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jeudi 30 avril 2020

Appel à travailler dans les champs : « Tout est fait pour maintenir un système qui précarise et appauvrit »


Appel à travailler 

dans les champs : 

« Tout est fait 

pour maintenir un système 

qui précarise et appauvrit »

 

par

 


Face au manque de main d’œuvre étrangère, plus de 200 000 personnes se sont portées candidates pour rejoindre des exploitations agricoles. Des professionnels s’inquiètent cependant de cet afflux précipité de travailleurs, mal préparés à affronter des conditions d’emploi difficiles, voire dangereuses.

« Rejoignez la grande armée de l’Agriculture française. » En dépit des mesures de confinement, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a appelé le 24 mars celles et ceux sans activité ou au chômage partiel à « travailler dans les champs ». Cette déclaration a mis en lumière tout un pan de l’agriculture française qui vit d’emplois saisonniers habituellement pourvus par des dizaines de milliers de ressortissants venus de Roumanie, de Pologne, du Maroc ou d’Espagne [1].

La crise du coronavirus confirme également la proximité du gouvernement avec la FNSEA, syndicat agricole majoritaire. Le jour même de la déclaration de Didier Guillaume, la FNSEA a lancé une plateforme mettant en relation agriculteurs et « volontaires », avec l’appui de Pôle emploi et de l’Anefa (Association nationale pour l’emploi et la formation des agriculteurs). Une semaine plus tard, plus de 200 000 personnes avaient répondu à l’appel « Des bras pour ton assiette », conformément à l’objectif annoncé par le syndicat [2]. « Il y a d’abord eu un flou sur "la grande armée de volontaires", beaucoup l’ont compris comme "bénévoles". Or, on parle bien de personnes rémunérées. Un peu plus de précision de la part du ministre de l’Agriculture aurait été nécessaire », souligne Pénélope Bourcart, médiatrice-juriste à l’association Solidarité Paysans en région Provence-Alpes, qui a reçu de nombreux appels à ce sujet.

Jusqu’à 72h de travail par semaine


Les contrats proposés sont donc des contrats saisonniers, très répandus en agriculture, dont la base légale est le Smic [3]. « C’est un CDD au rabais », prévient Clément*, un inspecteur du travail en milieu agricole. « Il est prévu par la loi que le contrat saisonnier ne donne pas lieu à l’indemnité de précarité », illustre t-il. Le montant de cette indemnité de précarité correspond – normalement – à 10% de la rémunération brute totale perçue pendant la durée du contrat.


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Pour faciliter les embauches, le gouvernement a autorisé les salariés en chômage partiel à cumuler leur indemnité avec un contrat saisonnier agricole. « La date de fin peut ne pas être définie dès le départ du contrat », indique Pénélope Bourcart, en raison par exemple des aléas climatiques qui peuvent retarder la récolte. Mais « la fin du confinement mettra t-elle automatiquement fin au contrat saisonnier ? » La juriste s’interroge. Une incertitude qui met en difficulté les agriculteurs, telle cette productrice de melons en Sud-Vendée : « Il y a des gens qui candidatent mais c’est souvent pour une durée trop courte pour nous, car on a besoin de personnes qu’on embauche pour six mois. La plupart des candidats sont en chômage technique ou en intérim, donc ils sont susceptibles de repartir rapidement. »

La question du temps de travail pose aussi un sérieux problème. De fait, le code rural est un sous code du travail, qui offre de nombreuses dérogations aux employeurs. « Il y a une certaine tradition des exploitations agricoles à affecter des salariés à leurs postes de travail bien au delà de 10h par jour et de 48h par semaine, observe Clément, ce qui est largement permis par le code rural. Les exploitants n’ont rien à justifier pour dépasser les 10h de travail par jour, et pour aller jusqu’à 72h par semaine. » En outre, ce code ne permet pas de sanctionner par une amende administrative les exploitants qui violeraient le dépassement de la durée maximale quotidienne, contrairement aux autres entreprises.

Souvent les tâches les moins qualifiées et les plus pénibles


« Les contrats saisonniers sont réservés aux tâches les moins qualifiées et les plus pénibles, répétitives », ajoute Clément. Chez les céréaliers, cela va surtout concerner des tâches d’appoint comme le transport à la main de matières lors des moissons par exemple, ou le ramassage manuel des haricots verts chez les maraichers où il faut rester courber durant des heures. Un travail physique qui induit une souffrance inhérente. « On est exposés lors de la cueillette ou du ramassage à des troubles musculo-squelettiques en permanence », précise l’inspecteur du travail. Les postes les plus techniques dans une exploitation agricole font eux, en général, l’objet d’un contrat en interne à l’année.

« Si le confinement s’étend jusqu’aux périodes où il fait très chaud, cela veut dire qu’il va falloir travailler à 50 degrés sous les serres avec des gants, des masques... ça va être très difficile », souligne Pénélope Bourcart. Les contrats saisonniers permettent par ailleurs souvent de passer à travers les maillons de la visite médicale. « Il n’y a pas de visite médicale en dessous d’un contrat de 45 jours », alerte Clément.

Ce dernier redoute également les accidents du travail. « On va envoyer des gens qui sont très éloignés du monde agricole dans des exploitations où l’on utilise des machines très dangereuses. » « Un tracteur est doté d’une prise de force qui renvoie l’énergie du tracteur à l’accessoire, illustre t-il. Cette prise c’est 500 à 1000 tours par minute. Le problème concerne la circulation de personnes autour du tracteur. On peut se faire arracher le bras. »





Risques « impensés » d’exposition aux pesticides

 

Le ministère de l’Agriculture a t-il pris la mesure du risque phytosanitaire ? « C’est vraiment un impensé en matière de réglementation, estime Clément. On est face à des mélanges de produits dont on ne sait pas évaluer le degré de toxicité ni la durée limite d’exposition. » Tout repose sur la protection individuelle avec des équipements de type combinaison, lunettes de protection et gants. « Mais ce n’est pas de la magie, poursuit-il. Le salarié peut ne pas le porter ou mal le porter, et ça n’a de toute façon pas un niveau de protection suffisant par rapport aux produits toxiques. » Il n’existerait pas non plus de dispositif de protection collective suffisant lors du mélange des produits. « Il ne faut pas que ce soit les saisonniers qui manipulent ou appliquent le produit, ce serait criminel, une formation est nécessaire. » Lorsqu’un produit phytosanitaire est épandu, une période de carence oscillant entre 4h et 48h doit normalement être appliquée avant d’entrer sur le champ.

Séverine, infirmière, voyait régulièrement des salariés travaillant dans des serres de tomates lorsqu’elle était vacataire à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, à Rennes [4]. Le souvenir d’une salariée originaire de Mongolie l’a particulièrement marquée. « Sa petite fille de 18 mois avait des malformations aux extrémités des doigts et des pieds. » Une visite chez un généticien a confirmé que la malformation n’était pas génétique mais bien liée à l’environnement. « Un médecin de Générations futures a ensuite confirmé que les malformations étaient dues aux substances dont le corps de la maman était imprégnée, en expliquant que ces substances faisaient l’effet d’une débroussailleuse dans le fœtus... »


« L’agriculture industrielle n’est ni propre, ni saine, ni durable »

 

Séverine a également été amenée à rencontrer d’autres salariées travaillant sous serre qui avaient fait des fausses couches à sept et huit mois de grossesse. « Une visite de l’inspection du travail avait confirmé l’utilisation dans ces serres de substances interdites en France », se remémore Séverine, évoquant des conditions de travail terribles. « Elles n’avaient pas le droit à la pause pipi, devaient manger sous les serres et se rinçaient les doigts au goutte à goutte dans les serres imprégnées par les substances chimiques. J’étais vraiment révoltée. On achète des tomates locales, sauf que c’est de la merde ! »

Un sentiment de révolte partagé par le journaliste Fabrice Nicolino, après avoir entendu le ministre de l’Agriculture demander à rejoindre « celles et ceux qui vont nous permettre de nous nourrir de façon propre, saine, durable ». « C’est de la propagande », dénonce Fabrice Nicolino. « L’agriculture industrielle n’est ni propre, ni saine, ni durable. Les pesticides au cœur de ce système menacent la santé des paysans et la stabilité des écosystèmes. » Si l’initiateur du mouvement des Coquelicots appelle à aider les voisins paysans à la peine, il réaffirme son engagement « pour des campagnes habitées par de très nombreux paysans, bien payés et bien considérés parce qu’ils prendraient en compte les intérêts de tous les hommes et de tous les êtres vivants ». Sans pesticide de synthèse, donc.


Des métiers peu valorisés, mais qui dissimulent des « compétences fortes »

 

Pour s’inscrire sur la plateforme « Des bras pour ton assiette », il suffit d’« être en bonne santé » et de « ne pas faire partie des personnes à risque ». Le profil est ensuite proposé automatiquement aux agriculteurs. « C’est n’importe quoi », soupire Dominique Técher, viticulteur en Gironde.
« N’importe quel travailleur serait remplaçable sous prétexte qu’il est au bas de l’échelle de la qualification. Or, pour ramasser les fraises par exemple, il y a un tour de main, un savoir-faire. Un fraisiculteur de Dordogne avait pris les bonnes volontés mais il a constaté qu’il lui fallait dix travailleurs au lieu des trois saisonniers qu’il prenait habituellement. Il a arrêté de prendre des personnes et va ramasser ce qu’il peut. » Une bonne partie de la production sera probablement amenée à pourrir sur le champ. « On a besoin de contrats de formation car personne ne s’y retrouve », estime Dominique Técher. « C’est une gestion à l’emporte-pièce ! »

« Le message du ministre de l’Agriculture a pu paraitre un peu méprisant pour les emplois agricoles, appuie Pénélope Bourcart. « Ça reste un métier où il faut être formé, même pour cueillir et mettre en barquette, sinon ce n’est pas rentable. » Un des adhérents de l’association Solidarité paysans attendait par exemple une équipe formée pour faire des greffes sous serres. Il hésite à ce stade à recruter des volontaires qui n’ont pas d’expérience.

« Il faut distinguer ce qui relève des salariés saisonniers - beaucoup ont l’image des étudiants vendangeurs pour trois semaines - de ceux qui reviennent régulièrement sur les exploitations avec une connaissance du monde agricole », précise Clément, inspecteur du travail. Ces derniers ont l’habitude de travailler dans ce secteur, et les agriculteurs apprécient en retour de voir revenir d’une année à l’autre une large partie de leurs travailleurs saisonniers. « Ils leur font confiance, ils savent comment ça se passe dans l’exploitation. Il y a une tendance à penser que le travail pénible est un travail peu qualifié. C’est une vision socialement construite où l’on dévalorise le travail manuel. Le travail saisonnier peut exiger des gestes extrêmement techniques et des compétences fortes. »

Gestes barrières à minima

 

La période actuelle est cruciale pour les maraichers avec les semis de printemps. Il faut aussi cueillir les végétaux qui arrivent comme les fraises ou les asperges, puis ce sera les courgettes, petits pois, haricots verts... « Il y a quelques exploitations maraichères où ça va être compliqué de mettre en œuvre les gestes barrières, notamment sous serre où il y a en ce moment une prééminence végétale. Ça va être difficile d’être à un mètre les uns des autres à moins de revoir profondément l’organisation du travail », estime Clément, inspecteur du travail. La distanciation sociale reste plus facile dans les champs mais se pose la question de l’accès aux équipements - savon ou gel hydroalcoolique, gants, masques...


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En cette période de pandémie, la Mutualité sociale agricole (MSA) précise autoriser le covoiturage des saisonniers agricoles, avec « deux personnes par véhicule avec installation en croix (un devant / un derrière. » [5]. L’hébergement pose aussi question en ces temps de confinement où toutes les structures sont fermées. Là encore, la MSA autorise l’hébergement des saisonniers dans les exploitations agricoles, en attribuant, « si possible, une chambre par salarié ». A défaut, précise t-elle, « espacez davantage la distance entre chaque lit (au moins 1 mètre) ». Des gestes « barrières » qui semblent surtout bien insuffisants...


https://www.msa.fr/lfy/documents/11566/93242901/Accueil+des+travailleurs+saisonniers/70e738f6-a318-1d18-8e33-66bf618cf913


Olivier Bel, porte-parole de la Confédération paysanne en Provence-Alpes-Côte d’Azur ne décolère pas : « On met en place des forces de police pour maintenir le confinement et en même temps, on envoie du monde dans les champs sans avoir mis en place les mesures nécessaires pour préserver la main d’œuvre. Cet appel donne l’impression qu’il faut de la chair à canons. Ce n’est pas possible de respecter les gestes barrières, on le voit bien dans les travaux qu’on fait chez nous : au bout d’un moment tu repars sur un rythme de travail quotidien avec un objectif de rendement et d’efficacité. »
De son côté, Clément, l’inspecteur du travail, a reçu une invitation de sa direction générale à ne pas contrôler. Une note interne demande de ne pas prendre d’initiative. Les inspecteurs du travail sont priés de s’en tenir à un rôle de conseil, par téléphone.


- Lire à ce sujet : Intimidations contre les inspecteurs du travail qui veulent protéger les salariés exposés au virus

 

Maintenir un système qui « pousse tout le monde dans le mur »

 

Cette crise met en évidence la fragilité de certaines productions, totalement dépendantes d’une main d’œuvre très précarisée, estime Olivier Bel, de la Confédération paysanne : « Cette production en volume est pour une grande partie destinée à l’exportation. On ne sait pas, en l’état, à quoi elle va servir. Faut-il récolter à tout prix ? Ne vaut-il pas mieux indemniser les producteurs de ces exploitations plutôt que de les conforter dans un système qui pousse à exploiter la main d’œuvre, industrialiser et pousser tout le monde dans le mur ? Il est plus que temps de repenser les modèles de production ! »

Alors que la plateforme « Des bras pour ton assiette » communiquait sur les 200 000 volontaires, la préfecture de Seine-et-Marne a annoncé qu’elle mobilisait, pour ces travaux agricoles, des demandeurs d’asile logés dans les hébergements d’urgence. Face au tollé, elle a précisé qu’ils seront « rémunérés comme tous les ouvriers agricoles avec un titre de travail », et qu’ils « travailleront dans les conditions sanitaires garanties ». Le 30 mars, la Commission européenne a également invité les États membres à considérer les saisonniers et les travailleurs détachés du secteur agricole comme « des professions critiques » et à faciliter leur libre circulation. Face à ces annonces, Olivier Bel se désespère : « Tout est fait pour maintenir un système qui ne rémunère pas les paysans et qui précarise et appauvrit les travailleurs ».

Sophie Chapelle

Photo : CC FlickR

* Le prénom a été modifié.

Notes


[1Le nombre de travailleurs détachés en agriculture en France était évalué à 67 601 en 2017 par la commission nationale de lutte contre le travail illégal. Source.
[2« Pour le mois de mars, il nous faut 45 000 personnes, puis 75 000 en avril, puis autant en mai », a détaillé Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA.
[3Le paiement à la tâche est possible mais l’employeur doit veiller au respect du Smic ce qui le conduit malgré tout à décompter le temps de travail.
[4L’OFII, qui dépend du ministère de l’intérieur, a mis fin à son poste, et plus largement aux visites médicales, en 2016.
[5La Mutualité sociale agricole a mis en ligne un guide à l’attention des exploitations agricoles qui accueillent des saisonniers, en préconisant « des mesures d’organisation pour éviter toute propagation du coronavirus Covid-19 ».


Source : https://www.bastamag.net/contrat-saisonnier-agricole-condition-de-travail-SMIC-pesticides-TMS-covid19-coronavirus?fbclid=IwAR2Aq-IdlLxWx-DNlOZ4HX7X_NCfVrT1cDFIZTVBfz6XFvoa0PYG-VpnEEs


mercredi 29 avril 2020

Le gouvernement permet aux préfets de déroger à des normes environnementales


Le gouvernement permet 

aux préfets de déroger 

à des normes environnementales

 

22 avril 2020 / Gaspard d’Allens (Reporterre) 





 En pleine pandémie, le gouvernement publie un décret qui fragilise, encore une fois, le droit de l’environnement au profit d’une future relance économique. Les associations écologistes alertent sur les menaces qu’il pourrait entraîner et le manque de transparence qui entoure sa publication.

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Alors que la crise sanitaire charrie son lot d’inquiétudes et que la récession guette, l’exécutif cherche de nouveaux outils pour relancer économiquement le pays. En plein confinement, il a publié le 8 avril dernier un décret passé curieusement inaperçu. Celui-ci permet aux préfets de déroger à certaines normes réglementaires dans des champs d’application aussi vastes que la construction, le logement, l’urbanisme, l’emploi, les subventions, l’aménagement du territoire mais aussi l’environnement.

Concrètement, dans ce dernier domaine, le préfet pourra, à l’avenir, restreindre la durée d’une enquête publique, passer outre une étude d’impact, limiter certaines consultations préalables ou même déroger à la nomenclature dite ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement). Dans un communiqué, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a jugé la mesure « utile pour faciliter la reprise de notre pays ». De leur côté, les associations écologistes s’inquiètent et voient dans cette dérogation un véritable « sabotage du droit de l’environnement ».

En soi, le récent décret n’a rien de nouveau. C’est un copié-collé d’un précédent décret de 2017 qui expérimentait cette mesure dans deux régions — les Pays de la Loire et la Bourgogne-Franche-Comté — ainsi que dans dix-sept départements pour une durée de deux ans. Le texte a ensuite été reproduit tel quel pour être généralisé à l’ensemble du territoire. Il comporte les mêmes garde-fous : pour déroger aux normes réglementaires, l’arrêté préfectoral doit être justifié par un motif d’intérêt général, répondre à des circonstances locales et être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France. Il doit aussi « avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ».



« Ce décret est un cadeau accordé aux professionnels de l’immobilier et au lobby agricole »




Déjà, en 2017, le décret d’expérimentation avait suscité la polémique. Des avocats avaient critiqué son champ d’application trop étendu et l’insécurité juridique qui pouvait en découler. Au sein de l’administration, des fonctionnaires s’étaient mobilisés contre « l’affaiblissement des politiques publiques » induite par le décret, tandis que l’association Les Amis de la Terre avait même porté un recours au Conseil d’État pour dénoncer la rupture d’égalité devant la loi que le texte entraînait. Les écologistes avaient été déboutés au motif que le mesure était expérimentale et limitée dans le temps.

« Il ne faut pas être dupe. À l’origine, ce décret est un cadeau accordé aux professionnels de l’immobilier et de la construction, juge Me Louis Cofflard, l’avocat des Amis de la Terre, contacté par Reporterre. Le lobby agricole use aussi de tout son poids pour affaiblir les normes à son encontre. Le décret de 2017 s’inscrit dans ce contexte de déréglementation et de dérégulation. C’est un cheval de Troie. »

Avec sa généralisation, « les risques de dérives vont se démultiplier », estime, de son côté, Patrick Saint-Léger du Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU). « Ce n’est pas un hasard si le décret est publié maintenant, juste en amont d’un éventuel plan de relance où le gouvernement va vouloir agir vite et fort. Cette mesure va permettre aux acteurs économiques de se libérer de certaines procédures qu’ils jugent trop lourdes. »


 Une grande partie des arrêtés préfectoraux de dérogation concerne des normes environnementales.



La publication de ce décret, au milieu de la crise, interroge. Les associations environnementales s’étonnent de ne pas avoir été consultées. « Le gouvernement affirme que le résultat de l’expérimentation est très positif, mais il ne met à disposition aucun rapport d’évaluation, indique Sophie Bardet, juriste à France Nature Environnement. Nous n’avons pas de visibilité sur l’ensemble des actes qui ont été pris par les préfets et notre travail de veille est devenu, aujourd’hui, très complexe. D’ordinaire, après chaque expérimentation, on fait collectivement un bilan. C’est d’ailleurs prévu dans l’article 5 du décret de 2017. Alors comment expliquer cette précipitation et ce manque de transparence ? »

Le 10 avril dernier, France Nature Environnement envoyait un courrier au ministère de l’Intérieur pour exiger la transmission des documents qui ont permis au gouvernement d’évaluer l’expérimentation. La lettre est, pour l’instant, restée sans réponse comme nos courriels répétés au service presse du cabinet ministériel. « Dans ce contexte, il est très difficile d’avoir un avis tranché sur la mesure. On ne peut avoir que des inquiétudes », soupire la juriste Sophie Bardet.

L’environnement est le deuxième domaine où l’on compte le plus d’arrêtés


En juin 2019, un premier rapport d’information avait été effectué par deux sénateurs de droite, Jean-Marie Bockel et Mathieu Darnaud, intitulé « réduire le poids des normes en aval de leur production ». Mais le rapport s’arrêtait à mi-parcours et restait assez lacunaire. Il n’étudiait que 61 des 183 arrêtés émis au cours des deux ans d’expérimentation. C’était aussi un véritable plaidoyer pour la déréglementation.

« Très souvent, l’un des obstacles majeurs au dynamisme local est le trop-plein de lois, lorsque celles-ci brident les énergies, encadrent les volontés et bloquent les projets », écrivaient les sénateurs en introduction de leur rapport.

Plusieurs de leurs recommandations avaient également fait frémir les associations environnementales. Ils proposaient d’« étendre le droit de dérogation aux actes des collectivités territoriales », ou d’ « envisager l’autorisation de dérogation à des normes législatives ».

Malgré cet aspect idéologique clairement affiché, le rapport donne quelques informations intéressantes. Il révèle ainsi qu’une grande partie des arrêtés préfectoraux de dérogation concerne des normes environnementales : 19 sur les 61 étudiés. Après les subventions, l’environnement avec l’agriculture et la forêt est le deuxième poste où l’on compte le plus d’arrêtés.


 Extrait du rapport sénatorial



Auditionné par les sénateurs, le préfet du Haut-Rhin regrettait également « de n’avoir usé de ce pouvoir qu’en six occasions ; des matières et des dossiers, notamment sur l’environnement, l’auraient certainement mérité ».

