Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

jeudi 31 décembre 2020

Ille-et-Vilaine : trois victimes des pesticides dans l'agriculture reconnues par la justice

 

Ille-et-Vilaine : 

trois victimes des pesticides 

dans l'agriculture 

reconnues par la justice

 

Par , France Bleu Armorique, France Bleu
 
 C'est une première victoire pour le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest. Le pôle social du tribunal de Rennes a reconnu la faute inexcusable de l'Etat ou la maladie professionnelle pour deux salariés agricoles et un paysan décédé, tous les trois demeurant en Ille-et-Vilaine.
 

Deux salariés agricoles et la veuve d'un paysan décédé victimes de pesticides obtiennent gain de cause devant le tribunal © Maxppp - Julio Pelaez

 

Le 26 novembre 2020, un ancien technicien agricole, une salariée dans des serres de tomates et l'épouse d'un paysan décédé, se sont présentés devant le pôle social du tribunal de Rennes pour qu'on reconnaisse leurs maladies. Défendus par maître Hermine Baron, avocate au barreau de Paris, ils sont soutenus dans leur combat par le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest. La justice a tranché en leur faveur. 

Un paysan décédé d'une tumeur cérébrale

Jean-Claude, un technicien semences, qui souffre de la maladie de Parkinson, obtient la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, en l'occurrence la coopérative Agrial. Il avait été reconnu en maladie professionnelle en 2016. Edith, salariée dans des serres de tomates à Amanlis (Ille-et-Vilaine), est reconnue en maladie professionnelle. Elle souffre aussi de la maladie de Parkinson. Christophe est reconnu en maladie professionnelle pour un glioblastome, une tumeur cérébrale. Il est décédé en mars 2020 à l'âge de 43 ans.

Une première victoire pour le collectif

C'est la première fois que le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest obtient une victoire devant la justice. "On espère que ces décisions feront jurisprudence pour d'autres dossiers qui nous avons en cours", explique Michel Besnard, porte-parole. "Dans le milieu agricole, on n'est pas souvent au courant de ses droits concernant la reconnaissance en maladie professionnelle liée à l'usage des pesticides. Dans les campagnes, il y a beaucoup de cancers, de maladies neuro-dégénératives, et c'est vécu comme une fatalité alors que souvent ces maladies sont liées à l'usage professionnel des pesticides."

On fait ce travail d'information pour faire prendre conscience qu'il existe des maladies qui sont reconnues comme liées aux pesticides mais les gens ne le savent pas - Michel Besnard


Source : https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/ille-et-vilaine-trois-victimes-des-pesticides-obtiennent-gain-de-cause-par-la-justice-1608645169

mercredi 30 décembre 2020

40 000 enfants travaillent toujours dans les mines pour les batteries des véhicules électriques.

40 000 enfants travaillent 

toujours 

dans les mines 

pour les batteries 

des véhicules électriques.

 

L’ONU a récemment publié un rapport concernant la production des batteries pour véhicules électriques. Un chapitre sur les challenges relevant de l’exploitation du cobalt, ses enjeux sociaux et environnementaux, interpelle à plus d’un titre.


 Classé « rouge vif » par le World Materials Forum en raison d’un risque de rupture d’approvisionnement et de son importance pour l’industrie – notamment automobile -, le cobalt est devenu un enjeu stratégique majeur


Evaluation de la criticité par le World Materials Forum

 

Mais cette production est aussi critique en ce qui concerne les conditions sociales et environnementales dans lesquelles elle se déroule.

Le rapport indique par exemple, que la majeure partie du cobalt fourni sur les marchés mondiaux provient de la République démocratique du Congo, dont 20% proviennent de mines artisanales où le travail des enfants et le non respect des droits de l’homme sont nombreux.

On estime que jusqu’à 40 000 enfants travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses, avec un équipement de sécurité inadéquat, pour très peu d’argent dans les mines du sud du Katanga.

Les chiffres sont désespérément stables.

On peut lire que les enfants sont exposés à de multiples risques physiques et à des violations et abus psychologiques, uniquement pour gagner un maigre revenu nécessaire à la subsistance de leur famille. L’utilisation généralisée du travail des enfants dans l’extraction du cobalt peut avoir des implications sur l’approvisionnement mondial, car l’approvisionnement en minéraux extraits par le travail des enfants devient de plus en plus inacceptable pour les fabricants de produits dérivés de matières premières.

 

Source : https://www.nofi.media/2016/01/26512/26512 

Le gouvernement de la République démocratique du Congo reconnaît le problème du travail des enfants dans les mines et a adopté des politiques qui encouragent la gratuité de l’enseignement primaire et interdit l’utilisation d’enfants pour des travaux dangereux. Il est prévu que d’ici 2025, le travail des enfants sera éliminé des mines.

Enfin, le rapport sensibilise également à la pollution liée à ces extractions minières. Le drainage d’acides miniers contamine notamment les rivières, et parfois même l’eau normalement propre à la consommation.


Source : https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/100820/40-000-enfants-dans-les-mines-pour-les-batteries-des-vehicules-electriques

L’intégralité de ce rapport (en anglais) est disponible ici.

mardi 29 décembre 2020

La politique forestière du gouvernement : « On va détruire des forêts pour planter des arbres ! »

 

La politique forestière 

du gouvernement : 

« On va détruire des forêts 

pour planter des arbres ! »

 


19 décembre 2020 / Entretien avec Sylvain Angerand

 


 

Pour Sylvain Angerand, le plan de relance forestier proposé par l’État est un retour en arrière de soixante ans. Pis, les orientations qu’il veut donner à l’exploitation forestière sont néfastes pour la biodiversité autant que dans la lutte contre le changement climatique.

_____________________________

Sylvain Angerand est ingénieur forestier et coordinateur des campagnes de l’association Canopée Forêts vivantes. Il a participé jeudi 17 décembre à une action au bureau de l’ONF à Nancy.

 _____________________________

Reporterre — Pour quelles raisons avez-vous organisé cette opération à Nancy, jeudi soir 17 décembre ?

