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Des militantes des droits des femmes, en avril 2019 à Séoul, après le jugement de la Cour constitutionnelle sur l’accès à l’IVG.
JUNG YEON-JE / AFP
Publié le 26.02.2021
En
ce début d'année, le contexte sanitaire mondial accapare la plupart des
médias et pèse sur le moral de toutes et de tous. Néanmoins, des bonnes
nouvelles continuent de nous parvenir en matière de droits humains, et
elles méritent que l'on s'y attarde. De quoi se redonner du baume au
cœur et de la vigueur militante !
Écrit par la rédaction de La Chronique
1. Le recours à l'IVG devient légal en Corée du Sud
La plus haute juridiction du pays a ordonné, en avril 2019,
la levée de l'interdiction de l'avortement, jugée anticonstitutionnelle,
et demandé une évolution de la législation avant le 31 décembre 2020.
Le délai ayant expiré, la loi de 1953 qui limitait l’avortement aux
Sud-Coréennes victimes de viols, ou en cas de danger pour la mère et
l’enfant, n’existe plus depuis le 1er janvier 2021. L’IVG en Corée du Sud devient légale, mais sans cadre juridique précis.
Mieux vaut tard que jamais. Le Parlement helvétique a
approuvé, le 17 décembre dernier, le projet de loi autorisant le mariage
pour les couples homosexuels, plusieurs années après de nombreux autres
pays d’Europe occidentale. Une lutte de longue haleine puisque le
projet initial a été déposé en 2013. Le texte adopté permet aux
homosexuels et lesbiennes de s'unir et à ces dernières d'avoir accès au
don de sperme, un des points les plus controversés.
"La
Suisse reconnaît enfin qu'il n'y a aucune raison de refuser des droits
fondamentaux aux couples homosexuels et aux familles arc-en-ciel."
Alexandra Karle, directrice de la section suisse d'Amnesty International
Le
parti suisse de l'Union démocratique fédérale (UDF), qui défend des
valeurs chrétiennes, a néanmoins annoncé qu'il lancerait un référendum
pour tenter de contrer le vote du texte.
3. Minerais du sang : l'Union Européenne exige la transparence
Ce n’est un secret pour personne, et encore moins pour les
entreprises qui importent étain, tantale, tungstène et or, couramment
utilisés pour fabriquer nos portables, voitures et bijoux : ces métaux
proviennent parfois de mines tenues par des groupes armés. Pour y avoir
accès, il faut leur payer un bakchich. Ainsi l’argent versé alimente
l’achat d’armes, et donc les conflits. Sur place, le travail forcé
d’adultes comme d’enfants et le blanchiment d'argent participent à ce
business. Pour que les importateurs ne fassent plus la politique de
l’autruche, l’Union européenne a voté une nouvelle loi – le règlement
sur les minéraux de conflit. À partir du 1er janvier 2021, il leur
est demandé de vérifier que les méthodes d'extraction des minerais
concernés soient conformes aux droits humains. Il leur revient désormais
de veiller à ce que ces types d’importations proviennent exclusivement
de sources responsables et ne soient pas issus de conflits. Reste à voir
si l’exigence de transparence forcera ces entreprises européennes à
changer leur fusil d’épaule.
Le très autoritaire président Jomart Tokaïev a signé la ratification du
deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. Ratifié l'an dernier par le
Parlement kazakh, ce texte oblige ses signataires à abolir la peine
capitale. Les exécutions étaient suspendues au Kazakhstan depuis 2003,
mais des tribunaux continuaient à condamner à mort des accusés pour des
crimes exceptionnels. Un homme qui avait tué 8 policiers et 2 civils,
lors d'un carnage dans la plus grande ville du pays, Almaty, en 2016,
avait ainsi été condamné à mort. Cette sentence est désormais convertie
en peine de prison à perpétuité.
5. Myanmar : des entrepreneurs mettent fin à leur collaboration avec MEHL
Des entrepreneurs ont décidé de réagir avec leurs propres moyens pour condamner les dérives du Myanmar. Le brasseur japonais Kirin
a suspendu tous les versements de dividendes à l’entreprise birmane
MEHL, quand le fabricant et exportateur sud-coréen de vêtements
Pan-Pacific mettait fin aux relations commerciales qu’il entretenait
avec elle. Ces changements de cap ont pour origine une enquête d’Amnesty
International qui, en septembre dernier, levait le voile sur les liens
commerciaux entre MEHL et des unités militaires directement impliquées dans des atrocités commises contre les Rohingyas et d’autres minorités du Myanmar. Un exemple à suivre.
Jean-Baptiste Le Provost a utilisé des
pesticides, pendant des années dans sa ferme, près de Callac, avant de
tomber malade à cause de ces produits. Devenu paysan bio, il raconte.
Jusqu’au début des années 90, Jean-Baptiste Le Provost utilisait
beaucoup de pesticides dans ses champs, avant de tomber malade et de
renoncer totalement à l’usage de ces produits pour devenir paysan bio.
Il y a 25 ans, Jean-Baptiste Le Provost, paysan à Plusquellec, dans le canton de Callac, en Centre-Bretagne, n’a pas dit à ses voisins agriculteurs qu’il était tombé malade à force d’épandre des pesticides dans ses champs.
Il a mis des années avant d’oser en parler. Des années avant d’oser dire pourquoi il a changé brutalement demodèle agricole.
Pourquoi, dans les années 90, il a rangé ses bidons deproduits phytosanitaires pour se convertir au bio. Car, à l’époque, dans les campagnes, il n’aurait peut-être pas été compris par tous.
« Il fallait que la ferme devienne rentable »
Ça
a commencé par des allergies, puis des problèmes respiratoires, des
bouffées de chaleur, des palpitations… Jusqu’au jour où son médecin l’a
clairement mis devant le fait accompli ! « Soit tu arrêtes avec tous ces
produits, soit tu changes de métier ».
À ce moment-là, pour Jean-Baptiste, « tout s’écroule. Il fallait que
je prenne une décision car ma santé était en jeu, mais j’ai mis un
moment avant d’encaisser le coup ». L’agriculteur, qui mettait sa vie en
danger en continuant dans la voie dans laquelle il était engagé, a pris
« un virage à 360 degrés, car je voulais à tout prix rester paysan ».
Changer de système, mais pas de métier
La
terre, les animaux, c’était toute sa vie. Ses racines aussi.
Jean-Baptiste avait repris l’exploitation de ses parents en 1977. Une
ferme familiale de 18 hectares, « classique » en polyculture élevage
(lait et truies naisseurs).
Son épouse, Huguette, l’a rejoint sur
l’exploitation en 1979. Ils se spécialisent dans l’élevage laitier et
s’engagent dans un plan de modernisation agricole, qui leur permet
d’obtenir des emprunts afin de développer leur exploitation.
Ils
construisent une salle de traite, une stabulation, des silos pour les
fourrages, une laiterie… « C’était le modèle classique à l’époque, le
modèle préconisé par la chambre d’agriculture et les banques ».