D’un point de vue environnemental, plusieurs arrêtés, présentés dans le rapport, pourraient s’avérer dangereux. Par exemple, le préfet de l’Yonne a autorisé la délivrance d’un permis de construire pour une usine de méthanisation située en zone bleue du plan de prévention des risques d’inondation (PPRI). En Vendée, le préfet a accordé une dérogation à un projet de parc éolien pour éviter qu’il réalise une étude d’impact et une enquête publique. Pour le compte d’Enedis, le préfet du Doubs a dérogé à l’obligation de consultation préalable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. En Côte-d’Or, la fédération de pêche a pu déroger à la nomenclature loi sur l’eau pour passer du régime de l’autorisation au régime de la déclaration.



 Exemple d’arrêté pris au titre de la dérogation



« Les préfets sont largement soumis aux pressions des acteurs économiques »


Gabriel Ullmann, ancien commissaire enquêteur et expert en droit de l’environnement, détaille :
La marge de dérégulation est potentiellement considérable. Tout dépend de l’appréciation des préfets. Pour l’instant, ils sont restés assez prudents au cours de l’expérimentation. L’expérience prouve que les mauvaises habitudes non seulement se maintiennent, mais se renforcent. Avec la généralisation de la mesure, les préfets vont gagner en témérité et progressivement pousser les murs, accélérer la machine de destruction. »
C’est un autre sujet de préoccupation pour les écologistes. Ce dispositif dérogatoire donne encore plus de pouvoir aux préfets. Or, « ils sont largement soumis aux pressions des acteurs économiques et arbitrent rarement en faveur de l’environnement », souligne Sophie Bardet de France Nature Environnement. « Barrage de Sivens, aéroport de Notre-Dame-des-Landes, méga-centre commercial d’Europacity, pollution d’ArcelorMittal à Fos-sur-Mer, usine Total de La Mède... Les affaires pour lesquelles les préfets ont délivré des autorisations illégales ou laissé sciemment des industries polluer durant des années ne manquent pas », précise une note de France Nature Environnement.

La culture préfectorale privilégie d’abord le développement économique. Me Clément Feulié, avocat au barreau de Paris, craint « un détournement des procédures et un usage abusif de ce dispositif. Les préfets risquent d’avoir une interprétation extensive du décret. On peut même imaginer qu’ils puissent déroger aux actes réglementaires qui encadrent les rejets dans l’eau et dans l’air au motif de l’intérêt économique. Cette situation va multiplier les contentieux au tribunal administratif ».



 En Vendée, le préfet a accordé une dérogation à un projet de parc éolien pour éviter qu’il réalise une étude d’impact et une enquête publique.



L’avocat pointe aussi la menace d’une inégalité entre différents porteurs de projet. « Les grands industriels avec leur armée de juristes pourront pousser les services préfectoraux à faire une dérogation, à l’inverse, un petit exploitant n’en aura pas les moyens. »

De manière générale, le décret s’inscrit dans un mouvement plus large de dérégulation. « Depuis des années, sous couvert de simplification des normes, on détricote le droit de l’environnement. On lui fait perdre sa cohérence, alerte Jean-Luc Girard, fonctionnaire syndiqué à SNE-FSU. Ce décret est un mauvais signal. À terme, la dérogation va-t-elle devenir la règle ? Quelles instructions vont recevoir les fonctionnaires ? Pourront-ils s’y opposer ? »

De son côté, le docteur en droit Gabriel Ullmann fulmine :
Non seulement on a affaibli les enquêtes publiques, mais maintenant on permet d’y déroger ! Il va falloir être très vigilant. Le monde d’après que nous promet ce gouvernement risque de ressembler beaucoup au monde d’avant, mais en pire. »


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 Lire aussi : Le droit de l’environnement est détricoté au nom de la « simplification »

Source : Gaspard d’Allens pour Reporterre
Dessin : © Tommy/Reporterre
Photos :
. Parc éolien du Rochereau, image d’illustration. Giancarlo Foto4U / Flickr
. Préfecture : Préfecture Ain Bourg Bresse. Wikimedia


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Source : https://reporterre.net/Le-gouvernement-permet-aux-prefets-de-deroger-a-des-normes-environnementales?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

mardi 28 avril 2020

La circulació de trens entre Perpinyà i Vilafranca reprendrà parcialment el 21 de maig - Le trafic ferroviaire entre Perpignan et Villefranche reprendra partiellement le 21 mai

Aujourd'hui, article en catalan puis en français


La circulació de trens 

entre Perpinyà i Vilafranca 

reprendrà parcialment 

el 21 de maig


 Publicat el Dilluns, 27 d'abril de 2020





 El vicepresident de la regió responsable de la mobilitat, Jean-Luc Gibelin, ha informat diverses associacions de victimes de l’accident de Millars i dels usuaris de la represa de les circulacions.

A la vall de la Tet se tornarà a sentir el soroll del tren, desprès més de 29 mesos de suspensió i 7 mesos desprès de l'aixecament de la interdicció les circulacions per decisió de justícia.

Arran l'accident de Millars el desembre 2017 la seguretat de la línia ha estat millorada particularment pel que fa la senyalització als passatges a nivell i de configuració relativa als seus pas.

Tanmateix el trajecte en tren es farà només en el tram entre Perpinyà i Illa i serà completat per un servei d'autocars fins a Vilafranca de Conflent, això a causa de l’esvallissada que va malmetre la via a Rià durant la tempesta Glòria.

A partir de l'onze de maig el personal de la SNCF faran proves i formacions.
El 21 de maig hi haurà 6 viatges diaris d’anada i tornada, que seran portats a 8, el mateix nombre que abans de l’accident a partir del 25. Es preveu que la connexió ferroviària fins a Prada o Vilafranca de Conflent serà efectiva només al setembre 2020.

D’altra banda les obres sobre la via del tren groc s'han interromput a causa de les mesures sanitàries vigents, però tot i així les circulacions haurien de reprendre als finals de juny.

Source : https://www.radioarrels.cat/noticia/1175/la-circulacio-de-trens-entre-perpinya-i-vilafranca-reprendra-parcialment-el-21-de-maig


Le trafic ferroviaire 
entre Perpignan et Villefranche
reprendra partiellement 
le 21 mai

Le vice-président de la région en charge de la mobilité, Jean-Luc Gibelin, a informé diverses associations de victimes de l'accident de Millas et des usagers de la reprise de la circulation.

Dans la vallée du Têt, le bruit du train sera à nouveau entendu, après plus de 29 mois de suspension et 7 mois après la levée de l'interdiction de circulation par décision de justice.

Suite à l'accident de Millas en décembre 2017, la sécurité de la ligne a été particulièrement améliorée en termes de signalisation aux passages à niveau et de configuration relative à ses passages à niveau.

Cependant, le voyage en train n'aura lieu que sur le tronçon entre Perpignan et Ille sur Têt et sera complété par un service de bus jusqu'à Villefranche de Conflent, en raison du glissement de terrain qui a endommagé la voie à Ria pendant la tempête Gloria.

A partir du 11 mai, le personnel de la SNCF effectuera des tests et des formations.
Le 21 mai, il y aura 6 allers-retours quotidiens, qui,
à partir du 25 mai seront portés à 8 allers-retours, le même nombre qu'avant l'accident. Il est prévu que la liaison ferroviaire vers Prades ou Villefranche de Conflent soit effective seulement en septembre 2020.

En revanche, les travaux sur la voie du Train Jaune ont été interrompus en raison des mesures sanitaires en vigueur, mais le trafic devrait toujours reprendre fin juin.