Sylvain Angerand — C’est un ras-le-bol. Quand on aime la forêt, ce qui se passe aujourd’hui nous afflige. Au début de l’année dernière, le gouvernement nous a fait miroiter un grand débat public sur la forêt et a missionné une députée de la majorité, Anne-Laure Cattelot pour faire un rapport (remis en septembre au ministre de l’Agriculture). Ensuite, aucun débat n’a été organisé. Pire, pendant l’été, on a appris qu’il y avait une négociation entre le ministère de l’Agriculture, Fransylva (la fédération des forestiers privés) et les coopératives forestières à propos du plan de relance et des 150 millions d’euros réservés à la forêt. On nous a dit que les critères (d’attribution) viendraient plus tard. En fait, il n’y en a aucun. Tout le monde a l’impression de s’être fait avoir.

Mon boulot à Canopée, c’est de faire des plaidoyers. J’ai gagné des batailles incroyables sur l’huile de palme en travaillant avec les députés. On a l’impression de revivre la même chose avec la forêt, sauf que là tout le monde s’en fout. Il est tout à fait anormal dans une démocratie que l’on remette en cause une loi votée à l’Assemblée nationale et au Sénat de manière conforme. Or, c’est ce qui s’est passé à propos de l’amendement concernant l’annulation des réductions de postes à l’ONF, qui a été retouché par le gouvernement. C’est une attaque contre l’esprit des institutions.

 

Sylvain Angerand : « En forêt, on n’a pas à planter un arbre. Quand on plante, c’est qu’on s’est trompé. »

 

Derrière, il y a des gens, des gens qui vont mal. On veut provoquer le débat. On a demandé, gentiment, à être invité autour de la table pour débattre et on nous l’a refusé à plusieurs reprises. Donc on provoque, on est obligé de venir dans des lieux comme ici pour les forcer à réagir. On continuera à organiser des débats dans d’autres endroits où nous ne sommes pas attendus. La forêt est un bien commun. Ce qui se passe ici fait partie d’un débat national qu’on doit avoir.

Pourquoi avoir organisé cette première opération dans la région Grand Est à Nancy ?

C’est le cœur économique de l’ONF. La région Grand Est concentre les forêts publiques et les forêts les plus riches en bois. Et c’est là où la privatisation de l’ONF a le plus d’impact. Toutes les régions sont affectées, mais ici se concentrent les problèmes. C’est l’épicentre de la France forestière.



Comment analysez-vous les projets du gouvernement et du plan de relance ?

Je pense qu’Emmanuel Macron ne connaît rien à la forêt et qu’il écoute ce qu’on lui dit. Le point de bascule est intervenu avec l’arrivée du nouveau ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Il prétend avoir fait l’École forestière, mais il a dû louper beaucoup de cours. C’est en fait un agronome et il pense comme un agronome. Il dit que « la forêt, ça se cultive. » Non, la forêt ne se cultive pas, ce n’est pas comme un champ. Un champ, on le récolte et si on ne replante pas, rien ne pousse. En forêt, lorsqu’on récolte trop, on a des problèmes. Normalement, on n’a pas à y ressemer. On doit récolter assez peu pour que la forêt se régénère. C’est la ligne de partage entre la forêt et l’agriculture.

En forêt, on n’a pas à planter un arbre. Quand on plante, c’est qu’on s’est trompé. C’est exactement ce que le gouvernement est train de nous imposer : utiliser des images d’Épinal qui font plaisir aux médias français, « planter des arbres, c’est bon pour la planète ». Non ! Ce qui se joue aujourd’hui, c’est qu’on va détruire des forêts existantes pour planter des arbres. Le climat sert d’alibi. Il y a des forêts qui sont dépérissantes, notamment dans l’Est de la France avec les scolytes, et on peut se dire qu’il n’y a pas d’alternative à la plantation, mais il faut se donner le temps d’observer. On a vu des forêts scolytées qui ont de la résilience et deviennent très intéressantes. Non seulement, on ne nous laisse pas le temps de réfléchir, mais on se presse pour raser et replanter.

 

« Le plan de relance est un plan de transformation de la forêt française en monoculture de résineux. »

 

 

De surcroît, il y a plein de forêts en pleine santé qui sont qualifiés de peuplements pauvres. C’est tout ce qui est taillis, taillis sous futaie. Des forêts du Morvan ou de la Dordogne sont entièrement rasées pour les remplacer par des monocultures. Une partie de la filière bois ne digère pas que la forêt française soit composée au deux tiers de feuillus et d’un tiers de résineux. Ils ne veulent que du résineux. Le plan de relance est un plan de transformation de la forêt française en monoculture de résineux.



Mais le plan de relance ne représente pas grand-chose par rapport aux besoins…

Oui, mais ce plan met les politiques forestières sur certains rails. L’année prochaine, il y aura des discussions très importantes au niveau européen sur la comptabilisation du carbone dans les forêts. Si on dit qu’on peut raser une forêt, replanter et que c’est bon pour le climat, il y a un problème. On est en train de changer les règles du jeu, de dessiner, de façonner les politiques forestières.

Ce qui me désole, c’est que c’est un retour en arrière de soixante ans. L’épicéa est un arbre de montagne. Personne ne se demande pourquoi il meurt. On l’a mis en plaine, financé par le Fonds national forestier, et il meurt. Tout le monde se lamente sur le dépérissement des épicéas de Verdun, mais Verdun est situé à 200 mètres d’altitude ! L’épicéa ne vit pas à cette altitude. Le climat sert juste de révélateur des bêtises qui ont été faites.

  • Propos recueillis par Thierry Gadault
_______________________________

C’est maintenant que tout se joue…

Le désastre environnemental s’accélère et s’aggrave, les citoyens sont de plus en plus concernés, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité.
Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques :

  • celui de l’indépendance éditoriale, ne laissant aucune prise aux influences de pouvoirs. Le journal n’appartient à aucun milliardaire ou entreprise Reporterre est géré par une association à but non lucratif. Nous pensons que l’information ne doit pas être un levier d’influence de l’opinion au profit d’intérêts particuliers.
  • celui de l’ouverture : tous nos articles sont en libre consultation, sans aucune restriction. Nous considérons que l’accès à information est essentiel à la compréhension du monde et de ses enjeux, et ne doit pas être dépendant des ressources financières de chacun.
  • celui de la cohérence : Reporterre traite des bouleversements environnementaux, causés entre autres par la surconsommation. C’est pourquoi le journal n’affiche strictement aucune publicité. De même, sans publicité, nous ne nous soucions pas de l’opinion que pourrait avoir un annonceur de la teneur des informations publiées.

Pour ces raisons, Reporterre est un modèle rare dans le paysage médiatique. Le journal est composé d’une équipe de journalistes professionnels, qui produisent quotidiennement des articles, enquêtes et reportages sur les enjeux environnementaux et sociaux. Tout cela, nous le faisons car nous pensons qu’une information fiable, indépendante et transparente sur ces enjeux est une partie de la solution.

Vous comprenez donc pourquoi nous sollicitons votre soutien. Des dizaines de milliers de personnes viennent chaque jour s’informer sur Reporterre, et de plus en plus de lecteurs comme vous soutiennent le journal, mais nos revenus ne sont toutefois pas assurés. Si toutes les personnes qui lisent et apprécient nos articles contribuent financièrement, le journal sera renforcé. Même pour 1 €, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Merci.

Soutenir Reporterre

 ______________________________

 

 Lire aussi : Veillée d’armes pour sauver l’ONF


Source : Thierry Gadault pour Reporterre

Photos : © Franck Dépretz et France Timmermans/Reporterre
.chapo : Une forêt. CC BY-SA 4.0 Pixversion/Wikimedia Commons

 

Source : https://reporterre.net/La-politique-forestiere-du-gouvernement-On-va-detruire-des-forets-pour-planter-des-arbres?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_hebdo

lundi 28 décembre 2020

Tous contre le démantèlement d’EDF : il faut qu’Hercule recule !


Tous contre le démantèlement 

d’EDF : 

il faut qu’Hercule recule !

 
 
Jacques Littauer ·

EDF a un projet super costaud puisqu'il s'appelle « Hercule ». EDF, l'électricien public, est en train de s'auto-démanteler sous le regard attendri des technocrates européens dont la raison de vivre est le dépeçage des services publics. Et alors ? Alors, on digère vite sa dinde et son champagne et on essaie de résister avec celles et ceux qui se bougent contre la fin du service public de l'électricité.

Un peu partout en France, les salariés d’EDF se mettent en grève. Le 17 décembre dernier, lors de ce qui était déjà la troisième journée de mobilisation nationale, la majorité des 30 employés du site d’Enedis de Mayenne ont interrompu le travail afin de dénoncer une « casse du service public au profit de quelques actionnaires ». (Oui, oui, Enedis, c’est en fait EDF).

Mêmes scènes au barrage de Grangent, dans la Loire, ou à la centrale du Bugey, dans l’Ain, et un peu partout en France. À Besançon, l’électricité a même été coupée quelques minutes par les grévistes. Dans l’ensemble du pays, 14 des 56 réacteurs n’ont fonctionné qu’à puissance réduite, la production d’électricité connaissant une baisse notable vers 19 heures.

Selon la direction, le taux de grévistes s’est établi à 28 %. La CGT a, pour sa part, évoqué un taux de grévistes de 35 % de l’effectif présent et de 60 % sur les sites de production. La mobilisation a été particulièrement forte sur les barrages, menacés de privatisation depuis des années.

En cause ? Le projet « Hercule », qui vise à scinder EDF en trois parties. Comme la direction du groupe nous prend pour des débiles, elle a fait dans le simple à comprendre. Il y a aura désormais trois EDF, avec chacun sa couleur. L’EDF « bleu », le seul à être 100 % public – merci de noter ce point important –, ce sera le nucléaire. Le « vert », c’est bien sûr pour les énergies renouvelables, et aussi la distribution. Et, enfin, « l’azur », qui regrouperait tous les barrages. La raison de cette absurdité ? L’Europe, comme toujours.

Un euro ou deux pour ma centrale nucléaire, s’il vous plaît ?

Car EDF a un souci : elle manque de thunes, grave. Tout d’abord parce que les réacteurs, en fin de vie, multiplient les pannes et les frais qui vont avec. Ainsi, en ce moment, un réacteur sur quatre est à l’arrêt, ce qui est énorme. Et il y a une grosse compétition entre ingénieurs et économistes, et ce jusqu’à la Cour des Comptes, pour estimer le coût du démantèlement des centrales, dont la facture est tellement grosse que personne n’ose avancer de chiffres.

Il faut dire que les génies de Polytechnique qui ont construit le parc nucléaire sans demander l’avis de la population n’ont pas pensé qu’il faudrait un jour démanteler les centrales, c’est ballot. Alors que ce chantier va durer un siècle, oui oui. De plus, EDF doit procéder à de lourds investissements dans l’éolien, le photovoltaïque, etc. Si l’État était responsable, ce serait simple : ces investissements, qui profitent à l’ensemble du pays et même à Dame Nature, sont du ressort de la puissance publique et non d’une entreprise, même publique. Mais comme l’État n’est pas malin, c’est à EDF de tout payer.

Surtout que, si l’électricité made in EDF est vendue moins cher que la moyenne européenne (18 centimes du KWH contre 21), c’est surtout parce que cette moyenne est tirée vers le haut par l’Allemagne, le Danemark et la Belgique. L’électricité est ainsi nettement moins chère que chez nous en Bulgarie, Hongrie, Lituanie, Croatie, et dans, au total, 16 pays européens sur 28 – en partie à cause des taxes, plus élevées en France il est vrai.

 

Source : Hellowatt

 

La Commission européenne kiffe la découpe

Donc EDF est coincée. L’entreprise a utilisé le seul levier possible : demander à la Commission européenne une hausse du prix de vente de son électricité nucléaire – car les prix de base de l’électricité sont toujours réglementés. Or ce prix n’a pas augmenté depuis 2010… Seulement, l’occasion est trop belle pour la Commission, dont la raison de vivre est le démantèlement des services publics. Les technocrates européens exigent donc, en contrepartie, à EDF, qu’elle s’auto-découpe en trois entités colorées.