Un modèle « intensif et performant »
Avec
son épouse, ils vont acquérir des terres voisines et agrandir leur
ferme, qui passe à 45 hectares. « Cela permettait justement d’envisager
une production intensive et performante pour pouvoir aussi honorer les
investissements qu’on réalisait. Il fallait que la ferme devienne
rentable. On mettait des moyens de production performants en place, mais
à côté il fallait que ça tourne ».
Dans ce modèle « classique »,Jean-Baptiste donne du maïs-soja à ses vaches, avec « un tout petit peu de céréales, mais de moins en moins ». La part d’herbe diminue aussi.
« C’était
une nouvelle ère avec le maïs. Tu le stockais dans ton silo et tu étais
tranquille pour un moment. En complément, tu appelais la coop pour te
faire livrer du soja ». Les bêtes pâturaient quand même à l’époque.
Au
début des années 80, la ferme produisait 240 000 litres de lait, sur 45
hectares. Jean-Baptiste était dans les clous par rapport aux objectifs
de rentabilité de son exploitation.
Un premier déclic en 1983
En
1983, la production de lait devient trop importante en Europe et les
quotas vont faire leur apparition pour réguler les volumes dans les
exploitations. Dans ce contexte, les agriculteurs, « toujours à la
recherche de performances » continuent de vouloir optimiser leurs
exploitations et Jean-Baptiste, comme beaucoup d’autres, vont
s’organiser en groupements d’achats, pour s’approvisionner en produits
phytosanitaires à des prix plus intéressants.
« Le glyphosate, c’était comme une marche en avant »
C’est
un premier déclic pour lui. S’il ne se rendait pas forcément compte de
la masse de produits phytos qu’il utilisait personnellement dans sa
ferme, c’est en allant chercher sa commande avec une quarantaine
d’autres agriculteurs du secteur, qu’il a pris conscience de la quantité
de produits utilisés dans les campagnes à l’époque. « Il y avait un
semi-remorque pour nous. Et encore, on s’approvisionnait auprès d’autres
opérateurs locaux ». Il fallait du stock et des produits pour traiter
les cultures, principalement de mars à juin, pour les céréales et le
maïs notamment.
Les cultivateurs utilisaient alors deux ou trois
grandes catégories de produits pour traiter les céréales, le maïs, ainsi
qu’un insecticide du sol contre le taupin. Jusqu’à ce que le glyphosate
fasse une arrivée presque triomphale dans la société, dans la deuxième
moitié des années 80, aussi bien chez les agriculteurs pour traiter
leurs champs, que chez les particuliers, pour l’entretien des jardins et
des potagers.
C’est monté en puissance petit à petit,
« insidieusement. Comme on était toujours à la recherche de
performances, on était aussi à la recherche de la dernière recette qui
sortait ».
« Une forme d’engrenage »
Le système dans
lequel se trouvaient ces agriculteurs conventionnels exigeait qu’ils
soient performants. Ils sont pris dans une forme d’engrenage. « La
spirale s’est mise en place progressivement. Je n’avais pas l’impression
d’utiliser plus de produits que ça, puisque c’est comme ça que tout le
monde fonctionnait ».
Le glyphosate était présenté « comme une
marche en avant, un produit révolutionnaire. C’était le progrès ». Les
agriculteurs étaient les acteurs de cette « performance », il fallait
« produire pour nourrir l’Europe ».
La nouvelle réforme de la PAC arrive en 1992, avec un changement de
stratégie : les agriculteurs vont recevoir directement les aides. Dans
ce nouveau système, ce sont surtout les cultures qui seront primées (le
maïs, l’orge, le colza, le blé…), au détriment de l’herbe. « Ça a été un
moyen d’orienter les productions agricoles ».
Les agriculteurs
ont joué le jeu et la « course aux hectares était lancée » pour
beaucoup. Plus ils avaient de terres, plus ils pouvaient cultiver et
plus ils percevaient d’argent, résume Jean-Baptiste. « On est devenus
compétiteurs, y compris entre nous, pour la course aux hectares. C’était
un autre tournant. Qui disait plus de cultures, disait aussi plus de
traitements… ».
Les performances étaient un maître mot dans les
fermes, où les agriculteurs parlaient des rendements de leurs terres
(quintaux à l’hectare) et de leurs bêtes (nombre de litres de lait par
vache).
Sensible au discours d’André Pochon
C’est dans ce
contexte que les exploitations agricoles vont s’agrandir. Et que
Jean-Baptiste commence à être de plus en plus sensible au message d’un
certain André Pochon, qui imagine un autre schéma de production, avec
« des fermes autonomes qui sont moins dépendantes des partenaires
extérieurs ».
André Pochon, fondateur du CEDAPA (Centre d’Etudes
pour un Développement Agricole Plus Autonome) a été un pionnier et a
apporté une autre vision de l’agriculture. « Sa formule phare, c’était
la vache qui broute avec sa barre de coupe à l’avant et l’épandeur à
l’arrière, pour épandre les déjections ». « Il a prouvé sur son
exploitation qu’un système fourrager fondé sur la prairie à base de
trèfle blanc était possible, sûr et sécurisant ».
C’est à ce
moment aussi que le corps de Jean-Baptiste rejoint son esprit et
commence à dire non à ce système, pourtant largement dominant dans nos
campagnes.
En 1994, ses premiers ennuis de santé apparaissent. « Les premiers
symptômes de 15 ans d’utilisation des pesticides et autres produits
chimiques », résume-t-il. Il n’a jamais eu de souci de santé et, d’un
coup, ces dérèglements apparaissent alors qu’il n’a que 40 ans.
« Pourtant j’étais vigilant, je mettais des gants et un masque, je
prenais une douche après ».
Jusqu’à son malaise en 1996. « J’ai
rempli le pulvé, je suis allé au champ. J’ai commencé à transpirer, mon
rythme cardiaque s’est emballé. J’ai pu m’arrêter chez un voisin, qui a
appelé le médecin et je me suis écroulé ». Les corticoïdes avaient
atteint leurs limites et il fallait prendre une décision.
Un virage à 360 degrés
Jean-Baptiste,
diagnostiqué ultrasensible aux molécules chimiques, tourne la page,
quitte l’agriculture conventionnelle pour devenir paysan bio. Mais ce
revirement total, il l’opère en toute discrétion : « Tu ne vas pas le
chanter partout que tu es intoxiqué ».
Pourquoi ne pas le dire à
l’époque, alors que Jean-Baptiste est plus à l’aise aujourd’hui pour en
parler ? « Les gens voyaient bien que j’avais réorienté mon système de
production, avec plus de foin, davantage de pâturages, moins de maïs…
Mais je ne donnais pas de détails. Il y a le regard des autres. Et tu as
l’impression qu’il y a quelque chose de terrible qui te tombe dessus et
qu’il n’y a que toi qui es concerné, alors tu préfères ne pas en
parler. Tu te dis qu’il y a quelque chose que tu n’as pas bien fait et
tu culpabilises… ».
C’est quand il a découvert le témoignage de Paul François, victime
d’un grave accident en 2004 lors de la manipulation d’un herbicide maïs,
qu’il a « pris la mesure. J’avais l’impression d’être tout seul avant
et, dès lors, j’ai commencé à en parler ».