(Traduction maison)

lundi 27 avril 2020

L'organisation environnementale, antinucléaire et sanitaire Next-Up perquisitionnée ce mardi matin

L'organisation environnementale, 

antinucléaire et sanitaire Next-Up 

perquisitionnée ce mardi matin




 Par Rédaction le mercredi 22 avril 2020






Next-Up, organisation nationale environnementale dont le siège est situé en Drôme, et qui milite et informe depuis près de 20 ans contre le nucléaire, les radiations, le compteur espion Linky et la 5G, a été perquisitionnée ce mardi 21 avril 2020. Le président a été menotté et emmené en garde à vue, le domicile du vice-président a fait également l'objet d'une visite gendarmesque. Les locaux ont été mis sans dessus-dessous et du matériel a été saisi. Très en pointe dans l'aide à la protection des personnels soignants face au covid19 et à la pénurie institutionnelle de matériel, Next-Up est victime de l'incompétence et de la violence du pouvoir. Le CAN84 lui apporte son soutien.





 "Next-Up" qui délivre gratuitement aux hôpitaux et Ehpad des masques FFP2 et FFP3 qu'elle a en stock s'est fait perquisitionner au petit matin ce mardi 21 avril 2020. Tout son stock, ses ordinateurs ainsi que les tenues et masques de protection ont été saisi. Le domicile du vice-président, médecin de 77 ans, est aussi perquisitionné. Tout comme l'aurait été le cabinet comptable de Next-Up afin de saisir la comptabilité et les relevés bancaires de l'association. Placé en garde à vue, menotté et interrogé pendant de très longues heures de 8h 45 à 20heures, le Président a retrouvé ses locaux sans dessus-dessous. Gendarmes de Crest et OPJ de Valence ont refusé sa demande de rencontrer le Procureur.

Ce qui est reproché à l’organisation est de ne pas avoir respecté, dans ses actions en faveur de ses soutiens, un énième et nouvel arrêté de réquisition qui concerne cette fois-ci non pas les masques FFP2 (1) mais les masques FFP3 ! Un nouveau décret pris en catimini : même les médias n’en ont pas fait état, par contre il a été publié au Journal Officiel. Or l’organisation comme 99,9 % de la population ne lit évidemment pas le Journal Officiel ! Navigant à vue le gouvernement modifie ou annule le lendemain les dispositions qu'il a pris la veille plaçant tous les citoyens et les entreprises dans une situation intenable (cf : information du Medef à ses adhérents)





 Une opération violente
 
Dès le début de l'opération quasi militaire, les gendarmes se sont octroyés tous les droits, même celui de bousculer pour passer, sans aucune précaution de distance du fait du Covid-19, ni pas plus de gants ni, pour certains, de masque.  La seule chose que le Président pouvait faire était de rester assis sur un tabouret, menotté et prié fermement de la boucler.

Les OPJ en civil comme les gendarmes prenaient tout ce qu'ils voulaient, fouillaient de partout sans aucune gêne, à tel point qu'ils avaient recours sans arrêt à de nombreux cartons et sacs pour emporter leur butin. Pas loin d'une tonne de marchandise qu'ils ne savaient plus où placer dans leurs véhicules, fourgon inclu.  Ils vidaient des cartons d'autres matériels pour les remplir de ce qu'ils prélevaient des quatre coins des locaux. Cela a duré plus de deux heures.

Avaient-ils un mandat? ou pas? "Je ne sais car je devais fermer ma gueule. Ils ont même perquisitionné notre appartement à l'étage. A leur sortie de l'ascenseur ma belle-mère malade et sénile presque grabataire et centenaire c'est approchée d'eux. Ils ne savaient que faire car ils ne s'y attendaient pas ! Ils se croyaient dans un film américain sans nul doute. Un expert informaticien de la PJ a voulu saisir le portable de ma femme qui est doté d'une webcam et qui lui sert tous les jours pour être en contact avec tous ses petits-enfants". Le gendarme-informaticien s'est assis et a analysé l'ordinateur sans rien dire puis a finalement abandonné sa saisie. Ses compères sont eux allés subitement aussi vers une armoire à dossiers suspendus, ont regardé toutes les étiquettes. Manque de chance il s'agissait de dossiers et papiers personnels comme chacun-e peu en avoir chez soi. Puis ils sont allés inspecter les chambres à coucher sans précaution aucune. "Ils étaient tellement nombreux, 7 ou 8 dans tous les coins, qu'il était évidemment impossible de les surveiller, par exemple n'importe qui aurait pu y mettre de la drogue ou je ne sais quoi d'autre et sa parole aurait été la vérité, la mienne mensonge évidemment. " La violence est bien présente. "Nous avons tous subi un viol, c'est comme cela que nous le ressentons tous, moi, ma femme, ma belle-mère et les amis." précise Serge Sargentini.

Et on en rajoute...

A cours d'arguments et d'arguties, les gendarmes on tenté, au cours de l'audition d'affubler ensuite Next-Up d'infractions complémentaires tel du travail dissimulé ou l'absence d'agrément pour la fabrication de gel hydroalcoolique. Comme s'il fallait un agrément pour fabriquer son gel comme le conseille l'OMS!  Et comme l'organisation travaille avec ses militants bénévoles, les enquêteurs ont fait choux blanc. A midi ces infractions étaient abandonnées. Mais la pression psychologique, la violence mentale et la tension exercée laissent des empreintes indélébiles. Encore plus marquantes que le fer des menottes, pendant plusieurs heures, autour des poignets d'un responsable associatif.

Next-Up exige la restitution du matériel (masques, gels, gants, tenues) qui ne relève pas de la réquisition gouvernementale décidée par un décret et qui ne fait pas partie de l'infraction reprochée avec notamment les masques spécifiques à la protection contre les particules radioactives (PRO FFP3 type R ) qui font parti des outils d'actions des militants.

Le CAN84 apporte son soutien à l'organisation Next-Up et s'interroge sur cette perquisition d'une association qui oeuvre pour le bien commun et contre les atteintes répétées à la santé des habitants. Cet acte des autorités s'inscrit de toute évidence dans la stratégie répressive d'Etat contre les mouvements sociaux, environnementaux, antinucléaires, populaires. Il démontre que le pouvoir affolé, incapable d'assurer la protection sanitaire des citoyens, s'englue un peu plus dans l'allégeance aux puissances économiques oppressives et n'a comme seule volonté de poursuivre la guerre contre le peuple et ceux-celles qui se redressent et résistent.

Point de situation à 20h

Ce qui vient de se passer - la descente gendarmesque et l'intrusion dans la vie associative et de militants, la violence psychologique exercée par les détenteurs de l'autorité d'Etat et les subtilisations de biens et matériels - préfigure que face une situation d'extrême urgence tel un accident nucléaire et une catastrophe atomique, le siège social de l'organisation serait donc immédiatement perquisitionnée avec saisie de tout le matériel de protection NBC contre les radiations nucléaires radioactives. Les autres organisations antinucléaires et leurs militants seraient aussi, sans nul doute, la cible de cette violence d'Etat.

Vers 18h le procureur de Valence a pris connaissance du dossier. A 18h30 il a donné ses conclusions que les intéressés ne connaissent pas encore. Mais tout a alors changé à la gendarmerie. Tout gentils les uniformes sont revenus à la cellule où se trouvait le responsable de Next-Up qui a eu droit alors à un "Bonjour Monsieur" avant que de l'extraire de la cellule. Autrement dit le dossier ne tient pas la route et il ne peut y avoir de jugement. C'est pourtant ce que souhaitait Serge Sargentini : un tribunal comme tremplin et confrontation avec le Procureur.  Pour sauver les meubles de ces actes démesurés et perquisitions délirantes le Procureur est allé jusqu'à demander si Next-Up pourrait faire donation des produits de la saisie. A qui le hold-up est-il destiné? aux personnels soignants et des hôpitaux et ehpad ou bien aux hauts fonctionnaires ministériels et préfectoraux? Voire au gradés de la gendarmerie et de la police ?