Pourquoi ? Parce qu’il est impossible de concurrencer une entreprise de réseau, comme la SNCF et EDF. Pour parvenir au saint Graal de la concurrence, il faut donc découper menu menu les anciens monopoles – rebaptisés « opérateurs historiques » à Bruxelles, pour bien signifier qu’ils relèvent du passé – afin de permettre aux gentils start-uppeurs de 2020 de venir concurrencer les méchants monopoles cégétistes de 1945.

Tous contre Bruxelles !

La chose est tellement absurde que, tout comme pour la privatisation des aéroports, on a vu se reformer un extraordinaire attelage politique, des députés Les Républicains participant, le 8 décembre dernier, à une conférence de presse organisée par des élus communistes et insoumis. Les parlementaires PS et écologistes ont annoncé qu’ils allaient déposer une proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) contre ce projet.

Évidemment, pour les socialistes, c’est un gag, puisque c’est ce parti qui, avec Jacques Delors et François Mitterrand, a construit de A à Z le « marché unique », que l’on me demandait de célébrer quand j’étais au collège (« en 1992, on fait l’Europe ! »), et dont le démantèlement des services publics est la suite logique, voulue, prévue, organisée.

Car vous y comprenez quelque chose, vous, à Enedis, RTE et compagnie ? Toutes ces sociétés sont créées de toutes pièces pour organiser de la « concurrence » au sein d’un secteur où elle est économiquement impossible et écologiquement absurde. Le b.a-ba de la transition écologique, c’est la transition énergétique, qui suppose de forts services publics, efficaces, puissants, à l’écoute des collectivités locales et des citoyens. Pas des marchés. Mais, en dépit de ces évidences qui frappent même les élus de droite, la Commission continue sur sa lancée mortifère…

Peut-on l’arrêter ? C’est toute la question. Pour l’instant, la pétition mise en ligne par la CGT, la CFE-CGC, la CFDT et FO a recueilli 30 000 signatures. C’est trèèèèèèès loin des 4,7 millions de signatures qu’il faudra réunir lorsque la procédure de referendum d’initiative populaire sera formellement lancée – si elle l’est, car avec les socialistes, la déception est la règle.

Lors de la privatisation d’ADP, une absurdité de premier plan, d’abord pour des raisons de souveraineté, le RIP avait échoué, ne recueillant qu’un million de signatures. Certes, à première vue, c’est désespérant. Mais on peut aussi se dire que ce serait chouette de ne pas échouer une deuxième fois, et de profiter de l’opportunité que nous donne Macron de lui rabattre le caquet, pour défendre une service public – celui de l’électricité – qui, contrairement aux navions, concerne absolument tout le monde.

En attendant, une nouvelle hausse de l’électricité est prévue en janvier. Je vous laisse avec ce graphique du Parisien, qui devrait vous donner envie de signer la pétition des camarades syndiqués. En effet, il y a 10 ans, un foyer de 4 personnes payait en moyenne 1019 euros par an d’électricité et, désormais, sa facture s’élève à 1522 euros ! ●

 

Source : https://charliehebdo.fr/2020/12/economie/tous-contre-le-demantelement-edf-il-faut-hercule-recule/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=QUOTIDIENNE_21122020_-__NON_ABONNES&utm_medium=email

 

dimanche 27 décembre 2020

Le plus vieux désert du monde meurt pour les batteries de nos voitures « vertes »

Le plus vieux désert du monde 

meurt pour les batteries 

de nos voitures « vertes »

 
 
« L’extraction minière du lithium ne fait que commencer ». Il assure que le dialogue avec les communautés locales est essentiel, et que le gouvernement mène actuellement des études pour évaluer d’autres déserts de sels où étendre l’exploitation du lithium « pour préserver les lagons de Atacama ». Nous voilà rassurés. 
 



  6 mars 2020 - Sarah Roubato

Quand on parle des espaces en danger, on imagine volontiers les forêts et les espaces humides. Mais les déserts sont tout aussi essentiels. Dans le nord du Chili, le désert de sel Atacama est un trésor naturel, national et mondial. C’est le plus vieux désert de notre planète. Il est aussi le réservoir de la plus ancienne collection de météorites, certaines âgées de plus de 2 millions d’années.

Or ce désert détient 40 % des réserves mondiales de lithium, l’ingrédient principal utilisé pour… les technologies vertes ! Notamment les batteries pour recharger les voitures électriques et hybrides, qui ont donné un immense boom au secteur déjà bien sollicité par les demandes pour fabriquer les batteries des téléphones portables et des ordinateurs. C’est une véritable ruée vers l’or qui s’est déclenchée dans le « triangle du lithium », dans les déserts de sel de l’Argentine du Chili et de la Bolivie. Mais c’est bien le Chili qui reste leader avec des prix très attractifs dus à des conditions d’extraction optimales.

Pour extraire le lithium, le processus consiste à évaporer l’eau où il est contenu. Les mines assèchent donc le désert. Ce sont déjà 430 milliards de litres d’eau qui ont été perdus sur le seul plateau d’Atacama. Et comme le dit le sous-secrétaire de l’extraction minière Ricardo Irarrazabal Sanchez :

« L’extraction minière du lithium ne fait que commencer ». Il assure que le dialogue avec les communautés locales est essentiel, et que le gouvernement mène actuellement des études pour évaluer d’autres déserts de sels où étendre l’exploitation du lithium « pour préserver les lagons de Atacama ». Nous voilà rassurés. 

Les mines d’exploitation de lithium sont gérées par des entreprises privées qui payent un loyer au gouvernement pour l’exploitation des mines. Une partie des profits est reversée sous forme de taxes qui doivent être réinvesties dans des infrastructures à Santiago. Pas de souci à se faire donc quant au partage des profits de cette gigantesque industrie ni de conflits d’intérêts. 