Au final, Jean-Baptiste
a clairement le sentiment d’avoir fait le bon choix en opérant sa
reconversion : « Je me suis réapproprié mon métier de paysan, à travers
les choix et les orientations qui me convenaient. Je suis devenu acteur
de mon métier ».
Il a trouvé un équilibre économique, mais aussi
un équilibre de vie. Jean-Baptiste a aujourd’hui 65 ans. Il est à la
retraite depuis six ans. Il a transmis la ferme à ses deux enfants. Il a
été l’un des acteurs majeurs deBiolait (dont le
slogan est La bio partout et pour tous), le groupement de collecte de
lait biologique créé en Bretagne en 1994 et qui regroupe aujourd’hui
environ 1 400 fermes en France.
C’était un matin d’hiver. On a frappé à la porte de la vieille
bâtisse de Michel, un refuge depuis 1870, érigé par ses arrière
grands-parents. La police. Le vieil homme, un colosse au sourire doux, a
tout de suite compris. Ils venaient chercher la famille Mehmeti,
déboutée de l’asile, qui vivait chez lui depuis bientôt un an et demi,
après avoir dormi sous une tente. « Je n’avais pas le droit de les
accompagner. Pour me rassurer, les flics m’avaient dit : ne vous
inquiétez pas, de toute manière ils peuvent refuser de monter dans
l’avion », se souvient, très ému, ce natif de Pamiers, la ville la
plus peuplée d’Ariège avec ses 15 700 habitants. Mais il n’en a rien
été.
Selon le récit que lui a fait la famille, « on les a emmené signer des papiers et pendant ce temps, les forces de l’ordre ont conduit les trois enfants dans l’avion ».
Les parents n’avaient plus d’autre choix que de les suivre. Ce 27
janvier 2020, neuf familles albanaises dont 15 enfants – certains
embarqués devant leur école – ont été arrêtées dans toute l’Occitanie,
puis expulsées le lendemain. La préfecture n’a pas souhaité réagir.
« Quand ils sont partis ça a été une amputation »
« S’ils m’avaient dit que c’était une rafle, je ne les aurais pas laissé partir. Il aurait fallu qu’ils me tuent ! », jure cet ancien directeur de travaux, 76 ans. « Quand ils sont partis ça a été une amputation, pendant trois mois je ne savais pas où j’étais », se rappelle celui que les enfants Mehmeti appelaient « papy ». Aujourd’hui, il abrite sous son toit une autre famille. « J’ai
été élevé ici par mes grands-parents, c’était une maison ouverte, il y
avait l’assiette du pauvre et tous les samedis les voisins venaient
chercher la mounjetado (cassoulet ariégeois) de ma grand-mère. J’ai
gardé la tradition », raconte cet homme affable, qui a passé
plusieurs années en Arabie Saoudite, au Yémen ou encore au Maroc, dans
le cadre de ses missions. Il a « toujours été bien accueilli à l’étranger ».
Dans ce département rural, montagneux et peu peuplé, autrefois refuge
pour les républicains espagnols fuyant le franquisme, les obligations
de quitter le territoire français (OQTF) délivrées par la préfecture
n’ont jamais cessé. Mais depuis 2017, l’État expulse. Malgré les efforts
d’intégration, les liens tissés en Ariège, l’apprentissage du français,
l’engagement bénévole ou les enfants scolarisés. A l’image des Mehmeti,
qui étaient arrivés en 2016. De la famille Hysa, quelques mois plus
tard. Ou d’Anthony Tra bi tra, un jeune ivoirien, joueur du FC Foix,
expulsé en octobre 2019. À chaque fois, une cinquantaine de personnes au
moins se sont rassemblées, plusieurs fois par mois, pour les soutenir.
Mais cela n’a pas suffi.
De multiples réseaux de solidarité à travers l’Ariège
Pour faire face à la répression accrue de l’État, les collectifs et
associations de soutien aux réfugiés se sont multipliés à travers
l’Ariège depuis 2015, et de multiples réseaux de solidarité se sont
tissés. Plus d’une quarantaine de collectifs interviennent auprès des
migrants aujourd’hui. Dans la plaine à Pamiers et dans les villes
alentours, l’association 100 pour un Toit, créée il y a trois ans par
des militants de longue date, héberge, soutient financièrement et
accompagne au quotidien sept familles, la plupart déboutées de l’asile,
dont celle logée chez Michel. « Elles ne doivent pas poser de
problèmes, elles doivent se faire oublier. Ensuite peut-être qu’elles
pourront être vues sous un autre angle par la préfecture », explique Marie-Thérèse Eychenne, 80 ans, assistante sociale à la retraite et membre de l’association qui compte 300 adhérents.
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« On essaye de faire du "sur mesure" pour chaque famille », souligne Mireille Becchio, trésorière très active de l’association et médecin à la retraite. « On ne s’interdit pas d’en faire plus, de les inviter chez nous, de les aimer, confie Fabien Paul, responsable d’Emmaüs Ariège et président de 100 pour un toit. Ma fille a par exemple été invitée à l’anniversaire de l’une des familles, et réciproquement ».
Trois familles ont déjà obtenu leurs papiers à leurs côtés. Valdrin
(nous avons changé les prénoms) et ses quatre enfants sont les derniers à
avoir laissé la vie de sans-papiers derrière eux, bien que Kaltrina, sa
compagne, reste suspendue à un éventuel emploi. Car désormais, une
promesse d’embauche pour un couple ne suffit plus pour que les deux
membres obtiennent un titre de séjour temporaire d’un an. « Je l’ai appris à cette occasion », souffle la militante de 73 ans.
Dans son logement social financé pour quelques semaines encore par
l’association, assis sur son canapé entouré de ses filles, Valdrin se
dit « heureux de pouvoir enfin faire [son] métier ». Il est
maçon. Ça tombe bien, dans le BTP la main d’œuvre manque dans la région.
Depuis deux ans, il avait une promesse d’embauche, sésame indispensable
pour une demande de titre de séjour « exceptionnelle ». « Ça m’avait manqué, j’aime le travail. Mon corps a l’habitude depuis que j’ai commencé à 13 ans »,
témoigne celui qui cumulait maçonnerie et entreprise de lavage dans son
petit pays des Balkans. Pendant trois ans, ce père de 35 ans a comblé
ce vide en travaillant bénévolement chez Emmaüs et la Croix-Rouge, où il
a pratiqué chaque jour le français et a tissé des liens.
Pendant le premier confinement, lui et sa compagne, en plus
d’intégrer la réserve citoyenne, ont passé leur journée à livrer des
colis alimentaires. « Du lundi au samedi j’aidais les gens qui
avaient besoin de nous, des femmes sans mari, avec des enfants ou des
personnes âgées. Mon temps est passé vite grâce à ça », se souvient-il, enthousiaste.
