À Notre-Dame-des-Landes,
une micro-société se recompose
Florence Pagneux
,
le 26/12/2018 à 6h52
Comme Ben ou Erwan, des habitants de l’ancienne ZAD tentent de faire
aboutir leurs démarches auprès des pouvoirs publics pour développer des
coopératives agricoles ou artisanales.
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Ben, 35 ans, oeuvre avec d’autres zadistes à la création d’un fonds de
dotation pour pérenniser leurs activités. / Thomas Louapre pour La Croix
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Des routes dégagées, des champs humides
où broutent vaches et moutons, des boîtes aux lettres où figurent les
noms des habitants, des poubelles attendant d’être ramassées… Il suffit
de traverser la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour s’apercevoir que
quelque chose a changé. Depuis l’évacuation par la force d’un tiers des
squats de la zone en avril dernier, et la signature de conventions
d’occupation précaire (COP) entre l’État et les « zadistes » porteurs de
projets agricoles, cette micro société est en pleine recomposition.
« Nous vivons une nouvelle étape », confirme Ben, paysan de 35 ans, qui ne tient plus à ce qu’on l’appelle « Camille », ce prénom générique qui garantissait l’anonymat des « zadistes ». « Cela avait du sens au début. Mais aujourd’hui, cela relève du folklore ». Et pour cause, la plupart des habitants actuels de la ZAD sont entrés en négociation avec l’État pour « institutionnaliser » leurs activités. Ceux qui étaient farouchement opposés à ce compromis ont préféré quitter les lieux. « Une petite moitié des habitants de la zone sont partis, constate Ben. Il reste encore des personnes très critiques vis-à-vis de nos choix mais qui nous laissent tenter ce pari du dialogue ».
Installé depuis huit ans au Moulin de
Rohanne, dans l’une des plus anciennes maisons « en dur » de la ZAD, Ben
a connu toutes les étapes du mouvement anti-aéroport. Les premières
installations de « zadistes » en 2009 ou le fiasco de l’opération
d’évacuation de 2012, jusqu’à l’abandon définitif du projet, en
janvier 2018. « On a toujours été sur le qui-vive, résume-t-il. Sauf
entre 2014 et 2015, lors du moratoire sur les expulsions. Aujourd’hui,
la pression a changé de nature. Elle n’est plus militaire comme au
printemps dernier mais administrative… ».
Fonds de dotation
En
ce mois de décembre pluvieux, Ben passe plus de temps devant son
ordinateur que dans sa ferme, où s’ébattent poules et canards.
Signataire d’une COP agricole, il jongle entre formulaires et tableaux
prévisionnels. « On nous demande en cinq mois des documents qu’un paysan qui s’installe réalise en cinq ans ».
Mais ce n’est pas tout. Lui et d’autres zadistes ont travaillé ces
dernières semaines à la création d’un fonds de dotation pour pérenniser
leurs activités. En faisant appel, à partir de janvier, à la générosité
publique, il pourrait permettre d’acheter terres et bâtis pour créer
leurs propres baux. Une discussion est aussi entamée avec l’Office
national des forêts (ONF) pour la gestion du bois de la ZAD. « Cette nouvelle bataille va prendre des mois », commente Ben (lire ci-dessous).
Non
loin de là, au lieu de vie « La Hulotte », Erwan, 34 ans, est lui aussi
rivé à son ordinateur. Ancien étudiant en agronomie à Rennes, il
soutient de longue date le mouvement anti-aéroport. Après plusieurs
saisons comme berger dans le Vercors, il s’est installé sur la ZAD en
janvier 2018. Dans sa cabane en bois chauffée par un poêle, qu’il
partage avec un couple de maraîchers, il travaille sur les projets d’une
coopérative réunissant plusieurs COP (travail du bois, élevage de
vaches et de moutons, maraîchage, céréales et transformation en pain ou
en galettes). Des productions portant un double objectif : vivre sur la
ZAD et pouvoir « ravitailler les luttes présentes ou à venir ». Comme fournir des repas à des postiers grévistes, des migrants, etc.
Soutien aux gilets jaunes
Après un temps d’observation, Erwan et d’autres zadistes sont d’ailleurs allés soutenir des gilets jaunes. « Ce que je prenais au départ pour un mouvement poujadiste est en réalité très protéiforme, observe-t-il. Il
s’y joue une richesse de discussions sans précédent. C’est
enthousiasmant de voir des personnes modestes s’emparer de politique. » Il salue ainsi l’installation d’une « maison du peuple » à Saint-Nazaire, autogérée par des gilets jaunes.
Pour Erwan, la ZAD constitue un lieu unique pour expérimenter des alternatives. Jusqu’au travail de la terre. « On essaie d’imaginer un autre rapport au sol, confie-t-il.
L’idée n’est pas de l’épuiser par les récoltes, les labours et le
pâturage des animaux mais de tester des méthodes pour la régénérer en
permanence ». Le tout en s’inscrivant dans la légalité d’une exploitation agricole. « On marche sur une ligne de crête, reconnaît Erwan. L’enjeu est de rester vivants sans perdre notre âme… ».
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Repères : trois incertitudes
Les COP : Les
conventions d’occupation précaire signées au printemps dernier entre
l’État et les zadistes expirent au 31 décembre. Le nouveau préfet (qui
remplace Nicole Klein, partie à la retraite) va-t-il les renouveler ?
Le département : L’État
vient de signer un protocole avec le département de Loire-Atlantique
pour lui rétrocéder 895 hectares de terres de la ZAD. Le transfert de
propriété interviendra début 2019, pour un montant de 950 000 €. Quel
effet ce transfert aura-t-il sur les projets agricoles des zadistes ?
L’habitat :
Le devenir des habitats de la ZAD (maisons, cabanes, hangars…) est
confié aux élus de la communauté de communes Erdre et Gèvres. Quelles
décisions prendront-ils ?
Florence Pagneux
Source : https://www.la-croix.com/France/A-Notre-Dame-des-Landes-micro-societe-recompose-2018-12-26-1200991721
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