Crédit photo : DU SORDET-ANA / ONLY WORLD / Only via AFP

Pour les animaux comme pour les peuples qui y vivent, cela signifie la condamnation à disparaître ou à migrer. Des militants ont organisé des marches de 350km, espérant éveiller l’attention des autorités. Ils sont une poignée à marcher le long de la route, le visage au vent, fouettés par les camions qui passent à toute vitesse, transportant le lithium. Ce que ces habitants du désert dénoncent, ce n’est pas seulement la destruction d’un territoire. C’est aussi la confiscation de leur droit à participer à l’avenir de leurs enfants, sous le prétexte d’un grand projet national mené par « ceux qui savent » ce qui est bon pour eux. Ils disent :

« Nous voulons aussi développer. Mais nous voulons en faire partie. » Ils ont fini par obtenir un arrêt de la cour environnementale à Antofagasta obligeant la principale entreprise d’exploitation et leader mondiale, SQM Sociedad Química y Minera de Chile de freiner ses ambitions d’expansion. Mais le combat est loin, très loin d’être gagné, et à ce rythme, le désert de sel disparaîtra, entraînant dans sa destruction des effets aussi graves que ceux de la destruction de la forêt amazonienne.  

Depuis notre écran, nous pouvons nous alarmer de cette situation et la condamner. Il reste que nous utilisons des ordinateurs, des téléphones portables, et que, devant les dégâts causés par l’extraction d’énergies fossiles, nous songeons peut-être à acheter des voitures électriques. La frontière entre les bons et les méchants, entre les exploitants destructeurs de l’environnement et ses défenseurs, n’est pas aussi claire que ce qu’on voudrait bien croire. À nous d’exiger de nos gouvernements et des entreprises à qui nous achetons des produits, d’avoir une éthique de production. Et pourtant… avec 2 milliards d’individus de plus en 2050, qui seront nés dans le monde des nouvelles technologies, comment imaginer que nous arriverons à limiter la production de lithium ? 

Devons-nous en tirer la conclusion que les technologies vertes sont à jeter ? Une arnaque de plus ? Non. Simplement que si la seule solution que nous trouvons est de remplacer des technologies fossiles par d’autres, sans changer la manière dont nous les utilisons, la quantité de ce que nous produisons et consommons, nous ne ferons que déplacer le problème, avec le danger de nous asseoir sur notre bonne conscience.

 

 

Source : https://lareleveetlapeste.fr/le-plus-vieux-desert-du-monde-meurt-pour-les-batteries-de-nos-voitures-vertes/

samedi 26 décembre 2020

Le guide de survie écolo aux fêtes de fin d’année

Le guide de survie écolo 

aux fêtes de fin d’année

 24 décembre 2020 / Laury-Anne Cholez (Reporterre) 

 


 

De la viande au nucléaire et de la Chine à la bougie, Reporterre vous a mijoté huit rappels essentiels sur les enjeux écologiques pour mener (chaleureusement bien sûr) l’offensive dialectique durant les retrouvailles de la fin d’année.

 ___________________

C’est Noël et comme chaque année, vous allez devoir passer un long moment coincé entre votre cousin anti-Greta Thunberg et votre tante climatosceptique. Pour survivre à ces difficiles moments, Reporterre vous livre quelques astuces pour faire face aux remarques anti-écolos de votre famille.

________________________

Argument no 1 : Impossible d’arrêter de manger de la viande car les protéines, c’est vital pour la santé

Ce lieu commun est souvent servi aux végétariens, soupçonnés d’être carencés et donc en mauvaise santé. Pourtant, un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), publié en 2015, a montré le rôle de la viande dans le déclenchement de cancers. La consommation de viande transformée a été classée comme cancérogène pour l’être humain.

 

Il a l’air bon ce jambon ? C’est la belle couleur donnée par les nitrites, qui sont cancérogènes.

 

 

Selon plusieurs études, les personnes ayant un régime végétarien sont loin d’être carencées et ont même de meilleures pratiques alimentaires. Signalons également que l’agriculture représente 19 % des émissions de gaz à effet de serre.

Argument no 2 : Faire des efforts ne sert à rien : les Chinois sont pires que nous

Remettons les choses dans l’ordre. Historiquement, les premières pollutions massives sont nées en Europe, avec l’utilisation du charbon comme combustible pour les fourneaux et moteurs industriels. Au 19e siècle, Londres était aussi polluée par les particules fines que les villes asiatiques d’aujourd’hui. L’essor de la chimie a aussi généré de nouvelles pollutions.

Ainsi, l’Europe est historiquement responsable du réchauffement climatique, et même si la Chine a hélas rattrapé son « retard ». Mais reporter la faute sur les pays d’Asie, c’est occulter notre responsabilité historique.

De plus, il ne faut pas oublier les émissions dites « cachées » ou « importées ». Celles des terres rares extraites en Chine pour fabriquer nos smartphones, par exemple. Ces émissions de gaz à effet de serre liées aux importations ont crû de plus de 78 % entre 1995 et 2018. Enfin, la lutte contre le réchauffement climatique est un effort mondial. Attendre des autres qu’ils le fassent avant nous est non seulement hypocrite mais également dangereux.

Argument no 3 : Vous les écolos, vous êtes trop « apocalyptiques » et « culpabilisateurs »

Il faut dissocier le ressenti des faits. Les études scientifiques sont unanimes : on se dirige vers un monde difficile à vivre. En France tout d’abord, des villes comme Calais, Dunkerque, Le Havre ou encore Saint-Malo pourraient être submergées d’ici 2050 et la hausse de 1,10 mètre du niveau des océans prévue par le Giec entraînerait l’engloutissement de villes comme Bordeaux. Dans le monde, près d’un tiers de l’humanité pourrait vivre dans des endroits aussi chauds que le Sahara d’ici 2070.

Si le réchauffement climatique est aujourd’hui encore assez peu sensible en France (malgré les épisodes de canicule), il est une réalité pour beaucoup de pays dans le monde. Dans le Pacifique, des nations entières vont être englouties, obligeant les populations à migrer. L’Indonésie va devoir abandonner sa capitale, Jakarta, qui s’enfonce dans les eaux. Il ne s’agit donc pas de culpabiliser mais d’évoquer des faits réels qui ont d’ores et déjà des conséquences sur la vie d’une grande partie de l’humanité.

