Une voiture électrique en charge © Martin Pickard/Getty Images |
Les voitures électriques
roulent encore
sur les droits humains
Publié le 03.12.2018.
Des
milliers d'amateurs de voitures vont se rendre dans le sud de la
Californie ce week-end pour le début du Salon de l'auto de Los Angeles.
Cependant, le faste des voitures exposées masque une réalité plus
sombre.
Les
véhicules électriques sont en vedette au salon de cette année, avec des
dizaines de modèles exposés. Les constructeurs affichent leurs
dernières technologies, mais ne déploient pas les mêmes efforts pour
éliminer les abus dans leurs chaînes d'approvisionnement.
L'industrie n'arrive toujours pas à s'approvisionner de manière responsable en cobalt, un élément essentiel pour ses batteries.
Plus de la moitié du cobalt – composant essentiel des batteries lithium-ion – extrait à travers le monde provient de la République démocratique du Congo (RDC).
En
2016, nous avons dévoilé que le minerai y était extrait à la main, par
des enfants et des adultes, dans des conditions dangereuses et abusives,
parfois dans des tunnels creusés profondément sous la terre.
Les
clients soucieux de l'environnement ont le droit de savoir si leurs
nouvelles voitures sont aussi éthiques que le prétendent les publicités.
Daimler, Renault,
Volkswagen, General Motors, Tesla, BMW et Fiat-Chrysler sont les six
principaux constructeurs qui présenteront des voitures électriques au
cours des deux prochaines semaines.
Malgré certains
progrès en 2018, aucune de ces entreprises n'ont pris les mesures
nécessaires pour que leurs clients potentiels puissent s’assurer du
caractère éthique de leurs chaînes d'approvisionnement en cobalt.
En
novembre 2017, nous avons évalué les pratiques des entreprises en
matière d'approvisionnement en cobalt. Nous avions montré que, par
rapport à d'autres secteurs, les constructeurs de véhicules électriques
tardaient à adopter de bonnes pratiques pour l’élaboration de leurs batteries.
Lors
d'une visite récente dans la ville minière de Kolwezi (sud de la RDC),
un de nos chercheurs a constaté une augmentation significative de
l'exploitation à petite échelle du cobalt l’an passé, alors que les
cours du cobalt ont enregistré une forte hausse en réponse à
l’augmentation de la demande des consommateurs.
Les abus
ne sont pas inévitables dans les mines artisanales et le gouvernement de
la RDC a promis de prendre des mesures pour mieux réglementer cette
activité et éliminer le travail des enfants d'ici 2025.
Cependant,
l'expansion rapide du secteur signifie que les entreprises doivent plus
que jamais assurer la traçabilité du cobalt qu’elles utilisent, et
pouvoir démontrer qu'il n'a pas été extrait dans des conditions
dangereuses.
Lire aussi : La face sombre de la technologie verte
Manquements des géants de l’industrie
En
octobre, nous avons écrit à sept grands constructeurs de véhicules
électriques pour demander si leurs contrôles en matière de droits
humains étaient adéquats : Daimler, Groupe Renault, Volkswagen, General
Motors, Tesla, BMW et Fiat-Chrysler Automobiles NV. Au total, six ont
répondu.
Tesla n’a fourni aucune réponse.
En
vertu des principes directeurs de l’OCDE, les entreprises qui utilisent
du cobalt extrait en RDC doivent être en mesure d'identifier les
sociétés qui fondent et raffinent leur minerai. Elles doivent ensuite
rendre publiques leurs évaluations des pratiques de diligence
raisonnable des fonderies et des raffineries. Si elles ne sont pas en
mesure de le faire, il n'y a aucun moyen de s'assurer que leur cobalt
est éthique.
Seules deux des entreprises ont fourni des
informations détaillées sur leurs sources de cobalt : BMW a identifié
ses fonderies ou raffineries et Renault a désigné ses fournisseurs.
Les
entreprises qui ont répondu déclaraient avoir renforcé leurs politiques
au sein de leurs chaînes d'approvisionnement, et exigé davantage
d'audits, mais aucune n'avait pris la mesure cruciale consistant à
publier une évaluation de la diligence requise en matière de respect des
droits humains chez les fournisseurs.
Lire aussi : Nos voitures construites par le travail d'enfants
Quelques signes de progrès
Volkswagen
affirme avoir renforcé ses règles appelant à une « transparence
maximale » entre fournisseurs. Daimler s'est efforcé d'améliorer la
transparence des chaînes d'approvisionnement lors de l'attribution de
nouveaux contrats à des fournisseurs, mais aucune des deux entreprises
n'a encore donné les noms de ses fonderies et raffineries.
Plusieurs
entreprises ont déclaré avoir rejoint les initiatives de l'industrie
pour la coopération sur les chaînes d'approvisionnement en cobalt.
Bien
que ces efforts soient les bienvenus, ils ne suffisent pas à eux seuls.
Les entreprises doivent également assumer la responsabilité
individuelle de l’assainissement de leurs chaînes d'approvisionnement.
D'autres
entreprises ont déclaré qu'elles finançaient des projets pilotes
destinés à collecter des données relatives aux accidents sur le lieu de
travail, à la production, au travail des enfants et aux conditions
sociales. Il est encore trop tôt pour savoir si ces initiatives auront
un impact.
Les initiatives visant à éliminer le travail
des enfants et à garantir que tous les travailleurs sont en sécurité et
bien payés sont les bienvenues.
Cependant, les
entreprises peuvent et doivent faire plus. Elles doivent assumer la
responsabilité de leurs chaînes d'approvisionnement et prendre les
mesures correctives qui s’imposent si des atteintes aux droits humains
se sont produites à un moment quelconque. Rien ne saurait excuser
qu’elles n’investissent pas du temps et des ressources pour révéler ce
qui alimente réellement leurs véhicules.
Au moment où la
demande de voitures électriques augmente, les constructeurs du salon de
cette année ont tout intérêt à prouver qu'ils ne profitent pas des
atteintes aux droits humains. Ils doivent la vérité à leurs clients – et
aux mineurs qui souffrent pour fabriquer leurs produits.
Source : https://www.amnesty.fr/responsabilite-des-entreprises/actualites/les-voitures-electriques-roulent-encore-sur-les-droits
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