Le trésorier de l'organisation est venu chercher son président vers 20h, accompagné à la porte de la gendarmerie par deux gendarmes devenus subitement et extrêmement bienveillants. 12 heures de chaos et de déstabilisation, c'est toujours ça de pris pour un pouvoir et ses sbires aux abois.

Témoignage de Serge Sargentini :

Nous sommes ce matin abattus et sidérés après avoir visité les locaux en partie dévastés et fait l'inventaire de tout ce qui a été saisi. De très nombreux rayonnages sont totalement vides..  Il a été saisi aussi - ce qui n'a absolument rien à voir avec l'infraction reprochée - d'autres matériels, ordinateur de travail studio TV, cartes mémoire appareils photos, des centaines de cartons de 6 flacons pompes de 300 ml de gels hydroalcoolique, ainsi que tous les flacons pleins ou vides, le stock complet de flacons de conditionnements, des flacons pompes inox vide inclus, des dizaines de bouteilles d'1 litre d'alcool naturel 90°, des sur-lunetttes, des combinaisons NBC, un ordinateur de studio TV/Photos, les cartes mémoires d'appareils photos, etc ... !

Via notre avocat nous allons demander la restitution de tout ce qui a été saisi qui ne fait pas partie de l'infraction reprochée, notamment les masques PRO FFP3 type R spécifiques à la protection contre les particules radioactives qui font partie de l'outil de travail des militants.

Il n'en reste pas moins que pendant presque toute la perquisition j'étais menotté, éjecté dans la rue toujours menotté et aux yeux de tous, puis mis plusieurs heures en cellule. 

Ceci dit en réalité il y a simultanément eu une autre perquisition domiciliaire chez un Docteur Radiologue Vice-Président de l'organisation. Bien évidemment cette perquisition c'est avérée totalement négative, néanmoins elle s'est très mal passée, sic.

Témoignage du Vice-Président de l'organisation Next-Up et Docteur Radiologue

" Cher Serge, j'apprends la cessation de ta garde à vue, ce qui me donne l'occasion de te faire part du déroulement de la perquisition domiciliaire effectuée à mon propre domicile ainsi que les conditions de mon audition en cette « affaire »:

Ce mardi 21, vers 8h30, alors que je m'apprêtais à sortir, à l'ouverture du portail je constate un véhicule avec logo « gendarmerie » bloquant ma sortie. Sans y avoir été invitées trois personnes, deux hommes et une femme, se sont introduites dans la cour, se présentant comme gendarmes, mais sans uniforme ni justificatif d'identité. Elles m'informent oralement venir effectuer une perquisition domiciliaire, sans me présenter de justificatif légal. Le motif ? Je crois comprendre que ton organisation serait mise en cause dans un trafic de masque de protection. Je note que ces trois personnes, s'immisçant, encore une fois sans y avoir été invitées, chez moi, ne portaient aucun masque ni ne respectaient la distance de sécurité, alors même que, comme tu le sais, vu mon âge de 77 ans et mes problèmes cardiaques, je fais partie des « gens à risque » imposant un respect strict des règles de confinement. M'informant que je serais mis en cause en tant que vice-président de Next-Up elles me renvoyèrent à toi si je contestais le fait en « oubliant » de me signaler, qu'étant en garde à vue » tu ne risquais pas de pouvoir me répondre au téléphone pour éclaircir le malentendu éventuel.

Pris par surprise, je n'ai pas eu le réflexe de faire le « 19 » pour appeler la police car il aurait aussi bien pu s'agir de voleurs, avec autocollant « gendarmerie » sur leur véhicule, venant piller une maison au prétexte d'une perquisition bidon. Je note qu'un gendarme a cru bon de faire une remarque déplacée sur la tenue de ma femme, prise au pied du lit, chez elle.

Quoi qu'il en soit, n'ayant –et pour cause- rien trouvé, y compris dans le garage de mon locataire, ces gendarmes en repartant m'ont remis un PV de convocation pour le même jour, à la gendarmerie de Crest. J'apprends ainsi, à postériori, les motifs de mon prétendu délit justifiant la perquisition : « refus de déférer.... à une réquisition..» qui ne m'a jamais été signifié ! A mon audition à la gendarmerie je fus informé que je n'étais pas poursuivi  (plus poursuivi ?) pour ce délit, mais simplement entendu comme témoin.  J'avais apporté une déclaration préliminaire, ayant fait l'objet d'un courriel, et dont je reproduis le texte ci-dessous".

" Je ne mets aucun obstacle à audition, mais je demande qu'elle soit faite selon des critères stricts d'hygiène (distanciation, port de masque par l'interrogateur, me fournir un masque car le mien n'est plus opérationnel) au motif de mon âge (77ans) et de ma chirurgie cardiaque. En l'absence de quoi je me réserve le droit d'ester pour un motif qui, lui, n'est pas imaginaire, de "mise en danger de la vie d'autrui". Je constate qu'aucun des trois gendarmes perquisitionnaires ne portait de masque de protection, me postillonnant au visage à moins d'un mètre. Me convoquer le jour même de la perquisition pour une audition m'empêche, de fait, d'être assisté d'un avocat. On peut s'interroger sur le fait qu'un Etat dans le but de pallier à son imprévoyance et ayant laissé "disparaître" ses stocks stratégiques de masques de protection, s'octroie le pouvoir de spolier des organisations et des gens prévoyants ."


Les tous derniers développements font apparaitre notamment 


Que dans le cas présent ces perquisitions saisies n'auraient pas dues avoir lieu :
. Soit : l'organisation aurait dû être avisée par les autorités de la publication de ce nouveau énième Décret, puisqu'il était connu que l'organisation diffusait des masques et avait en stock des masques FFP3. Situation que les autorités comme tout le monde connaissaient.

. Soit les autorités auraient dû signifier à l'organisation dès la publication du Décret une demande de mise en conformité, comme cela se fait pour toute nouvelle loi, même en urgence.

Evidemment si suite à ces significations l'organisation ne s'était pas mise en conformité, dans ce cas une perquisition pour saisie aurait été dans la normalité de la procédure.

DH: un directeur de clinique vient d'écrire à Next-Up : "On verra bien si le personnel soignant récupère ces masques. On se demande si la raison première est de faire ch... ou de récupérer ces masques FFP3 pour les hauts fonctionnaires car les livraisons n'arrivent pas..."

_http://www.next-up.org/France/News2020.php_



Source : http://ocparis.canalblog.com/archives/2020/04/23/38225960.html?fbclid=IwAR1ImudUnNeABbRS8vKif5ccurX_zd7hGOQbcHb9jkPyWO7wBslD0XjvuK4

dimanche 26 avril 2020

Coronavirus : « Un moratoire sur les épandages de pesticides près des habitations est une nécessité sanitaire et morale »

TRIBUNE – Coronavirus : 

« Un moratoire 

sur les épandages de pesticides 

près des habitations 

est une nécessité 

sanitaire et morale »

 

 19 avril 2020



Le Covid-19 peut voyager sur des microparticules, dont celles de pesticides, affirment, dans une tribune au « Monde », le mouvement Nous voulons des coquelicots, opposé aux produits phytopharmaceutiques, et son président, Fabrice Nicolino. Une raison supplémentaire, selon eux, de décréter un moratoire sur leur épandage.





Tribune. Il y a un mystère des pesticides, et il est bien gardé. Mais ce n’est pas un mystère pour qui sait dépouiller des centaines de textes dispersés aux quatre vents que personne ne trouve intérêt à rassembler. Les pesticides de l’agriculture industrielle jouent-ils un rôle important dans la propagation du coronavirus ? Tristement, mais certainement, la réponse est oui.