Argument no 4 : La technologie va sûrement trouver des solutions

Capter le CO2 et l’injecter au fond des océans. Envoyer du soufre dans la stratosphère pour réduire l’énergie du soleil. Chaque année, votre cousin ingénieur vous révèle de nouvelles idées plus ou moins réalistes pour atténuer les effets du réchauffement climatique. C’est ce qu’on appelle la géo-ingénierie, pensée par des scientifiques bercés par le mythe du progrès technique infini. Toutefois, un rapport du Conseil consultatif des académies des sciences européennes (EASAC) révèle que ces technologies dites « d’émissions négatives » n’ont qu’un « potentiel réaliste limité » pour stopper les augmentations de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Alors plutôt que de vouloir jouer aux apprentis sorciers, sans connaître les effets secondaires de ces technologies, mieux vaut ralentir notre consommation. Car le meilleur CO2, c’est celui qu’on ne produit pas.

Argument no 5 : Le nucléaire est la solution au changement climatique

Plutôt que de vous engluer dans des batailles de chiffres, amenez la discussion sur la question des déchets, trop souvent évacuée par les pronucléaires. En France, on produit 56.400 tonnes de déchets nucléaires par an, dont 10 % de déchets dits « à longue vie » qui vont rester dangereux pendant des centaines de milliers d’années. Pour l’instant, aucun pays n’a trouvé de solution satisfaisante pour les stocker sans danger. En France, la solution prônée actuellement, c’est l’enfouissement dans le futur centre de stockage de Bure avec de nombreuses questions sans réponses.

Le nucléaire est par ailleurs vulnérable au réchauffement climatique car les centrales sont dépendantes des cours d’eau, dont le débit va diminuer avec les sécheresses à répétition. Le risque d’accident grave reste toujours présent, et les conséquences d’un tel accident se font sentir pendant des décennies, comme à Tchernobyl.

 

Il faut souvent arrêter les centrales nucléaires l’été car il n’y a plus assez d’eau pour les refroidir correctement.

 

trEnfin, les délais de construction des réacteurs nucléaires, leur coût, et le nombre qu’il serait nécessaire d’ériger pour amortir le changement climatique sont bien trop élevés pour être efficaces à temps. La bonne solution, c’est d’économiser l’énergie et de recourir aux énergies renouvelables. Problème : sur ce plan-là, le gouvernement traîne les pieds, notamment sur la mesure la plus efficace à court terme, qui est la rénovation énergétique.

Argument no 7 : Il est trop tard pour agir alors pourquoi se fatiguer à essayer ?

Parce que chaque degré compte. Limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle permettrait de gagner dix centimètres sur l’augmentation du niveau des mers par rapport à 2 °C. Ce qui mettrait jusqu’à dix millions de personnes à l’abri de la submersion selon un rapport du GIEC. Cela permettrait par exemple de sauver de justesse les récifs coralliens, dont la surface ne diminuerait « que » de 70 à 90 %, alors qu’autour de 2 °C, de réchauffement on risque leur perte complète. Enfin, un monde à 1,5 °C serait un peu plus vivable pour les sociétés humaines en réduisant le nombre de personnes exposées, par exemple, à une augmentation du stress hydrique.

Argument no 8 : Les écolos ne sont qu’une bande d’amish qui veulent revenir à la bougie

Cette critique est récurrente dès que l’on cesse de faire l’apologie du progrès technique et qu’on questionne nos modes de vie. Pourtant, il ne s’agit pas de faire l’apologie du passé mais de questionner la fuite en avant et de critiquer le modèle de l’hyperconsommation et ses dérives sociales et écologiques. Les mesures à mettre en œuvre pour limiter le réchauffement climatique sont déjà connues et n’imposent pas de revenir à l’âge de pierre. À titre individuel, le cabinet d’étude B&L évolution les a traduites dans un rapport. La convention citoyenne pour le climat a également élaboré 150 propositions pour réduire d’au moins 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Des pistes pour l’avènement d’une société plus résiliente et moins inégalitaire mais certainement pas réactionnaire.

______________________________

C’est maintenant que tout se joue…

Le désastre environnemental s’accélère et s’aggrave, les citoyens sont de plus en plus concernés, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité.
Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques :

  • celui de l’indépendance éditoriale, ne laissant aucune prise aux influences de pouvoirs. Le journal n’appartient à aucun milliardaire ou entreprise Reporterre est géré par une association à but non lucratif. Nous pensons que l’information ne doit pas être un levier d’influence de l’opinion au profit d’intérêts particuliers.
  • celui de l’ouverture : tous nos articles sont en libre consultation, sans aucune restriction. Nous considérons que l’accès à information est essentiel à la compréhension du monde et de ses enjeux, et ne doit pas être dépendant des ressources financières de chacun.
  • celui de la cohérence : Reporterre traite des bouleversements environnementaux, causés entre autres par la surconsommation. C’est pourquoi le journal n’affiche strictement aucune publicité. De même, sans publicité, nous ne nous soucions pas de l’opinion que pourrait avoir un annonceur de la teneur des informations publiées.

Pour ces raisons, Reporterre est un modèle rare dans le paysage médiatique. Le journal est composé d’une équipe de journalistes professionnels, qui produisent quotidiennement des articles, enquêtes et reportages sur les enjeux environnementaux et sociaux. Tout cela, nous le faisons car nous pensons qu’une information fiable, indépendante et transparente sur ces enjeux est une partie de la solution.

Vous comprenez donc pourquoi nous sollicitons votre soutien. Des dizaines de milliers de personnes viennent chaque jour s’informer sur Reporterre, et de plus en plus de lecteurs comme vous soutiennent le journal, mais nos revenus ne sont toutefois pas assurés. Si toutes les personnes qui lisent et apprécient nos articles contribuent financièrement, le journal sera renforcé. Même pour 1 €, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Merci.

