Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

jeudi 5 janvier 2023

SNCF : à elle de redécouvrir le service public

 

SNCF : 

à elle de redécouvrir 

le service public

 
 
Jacques Littauer ·

Vous vous souvenez des pubs de la SNCF « À nous de vous faire préférer le train » ? À force d'emprunter depuis des années les règles du jeu du secteur privé, la SNCF a surtout réussi à dégoûter les plus modestes des voyageurs, obligés de se tourner vers le covoiturage ou les « cars Macron ». Et là, révélation en pleine crise sanitaire, les têtes pensantes du transport ferroviaire public voudraient mettre en place la tarification plafonnée. La SNCF en voie de privatisation serait-elle en train de virer bolchévique ?

Nous nous arrachons tous les cheveux devant les tarifs fous de la SNCF. Aller voir les grands-parents, quand on est une famille de 4 personnes, revient beaucoup moins cher en voiture qu’en train, ce qui est une aberration écologique. Mais, pire encore, on ne sait jamais combien on va payer.

La cause de cette situation ? La recherche du pognon maximum. Jusque dans les années 1970, le prix d’un billet était strictement proportionnel à la distance parcourue – hormis week-ends, vacances et jours fériés (c’étaient les zones bleues, blanches et rouges). Puis des exceptions ont été introduites, notamment pour les TGV : les plus anciens se souviennent des « résa 1 » à « résa 4 », qui faisaient sérieusement grimper l’addition le lundi matin et le vendredi soir.

La logique est simple : faire cracher au bassinet ceux qui peuvent payer un max, notamment les boîtes, qui achetaient les billets de TVG de leurs cadres. Mais, grâce à la merveille de l’informatique, la SNCF a eu l’idée géniale de copier le système utilisé depuis longtemps par les compagnies aériennes.

 

Tout pour le rendement

Ce système a un nom scientifique : le « yield management ». Comme d’habitude, afin d’éviter que l’on comprenne de quoi on parle, ni les managers, ni les journalistes, ni les universitaires ne traduisent ce terme, qui signifie pourtant une chose très simple, la « gestion du rendement », ou « tarification en temps réel », c’est-à-dire, en bon français, « le pressurage maximum du brave couillon ».

Il s’agit, grâce à des algorithmes, de s’assurer de deux choses. Un : que le plus grand nombre possible de sièges soit rempli. Deux : que chaque personne paye un max. C’est pour cela que, si vous achetez un billet à la dernière minute, c’est plus cher. Mais ces chenapans de logiciels sont beaucoup plus futés que ça : ils sont capables de proposer des prix très bas longtemps à l’avance, pour vous donner envie d’acheter. Mais, à mesure que le train se remplit, les prix augmentent, et de plus en plus vite. De plus, le logiciel a, bien sûr, dans sa petite tête mal faite, l’historique des achats sur toutes les lignes depuis la machine à vapeur, et donc il connaît le profil statistique des réservations suivant le jour de la semaine, le moment de l’année, etc. Bref, vous n’avez aucune chance.

Les personnes qui font ce sale boulot sont nommées « Yielders » (beurk). Par exemple, lorsqu’un train se vend bien, elles… suppriment des places réservées au TGV Max, l’abonnement illimité pour les jeunes. Fallait pas être jeune !

Le service public ? Connais pas

Évidemment, la SNCF n’a jamais fait de campagne de pub là-dessus. Car la gestion au rendement s’oppose à un principe de base du service public : le même tarif pour tous. Bien sûr, ce principe n’a jamais été entièrement respecté, sinon il n’y aurait pas deux classes (et même trois, jusqu’en 1956), mais une seule. Mais, jusque dans les années 1980, hors TGV, les apparences étaient sauves.

Là, ce n’est plus le cas : si le prix augmente lorsque l’on se rapproche de la date, c’est, littéralement, pour exclure les moins fortunés. Une attitude à l’opposé même du service public, qui a pour conséquence que les (nombreuses) personnes modestes ne regardent même plus le prix du train et voyagent uniquement en car ou grâce au covoiturage – quand elles peuvent voyager.

Avec la pandémie, la direction de la SNCF a ainsi eu une idée révolutionnaire : et si le prix des billets était plafonné, ça serait pas un peu sympa, ça ?

Son PDG, Jean-Pierre Farandou, s’est ainsi déclaré, dans sa plus belle novlangue, « assez favorable à une espèce de prix psychologique maximal ».

En fait, c’est déjà le cas. Il existe, en effet, pour la seconde classe seulement, un « tarif réglementé » (comme pour le gaz, l’électricité, etc.). Le billet de seconde classe le plus cher ne peut être supérieur à 1,5 fois ce tarif. Ainsi, par exemple, pour un trajet en TGV Paris-Strasbourg, le prix le plus élevé possible est de 107 euros, 97 euros pour Paris-Lyon, et 132 euros pour Paris-Nice.

La stabilité, c’est bon

Ce que les cadres de la SNCF sortis des écoles de commerce ne voient pas, c’est que la stabilité des prix est non seulement une question de justice sociale, mais aussi d’efficacité économique, car elle permet le calcul, et donc la prise de décision.

Est-ce qu’ils aimeraient que leur salaire varie du simple au double selon l’ampleur du trafic ? Est-ce qu’ils apprécieraient que la boulangère mette aux enchères la dernière baguette qu’il lui reste, quand ils entrent dans sa boutique en même temps que deux autres personnes, à 19 heures ?

Non, évidemment. En fait, même au sein de notre économie capitaliste, de très nombreux prix sont fixés. C’est le cas des timbres, du Smic, des amendes, ou encore du taux d’intérêt, fixé par la Banque centrale. C’est pourquoi le prix du gel antialcoolique, mais aussi de bien d’autres produits de première nécessité, à commencer par les protections périodiques pour les femmes, devraient être fixés. Et, dans un monde normal et non totalement injuste, ces produits seraient même gratuits.

Voilà un programme sympa pour 2022 : fixer des prix, mini et maxi, pour tout un tas de biens et services, comme, par exemple, les services bancaires. Ou, déjà, nous rendre nos bons vieux services publics, avec des trains Corail aux fauteuils si larges qu’on pouvait galocher les copines en toute discrétion quand on partait en colo. (Oh mince, j’oubliais : cela n’a bien sûr rien à voir, mais le PDG de la SNCF gagne 450 000 euros par an, pensez-y quand vous achèterez votre prochain billet). ●

 

Source : https://charliehebdo.fr/2020/12/economie/sncf-a-elle-de-redecouvrir-le-service-public/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire