais par Junium. Ceci, « pour pouvoir donner des conférences en toute neutralité ».

Conférencier... ou responsable d’équipe à la centrale du Tricastin ?

Pourtant, dès les premières minutes de l’enregistrement que s’est procuréReporterre, la distinction entre conférencier Junium et salarié EDF est gommée. « Je travaille pour EDF, affirme l’intervenant. Une partie de mon métier, la principale, consiste à travailler à la centrale nucléaire du Tricastin. Je m’occupe de gérer une équipe de conduite (…) qui [pilote] le moyen de production. » Un poste opérationnel bien éloigné d’un emploi de conférencier.
- Ecouter M. Gras :
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« Ce conférencier de Junium a deux casquettes, puisqu’il est à la fois intervenant en milieu scolaire et chargé de visite au Centre d’information du public (Cip) de Tricastin, c’est peut-être un problème de positionnement,suggère-t-on, un brin agacé, à EDFJe pense que c’est une maladresse de sa part, c’est dommage car cela lève des questions inutiles. » Mêmes propos du côté d’Estelle Jouvenet, directrice du pôle communication pédagogique de l’agence Junium.

Un travail « main dans la main avec EDF »

Cette dernière explique comment travaille Junium. « Nous avons élaboré les textes, en ligne avec les programmes scolaires et le cahier des charges d’EDF, en y apportant notre savoir-faire. » Un travail mené « main dans la main avec EDF », précise-t-elle. La petite trentaine de conférenciers Junium« ne donne pas que des conférences pour EDF – ils peuvent également proposer des animations sur la sécurité routière pour un autre client, par exemple ».
EDF précise à raison que le groupe industriel n’est pas le seul à proposer des conférences en milieu scolaire. « Total et Engie aussi le font, et pas forcément dans le cadre de conventions. » Le lecteur se souvient du « kit pédagogique » sur le développement durable conseillé par la ministre de l’Éducation Najat Valaud-Belkacem, élaboré par la Fondation Maud Fontenoy, pro-OGM, pro-gaz de schiste et co-dirigée par le milliardaire François Pinault.
Ainsi, les grandes entreprises privées renforcent inexorablement son emprise dans l’éducation des enfants. Avec l’aide de l’Education nationale, et au mépris des principes de neutralité qui fondent l’école républicaine.

Lire aussi : Une école installée à l’ombre d’une centrale nucléaire au mépris des règles de sécurité, c’est la France
Source : Emilie Massemin pour Reporterre
Photos :
. Dessin : © Red ! pour Reporterre
. Groupe scolaire : Nicole Combredet pour Reporterre

vendredi 28 août 2015

Lézan : un village auto-géré 'expérimental' attire des milliers de personnes

LÉZAN Un village auto-géré “expérimental” attire des milliers de personnes

L'heure du repas partagé. EL/OG
L'heure du repas partagé. EL/OG
Entre Massillargues-Atuech et Lézan, plusieurs milliers de personnes étaient réunies pendant deux semaines dans un village "laboratoire" où tous les habitants vivent en communauté. Une expérience que les organisateurs souhaitent développer à plus grande échelle et de manière pérenne dans la région cévenole.
La tendance altermondialiste prend de plus en plus d'ampleur, en particulier dans les Cévennes. En 2012, un collectif d'associations locales créent un éco festival multiculturel, "Le souffle du rêve", pour promouvoir un mode de vie, et découvrir des traditions des peuples du monde. Progressivement, l’événement devient un lieu de vie solidaire où chacun est responsable de son empreinte énergétique. "Faire la fête n'est pas que consommer, c'est partager avec éthique", assure Sébastien, dit Uto, coordinateur.
Vaisselle commune. EL/OG
Vaisselle commune. EL/OG
Compost, toilettes sèches, électricité au photovoltaïque et au groupe électrogène à huile de friture, pendant 16 jours, ils sont plusieurs milliers à venir expérimenter ce village auto-géré, loin de la vie quotidienne basée sur l'hyper-consommation. Même des chefs d'entreprises sont venus tester ces vacances hors-normes. "Ca donne envie de recommencer. Ca recharge les batteries", témoigne un "habitant".
Concrètement, la vie s'organise de manière classique, à quelques différences près : des chantiers collectifs sont mis en place pour bâtir des aménagements destinés à la communauté, comme des drains ou des maisons qui resteront après le départ des occupants ; une cuisine est ouverte avec de la nourriture cultivée par des bénévoles, et un village pour enfants est installé, avec des jeux et des cercles de parole. "C'est lieu familial où l'alcool n'est pas le bienvenu", précise Uto. Pendant la journée, des débats, des concerts et des ateliers sont organisés - le tout à prix libre -, tandis que des artisans vendent leurs créations.
Drain construit collectivement pour lécoulement des eaux, qui restera sur place. EL/OG
Drain construit collectivement pour l'écoulement des eaux, qui restera sur place. EL/OG
Acquérir la ressourcerie du Vigan
Ce village "sans gouvernant" où le travail devient une activité, n'est pas un événement sans lendemain pour les organisateurs. "C'est un prétexte pour informer sur la transition", souligne Sylvie, qui a quitté emploi et logement pour arborer un nouveau mode de vie basé sur l'échange et le troc. L'association R D'évolution souhaite ainsi racheter l'ancienne usine de textile de la ressourcerie du Vigan pour en faire un lieu d'abondance. De nombreux matériaux recyclés y sont déjà construits. "On a déjà 30 000 € et on se donne encore 2 ans pour récolter 270 000 € supplémentaires grâce aux recettes de la cuisine et au financement participatif", annonce Uto. Les militants souhaitent également acquérir 100 m² de terrain aux alentours pour y organiser des rassemblements pérennes et des formations à l'agriculture. "On a déjà des fruits et des salades sur place".
Des habitats collectifs dans lair du temps. EL/OG
Des habitats collectifs dans l'air du temps. EL/OG
A terme, l'association R D'évolution a pour objectif de proposer des parcelles à ceux qui souhaitent changer de vie, et ainsi généraliser un retour à la terre. Une utopie ? "C'est une démarche dans l'air du temps. Il existe de nombreux habitats groupés en Europe, même si la France est un peu en retard. Ce n'est pas une démarche si marginale que ça", répond Sylvie.

Eloïse Levesque

jeudi 27 août 2015

Un jardin PAR les enfants

Pas un jardin d’enfants... Un jardin PAR les enfants. Et en permaculture, s’il vous plait

1er juillet 2015 Emilie Massemin (Reporterre) 




Nourrir leurs petits de fruits et légumes bio et les laisser grandir à leur rythme, au milieu des fraises et des vers de terre du jardin en permaculture. Tel est le joli défi que se sont lancé depuis 2014 les trois assistantes maternelles d’Orge’Mômes, dans le quartier populaire d’Orgemont à Épinay-sur-Seine.


- Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), reportage
« Venez les enfants, on va cueillir les fraises ! » Huit bouts de chou, boucles blondes et bouilles chocolat, se précipitent autour de larges bacs où cohabitent allègrement radis, fraises et plantes aromatiques. Valérie Chafik alias « Nanny » tend à Mila, 3 ans, une petite bassine où déposer sa cueillette. Mohammed, 2 ans, n’a besoin d’aucun matériel particulier : accroupi à côté du bac, il enfourne méthodiquement tous les fruits à sa portée – y compris les verts. Il n’est que dix heures du matin, mais une bonne odeur de soupe de légumes du jardin s’échappe déjà de la cuisine, où s’active Hassina « Tata » Ferhoune. « Il y aura aussi de la quiche maison pour déjeuner », précise fièrement l’assistante maternelle.
Nourrir les enfants avec les fruits et légumes de leur jardin en permaculture. Tel est l’objectif de Valérie Chafik, Hassina Ferhoune et Samia Bayodi, les trois « nounous » d’Orge’Mômes, dans le quartier populaire d’Orgemont à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Cette idée a fait son chemin petit à petit, depuis la création de l’association fin octobre 2013 et l’ouverture de la maison d’assistantes maternelles (MAM) en janvier 2014. « Je me nourris de produits absolument toxiques que j’appelle du pétrole en barre, rigole Valérie Chafik. Je refuse que les enfants mangent comme moi et pensent que les légumes poussent dans les sachets de surgelés au supermarché. »
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A gauche, Hassina Ferhoune ; à droite, Samia Bayodi ; de dos, Valérie Chafik

Un jardin dessiné sur-mesure par un permaculteur

Le trio a vite déchanté. Avec 3,50 euros par enfant et par repas, il était impossible d’acheter des produits sans pesticides. C’est alors que Fabien Gordon, père d’une fillette gardée par Valérie Chafik, photographe et permaculteur « très branché bio, les fleurs, herboriste », leur a soufflé l’idée de cultiver elles-mêmes leurs fruits et légumes. Il leur a dessiné un jardin sur-mesure pour les 300 mètres carrés de terrain autour de la maison.
Pendant trois gros week-ends d’avril 2014, dont un pluvieux, la joyeuse troupe des maris, familles, amis et voisins a retroussé ses manches. « On a vu travailler côte à côte des mormons et des barbus musulmans, s’émerveille Valérie Chafik. Une maman qui travaille dans la haute finance, talons aiguilles et ongles rouges, s’est retrouvée les deux mains dans la terre ! Le jardinage est fédérateur. »
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Valérie Chafik nettoie la récolte de radis de ses protégés.