D’après les militants, ce dévouement a joué un rôle déterminant dans sa
régularisation. Le maire, les associations et les professeurs des
enfants ont écrit des lettres de soutien, ajoutées au solide dossier
exigé par la préfecture. « Il faut aussi des attestations comme quoi
la personne connaît d’autres gens qui ont des papiers, qu’elle prend le
café chez eux, qu’elle rend des services », précise Mireille Becchio. Extrêmement reconnaissant envers ceux qui ont aidé sa famille quotidiennement, ceux « qui savaient quand on avait un rendez-vous, quand il fallait nous accompagner », Valdrin n’oubliera pas « ces 4 ans sans papiers, avec une OQTF ». « C’était compliqué, mais c’est passé avec du courage et de la patience, chaque jour ».
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« On a réussi a réunir des chasseurs et des babacools »
À une soixante de kilomètres de Pamiers rayonne Massat et ses 700
habitants. Enclavée au carrefour de sept vallées et point de rencontre
des hippies des années 1970 et des néo-ruraux, cette bourgade pyrénéenne
s’est mobilisée massivement pour protéger Pierre Kilongo et ses trois
enfants, exilés congolais un temps menacés d’expulsion, aujourd’hui en
sursis, qui habitent le village depuis bientôt quatre ans.
« On a réussi a réunir chaque mardi devant la gendarmerie (Pierre
Kilongo devait y pointer chaque semaine, ndlr) des gens qui ne se
parlaient pas du tout, des chasseurs, des terriens avec des babacools et
des "planteurs de cannabis" comme ils les appellent », se réjouit
Albert Duroux, proche de la famille et chauffeur de bus à la retraite
qui a affrété et rempli un car de soutien lorsque la famille congolaise
comparaissait au tribunal administratif de Toulouse pour contester son
OQTF, en 2019. La mesure d’expulsion a fini par être annulée par la
justice à l’automne 2019 en raison de l’état de santé dégradé de Pierre
Kilongo. Aujourd’hui logé par la mairie, il attend son passeport
congolais. Autour de lui, une association qui prend en charge tous ses
frais s’est créée, et 260 personnes le suivent régulièrement.
« Ici, c’est facile de mobiliser, il suffit qu’il y ait le mot "interdit" pour faire réagir les gens », constate Albert Duroux, militant depuis huit ans qui aime « poser des tables, parler aux gens dans la rue, vendre des jus de pommes pour récolter des fonds », et plus que tout, « rassembler ».
« Est-ce que vous seriez prêts à aller vous cacher en montagne ? »
À trente minutes de là, dans la petite ville de Saint-Girons, là où
débute la vallée du Couserans, la famille Fofana a retrouvé l’apaisement
depuis plus d’un an et demi maintenant. Depuis que leur petite Sarah, 5
ans, a obtenu un titre de séjour de 10 ans après un recours devant la
Cour nationale du droit d’asile (CNDA) afin de la protéger d’une
excision en cas de retour en Côte-d’Ivoire. Avant ce recours, « on craignait un peu tout »,
dit Mamadou, le père de 48 ans, assis à la table de l’étroite salle à
manger. Logés dans un appartement prêté par un membre de l’Association
couserannaise pour l’accueil des réfugiés et des migrants (Acarm 09) qui
héberge et accompagne aujourd’hui trois familles et deux personnes
seules, Mamadou et Siata, parents de trois enfants, n’en dormaient pas
la nuit.
« Quand on a été déboutés on nous demandait : est-ce que vous
seriez prêts à aller vous cacher en montagne ? On se préparait, on se
voyait déjà comme des fugitifs, car il fallait trouver une solution pour
ne pas être renvoyés », raconte le père de famille, passé par la
vallée de la Roya avant d’arriver dans le Couserans en 2017. Dans la
vallée escarpée du Biros, avant la création de l’association, plusieurs
habitants se sont relayés pour héberger des exilés plusieurs mois
durant.
« En Ariège il y a beaucoup de relations à longue distance. Ça
passe par deux ou trois personnes et on arrive tout de suite à loger
quelqu’un, à trouver une solution dans des fermes paumées », explique Christophe Imbert, géographe coauteur avec le directeur de recherche au CNRS William Berthomière de l’étude « Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil », publiée en novembre 2020.
« Des opportunités pour des territoires comme l’Ariège »
Pendant deux ans, Mamadou Fofana, chauffeur de poids lourds dans son
pays, ne pouvait pas travailler, si ce n’est en tant que bénévole. « C’était
très compliqué car je ne suis pas habitué à m’asseoir tranquille comme
ça, je n’ai pas l’habitude d’être dans une situation où c’est moi qui
tends la main », confie-t-il, lui qui a suivi des formations d’agent
de sécurité et d’agent de sécurité incendie, mais qui doit aujourd’hui
se contenter de courtes missions d’intérim, faute d’emploi stable.
Léa, 30 ans, qui enseigne le FLE au sein de l’association, constate que « l’accès
au travail est un peu plus compliqué qu’en ville, mais qu’en terme
humain, c’est mieux ici, car il y a un tissu de solidarité important, et
qu’il est plus facile d’accéder aux aides, de parler à des gens, ou
d’avoir des rendez-vous pour les démarches administratives ».
L’enjeu est de taille pour l’Ariège comme pour d’autres régions
rurales, sujettes au dépeuplement et au vieillissement de la population.
« Cette question de l’accueil est très souvent vue sous l’angle du
contrôle des populations par l’État, qui a du mal à considérer ces
dynamiques de populations exilées comme des opportunités pour des
territoires comme l’Ariège et pour leur développement économique », analyse William Berthomière, et de poursuivre, « il
pourrait y avoir une réflexion sur qui sont ces familles concernées par
ces OQTF, et quel sens cela a, dans la mesure où la procédure d’asile a
duré 2 ou 3 ans ».
Deux ou trois ans de vie : d’apprentissage du français, de la
culture, de travail bénévole et de scolarité pour les enfants, qui,
souvent, comme les deux petites dernières de Valdrin et Kaltrina, ne
connaissent même pas le pays de leurs parents, et ont grandi avec le
français.
De nombreux types de cancers se multiplient très
rapidement depuis deux décennies. Pourtant, l’information sur leur
chiffre est lacunaire. Mais l’État ferme les yeux, et rejette la
responsabilité sur les comportements individuels, plutôt que sur les
polluants
Voilà un fait étonnant : on ne sait pas combien de cancers
surviennent en France chaque année. Ce chiffre n’existe pas, il n’a pas
été produit. On ne sait pas exactement combien de cancers surviennent,
on ne sait pas où ils surviennent. Quand Santé publique France, l’agence
de veille sanitaire, annonce, par exemple, 346.000 cas de cancers
pour l’année 2015, il s’agit d’une estimation réalisée à partir des
registres des cancers, qui couvrent entre 19 et 22 départements selon le
cancer étudié, soit 22 % du territoire national. « Cette méthodologie, précise le dernier bilan publié en 2019, repose
sur l’hypothèse que la zone géographique constituée par les registres
est représentative de la France métropolitaine en termes d’incidence des
cancers. »
Pourtant, le Tarn, l’Hérault ou le Finistère, couverts par des
registres, sont des départements relativement épargnés par
l’urbanisation et l’industrie. En revanche, les cancers dans certaines
des principales métropoles du pays, comme Paris, Marseille et Toulouse,
ne sont pas décomptés. Et comme le montre une enquête publiée par Le Monde,
les départements les plus concernés par les sites Seveso ne sont pas
non plus couverts par les registres : la Moselle (43 sites Seveso seuil
haut), la Seine-Maritime (47), les Bouches-du-Rhône (44). Un complot ?
Non. Cela démontre simplement que connaître les conséquences des
pollutions urbaines et industrielles n’a pas figuré jusqu’ici au premier
rang des préoccupations des épidémiologistes.
« Historiquement, la mise en place des registres des cancers correspond à des initiatives locales isolées », justifie le professeur Gautier Defossez, responsable du registre des cancers du Poitou-Charentes. Elles
ont ensuite été coordonnées par un comité national des registres. La
surveillance des zones industrielles et urbanisées est d’intérêt,
seulement nous n’en avons pas les moyens. »
Question naïve : étant donné que la quasi-totalité des soins liés aux
cancers est prise en charge par l’Assurance maladie, pourquoi n’est-il
pas possible de travailler à partir de ses chiffres ? « Cela
nécessiterait de changer la méthodologie, car les registres
différencient plus finement les types de cancer que les bases de données
de l’Assurance maladie. Surtout, ce sont des données sensibles
auxquelles nous n’avons pas accès »,
déplore le professeur. Des obstacles qui laissent songeur, dans une
société de l’information où le moindre clic est enregistré dans des
bases de données, absorbé dans des statistiques et mouliné par des
algorithmes, et où toutes les conversations téléphoniques peuvent être
localisées et enregistrées à des fins de surveillance policière.
Épidémie de cancers et de leucémies à proximité d’un centre de stockage de déchets nucléaires
Dans un tel monde, il ne serait pas absurde de supposer l’existence
d’une cellule de veille sanitaire dotée des moyens de cartographier
presque en temps réel les cas de cancers recensés au moyen des fichiers
des hôpitaux, voire signalés par un numéro vert. Si un taux anormal de
telle ou telle tumeur apparaissait dans un lieu donné, par exemple – à
tout hasard autour d’une usine d’engrais ou d’une centrale nucléaire —
une zone de la carte se mettrait à clignoter… Visiblement, un tel
dispositif pourrait intéresser du monde. Entre 2010 et 2015, Santé
publique France a reçu une cinquantaine de signalement de taux de
cancers anormaux dans des zones industrielles ou agricoles, comme dans
l’Aube, près de Soulaines-Dhuys, où l’on observe une épidémie de cancers du poumon, du pancréas et de leucémies à proximité d’un centre de stockage de déchets nucléaires [1]…
Les estimations des taux de cancer dont on dispose devraient
nous inciter d’urgence à nous intéresser aux conséquences de notre
environnement dégradé.
Surtout, les estimations des taux de cancer dont on dispose devraient
nous inciter d’urgence à nous intéresser aux conséquences de notre
environnement dégradé. Selon Santé publique France,
entre 1990 et 2018, donc en près de trente ans, l’incidence – le nombre
de nouveaux cas de cancers sur une année – a augmenté de 65 % chez l’homme et de 93 % chez la femme. Est-ce uniquement parce que la population augmente et vieillit, comme on l’entend souvent ? Non ! Pour 6 % chez l’homme et pour 45 %
chez la femme, cette tendance n’est pas attribuable à la démographie.
Certains cancers sont en recul, comme le cancer de l’estomac, grâce au
traitement de la bactérie Helicobacter pylori [2] et, en gros, à la généralisation des frigos [3],
de même que les cancers du larynx, du pharynx, de la lèvre et de la
bouche, en grande partie grâce aux campagnes de lutte contre
l’alcoolisme et le tabagisme. En revanche, les cancers de l’intestin, du
poumon, du pancréas augmentent chaque année en moyenne de 2 à 5 % depuis trente ans. Chez les hommes, les cancers de la prostate et des testicules augmentent de plus de 2 % par an. Chez les femmes, les cancers du foie, de l’anus et du pancréas ont bondi de plus de 3 % par an en moyenne depuis 1990. Pour les deux sexes, les cancers de la thyroïde ont augmenté de 4,4 % par an. Petite précision : 4,4 % par an, c’est beaucoup, puisque cela représente une hausse de 234 % en 28 ans.
Entre 1990 et 2013, l’incidence dans le monde du cancer du sein a progressé de 99 %
Pourquoi le cancer du sein a-t-il progressé de 99 % en vingt-trois ans ? Comment expliquer des progressions aussi spectaculaires ? Dans un petit livre pédagogique, le toxicologue André Cicollela s’est employé à éclaircir la question en s’arrêtant sur le cancer du sein, dont une Française sur huit sera atteinte au cours de sa vie. Entre 1990 et 2013, son incidence dans le monde a progressé de 99 %, dont 38 % seulement en raison du vieillissement de la population.
Cette hausse serait-elle un simple effet du dépistage, lié au fait qu’on détecte mieux les tumeurs ?
En France, le dépistage généralisé n’a commencé qu’en 2004, alors que
la maladie progresse depuis 1950. Par ailleurs, les pays où le dépistage
est systématique (comme la Suède) ne sont pas ceux où l’incidence est
la plus haute. Il s’agit donc d’une véritable épidémie, au sens originel
d’epi-dêmos, une maladie qui « circule dans la population »,
quoique non contagieuse, et même d’une pandémie, puisqu’elle s’étend au
monde entier. Si l’on s’en tient aux chiffres produits par les États,
le pays le plus touché serait la Belgique, avec 111,9 cas pour 100.000
femmes par an (contre 89,7 pour la France). Utilisant des taux qui
prennent en compte les disparités démographiques comme celle du
vieillissement, Cicollela compare méthodiquement cette situation avec
celle du Bhoutan, un pays de taille comparable, dont le système de santé
est gratuit et fiable. L’incidence du cancer du sein y est la plus
faible au monde : 4,6 cas pour 100.000 femmes.
Des différences génétiques entre populations peuvent-elles expliquer de telles disparités ? Non, nous dit le toxicologue. Plusieurs études montrent que « les femmes qui migrent d’un pays à l’autre adoptent rapidement le même taux que celui de leurs nouvelles concitoyennes ».
En une génération, le taux de cancer du sein des migrantes
sud-coréennes aux États-Unis a doublé, de même que celui des migrantes
iraniennes au Canada rattrape celui des Canadiennes, etc.
Bien plutôt, conclut Cicolella, le Bhoutan se distingue de la Belgique en ce que ce dernier, jamais colonisé, n’a pas connu de « révolution industrielle, pas de révolution verte à base de pesticides non plus, pas de pollution urbaine »
et a gardé longtemps un mode de vie traditionnel. Le cancer du sein,
pour l’immense majorité des cas, est donc le fruit d’un système
industriel. Causes environnementales suspectées ou avérées : les
traitements hormonaux (pilule y comprise), les champs
électromagnétiques, la radioactivité, les perturbateurs endocriniens
(pesticides, additifs, dioxines, bisphénol, tabac, etc.) et d’autres
produits issus de la chimie (benzène, PVC, solvants, etc.).
