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mercredi 18 janvier 2023

Implants Essure : un sinistre sanitaire national

Implants Essure : 

un sinistre sanitaire national

 


 

Mélanie Déchalotte 


Empoisonnées par les implants de stérilisation Essure, puis méprisées par les responsables de ce désastre sanitaire, des victimes se sont groupées pour assigner le laboratoire Bayer, l’État ainsi que certains médecins et hôpitaux devant les tribunaux. Par ailleurs, lundi 16 janvier sera rendu le jugement concernant une centaine de plaintes pour préjudice d’anxiété déposées contre Bayer.
 
Commercialisés dès 2002 par la société californienne Conceptus, les implants Essure apparaissaient comme l’avenir de la contraception féminine définitive. Cette nouvelle méthode consistait à placer, par hystéro­scopie (tube introduit par les voies naturelles), deux minuscules spirales à l’entrée des trompes utérines pour barrer la route aux spermatozoïdes – donc sans le risque d’une cœlioscopie (examen pratiqué au moyen d’une incision de l’abdomen) et d’une anesthésie générale. Remboursée par l’Assurance maladie dès 2005 (700 euros la boîte de deux implants et 600 euros la pose), la méthode est si rentable qu’elle devance, jusqu’en 2016, les méthodes plus classiques de ligature des trompes.
 
Séduit par le succès mondial d’Essure, le géant pharmaceutique Bayer acquiert Conceptus en juin 2013. Or, dès 2010, aux États-Unis, puis dans plusieurs pays européens – dont la France –, des femmes témoignent du calvaire qu’elles endurent. « Si certains maux concernent la sphère gynécologique (douleurs pelviennes et urinaires, règles hémorragiques, endométriose interne), la plupart sont extra-gynécologiques : douleurs musculaires et articulaires, maux de tête, troubles de la mémoire, du langage, de la mobilité, maladies cutanées, pertes de cheveux, de dents, etc. », explique Brigitte Marty, présidente de l’association Victim-DMI (pour « dispositifs médicaux implantables »), qui regroupe notamment des victimes d’Essure.
 
Face à des signalements en forte augmentation et à plus d’une quinzaine de milliers d’incidents non signalés par le fabricant, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) consent à ouvrir un peu la paupière : le dispositif est placé sous surveillance renforcée en 2015. Résultat : les complications signalées « relèvent de la pose et non du dispositif lui-même », prétend le ministère de la Santé, en décembre 2016. Mais au même moment, la Food and Drug Administration (FDA) (Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux)  appose une « black box » sur le produit : un avertissement sur les risques d’effets secondaires. Les ventes s’écroulent, le nombre de signalements explose.
En avril 2017, l’ANSM annonce avec tambour et trompette la création d’un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST). Au cours du même mois, l’Agence reçoit une expertise alarmante sur le risque de corrosion du dispositif Essure et sur ses conséquences sur la santé des femmes. Dans son analyse, l’ANSM choisit d’écarter ce rapport embarrassant et rend ses conclusions : la balance bénéfices-risques de l’implant est toujours « favo­rable » et « de nouvelles conditions en termes de réglementation ne sont pas nécessaires ». Circulez, y a rien à voir.
 
Mais nouvel affront pour l’agence française : le 3 août 2017, soit moins de quatre mois plus tard, l’organisme irlandais qui doit garantir la conformité du produit dans l’UE suspend le marquage CE des implants Essure. Dès le lendemain, l’ANSM, qui doit sauver la face, demande aux médecins de ne plus poser ce dispositif. Enfin, en septembre 2017, Bayer stoppe la commercialisation d’Essure en France (et aux États-Unis, l’année suivante) : « une décision qui n’est pas liée à des problèmes de sécurité ou de qualité du produit », précise la firme. Le laboratoire, qui a senti le vent tourner, tente d’étouffer l’incendie judiciaire qui s’annonce de part et d’autre de l’Atlantique. En août 2020, Bayer a ainsi déboursé 1,6 milliard de dollars pour apaiser la majorité des 39 000 plaintes américaines.

Dans le monde, 1 million de ces spirales ont été commercialisées et implantées à des femmes. En France, sur les quelque 200 000 femmes porteuses d’Essure, 30 071 ont dû subir une ablation des trompes (et parfois de l’utérus) pour explanter le dispositif – sans garantie de guérison. Si, après l’explantation, la plupart des femmes recouvrent la santé, pourquoi certaines continuent-elles de souffrir ?
 
Plusieurs études révèlent la présence, dans les tissus utérins des victimes, de nombreuses particules d’étain, de fer, de chrome, de nickel et de platine… preuves d’une dégradation des implants. Les prochains résultats (imminents) d’une nouvelle étude scientifique confirmeraient l’hypothèse d’une intoxication généralisée par le cocktail de métaux présents dans le dispositif Essure.
 
Afin de faire reconnaître la défectuosité des implants et la non-information des patientes sur ses effets secondaires, l’association Réseau d’entraide, de soutien et d’informations sur la stérilisation tubaire (Resist) a engagé, en mars 2018, une action de groupe contre Bayer auprès du tribunal judiciaire de Paris. Mais, le 11 mai 2022, l’action de groupe a été jugée irrecevable : « L’hétérogénéité des cas a fait obstacle : trop de symptômes différents chez les plaignantes », explique Émilie Gillier, présidente de Resist. Par ailleurs, dans quelques jours, le tribunal judiciaire de Paris rendra son jugement concernant 132 plaintes individuelles assignant le laboratoire Bayer au titre du préjudice d’anxiété (l’exposition à des substances nocives ou toxiques génère une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclarer à tout moment une maladie).

Quant aux quelque 70 plaintes contre X, déposées en avril 2019, « pour blessures involontaires, mise en danger, voire tromperie aggravée », elles semblent, pour l’heure, perdues dans les limbes du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris.
 
Évidemment, les autorités sanitaires françaises sont aussi ciblées par les plaignantes. Une centaine de plaintes ont été regroupées au tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis). « Malgré le rapport français escamoté en 2017, ainsi que deux études de Conceptus, datées de 2002 et 2004, qui montraient la corrosion du dispositif, l’ANSM n’a pas exercé ses pouvoirs de police sanitaire, dénonce Me Stéphen Duval, du cabinet lyonnais Lyris. Par ailleurs, Bayer, qui n’est pas directement visé, s’est immiscé dans la procédure en déposant une montagne de rapports qui visent à noyer le débat. » Le laboratoire vole au secours de son généreux protecteur, dernier rempart avant sa mise en accusation directe.
 
Du côté de la voie indemnitaire, les procédures achoppent sur la reconnaissance scientifique du lien d’imputabilité entre les taux anormaux de métaux dans le corps des femmes et les divers symptômes qu’elles présentent. « Bien qu’un florilège de publications le confirme, ces études sont récusées au prétexte que leurs cohortes sont insuffisantes », indique Stéphen Duval. Les autorités de santé ont promis une étude nationale. Mais le projet (visant surtout à enfumer les victimes) semble être tombé dans les oubliettes du ministère de la Santé.
 
Les procédures au civil s’attaquent donc aux gynécologues : mauvaises pratiques, défaut d’information, non-prise en charge de la douleur… Certaines femmes ont été multi-­implantées (pose de trois à six implants, ayant parfois migré et perforé des organes), d’autres ignoraient que l’explantation (au succès incertain) impliquait une ablation d’organes. En France, 51 femmes sont décédées des suites de cette opération entre 2006 et 2018. « Durant la procédure civile, les victimes sont face à des experts, chirurgiens gynécologues, qui ont eux-mêmes posé des Essure. Ce sont parfois des chefs de service hospitalier qui ont reçu de généreux subsides de Bayer », pointe l’avocat Stéphen Duval. Les indemnités versées aux plaignantes, de 5 000 à 45 000 euros, paraissent bien chiches au regard de ces vies dévastées. « L’ablation des trompes seules ou celle des trompes et de l’utérus sont indemnisées à l’identique. Pire : certains experts estiment qu’il n’y a aucun préjudice puisque la patiente voulait une stérilisation », constate Me Duval.
 
« Aujourd’hui, le grand responsable, c’est l’État, confie Brigitte Marty, de Victim-DMI. Malgré les alertes aux autorités de santé, nos courriers aux plus hautes instances du gouvernement et une mobilisation de nombreux députés dès 2018, les victimes ne sont ni reconnues, ni soignées, ni indemnisées. Et surtout, l’État refuse d’avertir toutes les femmes qui ont été implantées. »
 
Encore aujourd’hui, nombreuses sont celles qui, faute d’infor­mation, n’ont pas fait le lien entre leurs implants Essure et la dégradation de leur état de santé. Des victimes à qui les médecins continuent de dire qu’elles n’acceptent pas la ménopause, qu’elles sont dépressives et que leurs douleurs sont « dans la tête ». 

 

Source : https://charliehebdo.fr/2023/01/sciences/sante/implants-essure-un-sinistre-sanitaire-national/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=NEWS%20QUOT%20-%20LARTICLE%20OFFERT%20-%20050123%20-%20NON%20ABONNES&utm_medium=email

 

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