Il faut commencer par le commencement. Les particules fines contenues dans l’air que les Français respirent affaiblissent les défenses immunitaires, aggravent la situation des insuffisants respiratoires, des malades cardiaques, et tuent. En France, la pollution de l’air – et au tout premier rang les particules fines – conduit à la mort 48 000 personnes par an, selon l’étude de Santé publique France de 2016.

Or il apparaît que la terrible pandémie due au coronavirus peut être aggravée, notamment par propagation, au travers de nuages de particules fines. Ces dernières sont souvent connues sous leur acronyme anglais PM10 et PM2,5 –initiales qui signifient « particulate matter »– en fonction de leur diamètre. Les PM10 mesurent 10 micromètres, soit 10 millionièmes de mètre – et les PM2,5 quatre fois moins que les PM10. Plus ces particules sont fines, plus elles sont transportées par le vent et plus longtemps elles restent dans l’atmosphère.

Une étude chinoise de 2003 a montré que la pollution de l’air rendait le SRAS bien plus létal. On doit y ajouter deux travaux récents –une publication italienne et une autre américaine– qui montrent des liens puissants entre la concentration de particules fines dans l’air et la propagation du coronavirus. 
Ou son aggravation. Par ailleurs, 11 chercheurs américains, dont 4 des fameux Centers for Disease Control and Prevention, ont signé, en mars, un article sur la possible diffusion aérienne du virus. Que contiennent ces particules fines ? Entre autres, la trace des activités humaines : cuisine et chauffage, transports, rejets industriels, mais sans oublier l’agriculture. Autant de véhicules pour le coronavirus.

Dérive et vaporisation – Tous les spécialistes de la question savent que deux phénomènes interviennent, qui se conjuguent. Le premier s’appelle dérive, et le second vaporisation. Dans l’exemple des pesticides, des microgouttelettes, de la taille des particules fines, sont poussées par le vent, loin de leur cible première. Et une partie notable devient une vapeur si légère qu’elle est reprise par les nuages et transportée jusque dans le cœur des villes, ce qu’attestent d’innombrables enquêtes officielles. Dans certains cas extrêmes, plus de 90 % du produit n’atteint pas sa cible. Les scientifiques de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ont, de leur côté, constaté des pertes de 15% à 40% dans les traitements sur la vigne. La moyenne généralement retenue est comprise entre 30% et 50%. Qu’en est-il alors des nanoparticules, massivement utilisées par l’industrie des pesticides dans la discrétion la plus totale ? A cette échelle 1.000 fois plus petite que celle des particules fines, plus aucune barrière biologique, pas même celle des cellules, ne demeure intacte.

On s’étonnera moins, dans ces conditions, de l’appel publié en ligne de scientifiques menés par la directrice de recherche Inserm Isabella Annesi-Maesano, pour lesquels « le printemps est la période d’épandage agricole, grand pourvoyeur de particules fines. En effet, lors des épandages, le gaz ammoniac (NH3) va, en passant dans l’atmosphère, réagir avec les oxydes d’azote (NOx) pour former des particules de nitrate d’ammonium et de sulfate d’ammonium ». Fort logiquement, ces chercheurs appellent « les préfets à prendre des mesures urgentes visant à limiter drastiquement les émissions liées aux épandages agricoles (restriction, technique d’enfouissement de l’engrais) afin de tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus ».

Certes, on parle là d’engrais, mais les pesticides jouent très exactement le même rôle, ce que personne pour le moment ne dit. Personne, sauf l’Inrae, une nouvelle fois, qui note explicitement, dans des documents officiels datant de l’été 2019 : « Les activités agricoles sont responsables de 28% des émissions françaises de particules de diamètre inférieur à 10 micromètres, comme les composés azotés ou les pesticides. » Et le texte ajoute que l’agriculture émet plus de particules fines que l’ensemble des transports, d’un côté, et les activités industrielles, de l’autre.

Les mots de l’Inrae sont décisifs, car ils montrent précisément que les pesticides, tout comme les engrais et les lisiers, sont des particules fines.

Double peine – Toutes ces pratiques agricoles forment des nuées qui se combinent avec d’autres venues des villes pour former de vastes ensembles de pollution de l’air. C’est exactement ce qui s’est passé fin mars en Bretagne, avec un sévère épisode de particules fines circulant de Brest à Saint-Malo.

Dans ces conditions, que fait le gouvernement ? Rien. Pour de nombreuses raisons politiques et historiques, l’agriculture industrielle semble intouchable. Ainsi que son plus illustre représentant, la FNSEA. D’un côté, les discours officiels affirment que la santé publique prime. Et de l’autre, on confine de nombreuses familles avec enfants tout près d’épandages de lisier, d’engrais azotés et de pesticides. Ce qu’on doit appeler une double peine.

Pis. On se souvient comment, début janvier 2020, l’éléphant a accouché d’une souris. A la suite d’arrêtés antipesticides pris par des maires, dont celui de Langouët, Daniel Cueff, nos autorités ont alors imposé des zones de non-traitement (ZNT) de pesticides, dont la plupart s’arrêtaient à cinq mètres des habitations. Une distance qui paraissait une simple plaisanterie, de très mauvais goût.

Mais c’était encore trop pour la FNSEA, qui n’a cessé de réclamer un assouplissement du dispositif, et l’a obtenu. Le 30 mars, en effet, le ministère de l’agriculture a accordé une dérogation, faisant passer la ZNT de cinq à trois mètres dans les départements où une « concertation aura été lancée ».

Nous en sommes là. De solides éléments scientifiques nous assurent que les particules fines aggravent la pandémie en cours. L’Inrae, institut public, constate que l’agriculture industrielle produit près de 30 % des particules fines. Et l’on décide de faire un cadeau de plus à la FNSEA.

Cadeau de trop ? M. Macron, qui vient d’en appeler, dans son discours du 13 avril, à la Révolution française et au Conseil national de la résistance, a-t-il bien besoin d’un procès retentissant pour mise en danger de la vie d’autrui ? Responsables en ces temps de drame, nous ne le souhaitons pas. Alors, il faut changer de cap et rappeler, par exemple à Didier Guillaume, ministre de l’agriculture, qu’il n’est pas au service d’un lobby, mais de la société tout entière. Conscients de défendre l’intérêt général et la santé publique, nous demandons l’ouverture d’une enquête indépendante, sous la conduite de l’Inserm et avec contrôle parlementaire. Et dans l’attente de ses résultats, un moratoire sur les épandages de pesticides près des habitations est une nécessité sanitaire et morale.

Fabrice Nicolino est président du mouvement Nous voulons des coquelicots. François de Beaulieu, Mathieu Chastagnol, Françoise Fontaine, Eric Feraille, Marianne Frisch, Franck Laval, Emmanuelle Mercier et Franck-Olivier Torro sont membres du mouvement.





samedi 25 avril 2020

« Combien de jeunes mis à la porte en plein confinement, car ils ont la malchance d’avoir eu 18 ans ? »

Un article en relation avec celui-ci


 « Combien de jeunes 
mis à la porte 
en plein confinement, 
car ils ont la malchance 
d’avoir eu 18 ans ? »


par




Le jour de ses 18 ans, en plein confinement, Mohammed-Lamine est jeté à la rue par l’Aide sociale à l’enfance d’Avignon, sous prétexte qu’il n’est plus mineur. Une décision de justice a invalidé cette expulsion, mais l’histoire de ce jeune mineur isolé illustre ce qui arrive à un bon nombre d’adolescents. Voici la tribune de deux associations, le Réseau éducation sans frontières et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, du Vaucluse.

Le 4 avril, nous avons vu sur les réseaux sociaux le témoignage de Mohammed-Lamine. Le jour de ses 18 ans, ce jeune homme a été brutalement jeté à la rue par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de l’hôtel dans lequel il était pris en charge, à Avignon. En pleine période de confinement cette pratique est encore plus scandaleuse et nous la dénonçons avec force. D’autres jeunes vont-ils être mis à la porte du jour au lendemain, en plein confinement, car ils ont la malchance d’avoir eu 18 ans ?
 Grâce à une décision de justice rendue le 6 avril, il a été repris en charge par l’ASE après 4 nuit passées en centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Nous espérons que cette décision protégera d’autres jeunes que l’ASE s’apprêtait à mettre à la porte.

« L’histoire de ce jeune homme est tristement représentative de ce qui arrive à un bon nombre d’adolescents »


Mohammed-Lamine avait été placé à l’ASE du Vaucluse après un très long parcours, après des refus par plusieurs départements et une remise en cause de sa minorité à cause de son apparence physique. Ayant obtenu des documents d’identité guinéens authentiques avec l’aide de réseaux militants, il s’est présenté devant le juge des enfants qui a ordonné un placement à l’ASE le 24 février 2020. Malgré l’obligation d’exécution immédiate du jugement, l’ASE n’a accueilli Mohammed que le 9 mars et l’a logé dans un hôtel avec d’autres mineurs isolés étrangers. Mis à l’abri certes, mais sans aucun suivi, sans aucune visite d’un référent pendant toute la durée de son accueil sauf le dernier jour pour lui signifier son départ. Il n’a donc pu bénéficier de mesures éducatives bien qu’il suive un cursus scolaire pour l’obtention d’un CAP en maçonnerie, avec assiduité et des bons résultats. L’ASE n’a pas non plus fait de demande de titre de séjour auprès de la préfecture comme elle est censée le faire pour les jeunes au moment du passage à la majorité.

L’histoire de ce jeune homme est tristement représentative de ce qui arrive à un bon nombre d’adolescents pris en charge par l’ASE peu avant leur majorité et pour lequel un contrat jeune majeur a été refusé. Du jour au lendemain, ils sont abandonnés sans solution. Ils doivent faire appel aux réseaux solidaires quand ils les connaissent ou être logés, en appelant le 115, dans des hébergements d’urgence peu adaptés à leur situation d’élèves ou d’apprentis. S’ils n’ont pas la chance d’avoir été repérés par des réseaux militants ou s’ils ne sont pas assez débrouillards pour trouver une solution par eux-mêmes, ils se retrouvent tout bonnement à la rue.

Se retrouver, le soir de ses 18 ans, dans un hébergement collectif, confiné dans une chambre avec deux adultes inconnus


Tandis que la France est arrêtée et que celles et ceux qui ne travaillent pas doivent éviter les contacts avec l’extérieur, le département de Vaucluse, par le biais de l’Aide sociale à l’enfance, met un jeune à la porte avec pour seul viatique le numéro d’urgence, le 115. Il se retrouve, le soir de ses 18 ans, dans un hébergement collectif, confiné dans une chambre avec deux adultes inconnus. Pourquoi faire courir un risque de contamination à ce jeune ? Pourquoi charger un peu plus les services d’hébergement d’urgence dont le travail est déjà bien compliqué en cette période de pandémie et de confinement ?

Mohammed-Lamine a eu la chance d’être accompagné par des bénévoles et a pu être pris en charge. Mais combien de jeunes vont être mis à la porte du jour au lendemain, en plein confinement, car ils ont la malchance d’avoir eu 18 ans ?

L’accompagnement de l’ASE, déjà minimal en temps normal, est plus faible encore en ces temps particuliers. Aucun accompagnement, par exemple, pour suivre la précieuse « continuité pédagogique » préconisée par notre gouvernement : pas d’ordinateur, pas d’accès à internet, aucune aide pour comprendre les plateformes de devoirs en ligne difficilement accessibles à des jeunes parfois peu à l’aise avec l’outil informatique. Mais ils sont nourris, logés et doivent rester à l’hôtel. On peut espérer qu’ils sont relativement protégés du virus. 
Pourquoi alors briser ce confinement et mettre en danger leur santé et celle des autres ?


Lire aussi : « Certains enfants ne croisent plus aucun adulte de la journée » : l’ardu travail de la protection de l’enfance


La promesse non tenue du secrétariat d’État chargé de la Protection de l’enfance


Aucun membre du personnel de l’ASE n’est disponible, mais une assistante sociale s’est déplacée en personne pour annoncer à un jeune qu’il doit partir, le jour de ses 18 ans, sans lui donner d’autre alternative que d’appeler le 115, et en prenant bien soin de prévenir le gérant de l’hôtel afin qu’il « surveille » que le jeune quitte effectivement sa chambre.

Pourquoi avoir pris cette initiative au mépris de l’article L222-5 du code de l’action sociale et des familles dans sa version en vigueur au 16 mars 2020 qui stipule que « Un accompagnement social est proposé aux jeunes devenus majeurs […] pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée ». Les directives ont pourtant été envoyées aux départements dès le 21 mars 2020 et le secrétaire d’État chargé de la Protection de l’enfance a déclaré dans un tweet le 22 mars : « Chaque mineur pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et atteignant 18 ans continuera de l’être. Évalué mineur ou majeur, chaque jeune qui le demande sera mis à l’abri. Les services de l’état et des départements sont mobilisés pour s’en assurer »....

Dans l’urgence, un référé à été déposé par l’avocate de Mohammed-Lamine. Fort heureusement le juge s’est prononcé pour une reprise en charge par l’ASE sous 48h. Le 7 avril, Mohammed-Lamine dort donc à nouveau dans une chambre d’hôtel. 
Nous espérons que cette décision judiciaire va protéger les autres jeunes qui atteindront leur majorité et que le suivi scolaire qui a été particulièrement mis en avant par le juge dans sa décision, va pouvoir être assuré.

« La protection de ces jeunes particulièrement vulnérables doit être une nécessité absolue »


Militant depuis des années pour une meilleure prise en charge des mineurs étrangers isolés et un meilleur accompagnement à leur majorité, les associations soussignées exigent la suspension des « sorties sèches » du dispositif de protection pendant toute la période du confinement.

Nous profitons de cette tribune pour rappeler que dans la France entière, des centaines de jeunes dont les départements refusent la prise en charge au mépris des Droits de l’enfant et de la protection que l’État doit à tout jeune mineur, sont aidés par des bénévoles et hébergés dans des squats ou par des citoyens solidaires. Malheureusement, dans les grandes villes surtout, les réseaux associatifs ne peuvent suffire et nombre de jeunes vivent dans la rue, exposés à tous les dangers.

Alors que notre pays est confronté à une crise sanitaire sans précédent, la protection de ces jeunes particulièrement vulnérables doit être une nécessité absolue.

Réseau éducation sans frontières (RESF) Vaucluse et MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) Vaucluse

Photo de couverture : Carole Grand, photogramme tiré du documentaire Les Portes d’Arcadie (2015).


Source : https://www.bastamag.net/mineur-isole-18-ans-jete-a-la-rue-confinement-ASE-aide-sociale-enfance-protection-coronavirus-covid19?fbclid=IwAR2f2TGOkENk6ZVEo5fhnv1-wa5vbvSTjAEwRlWGh1C40GWxs7sgxvYUT-U