Les épidémiologistes sous-estiment les conséquences de la pollution dans l’incidence du cancer
Vous avez trois minutes devant vous ? Le cancer vous préoccupe ? Alors rendez-vous sur le site internet de l’Institut national du cancer (Inca) pour faire le quiz Prévention cancers : 3 minutes pour faire le point.
Bilan personnel : en cliquant sur les pastilles rouges assorties d’un
point d’exclamation, j’apprends que ma consommation d’alcool, associée à
une faible activité physique, m’expose à un sur-risque de cancer du
sein. Pour ne pas me décourager, l’Inca annonce en gros titre que « 41 % des cancers peuvent être prévenus en changeant son mode de vie » : « En 2015, en France, 142.000 nouveaux cas de cancer seraient attribuables à des facteurs de risque modifiables. » L’importance respective de ces « facteurs de risque modifiables » est illustrée par un joli diagramme échelonnant divers facteurs de risque au premier rang desquels figurent le tabac (19,8 %), l’alcool (8 %) et la qualité de l’alimentation (consommation ou non de viande rouge, fruits, fibres, etc. – 5,4 %). Tout en bas du diagramme figurent les « substances chimiques de l’environnement », qui ne seraient responsables que de 0,1 % des cancers. Pour parachever ce qui a tout l’air d’une démonstration, suit un autre gros titre : « Croyance : plus de cancers attribués à la pollution qu’à l’alcool ». Cette dénonciation de l’ignorance populaire est assortie d’un sondage : « En 2015, plus des deux tiers des Français pensaient que "la pollution provoque plus de cancers que l’alcool", alors que […] la pollution de l’air extérieur est responsable de moins de 1 % des nouveaux cas de cancers dus à des facteurs de risque modifiables. »
Cas de cancers attribuables aux facteurs liés au mode de vie et à l’environnement.
Tout d’abord, arrêtons-nous sur cette formule : n’est-il pas étonnant que la « pollution » soit ici résumée à « la pollution de l’air extérieur » ?
Qu’en est-il des pesticides, des nanoparticules, des perturbateurs
endocriniens, des phtalates, des métaux lourds que nous ingurgitons à
travers les aliments, l’eau, les cosmétiques et les textiles ?
Des expositions professionnelles à toutes sortes de produits
cancérigènes probables, possibles ou avérés dont aucun n’est interdit,
sauf l’amiante ? Il suffit de se
reporter au diagramme pour voir que diverses sources de pollutions y
sont séparées en autant de facteurs de risque induisant, chacune, de
très faibles pourcentages de cas de cancers. Un découpage pour le moins
arbitraire. En effet, la catégorie « substances chimiques de l’environnement » pourrait très facilement recouvrir un grand nombre de cancers attribués à l’obésité et au surpoids, eux-mêmes en partie causés par les additifs alimentaires, les pesticides, les perturbateurs endocriniens [4]… Elle pourrait aussi absorber en partie les cases « expositions professionnelles », « radiations ionisantes ».
En s’amusant à redécouper ces catégories, on obtiendrait un taux à deux
chiffres, et la pollution deviendrait l’une des principales causes de
l’épidémie de cancers actuelle – de quoi démontrer que la croyance du
bas peuple n’est pas tout à fait dénuée de fondement…
D’autres biais importants conduisent les épidémiologistes à
sous-estimer les conséquences de la pollution dans l’incidence du
cancer. Ainsi le diagramme mentionné, est-il précisé, ne prend en compte
que des facteurs de risque et des localisations de cancer associés pour
lesquels le lien de causalité est déjà scientifiquement bien établi,
comme le benzène pour les leucémies, l’amiante pour les cancers du
poumon. Mais s’il serait déjà impossible d’évaluer expérimentalement la
nocivité des 248.055 substances chimiques dûment enregistrées et
réglementées à ce jour, et encore moins leurs effets combinés, que dire
des… 35 millions de substances chimiques différentes qui sont
aujourd’hui commercialisées ? [5]
Par ailleurs, que signifie « substance cancérogène » ? « Traditionnellement, on ne considère une substance comme cancérogène que si elle provoque par elle-même des cellules cancéreuses, explique André Cicolella. Or
la biologie du cancer a progressé : on sait maintenant que de
nombreuses substances interviennent dans les très nombreux mécanismes du
micro-environnement de la tumeur. Par exemple, le bisphénol A et
certains fongicides favorisent la vascularisation des cellules
cancéreuses. » Cela n’est pas pris en compte dans les estimations présentées au public.
Présenter les mauvaises habitudes de vie, comme l’alcool, comme
responsables du cancer présente l’inconvénient de dédouaner les
industriels et les pouvoirs publics.
Qu’est-ce qu’un « cancer évitable » ?
Au-delà d’un problème de déontologie, qui tient au fait de marteler
comme des faits scientifiques des affirmations biaisées, cette approche
traduit surtout une stratégie de santé publique : lutter contre le
cancer en appelant chacun à modifier son comportement. Ce n’est pas
forcément une mauvaise idée, comme le montre la baisse d’incidence de
certains cancers liés au tabagisme chez l’homme. Il est bien légitime
que les politiques de santé publique incitent les gens à ne pas fumer,
boire modérément, faire du sport et manger des légumes. Le problème
vient de cette manière de s’adresser à tout un chacun en tant qu’Homo hygienicus
en négligeant de penser la question sanitaire en termes de justice
sociale. Nous sommes loin d’être égaux et égales face à ces facteurs de
risque. Manger bio coûte plus cher. Une équipe de l’Inserm est même parvenue à mesurer que la fréquentation des supermarchés discount faisait grossir,
compte tenu de la faible qualité de produits bourrés d’additifs, de
sucre, etc. La possibilité de pratiquer un sport reste un privilège pour
les familles surmenées par la précarisation galopante de l’emploi.
Bref, la notion de « comportement » recouvre un faisceau de déterminismes sociaux, ce qui aboutit à culpabiliser les classes populaires avec leurs prétendues « mauvaises habitudes »
qui leur sont largement imposées – ne serait-ce que par un cadre de vie
dans lequel on tombe plus facilement sur un Burger King que sur un
petit marché de producteurs bio. Ensuite, la stratégie présentant
les mauvaises habitudes de vie comme responsables du cancer présente
l’inconvénient – ou l’avantage, c’est selon – de dédouaner les
industriels des expositions aux substances cancérigènes qu’ils déversent
massivement dans l’environnement depuis plusieurs décennies. Dans le
même temps, elle dédouane les pouvoirs publics de leur inaction face à
cette pollution.
Le concept de « cancer évitable »
est emblématique de cette approche de santé publique d’inspiration
néolibérale. Pourquoi un cancer évitable ne serait-il pas un cancer que
les pouvoirs publics pourraient éviter en prenant les mesures les plus
directes ? On pourrait par exemple
considérer qu’il est plus facile et plus direct d’agir sur l’exposition
massive aux pesticides, qui n’a pas plus de cinquante ans, que sur la
consommation d’alcool, une tradition pas fantastique sur le plan
sanitaire, mais plurimillénaire et profondément ancrée dans les usages.
Plus généralement, n’est-il pas plus efficace d’agir sur la pratique de
quelques dizaines d’industriels – par exemple en interdisant la
commercialisation d’un produit mis en cause par un nombre d’études
suffisant – que sur celle de 67 millions d’individus aux marges de
manœuvre très inégales ?
Les scientifiques alertent sur le désastre environnemental qui
s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée,
et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce
bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons
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[2] Selon la Haute autorité de santé, Helicobacter pylori
est une bactérie fréquente qui infecte la paroi interne de l’estomac.
Acquise principalement dans l’enfance, l’infection persiste toute la vie
si elle n’est pas traitée. Cette infection entraîne une inflammation de
l’estomac (gastrite) qui passe généralement inaperçue. Cependant, elle
peut provoquer des troubles digestifs (gêne, douleurs). Parfois, avec le
temps, elle peut évoluer vers un ulcère, plaie plus ou moins profonde
de la paroi de l’estomac ou du duodénum, ou plus rarement vers un cancer
de l’estomac.
[3] Les cancers de l’estomac sont liés à une alimentation fumée et salée, des moyens de conservation moins utilisés aujourd’hui.
[4] Sur le lien entre pollution chimique et obésité, voir l’excellente synthèse de Fabrice Nicolino, Un empoisonnement universel, éd. Les liens qui libèrent, 2014, p. 275-280.
[5] Selon Un empoisonnement universel, éd. Les liens qui libèrent, 2014.
ENQUÊTE 1/3 — Les plans de relance gouvernemental et européen font la part belle à l’hydrogène, qui serait l’énergie « verte »
de l’avenir. Pourtant, la production de ce gaz pose de nombreux défis
écologiques et l’enjeu de cette conversion paraît davantage économique
que climatique.
En décembre dernier, une nouvelle publicité est apparue dans nos journaux. Entreprise en pointe du stockage de carburant, Plastic Omnium y montrait un verre d’eau, avec ce message : « Voilà tout ce qu’on rejette en roulant à l’hydrogène. »
Un carburant fantastique qui ne rejette que de l’eau, voici la promesse
qui accompagne le lancement de plans hydrogène dans le monde entier.
Demain, selon ce discours, les camions, les avions et les trains
rouleront à l’hydrogène, les usines tourneront à l’hydrogène, la
pollution et les émissions de dioxyde de carbone (CO2)
chuteront et la catastrophe climatique sera évitée. En France, le
gouvernement a promis de dépenser plus de sept milliards d’euros sur dix
ans pour développer ce nouveau vecteur d’énergie.
Et pour piloter cette grande transformation, il vient de créer un
Conseil national de l’hydrogène, rassemblant une palette de patrons
d’entreprises aujourd’hui peu connues pour leur engagement contre le
réchauffement climatique : Total, Air Liquide, Engie, Airbus, KemOne,
ArcelorMittal, Faureci [1].
Revenons à notre verre d’eau. Il est question d’un véhicule dont le réservoir stocke de l’hydrogène [2],
gaz qui est soit utilisé comme carburant d’un moteur à combustion
interne, soit pour alimenter une pile à combustible faisant fonctionner
un moteur électrique. Le pot d’échappement rejette de la vapeur d’eau et
non des particules nocives et du CO2
issus de la combustion des dérivés pétroliers. En revanche, que les
véhicules soient thermiques ou électriques, à hydrogène ou pas, près de
la moitié (environ 46%) des particules fines qu’ils émettent résulte de
l’abrasion des freins, des pneus et des revêtements routiers, car aucun
véhicule ne rejette « que de l’eau » [3].
L’hydrogène est dit « vert » quand cette électricité est issue de sources renouvelables
Mais la question essentielle est : d’où vient l’hydrogène qui fait rouler ce véhicule ? L’hydrogène (H2)
pur est très peu présent à l’état naturel. Cette rareté fait que la
totalité de l’hydrogène utilisé est produite industriellement selon
divers procédés. Aujourd’hui, plus de 95 % de l’hydrogène produit dans le monde est issu du méthane, du pétrole ou du charbon [4], par des procédés très polluants [5],
notamment en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Le message de
la publicité de Plastic Omnium est donc mensonger : même en oubliant
les particules émises par le véhicule hors pot d’échappement, la
production de l’hydrogène qui le fait rouler rejette beaucoup de CO2. Enfin, pour l’instant, espèrent les partisans de ce vecteur d’énergie, car tout l’enjeu des plans hydrogène est de « décarboner » cette production à l’horizon 2030 ou 2050.
Comment faire ? C’est là
qu’intervient un autre procédé de production de l’hydrogène, connu
depuis plus d’un siècle : l’électrolyse de l’eau, qui, grâce à un
courant électrique, permet de décomposer l’eau (H2O) en oxygène (d’un point de vue chimique, du dioxygène, O2) et en hydrogène (d’un point de vue chimique, du dihydrogène H2).
Mais, si le principe est simple, il demande 1. une production en série
de gigantesques électrolyseurs, eux-mêmes grands consommateurs de métaux
ou de produits toxiques [6] ; 2. des quantités d’électricité considérables pour l’électrolyse elle-même.
L’hydrogène est dit « vert » quand cette électricité est issue de sources renouvelables, et « jaune » quand elle provient des réacteurs nucléaires, peu émetteurs de CO2 [7]. Il existe aussi un hydrogène « bleu »
qui, lui, n’est pas produit par électrolyse, mais reformage de gaz
fossile dont on tente ensuite de capturer les émissions de carbone. Pour
achever de brouiller les pistes dans ce labyrinthe énergétique, il est
aussi question d’hydrogène « propre », « zéro émission » ou « décarboné ». C’est clair comme un verre d’eau… polluée.
Faire rouler d’ici 2030 cent mille camions à l’hydrogène décarboné
Dans le cadre de sa « stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre », présentée en juillet 2020, l’Union européenne a validé l’objectif des industriels du secteur,
qui est de faire rouler d’ici 2030 cent mille camions à l’hydrogène
décarboné. Car le système du véhicule électrique avec batteries ne
convient pas aux mobilités lourdes, sauf à embarquer des batteries
excessivement pesantes. Le plan est donc de faire rouler à l’hydrogène
les transports longue distance : frets routier, maritime, aérien. Notons
que cet objectif de cent mille camions est très modeste au regard des
trois millions de camions qui parcourent l’Europe.
À la demande de Reporterre, une équipe de chercheurs de
l’Atelier d’écologie politique a calculé combien d’électricité serait
nécessaire pour faire rouler les camions grâce à de l’hydrogène produit
par électrolyse avec de l’électricité non fossile [8].
