Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

mercredi 23 octobre 2019

Guyane : l’Etat donne son feu vert à la prolongation de la concession de la Montagne d’or

Guyane : 

l’Etat donne son feu vert 

à la prolongation 

de la concession 

de la Montagne d’or

Par


Le méga-projet de mine Montagne d’or en pleine forêt amazonienne est potentiellement relancé par l’avis favorable que l’administration doit présenter mercredi 16 octobre, et que Mediapart a pu lire. La ministre de l'écologie dit mercredi matin que le gouvernement s'oppose au projet.


En août, Emmanuel Macron appelait le monde à agir pour préserver l’Amazonie contre les méga-feux. En octobre, son administration rend un avis favorable à la prolongation de la concession du méga-projet minier Montagne d’or en Guyane. Ce gigantesque projet d’extraction d’or en pleine forêt amazonienne est combattu par les peuples autochtones de Guyane ainsi que les écologistes réunis dans la coalition Or de question.


Mardi 15 octobre après-midi, ils ont annoncé sur leur blog Mediapart que la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de Guyane, qui regroupe les services déconcentrés du ministère de la transition écologique, allait donner son accord à la demande des sociétés minières Nordgold et Columbus Gold Corporation.

Ces deux entreprises, actionnaires respectivement à hauteur de 55 % et 45 % de la Compagnie minière Montagne d’or, veulent étendre les concessions dites Élysée et Bœuf-Mort, qui s’étendent sur les territoires de Saint-Laurent-du-Maroni et d’Apatou. Elles correspondent au périmètre géographique du projet Montagne d’or, une immense mine qui pourrait s’étendre sur 800 hectares, dont près de la moitié de forêt primaire (voir ici le reportage de Christophe Gueugneau en Guyane).

Ces concessions, attribuées depuis de nombreuses années, sont arrivées à expiration le 31 décembre 2018. Les industriels en profitent pour solliciter une extension de l’autorisation de chercher des métaux : cuivre, plomb, zinc, argent, molybdène, tungstène, chrome, nickel, et platine.

Sous l’égide du préfet de Guyane, la DEAL doit présenter son rapport d’instruction mercredi 16 octobre à la Commission départementale des mines, une instance propre au territoire guyanais, qui réunit des représentant·e·s des industriels, des collectivités territoriales, de l’État, des peuples autochtones, et des associations écologistes.

Mediapart a pu lire le rapport d’instruction de la DEAL, sur 34 pages, daté du 7 octobre 2019. Considérant que la Compagnie Montagne d’or « dispose des capacités techniques nécessaires pour poursuivre le développement » du projet minier, des moyens de les financer et que « les programmes d’exploration et d’exploitation proposés sont rationnels et réfléchis », le service instructeur propose un avis favorable au prolongement des concessions. Le pétitionnaire demande un rallongement de vingt-cinq ans pour les deux dossiers. Seul bémol, la DEAL recommande de limiter à quinze ans la concession dite Élysée, compte tenu des incertitudes pesant sur le gisement.


Document de 34 pages à consulter sur le site de l'article


Si cet avis est confirmé par la puissance publique – les avis de la commission des mines sont consultatifs –, le calendrier est déjà établi : les travaux miniers devraient être déposés au cours du second semestre 2019. Le démarrage prévisionnel de la construction de la mine serait fixé fin 2020 ou fin 2021, en fonction de la date de dépôt et de l’avancée de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale et minière. Mercredi matin, Élisabeth Borne a réagi via son compte Twitter : « Notre position est claire : le projet Montagne d’Or est incompatible avec nos exigences environnementales, le gouvernement y est opposé. L’avis de la commission des mines de Guyane ne peut en aucun cas autoriser des travaux d’exploitation, il ne changera rien à notre décision. »



La position de l’exécutif n’est pas si claire en réalité : la commission des mines n’est en effet pas chargée d’autoriser l’exploitation du site mais de prolonger la concession. La ministre joue sur les mots, et par sa réponse floue, continue de nourrir l'ambiguïté.

Les impacts néfastes sur l’environnement de la mine sont évoqués par la DEAL, mais très rapidement : « Les incidences éventuelles des travaux projetés sur l’environnement sont étudiées, et des mesures de maîtrise de l’impact sont proposées, notamment l’élaboration sur chacune des concessions d’un projet de réhabilitation et de revégétalisation. » Pourtant, la destruction d’une forêt primaire est par définition irréparable, puisque une plantation d’arbres n’a rien à voir avec un écosystème forestier millénaire. La DEAL ne s’arrête pas là, dans la licence qu’elle accorde aux sociétés minières : des « risques majeurs » liés à l’utilisation du cyanure, une substance très toxique, sont bien « identifiés », mais, selon l’administration, « le pétitionnaire précise les mesures à prendre pour stocker et surveiller les produits, ainsi que celles à suivre pour que son utilisation se fasse dans les meilleures conditions ». À en croire ce rapport, pas d’inquiétude à avoir, donc.

Manifestation contre la Montagne d'or à Saint-Laurent-du-Maroni. © CG


Pourquoi l’État se montre-t-il si favorable aux désirs des industriels ? En mai dernier, Emmanuel Macron a déclaré que ce projet de méga-mine d’or n’était pas « compatible avec une ambition écologique et en matière de biodiversité ». Alors que la plateforme internationale de recherche sur la biodiversité (IPBES) présentait son rapport alarmant sur la destruction des espèces animales et végétales, le chef de l’État a ajouté : «Il y aura une évaluation complète pour le prochain conseil de défense [écologique] sur ce sujet et une décision formelle et définitive sera prise, en concertation avec le territoire. »

Cette déclaration faisait suite au débat public qui avait récolté des avis massivement négatifs sur le projet. La Commission nationale du débat public avait demandé plus d’informations aux sociétés minières, notamment sur la gestion des risques. Mais en juin, le président de la Compagnie Montagne d’or, Pierre Paris, a écrit une tribune dans Les Échos pour réaffirmer son intention de mener à bien le projet minier.

Pour Marine Calmet, porte-parole du collectif Or de question : « Nous n’avons jamais cru aux paroles d’Emmanuel Macron parce qu’on savait que le dossier de la concession était en cours de renouvellement. Nous avons sollicité François de Rugy lorsqu’il était ministre de l’écologie : aucune réponse. Nous avons sollicité Élisabeth Borne : aucune réponse. »

Mediapart a interrogé le cabinet de la ministre de l’écologie mardi soir à ce sujet, sans réponse au moment de la publication de l’article. Mais mercredi matin la ministre de l'écologie a répondu sur Twitter à l'interpellation du député européen Yannick Jadot. Pour Or de question, la cause est entendue : « Si cette concession est prolongée, le projet de mine ne peut pas être enterré. Si ce n’est pas la Compagnie Montagne d’or qui la creusera, ce sera une autre société. Elle s’appellera autrement, peut-être “Trou béant dans l’Amazonie”, mais ce sera pareil. La seule manière de l’arrêter, c’est de ne pas renouveler la concession. »

Puis mercredi en début de matinée, le ministère a répondu par courriel que l’examen en commission des mines de Guyane « est une simple étape de cette procédure » et que « la DEAL a donné un avis favorable, sur la seule base de critères techniques et financiers conformément au code minier, mais qui ne préjuge pas de la décision finale qui sera prise ». Selon le cabinet d’Élisabeth Borne, c’est dans le cadre de la procédure d'autorisation environnementale que « sont examinés les critères environnementaux du projet : c’est donc dans ce cadre que pourra être constatée l’incompatibilité de l’exploitation prévue avec les exigences de protection de l’environnement ».

Pour le gouvernement, il faut attendre la réforme du code minier pour « intégrer à l’avenir le critère de protection de l’environnement dès la délivrance des concessions : il sera à l’avenir possible de refuser en amont la délivrance d’un titre minier sans attendre la phase des travaux, dans le cas où le projet serait manifestement incompatible avec la protection de l’environnement ». Problème : cette réforme du code minier est promise depuis plus de dix ans et les premiers mouvements contre l’exploitation des gaz de schiste, par tous les gouvernements, mais n'a jamais été mise en œuvre.

Député européen LREM, ancien directeur général du WWF, ONG très engagée contre le projet Montagne d’or, Pascal Canfin explique mardi soir qu’« en l’état actuel du schéma régional et du code minier », l’État « n’a pas le choix, sauf à s’exposer à des risques d’indemnisations. D’où la nécessité de réformer le code minier ».

Juridiquement, la situation est beaucoup moins claire, selon Guyane Nature Environnement. Car les deux concessions guyanaises ont expiré fin décembre 2018. L’État n’ayant pas répondu à cette date, la demande de prolongement est en droit d’être considérée comme implicitement rejetée. Au point que la société Montagne d’or a attaqué ce rejet implicite devant le tribunal administratif de Cayenne – le jugement n’a pas encore été rendu. 
Par ailleurs, pour qu’une demande de prolongement de concession soit valide, il faut qu’elle fasse l’objet d’une exploitation. Or les deux périmètres visés, Bœuf-Mort et Élysée, ne sont plus forés à l’heure actuelle, comme en atteste une note de la DEAL que Mediapart a pu consulter. Ils n’ont pas non plus fait l’objet des travaux de réhabilitation, accordant de droit aux entreprises la prolongation de l’autorisation de rechercher des minerais.

La puissance publique disposait donc d’arguments à opposer à la demande des industriels. Pourquoi ne pas en avoir tenu compte ? Interrogé à ce sujet mardi soir, le ministère de la transition écologique ne nous a pas répondu.




Cet article a été actualisé mercredi matin vers 8 h 30 pour intégrer la réaction de la ministre de la transition écologique, Élisabeth Borne. Puis vers 10 h 15 pour ajouter les réponses envoyées par son cabinet, arrivées par mail en début de matinée.

Une erreur a été corrigée : Marine Calmet est la porte-parole du collectif Or de question.

Source :https://www.mediapart.fr/journal/france/161019/montagne-d-or-l-etat-fait-marche-arriere



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire