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jeudi 26 janvier 2023

Chine : la science en dictature

 

Chine : 

la science en dictature

 

Depuis plusieurs années, la Chine se hisse en haut du podium des nations publiant le plus grand nombre d’études scientifiques dans les revues spécialisées. La recherche y est pourtant émaillée de scandales à répétition, en raison de règles de déontologie en décalage avec les normes internationales.

 

Fin 2018, le chercheur chinois He Jiankui annonce la naissance par fécondation in vitro de jumelles génétiquement modifiées, Lulu et Nana, grâce à une récente technologie de ciseaux moléculaires, Crispr. L’expérience tourne au cauchemar : en voulant conférer à Lulu et Nana une immunité naturelle contre le virus du sida dès le stade embryon­naire, Jiankui introduit des modifications incontrôlables dans leur ADN. Quelques mois plus tard, une équipe scientifique chinoise clone cinq singes à partir d’un spécimen génétiquement modifié, afin de les rendre malades. En mars 2019, le Pékin National Science Review rapporte l’implantation d’un gène du cerveau humain chez 11 macaques ­rhésus, qui finissent par obtenir de meilleurs résultats aux tests de ­mémoire. À chaque fois, ces faits divers suscitent un tollé sur la scène internationale, sensible aux limites des recherches sur les embryons humains ou à la cause animale.

Pourtant, la contribution chinoise aux sciences et aux technologies est loin d’être marginale. En portant la part de son PIB consacrée à la recherche de 0,6 % à 2,4 % entre 1996 et 2022, le pays a rattrapé son retard dans presque tous les domaines. La Chine lance désormais presque autant de satellites dans l’espace que son concurrent américain. Elle excelle dans les secteurs de la bio-ingénierie, de l’intelligence artificielle, de la chimie et de la science des matériaux, des mathématiques ou encore des sciences agricoles. Selon le dernier index de Nature, publié en juin 2022, la Chine est même à touche-touche avec les États-Unis pour ce qui est du nombre de publications dans les 82 revues les plus réputées du monde académique.

Une surreprésentation de la fraude

D’autres chiffres assombrissent le tableau. En 2019, la même revue Nature montrait une surreprésentation de la Chine en termes de fraudes, de plagiats ou d’entorses à l’éthique. La part d’articles publiés puis retirés de la circulation est trois fois supérieure à celle que l’on pourrait attendre du pays, au regard de sa production scientifique. En février 2019, une équipe australienne réclamait ainsi le retrait de 400 études chinoises utilisant les données de dizaines de milliers de transplantations d’organes prélevés sans consentement sur… des condamnés à mort. En 2017, 107 articles chinois ont été retirés de Tumor Biology – un record pour une seule revue – pour avoir manipulé ce qui constitue le fondement de la méthode scientifique : l’évaluation et la validation des travaux par les pairs. Il arrive en effet que les revues demandent aux auteurs de suggérer eux-mêmes des spécialistes chargés d’évaluer leur manuscrit. Il suffit alors aux savants de glisser le nom de leurs collègues ou des étudiants dont ils assurent la supervision, voire, dans les cas les plus extrêmes, d’usurper celui d’experts « réels » en y associant une fausse adresse e-mail, pour se retrouver à évaluer leurs propres recherches…

« La Chine entre dans la science par le mauvais bout, avec une course à la publication », estime Olivier Le Gall, président du Conseil français de l’intégrité scientifique (CoFIS), qui déplore une forme d’industrialisation de la fraude scientifique. Notamment, le recours à des paper mills (« moulins à papier »), des sociétés anonymes chargées de rédiger, pour des chercheurs en mal de publication, des articles scientifiques factices. « Certains médecins chinois n’ont ni le temps ni l’argent pour faire de la recherche, mais ont besoin de publications pour faire avancer leur carrière », raconte Boris Barbour, neuroscientifique à l’École normale supérieure (ENS) et administrateur de la plateforme PubPeer, qui permet à la communauté de signaler des soupçons de fraude sur des études déjà publiées. D’autres systèmes proposent de vendre des citations d’articles totalement bidon, afin d’accroître sa visibilité. Résultat : un décalage particulièrement marqué entre le nombre colossal de publications et de citations dont bénéficient certains laboratoires chinois, et leur réputation et influence réelle au sein de la communauté internationale. Face aux scandales à répétition, la Chine multiplie les initiatives pour gagner en respectabilité. Dans l’affaire des « bébés Crispr », le Parti communiste a d’abord procédé à ce qu’il sait faire de mieux, à savoir mettre Jiankui sous les verrous, avant d’annoncer la création d’un comité chargé de coordonner « un système de gouvernance éthique complet et cohérent pour la science et la technologie », d’après Nature. En avril dernier, le Conseil des affaires de l’État chinois publiait une directive inédite appelant les agences de financement, les institutions et les industries à améliorer les formations des chercheurs sur les questions d’éthique et à punir les contrevenants.

 

« Construire une véritable tradition scientifique prend du temps », prévient Boris Barbour. D’autant que la Chine se retrouve face à des choix cornéliens. Lutter contre les fraudes est indispensable pour la réputation de ses universités, qu’elle souhaite ériger en références internationales d’ici à 2050. Au risque de mettre en lumière des pratiques courantes en Chine, mais répréhensibles dans la recherche occidentale, comme l’autoplagiat, c’est-à-dire la publication du même contenu dans plusieurs revues scientifiques en changeant quelques mots par-ci par-là. « Est-ce que c’est si grave ? s’interroge Olivier Le Gall. Il existe en réalité de nombreuses normes spécifiques propres à chaque discipline : l’enjeu pour les chercheurs est de savoir dépasser ces différences culturelles. »

Soupçons d’influence

Mais comment construire des relations de confiance quand on soupçonne une influence du régime chinois, opaque et autoritaire, sur la façon de faire de la science ? En octobre 2021, le ministère chargé de la Science et de la Technologie publiait par exemple un ensemble de « spécifications éthiques de l’intelligence artificielle de nouvelle génération », afin de s’assurer que ces outils restent sous le contrôle permanent de l’homme, servent à améliorer la condition humaine et protègent les données privées. Un comble pour le pays de la reconnaissance faciale et de la surveillance numérique, qui entend noter ses habitants sur tous les aspects de la vie quotidienne. En août dernier, la revue Science revenait sur une série d’articles publiés par des chercheurs des plus grandes institutions scientifiques de Chine, tentant de démontrer que le Covid n’a pas débuté à l’intérieur des frontières chinoises, en dépit des évidences scientifiques. « On imagine bien qu’il existe une forte pression de l’État chinois, mais dans la grande masse de la production scientifique, cela reste assez négligeable », tempère Boris Barbour. Olivier Le Gall, lui, se souvient de ses rencontres avec des chefs de laboratoire chinois pendant lesquelles un représentant du Parti communiste n’était jamais très loin…

On l’a vu pendant la crise du Covid, des mauvais comportements, même isolés, sur fond d’intérêts politiques peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la défiance du grand public vis-à-vis de l’émergence et de l’adoption collective de vérités scientifiques. Une refonte des rapports de force sur la scène internationale en faveur de la Chine n’aidera pas à lever la confusion entre la méthode scientifique et les femmes et les hommes qui la font vivre.

Source : https://charliehebdo.fr/2023/01/sciences/chine-la-science-en-dictature/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=NEWS_QUOT_-_LARTICLE_OFFERT_-_190123_-_NON_ABONNES&utm_medium=email

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