« Former les petits aux gestes éco-citoyens »

Aujourd’hui, pour Valérie Chafik et ses collègues, ce jardin est une formidable ressource. Il n’est pas encore suffisamment mature pour produire l’intégralité de la nourriture des enfants, « même si la récolte de pâtissons a été si abondante qu’il nous en reste encore au congélateur », souligne l’assistante maternelle. Mais il permet aux enfants de découvrir la nature, en toute liberté.« On veut les voir arroser, qu’ils n’aient pas peur de cette terre qui les nourrit, insiste Valérie Chafik. On veut aussi leur apprendre à gérer l’eau, à faire du compostage – bref, à les former aux gestes éco-citoyens. »
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Mila et Iliana fières de leur cueillette de radis.
Un programme ambitieux, qui ne se fait pas en un jour. L’assistante maternelle intercepte Mohammed au vol, alors que le bambin s’amuse à lancer son ballon sur une araignée. « Non mon cœur, c’est défendu de faire ça. L’araignée ne t’a rien fait, elle n’est pas méchante, pourquoi tu l’embêtes ? » La réprimande fait sourire Lucie, embauchée en service civique par la MAM pour s’occuper du jardin et animer des ateliers avec les enfants des écoles alentours : « Il faut être très pédagogue, en particulier avec les écoliers qui ne connaissent pas le jardin. Il faut leur expliquer gentiment que le ver de terre n’est pas méchant, mais qu’ils ont le droit de mettre des gants s’ils n’ont pas envie de le toucher. »

« Tiens, tu as du millepertuis ! »

Profitant de quelques heures de liberté, Fabien Gordon fait le tour du jardin et aide les petits à arroser les plantations, tâche qu’ils effectuent avec la plus intense concentration. Sa fille, Mélodie, manie déjà très bien son petit arrosoir vert. « Tiens, tu as du millepertuis !, s’exclame le permaculteur à l’intention de Valérie Chafik, en examinant une plate-bande. Regarde tous ces petits trous, ce sont des poches à essence. Macéré 21 jours au soleil dans de l’huile d’amandes douces, c’est très bon pour décontracter les muscles. »
Le jardin est construit autour d’un dôme en fer à béton où les plantes grimpantes, quand elles auront poussé, « protégeront les enfants du soleil tout en produisant des légumes », précise-t-il. Tout autour, plusieurs bacs accessibles aux enfants accueillent courges, haricots cocos grimpants et melons. Au fond du jardin, un petit coin à l’ombre un peu humide, pas très fertile, héberge aujourd’hui quatre poules pour le plus grand bonheur des petits. « Quand j’emmène ma fille, je n’y coupe pas, rigole Fabien Gordon. Il faut aller leur dire bonjour et voir si des œufs ont été pondus ! »
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Fabien Gordon, sa fille Mélodie et Mila (à droite) disent bonjour aux poules

Poissons rouges et plants de salade

L’autre particularité du jardin est la présence d’un système aquaponique.« Quand nous sommes arrivés, il y avait un bac en béton avec des poissons dedans, très coriaces, qui vivaient dans la vase, se souvient Fabien Gordon. Évidemment, cela posait un problème de sécurité. La protection maternelle et infantile (PMI) nous a dit qu’il fallait installer une barrière et garder l’eau propre, pour qu’elle n’attire pas les insectes et les maladies. » Le permaculteur décide donc de se baser sur le cycle de vie des bactéries pour transformer les déchets des poissons en nourriture pour les plantes, qui purifient l’eau à leur tour.
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Fabien Gordon a conçu un système en aquaponie pour remplacer le bassin aux poissons, trop dangereux.
Le tout a été construit pour trois fois rien. Évidemment, les subventions de la communauté d’agglomération Plaine Commune, d’Imaginaire et Jardins et de Terre d’Avenir ont été bien utiles pour planter quelques arbres fruitiers, au mois de novembre. « Mais on pourrait le faire qu’en récup’, à condition d’y passer du temps », estime le permaculteur. Un exemple d’astuce permettant de faire des économies : les copeaux de bois qui garnissent le sol, récupérés gratuitement auprès de la ville.

« En tant que parents, on sait ce que les enfants mangent »

Les parents sont ravis de cet environnement. « Ils apprennent des choses vraiment extraordinaires ici, prennent goût à planter des légumes », se réjouit Méline, la maman de Mila. « C’est sain, en tant que parents on sait ce que nos enfants mangent et qu’il n’y a pas de produits chimiques dedans, renchérit Sofiane, chef de poste agent de sécurité et papa de Célia, 3 ans. En plus, toutes ces plantes, c’est agréable, surtout dans un quartier comme celui d’Orgemont. »
Les assistantes maternelles et Fabien Gordon ont maintenant envie d’aller encore plus loin dans leur démarche. « Le prochain projet, c’est de récupérer cette bande de terre grillagée, derrière le jardin, explique Valérie Chafik. On est en train de travailler avec la mairie et le concept Imaginaire et Jardins, pour y installer des bacs pour les écoles, et ouvrir ce nouveau jardin au quartier pour recréer du lien social autour. »

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Source et photos : Emilie Massemin pour Reporterre
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