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mercredi 1 mai 2024

Dans les Pyrénées-Orientales, on n’a pas d’eau mais on a des camions-citernes pour remplir les piscines

Dans les Pyrénées-Orientales, 

on n’a pas d’eau 

mais on a des camions-citernes 

pour remplir les piscines

 

Dans le département soumis à des restrictions d’usage de l’eau depuis deux ans, des bassins privés sont alimentés par de l’eau acheminée depuis les départements voisins ou l’Espagne. Une pratique qui interroge sur le plan environnemental car elle génère des émissions de CO2, et sur le partage de l’effort demandé aux habitants.

A Montescot dans les Pyrénées-Orientales, en juillet 2023. (Jc Milhet/Hans Lucas.AFP)

Par Margaux Lacroux 

27 avril 2024

 

Dans les Pyrénées-Orientales, l’intérêt pour les piscines individuelles enterrées ne tarit pas. «Actuellement, on en pose trois par semaine, il n’y a vraiment aucun problème, assure un pisciniste installé là-bas. On cherche, et on trouve toujours des solutions.» Pourtant, le département le plus sec de France est soumis à des restrictions d’eau en continu depuis deux ans. Depuis mai 2023, l’installation de piscines hors sol est interdite, tout comme le remplissage et la remise à niveau de l’ensemble des piscines privées. Ce durcissement a été dénoncé par les professionnels du secteur, qui jouissaient jusque-là d’un boom post-Covid. Les Pyrénées-Orientales, réputées pour son ensoleillement, comptent déjà 27 000 piscines et, en temps normal, 800 sont construites chaque année. Mais les vendeurs de bassins se sont vite adaptés aux nouvelles règles du jeu.

Parmi six importants piscinistes avec lesquels Libération a échangé à Perpignan et ses environs, cinq pratiquent une solution imparable pour contourner la réglementation : le transport d’eau en camion-citerne. « Beaucoup le font » dans le département, appuie l’un d’entre eux. « Les citernes servent à ne pas décaler les chantiers, ça nous permet de continuer de travailler », explique un autre. « Tous nos bassins sont actuellement remplis de cette manière, sinon on ne pourrait pas remplir », confirme un troisième.

Bien sûr, la construction de piscines n’est en soi pas interdite dans le département, même si l’implantation d’un nouveau bassin est soumise à l’autorisation des maires. C’est bien l’interdiction administrative de remplissage par la préfecture qui pose problème aux particuliers. Du moins en théorie. « Quand on installe une piscine, le client n’a pas le droit d’utiliser l’eau de ville ou issue d’un forage, détaille un pisciniste. On est obligé d’acheter et d’acheminer de l’eau. » Un autre détaille : « On a des prestataires. On fait livrer de l’eau depuis des départements qui ne sont pas soumis à des restrictions. Du coup, vous faites ça en toute légalité. »
 
Interrogée par Libération, la préfecture acquiesce : « La vente d’eau depuis d’autres départements n’est pas couverte par l’arrêté préfectoral, ces pratiques sont donc légales. » Une faille de taille. Egalement sollicitée, la branche régionale pour l’Occitanie de la fédération d’associations France Nature Environnement doute cependant que ce stratagème soit tout à fait légal, rappelant que seul un juge pourrait le confirmer.
 
Dans tous les cas, le service proposé est onéreux. L’eau venant de plus loin, avec conducteur et frais d’essence, « il faut compter entre 300 et 500 euros en plus pour le remplissage », précise un des piscinistes. Un ordre de prix avancé par tous nos interlocuteurs ; et un surplus acceptable quand on prévoit déjà de débourser 25 000 euros, prix moyen d’une piscine en France. « Entre payer des mètres cubes un peu plus cher mais être dans la légalité ou risquer 1 500 euros d’amende en puisant de l’eau chez vous, c’est vous qui jugez ce que vous voulez faire », propose encore un autre.
 
En cas de remplissage via un camion-citerne, une facture attestera que l’eau n’est pas celle du département, promet-il, comme ses collègues. Mais certains de ses confrères préfèrent rester évasifs concernant la provenance exacte de l’eau. Un transporteur raconte cependant à Libération avoir fait un devis pour en acheminer depuis l’Auvergne pour le compte d’un pisciniste, qui n’a finalement pas donné suite.
 
Seul un des professionnels interrogés fournit une information limpide sur l’origine de l’or bleu. Dans ce cas, il ne provient même pas de France mais de chez nos voisins ibériques. « On va chercher l’eau en Espagne avec des camions-citernes, affirmait-il début avril. On est à côté et c’est moins cher, on en profite. » Contrairement à la majorité de ses confrères, il propose un acheminement clé en main. Pas besoin de contacter un transporteur, il s’occupe de tout.
 
Interrogé sur ces pratiques, Stéphane Figueroa, président de la Fédération des professionnels de la piscine (FPP), reconnaît qu’elles ont cours, tout en relativisant leur ampleur. « Oui ça s’est fait mais ça n’est pas quelque chose de très répandu. Certains le font encore parce qu’ils se sont aperçus que c’est une facilité d’avoir son camion-citerne et de remplir », explique-t-il, avant d’ajouter que « de l’eau est venue de l’étranger aussi ». De l’eau provient-elle encore d’Espagne malgré des restrictions qui se sont encore durcies mi-avril en Catalogne ? « Ça s’est arrêté », assure Stéphane Figueroa.
 
Cette pratique interroge sur le plan environnemental car elle génère des émissions de CO2 supplémentaires. Elle questionne aussi sur le partage de l’effort demandé aux habitants. « C’est toujours des restrictions pour les uns et des permissions pour ceux qui peuvent se le payer », regrette ainsi le maire communiste d’Elne, Nicolas Garcia. En mai 2023, il a pris un arrêté municipal pour aller plus loin que la décision préfectorale, en gelant toutes les constructions de piscines dans sa commune, une mesure qu’il est le seul à appliquer dans le département. Auparavant, il recevait une trentaine de demandes de construction par an.
 
« J’interdis les nouvelles piscines pour que tout le monde contribue à l’effort, développe-t-il. Je sais bien que, pour ceux qui ont les moyens, une piscine avec un système de filtration et une bâche antiévaporation permet d’avoir un bassin très économe en eau une fois qu’il est rempli. Mais il y a une dimension éthique. Tout le monde fait des sacrifices, je ne peux pas demander à des gens de ne plus planter les tomates dont ils ont besoin et permettre aux autres de barboter dans des piscines. On doit veiller au vivre ensemble. » Malgré l’arrêté municipal, qu’il va renouveler pour la deuxième année consécutive, le maire assure avoir été récemment interpellé par des habitants qui voulaient recourir à des camions-citernes. Il affirme avoir refusé leur demande.
 
« Interdire les piscines n’est pas la bonne solution. Les gens en construiront même sans autorisation. La France est le pays européen avec le plus de piscines, 60 000 sont construites les années normales. C’est quelque chose qui plaît », rétorque Stéphane Figueroa. Les chiffres, en baisse en 2023, restent il est vrai supérieurs à la période précédant le Covid. « L’activité est porteuse. Même dans les Pyrénées-Orientales, le département le plus touché par la sécheresse, ça a été plus difficile mais on a continué à travailler », ajoute-t-il. Lui-même implanté dans le département, il n’est pas inquiet pour l’avenir et n’a eu à licencier aucun de ses employés malgré les restrictions.
 
La filière cherche cependant à faire des économies d’or bleu et cherche des sources alternatives telles que l’eau recyclée des stations de lavage et de piscines municipales, promet-il. « Même si on consomme peu d’eau, on sait que c’est de l’eau qui se voit, et qui peut servir pour autre chose. On ne s’en fiche pas », poursuit-il, en mentionnant un spot télévisé qui vise à « éduquer l’utilisateur » pour éviter qu’il ne vide et remplisse son bassin tous les ans. Il rappelle que, dans les Pyrénées-Orientales, les particuliers ont désormais obligation de couvrir les piscines avec des bâches pour éviter l’évaporation. 
 
Mais dans un département qui s’apprête à vivre son troisième été de sécheresse, il n’est pas certain que cela sera suffisant.

 

Source : https://www.liberation.fr/environnement/dans-les-pyrenees-orientales-on-na-pas-deau-mais-on-a-des-camions-citernes-pour-remplir-les-piscines-20240427_JVDHNKAF5FBBRG37YXLEGY2PFI/?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTEAAR2Ymg0CC16Obb8lgiHwmSuG4-x3h13QUqUvzT1Bb3bBjwaXFvcNi4ZHRR0_aem_AdlBUbQ85sb7x8_BYfrQUBzOywVdvcUaEX7e2Owo943N34Tub7MkzvwYsBo3F5OzV6TssfYHzgn_-MbtN7FJ4Eb3

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