Résultat : pour alimenter cent mille camions de plus de seize tonnes
parcourant une moyenne de 160.000 km/an, il faudrait 92,4 TWh/an
(térawattheures par an), soit quinze réacteurs nucléaires ou 910 km² de
panneaux solaires. Et si on cherchait à remplacer la totalité du parc de
poids lourds en faisant rouler trois millions de camions à l’hydrogène,
il faudrait alors 2.772 TWh/an, soit 427 réacteurs nucléaires ou 27.200
km² de panneaux solaires, c’est-à-dire plus de deux fois la taille de
l’Île-de-France !
Mais le plan hydrogène du gouvernement, présenté le 8 septembre 2020, comme celui de l’Union européenne, vise en premier lieu, pour réduire les émissions de CO2, à décarboner la production d’hydrogène déjà utilisée par l’industrie lourde.
Il faudrait 33 km² de panneaux photovoltaïques, soit 4.622 terrains de football — pour une seule usine
La France consomme aujourd’hui chaque année près de 900.000 tonnes d’hydrogène, en grande partie de l’hydrogène carboné, qui engendre de l’ordre de 9 millions de tonnes de CO2 par an.
Le gaz est quasi exclusivement utilisé pour le raffinage des produits
pétroliers, la production d’ammoniac (engrais azotés) ou encore celle du
méthanol destiné à la production de plastiques. Il s’agit donc d’avoir
recours à un hydrogène « décarboné »
destiné à l’industrie lourde. Prenons, par exemple, l’usine d’engrais
azotés Boréalis Grand-Quevilly, en banlieue de Rouen (Seine-Maritime), à
deux pas de l’usine Lubrizol : elle produit 400.000 tonnes d’ammoniac (NH3) par an à partir d’hydrogène. Selon l’Atelier d’écologie politique,
pour alimenter cette production en hydrogène produit par électrolyse à
partir d’électricité renouvelable, il faudrait 33 km² de panneaux
photovoltaïques, soit 4.622 terrains de football — pour une seule usine ! Comment trouver de telles surfaces sans engloutir des terres arables et des forêts ?
Justement, en Gironde, Engie et Neoen s’apprêtent à raser 1.000 hectares de pins maritimes pour implanter un complexe photovoltaïque et un site de production d’hydrogène. S’il voit le jour, ce complexe sera l’un des plus grands sites photovoltaïques d’Europe ; il représente pourtant moins d’un tiers de ce qu’il faudrait pour décarboner l’usine Boréalis Grand-Quevilly.
Dernier exercice de mathématique : combien d’électricité faudrait-il
pour remplir un seul des objectifs de la stratégie européenne à
l’horizon 2030, celui consistant à remplacer l’hydrogène fossile
actuellement consommé par l’industrie européenne (pétrochimie et
engrais) par de l’hydrogène issu de l’électrolyse à partir d’électricité
renouvelable ? Là encore, les chercheurs de l’Atelier d’écologie politique ont fourni quelques ordres de grandeur.
En tenant compte des pertes liées à la compression et au transport, il
faudrait 558 TWh d’électricité : l’équivalent de 86 réacteurs nucléaires
ou 5.470 km² de panneaux photovoltaïques, soit la superficie du
département de l’Ardèche. Quant à l’ambition pour 2050, qui est de
produire 2.250 TWh/an d’hydrogène par électrolyse, elle nécessite
simplement de multiplier par sept ce qu’on vient d’énoncer.
« Créer un marché de 130 milliards d’euros à l’horizon 2030, et de 820 milliards à l’horizon 2050 »
Thierry Lepercq, auteur de Hydrogène, le nouveau pétrole
(Cherche Midi, 2019) et conseiller des grands groupes gaziers, envisage
cette croissance fulgurante de la consommation d’électricité avec une
certaine désinvolture : « Pour remplacer les combustibles fossiles en Europe, il nous faudrait 15.000 TWh/an [soit cinq fois la consommation actuelle de l’UE, autour de 3.331 TWh/an en 2017-2018]. On peut le faire, à condition que ce soit “bankable”. » En clair, à condition que les pouvoirs publics subventionnent l’hydrogène « vert », dont le coût de production est aujourd’hui trois fois supérieur à l’hydrogène « gris » ou « noir », celui issu du gaz, du pétrole ou du charbon. Philippe Boucly, président de France Hydrogène [9] et ex-directeur de GRT Gaz, admet lui aussi le problème auprès de Reporterre, sans pour autant l’endosser : « Les
politiques n’ont pas conscience des quantités d’électricité à produire
pour remplacer les énergies fossiles. Je vous l’accorde, c’est
monstrueux. » France Hydrogène,
l’association de promotion de l’hydrogène qui regroupe notamment Total,
Areva, Air Liquide, Engie, Arkema et les leaders du stockage de
carburant Faurecia et Plastic Omnium, est pourtant largement à l’origine
du plan gouvernemental. À l’image de l’ensemble des plans hydrogène
actuellement déclinés sur la planète, dont l’impulsion découle du sommet Hydrogen Council, qui a réuni à Davos, en janvier 2017, treize PDG d’entreprises telles que Air Liquide, Alstom, Anglo American, BMW Group, Daimler, Engie, Honda, Hyundai, Kawasaki, Royal Dutch Shell, The Linde Group, Total et Toyota.
Certains membres de France Hydrogène, sur le site de
l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustibles
(ancêtre de France Hydrogène jusqu’à fin 2020).
C’est probablement la raison pour laquelle, dans aucun des plans
hydrogène actuellement lancés par les pouvoirs publics ne figure l’idée
de réduire la production pétrochimique ou le volume des transports pour
faire décroître les émissions de CO2. L’enjeu semble plutôt, comme l’écrit le FCH-JU, un partenariat public privé missionné par la Commission européenne pour son plan hydrogène, de « créer
pour les compagnies pétrolières, gazières et pour les équipementiers un
marché de 130 milliards d’euros à l’horizon 2030, et de 820 milliards à
l’horizon 2050 » [10]. Des préoccupations davantage économiques qu’écologiques.
Les scientifiques alertent sur le désastre environnemental qui
s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée,
et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce
bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons
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[2] Le gaz hydrogène, ou hydrogène dans le langage courant, est chimiquement du dihydrogène, de formule H2. Dans cet article, « hydrogène » signifie « dihydrogène » (H2).
[3] Selon la Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 2024-2028, Ministère de la transition écologique, p. 323. Qui cite « Évaluation prospective de la qualité de l’air à l’horizon 2020 en Île-de-France », Airparif, septembre 2017.
[4] Les hydrocarbures sont issus de la combinaison d’atomes de carbone et d’hydrogène. Ainsi, le méthane (CH4), constituant principal du gaz naturel.
[6] Par exemple de la potasse caustique pour la technologie alcaline, la plus courante ; du platine et de l’iridium pour la technologie PEM à membrane polymère.
[7] Selon Wikipedia, « le terme “hydrogène vert” ou “hydrogène propre” désigne le dihydrogène produit à partir d’énergie renouvelable par le processus d’électrolyse. On le distingue de “l’hydrogène gris”, produit à partir par vaporeformage du méthane, de “l’hydrogène noir”, produit à partir de source fossile ou d’électricité en découlant ou encore de “l’hydrogène jaune”, produit à partir d’énergie nucléaire ».