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jeudi 19 janvier 2023

Procès des militants anti-bassines de Niort, la désobéissance civile condamnée

 


Procès des militants 

anti-bassines de Niort, 

la désobéissance civile 

condamnée

 

  Clara Menais 

08.01.2023 

 

Cinq militants anti-bassines étaient jugés ce vendredi 6 janvier à Niort pour des dégradations et des violences commises lors de l’envahissement d’un chantier à Mauzé-sur-le-Mignon en septembre 2021. Peines de prison avec sursis, interdictions de territoire, enquête zélée : ce procès signe une nouvelle escalade sécuritaire de l’État à l’encontre du mouvement écologiste. 

 

C’est un épais dossier bleu que la greffière lâche lourdement au centre de la salle d’audience. 1200 pages de procédure pour plus d’un an d’enquête minutieuse, 349 communications téléphoniques analysées, une étude attentive des vidéos surveillance “mais aussi des réseaux sociaux, en particulier de Twitter qui est souvent très utile pour les enquêteurs” souligne le président, qui semble se féliciter de l'important travail accompli.

Environ 200 personnes sont venues manifester leur soutien aux inculpés à Niort.

 

Le ton est donné. La justice sera sévère avec celles et ceux qui “contestent des projets d’aménagement du territoire”, comme le font les militants contre les méga-bassines, ces gigantesques installations de rétention d’eau au cœur d’un conflit qui monte depuis de nombreuses années dans la région. 

C’est en tout cas ainsi que le formule une circulaire adressée aux procureurs le 9 novembre dernier, révélée par Médiapart. Dans ce texte émis quelques jours après la manifestation massive contre la bassine de Sainte-Soline, le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti appelle à “une réponse pénale systématique et rapide”. Déroulant ses instructions, le ministre enjoint à l’emploi de la comparution immédiate et de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Ou, lorsque les responsables ne sont pas arrêtés le jour même, à l’ouverture “d’enquêtes approfondies".

C’est ce deuxième cas de figure qui est exposé ce vendredi devant le tribunal de Niort. Cinq hommes, âgés de 31 à 60 ans, comparaissent pour des faits commis le 22 septembre 2021. Après un barbecue festif, une petite foule avait alors convergé sur le site dédié à la construction de la retenue de Mauzé-sur-le-Mignon. Cette première intrusion réussie par le mouvement anti-bassines, un an avant la grande manifestation de Sainte-Soline, avait déjà rassemblé plusieurs centaines de manifestants et manifestantes, et notamment de nombreux paysans opposés à l'agriculture productiviste et intensive. Un troupeau de moutons et une vingtaine de tracteurs s'étaient même joints à l'initiative.

 


Des prévenus solidaires et un débat sur la désobéissance civile

Les prévenus sont accusés de violences sur des forces de l’ordre - plusieurs jets de pierre et un coup de poing au visage ; et de dégradations - tags et sabotage sur une pelleteuse. Ils sont alignés en rang sur le banc des accusés. Tous ont choisi une défense collective et garderont le silence pendant tout le procès, à l’exception de Thomas.

Thomas a 32 ans et se reconvertit actuellement dans la boulangerie. “Qu’est-ce qu’on fait quand tout a déjà été tenté ?” lance t-il aux juges. Il est visiblement ému. "Ça fait des années qu’on marche, qu’on manifeste, qu’on signe. Rien ne change d’un iota, et même pire les choses se sont dégradées.” 

Il est accusé de dégradations pour avoir notamment rempli de céréales le réservoir d’un engin de chantier. Fait qu’il a reconnu lors de ses interrogatoires. “Dès le début, ce projet a exclu toute participation civile.” reprend-il. “Donc ce qu’il nous reste c’est la désobéissance civile. La discussion se fait dans un tribunal, et c’est dommage, mais il faut en arriver là. Pour avoir mis du son de blé dans un réservoir, vous avez vu la taille du dossier ? Il suffit de changer le réservoir, sérieusement…” On entend quelques rires dans la salle. “Tant que les principes du vivant ne seront pas respectés, rien ne changera quant à notre détermination. Nous sommes condamnés à réagir.

Les autres prévenus silencieux, la défense s’appuie sur des témoins experts venus argumenter sur la légitimité du combat mené et des moyens employés. Christian Amblard d’abord, hydrobiologiste retraité et directeur honoraire de recherche au CNRS, vient décrire les projets de retenues d’eau et leurs conséquences à long terme. Selon lui, les bassines entraînent une perte “quantitative et qualitative en eau” et retardent la transition vers une agro-écologie, seule solution viable pour faire face au changement climatique. “Par ailleurs il n’y a qu’un petit pour-cent d’exploitants équipés pour irriguer donc ces systèmes profitent à peu alors qu’ils sont financés par de l’argent public à 70%. L’opposition aux bassines me semblent une cause juste et légitime” conclut le scientifique.


La procureure, visiblement agacée, rappelle que “la conscience écolo n’est pas le monopole des prévenus”, s’en réclamant elle-même. “On vit tous sur la même planète, après ce n’est pas une raison pour commettre des violences.” tranche la magistrate, avant de s’adresser directement au témoin : 

Est-ce que ça a un lien avec tout ce que vous venez de dire de jeter une pierre sur la tête d’une personne ?

- Non, ça n'a pas de lien.

C’est ensuite Cécile Guénon qui arrive à la barre. Cette juriste, chargée de mission dans une association de protection de l’environnement, a travaillé sur les procédures administratives engagées contre la construction des bassines. Avec une impressionnante précision, elle remonte le fil de tous les recours. “Les projets étaient bien souvent mal dessinés, sur-dimensionnés. On a gagné tous nos contentieux, sauf un.

Puis c’est au tour de Francisca Cselko, professeure d’anglais à la retraite, de venir témoigner. Chemise à fleurs et cheveux grisonnants, elle raconte son engagement militant contre les OGM. “Je suis faucheuse volontaire d'OGM. La désobéissance civile, c’est un choix qu’on a fait collectivement et en conscience, parce que les intérêts étaient supérieurs. Nous devions réagir car il y avait une menace généralisée d’introduction des OGM en France.” explique t-elle. “On a ainsi pu créer un rapport de force avec les pouvoirs publics”. 

Le président rebondi, sévère : 

- “Un acte de désobéissance civile ne doit-il pas être non-violent ?

- Oui, mais parfois, il y a des situations tendues. Les gendarmes sont des militaires, ils sont équipés.

- Avez-vous déjà été violente vous-même Madame ?

- Non.”

Le dernier témoin sera Dominique Mallet, paysan retraité venu raconter sa reconversion à un modèle plus résilient et son opposition ferme aux bassines. 

- “Et si quelqu’un avait dégradé votre tracteur ?

- Vous savez, payer cher pour des installations dont on ne profite pas, c’est aussi une agression que l’on ressent très profondément.”

La plaidoirie de l’avocat de la Coopérative de l’eau, instance qui porte ces projets de construction et qui s’est portée partie civile dans la procédure, rejette en bloc les notions de désobéissance civile et d’état de nécessité. Il argue que “les consultations ont eu lieu” et que les prévenus tentent “d’imposer leur idéologie par la force. À Sainte-Soline on a eu 61 gendarmes blessés. Qu’est-ce que le tribunal attend ?”. Chacun campe sur ses positions. Le parquet fait bloc, nie la légitimité de la démarche militante et évoque des “scènes de guerre” à Sainte-Soline. “Force doit rester à la loi”.

Anne-Lise Michaud et Pierre Huriet, avocats de la défense, pointent que les constructeurs ont eux aussi enfreint des lois, dont la Charte de l’Environnement. “On pourrait eux aussi les qualifier de groupement de malfaiteurs, commettant des actes préparatoires. Mais le parquet n’a pas l’air concerné. Prenez vos responsabilités”. 

Des soutiens déterminés

Après plusieurs heures d’attente, le délibéré est prononcé : une relaxe et quatre condamnations. Pour les peines, les réquisitions de la procureure ont été suivies : 2 à 6 mois de sursis, et des interdictions de territoire. Les deux qui ne sont pas des Deux-Sèvres ont interdiction de paraître dans le département pendant deux ans. Les locaux, eux, n'auront pas le droit de se rendre à Mauzé-sur-le-Mignon ou Sainte-Soline pour le même temps.

Dehors, la foule est en colère. Des slogans sont repris "Tout le monde déteste les bassines !” “Mort aux bâches !”. Parmi les nombreux collectifs présents comme la Confédération Paysanne et les Soulèvements de la terre, chacun réaffirme sa détermination à continuer la lutte. Julien Le Guet, figure du collectif Bassines non merci, prend la parole : “Ils qualifient de violence le fait qu’on s’en prenne à des bâches plastique, nous qualifions de violence le fait que l’état envoie des bombes lacrymogènes, envoie des flashball, envoie des bombes de désencerclement sur des foules, c’est ça la violence, et c’est l’état qui la porte”.

 

Lien vers la vidéo :

https://video.blast-info.fr/w/fjQ9gHDsYK4UEsxCmPe8We?start=0s

Prises de parole avant l'audience devant le tribunal de Niort. De gauche à droite : Nicolas Girod, porte-parole de la Condéfération Paysanne, Lisa Bellucco, députée de la Vienne (EELV), Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, porte-parole des Soulèvements de la terre 

 

Une prochaine date de manifestation est d’ores et déjà annoncée pour le 25 mars prochain.

 

Crédits photo/illustration en haut de page :
Philippine Déjardins

 

 

Source : https://www.blast-info.fr/articles/2023/proces-des-militants-anti-bassines-de-niort-la-desobeissance-civile-condamnee-Ah70TyhxRSCiDOOw3y-bDg

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