Soutenir Reporterre

 ______________________

 

Lire aussi : La nature n’est pas utile, elle est irremplaçable


Source : Laury-Anne Cholez pour Reporterre

Dessin : © Sanaga/Reporterre

Photos :
. jambon cuit : CC0 - PxHere
. Centrale nucléaire de Chooz - Wikipedia

 

Source : https://reporterre.net/Le-guide-de-survie-ecolo-aux-fetes-de-fin-d-annee?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

vendredi 25 décembre 2020

Sivens : l’État condamné, retour sur dix ans de manquements

Sivens : 

l’État condamné, 

retour sur dix ans 

de manquements

 

 

 11 décembre 2020 / Grégoire Souchay (Reporterre) 

 


Les « carences fautives » de l’État ont été reconnues le 8 décembre par le tribunal administratif de Toulouse dans le dossier Sivens. Si la mobilisation des opposants avait conduit à la suspension du projet initial, en 2014, après la mort de Rémi Fraisse, ce projet aurait pu être abandonné ou repensé bien plus tôt. À dix reprises.

_______________________________________

Mardi 8 décembre, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l’État « à raison d’illégalités fautives » dans le dossier du barrage/réservoir de 1,5 million de mètres cubes d’eau, sur le site de Sivens, dans le Tarn. Ce jugement reconnaît le « préjudice moral » envers le collectif Testet et France Nature Environnement-Midi-Pyrénées à chacun desquels l’État devra verser respectivement 10.000 euros.

Si la mobilisation des opposants avait conduit à la suspension du projet initial — après l’homicide de Rémi Fraisse en octobre 2014 — ce projet aurait pu être abandonné ou repensé bien plus tôt. Nous avons retracé cette longue histoire d’une obstination destructrice pour un projet dont les faiblesses étaient sensibles dès l’origine.

2009 — La double casquette de l’aménageur

En mars 2009, la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG) remettait au Conseil général du Tarn une « actualisation des calculs de déficits de la ressource en eau sur le bassin du Tescou », petit affluent du Tarn. Déjà en 2001, la CACG avait fourni une première estimation tablant sur le maintien des volumes d’irrigation — 62 % des besoins en eau de cette vallée. Huit ans plus tard, avec les mêmes hypothèses, elle retient l’option maximaliste d’une retenue de 1,5 million de m3. Pour rappel, l’essentiel du projet de barrage concernait la constitution de réserves en eau destinées à l’irrigation.

Et à qui le département du Tarn a confié le soin de construire ce projet ? À la CACG.

2010 — « Irrégulier au regard de la législation nationale » pour la police de l’eau

En mai 2010, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) rendait le tout premier avis défavorable. Dix-sept hectares de zone humide et douze espèces protégées avaient alors déjà été recensés. Mais cette étude d’impact « présente des lacunes sur la réalisation de l’état initial » selon le gendarme de l’eau qui ajoutait « qu’en l’état, le projet n’est pas compatible » avec plusieurs dispositions des plans de gestion de l’eau. Il était même « irrégulier au regard de la législation nationale ».

Janvier 2013 — « Une expertise écologique souffrant d’insuffisance »

C’était ensuite au tour des instances scientifiques consultatives de donner leur avis. En janvier 2013, le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) déplorait « l’altération de l’état écologique du cours d’eau », ainsi qu’une « expertise écologique souffrant d’insuffisances […] entraînant des omissions ou minorations d’impact » et enfin des mesures compensatoires trop « hypothétiques ». Nouvel avis défavorable.

Avril 2013 — « Aucune mesure d’économie de l’usage de l’eau »

Au mois d’avril, avis négatif du Conseil national de protection de la nature (CNPN) relevant « des inventaires faunistiques insuffisants » et « une analyse des impacts sous-évaluée ». Pire, le CNPN relevait que si « l’enjeu majeur est de renforcer l’irrigation des terres agricoles […] aucune mesure d’économie de l’usage de l’eau n’est indiquée ».

 

La zone humide de Sivens lors de l’été 2019.

Septembre 2013 — « Pourquoi ne pas sereinement prendre le temps ? »

Un projet corrigé fut soumis quelques mois plus tard au CNPN : « Si le document apporte des corrections et des compléments, aucun élément nouveau probant ne nous a été fourni ». Second avis défavorable, qui poussait l’instance à s’interroger : « Pourquoi ne pas prendre sereinement le temps de compléter le dossier en tenant compte des remarques du CNPN et de la DREAL » en « soumettant à une expertise indépendante » l’évaluation des besoins en eau ?

Octobre 2013 : trois arrêtés en urgence, générant la création d’une Zad

Faisant fi de ces alertes, la préfète du Tarn signait début octobre les trois arrêtés fondateurs du projet : déclaration d’utilité publique, déclaration d’intérêt général, et dérogation à la destruction d’espèces protégées. Elle avait recueilli un soutien de poids : Philippe Martin, alors ministre de l’Écologie… et président du conseil d’administration de la CACG.

Le 11 octobre, il transmettait un courrier aux agences de l’eau levant le moratoire national sur les financements des projets de retenues d’eau pour celles « bien avancées » et bénéficiant des aides européennes FEADER pour 2013, comme Sivens. Alors que le collectif Testet et France Nature Environnement Midi-Pyrénées lançaient des recours, une partie des opposants locaux décidait d’occuper en novembre 2013 la zone du projet pour éviter le passage en force : ainsi naissait la Zad de Sivens.

Des membres du collectif Testet, en juillet 2019. 

Juillet 2014 : la Commission européenne vers à une procédure d’infraction

La députée européenne Catherine Grèze (Europe Écologie-Les Verts) avait interpellé à six reprises depuis 2011 la Commission européenne pour les manquements dans le dossier Sivens. La Commission interpella enfin l’État en novembre 2013 dans le cadre d’une procédure précontentieuse. La réponse, six mois plus tard, ne satisfit pas la Commission qui avertit le 28 juillet 2014 que « le respect des directives européennes n’est toujours pas garanti », ouvrant la porte à une procédure d’infraction et à la suspension des financements européens du projet (20 %). Cette procédure devenait effective le 26 novembre 2014 compte tenu de « la détérioration de l’état écologique de la masse d’eau que le projet est susceptible d’entraîner ».

Septembre 2014 : défrichement sans autorisation

Trop tard. Car le 1er septembre 2014, le chantier débutait, protégé par un imposant dispositif de maintien de l’ordre. Sur vingt-neuf hectares, les arbres étaient dessouchés et une zone humide rasée, sans aucune autorisation légale. Saisi en urgence, le tribunal d’Albi attendait jusqu’au 12 septembre pour se déclarer incompétent à propos de ces « travaux publics ». Le soir même, la Préfecture signait l’arrêté autorisant ce défrichement déjà quasiment terminé. À Sivens, les gendarmes quadrillaient la zone, occasionnant violences et humiliations sur les occupants.

Sur la Zad, en 2014.

27 octobre 2014 — Le rapport d’experts publié, un jour après l’homicide de Rémi Fraisse par les gendarmes

Le 27 octobre 2014, le ministère de l’Écologie publiait le rapport des experts mandatés pour évaluer le projet de Sivens. Pour la première fois était reconnue officiellement la « surestimation des besoins en eau » (35 %) et l’utilisation « de données anciennes », le choix du barrage ayant été établi « sans réelle analyse des solutions alternatives ».

Ces éléments étaient révélés le lendemain d’un week-end de mobilisation rassemblant 3.000 personnes, sous forte surveillance policière. Un dispositif de maintien de l’ordre maintenu pour permettre coûte que coûte la reprise des travaux dès le lundi 27. Mais entretemps, Rémi Fraisse, jeune homme de 21 ans, avait été tué par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme durant la nuit.

2015 — « Une retenue redimensionnée sur la zone du projet »

Le projet était suspendu mais toujours pas abandonné. Jusqu’au printemps 2015, l’urgence pour les élus locaux et les partisans du barrage organisés en milice rurale était l’évacuation de la Zad. Ce qui fut fait le 6 mars 2015 au moment même où le conseil général du Tarn votait le principe d’une « retenue redimensionnée sur la vallée du Tescou, sur la zone du projet ». En échange de l’abandon du projet initial, l’État accordait 3,3 millions d’euros de dédommagement au département pour des pertes engendrées par les travaux déjà entrepris et les mesures de compensation écologiques. Le département, lui, s’engageait à ne pas attaquer l’État en justice et abrogeait la déclaration d’intérêt général, le 24 décembre 2015. Sivens 1 était abandonné.

Graffiti représentant Rémi Fraisse.

 

Juillet 2016 — Le barrage jugé illégal, la zone humide dégradée

Le 1er juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse annulait les trois arrêtés fondateurs : déclaration d’utilité publique, dérogation à la destruction d’espèces protégées et défrichement. Le projet initial de barrage à Sivens et son chantier étaient désormais illégaux. Quinze jours plus tôt, le comité de suivi des mesures compensatoires avait pointé l’urgence de rétablir les écoulements d’eau afin de maintenir les fonctionnalités de la zone humide, qui s’asséchait dangereusement et n’avait toujours pas été restaurée.

Il allait falloir encore un an, août 2017, pour que la préfète prescrive la remise en état de la zone humide.

Décembre 2020 — Les « carences fautives » de l’État reconnues

Ce 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l’État pour son rôle dans le dossier. Car si les arrêtés de 2016 sont illégaux, l’État aurait dû empêcher les travaux. Or, « la carence du préfet à prendre les mesures qui s’imposaient pour mettre fin au défrichement illégal est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’État ».

Il reste désormais à juger (probablement en 2021) la responsabilité administrative de l’État dans la mort de Rémi Fraisse.

À ce jour, l’hypothèse d’une retenue redimensionnée sur le site de Sivens n’a toujours pas été abandonnée.

 ______________________________

C’est maintenant que tout se joue…

Le désastre environnemental s’accélère et s’aggrave, les citoyens sont de plus en plus concernés, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité.
Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques :

  • celui de l’indépendance éditoriale, ne laissant aucune prise aux influences de pouvoirs. Le journal n’appartient à aucun milliardaire ou entreprise Reporterre est géré par une association à but non lucratif. Nous pensons que l’information ne doit pas être un levier d’influence de l’opinion au profit d’intérêts particuliers.
  • celui de l’ouverture : tous nos articles sont en libre consultation, sans aucune restriction. Nous considérons que l’accès à information est essentiel à la compréhension du monde et de ses enjeux, et ne doit pas être dépendant des ressources financières de chacun.
  • celui de la cohérence : Reporterre traite des bouleversements environnementaux, causés entre autres par la surconsommation. C’est pourquoi le journal n’affiche strictement aucune publicité. De même, sans publicité, nous ne nous soucions pas de l’opinion que pourrait avoir un annonceur de la teneur des informations publiées.

Pour ces raisons, Reporterre est un modèle rare dans le paysage médiatique. Le journal est composé d’une équipe de journalistes professionnels, qui produisent quotidiennement des articles, enquêtes et reportages sur les enjeux environnementaux et sociaux. Tout cela, nous le faisons car nous pensons qu’une information fiable, indépendante et transparente sur ces enjeux est une partie de la solution.

Vous comprenez donc pourquoi nous sollicitons votre soutien. Des dizaines de milliers de personnes viennent chaque jour s’informer sur Reporterre, et de plus en plus de lecteurs comme vous soutiennent le journal, mais nos revenus ne sont toutefois pas assurés. Si toutes les personnes qui lisent et apprécient nos articles contribuent financièrement, le journal sera renforcé. Même pour 1 €, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Merci.

Soutenir Reporterre

 _______________________________

 Lire aussi : Sivens : cinq ans après la mort de Rémi Fraisse, un projet de barrage ressurgit


Source : Grégoire Souchay pour Reporterre

Photos :
. En 2017, sur la zone humide du Testet. © Rémy Gabalda/AFP
. La zone humide de Sivens lors de l’été 2019. © Grégoire Souchay/Reporterre
. ZAD en 2014. Metronews Toulouse / Flickr
. Rémi Fraisse. Jeanne Manjoulet/Flickr

 

Source : https://reporterre.net/Sivens-l-Etat-condamne-retour-sur-dix-ans-de-manquements?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne