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samedi 23 mai 2015

Alsthom, la corruption, Chevènement et Mélenchon



Alstom, la corruption, 


Chevènement et Mélenchon

Suis à l’hosto, pour ceux que ça intéresse. Il ne me reste plus qu’à marcher.
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Avis ! Le journal Le Nouvel Observateur s’améliore (un peu). Vous me direz que ça pouvait difficilement être pire, et j’en conviendrai avec vous. En tout cas, je vous signale un article solide dans le numéro 2635 de la semaine du 7 au 13 mai. Titre : Alstom, “une décennie de corruption”. Avant de détailler les belles méthodes de ce groupe si important dans notre histoire industrielle, je vous invite à me suivre dans les présentations.
Chevènement en baderne tricolore
Celui qui parle finalement le mieux d’Alstom, c’est cette baderne patriotarde appelée Jean-Pierre Chevènement. Après avoir mangé dans la main des staliniens dans les années 70, celui qui incarnait alors la « gauche » du parti socialiste finit sa vie en uniforme rouge garance, trompettant la France à tout bout de champ. Inutile de le nier, il est drôle. Comme il a longtemps été l’élu de Belfort, il ne cesse depuis de défendre le sort d’Alstom - sa branche Énergie a été rachetée il y a un an par les Américains de General Electric -, dont les usines historiques se trouvent dans la ville. Mais avec quels arguments ! Dans un entretien à la chaîne télévisée Public Sénat, en avril 2014, il lâche tout de go : « Alstom n’existe que par l’Etat. Alstom, c’est la France. Ce sont les locomotives fabriquées à Belfort depuis 1880. Et toutes celles qui ont suivi. Les turbines, y compris celles du nucléaire ».
On y voit déjà plus clair. Les turbines Alstom font tourner 30 % du parc nucléaire mondial. Du monde ! J’y ajoute pour faire bon poids les grands barrages hydro-électriques, ceux qui détruisent les écosystèmes et les rivières, ceux qui chassent de chez eux, à coup de bâtons, de matraques ou de flingues, des millions de gueux. On trouve sur le site d’Alstom cette phrase imaginée par je ne sais quel fanatique communicant : «Aujourd’hui plus de 25 % de la capacité hydroélectrique totale au monde dépend de turbines et d’alternateurs Alstom ». Les Trois-Gorges, cet ignoble barrage chinois, c’est Alstom. Celui de Belo Monte, au Brésil, idem. Et tant d’autres ! Je vous signale sur le sujet un article excellent d’Olivier Petitjean (ici) pour BastaMag.
Une petite amende de 772 millions de dollars
Et je continue. Cette boîte géante de 93 500 salariés (chiffres 2011) pratique, à la vérité comme beaucoup d’autres, une corruption massive sans laquelle elle aurait fait faillite depuis longtemps. Je reviens pour les faits à l’article de l’Obs, cité au début de ce papier (de Caroline Michel). Alstom, excellents amis de Planète sans visa, vient d’être condamné à une amende stupéfiante de 772 millions de dollars par la justice américaine pour corruption. On peut certes se dire - un Chevènement se dit peut-être - qu’il s’agit d’un coup fourré made in America. Seulement, ce n’est pas le cas. Alstom, en effet, a plaidé coupable, reconnaissant les faits comme « vrais et exacts ». Oui, entre 2000 et 2011, Alstom a truandé, traitant avec des pseudonymes figurant dans les documents sous le nom de Vieil AmiHomme tranquille, Paris, GenèveLondres. En Égypte, en Arabie Saoudite, à Taïwan, en Indonésie, etc. Commentaire de James M.Cole, procureur général amerloque : « Le système mis au point par Alstom s’est étendu sur plus d’une décennie et à travers plusieurs continents. Nous avons été effarés par son ampleur, son audace et ses conséquences dans le monde entier. »
La version officielle d’Alstom - faut bien dire quelque chose, quand on se fait gauler -, c’est qu’il s’agit de vieilles histoires. 2011, au pays de l’oubli organisé, c’est du passé. Mais d’autres enquêtes sur Alstom sont en cours - en Angleterre, en Slovénie - dont on regardera le résultat avec un certain appétit. Le patron en titre d’Alstom, Patrick Kron, jure n’avoir aucune responsabilité dans ces malheureux incidents à répétition, car l’essentiel se serait passé avant qu’il ne prenne les rênes. Si vous en avez la possibilité, vous lirez la réponse de l’Obs à la question suivante :« Patrick Kron pouvait-il ne pas savoir ? ». Il a touché à lui seul quatre millions d’euros quand il a vendu une partie d’Alstom : encore bravo. Enfin, et si vous savez suffisamment l’anglais, sachez qu’on peut trouver en ligne un document officiel américain que je n’ai fait que parcourir, et qui semble très distrayant (ici).
Mais où sont passées les barbouzes d’Elf ?
Voici venue l’heure de quelques questions. Une petite partie, je le crains, car cette affaire en pose un trop grand nombre. La première : Alstom est-il la seule, dans les entreprises transnationales françaises, à agir de la sorte ? Je reconnais que c’est rhétorique, car les preuves surabondent du contraire. Par exemple, Total, de cet excellent défunt qu’est Christophe de Margerie. En 2000, Elf est absorbé par Total avec son service secret interne, qui joua un rôle direct et souvent barbouzard dans le destin de plusieurs pays africains producteurs de pétrole. Au premier rang desquels le Gabon, où notre cher grand pays avait osé envoyer comme ambassadeur un certain Maurice Robert, vieux pilier de ce qu’on n’appelait pas encore la DGSE (ici). Je vous laisse divaguer librement sur les méthodes sympathiques de ces hommes, qui mirent par exemple le Cameroun à feu et à sang, faisant sur place quelque chose comme 100 000 morts (ici).
Total, donc, mais aussi ces multinationales de l’eau bien de chez nous, qui ont su opportunément changer de nom. Ni vu ni connu, j’t'embrouille. Veolia - 187 000 salariés - s’appelait la Compagnie générale des Eaux à la belle époque où son P-DG, Guy Dejouany, était mis en examen pour corruption active. Si on veut en savoir plus, grâce à Jean-Luc Touly, c’est ici. Assurément, les choses ont changé, mais je note à ce sujet, avec une évidente surprise, que Veolia a été mise en cause dans la construction d’un tramway en Cisjordanie, en compagnie de notre bon ami Alstom (ici). Total, donc, et Veolia, et bien entendu la Lyonnaise des Eaux, qui préfère aujourd’hui se présenter sous le nom de son patron, Suez Environnement.
Alain Carignon en « visiteur du soir »
Je n’insiste pas sur la Lyonnaise, dont le P-DG d’il y a vingt ans, Jérôme Monod, fut pris dans la tourmente Alain Carignon à Grenoble. En deux mots, Carignon, maire RPR de Grenoble entre 1983 et 1995, a été condamné en 1996 à cinq ans de taule pour corruption et subornation de témoins. Le drôle avait vendu l’eau municipale de la ville à la Lyonnaise, qui avait renvoyé l’ascenseur. Monod, avant de prendre la tête de la Lyonnaise, avait en toute simplicité été le secrétaire général du RPR. Quant à Sarkozy - il est rare qu’il ne soit pas dans le coin -, il a fait de Carignon, lorsqu’il était notre président, un « visiteur du soir ». C’est-à-dire un mec qui passe prendre un verre après les heures de bureau, pour donner des conseils. On apprécie.
Total, donc, et Veolia et la Lyonnaise et j’arrête là. Il va de soi que le schéma vaut pour toutes les entreprises qui jouent au gigantesque Bingo de la mondialisation capitaliste. Toutes ? Toutes. La vérité de ce monde, l’une de ses vérités les plus enracinées, c’est qu’il faut acheter les consciences avant que d’exterminer les formes de vie. Ne croyez surtout pas que les pauvres et moins pauvres du Sud réclament à grands cris les productions de ces salauds. On leur fait avaler de force une mixture concoctée au moment des deals entre corrompus et corrupteurs. Marche ou crève, petit d’homme !
Le nucléaire français aux mains de General Electric
Imaginez une seconde avec moi. On met autour d’une table des décideurs. Un gars - ou une fille - de la Banque Mondiale, un sous-patron d’Alstom, un ou deux ou trois ministres du pays-cible, quelques techniciens capables de lire une carte et d’affirmer la main sur le cœur que tel fleuve est insupportablement sous-équipé en hydro-électricité. En quoi la décision finale pourrait-elle être un problème ? Il suffit de pouvoir puiser dans une caisse noire, et justement, comme cela tombe bien, il y en a à tous les étages. Ainsi marchera le monde à l’abîme tant que nous ne serons pas capables d’une révolte tout à fait radicale. On verra donc.
Dernière info : selon le journaliste Jean-Michel Quatrepoint - un gars tout ce qu’il y a de sérieux -, la France a vendu sans nous prévenir le contrôle des réacteurs nucléaires aux États-Unis. À une boîte privée - General Electric - qui peut décider demain ce qu’elle veut, ou à peu près. Citation :« On peut dire ce que l’on veut, mais c’est désormais le groupe américain qui décidera à qui et comment vendre ces turbines [nucléaires]. C’est lui aussi qui aura le dernier mot sur la maintenance de nos centrales sur le sol français. La golden share que le gouvernement français aurait en matière de sécurité nucléaire n’est qu’un leurre. Nous avons donc délibérément confié à un groupe américain l’avenir de l’ensemble de notre filière nucléaire…». L’entretien complet est ici.
L’éloquent silence de Mélenchon
Je crois avoir déjà largement abusé de votre temps. J’ai commencé avec ce si sympathique Chevènement, mais avec lui, c’est presque trop simple. En vérité, toute la classe politique française s’est vautrée dans un soutien patriotique à Alstom, quand General Electric montrait ses dents acérées. Ne parlons même pas des clampins qui nous gouvernent. Ni de la droite qui aspire tant à prendre leurs places. Voyons plutôt du côté de Mélenchon : notre Great Leader Chairman - façon villages Potemkine - a réclamé pendant toute la crise la nationalisation d’Alstom, présentée mille fois comme un « fleuron national ». Extrait de son blog : « Après avoir laissé General Electric piller Alstom, [le gouvernement] doit défendre les intérêts fondamentaux de la nation ».
Lui si prolixe, lui si enflammé, lui si rigoureux dans la défense des principes, ne trouve rien à dire à la corruption massive assumée par son petit chéri de groupe capitaliste. La leçon, bien qu’un peu morose, est limpide : ces gens sont indifférents au sort des peuples qui pleurent, gémissent et meurent sous le knout des puissants. Ces gens, tous ces gens au-delà d’apparentes bisbilles, sont d’accord avec l’organisation du monde. Le paysan chinois, le paysan indien, le paysan brésilien, le paysan égyptien, le paysan éthiopien peuvent aller se faire foutre. Et c’est d’ailleurs ce qu’ils font, dans le silence de mort des médias. Mais moi, bien que cela n’aille pas loin, je maudis tous ceux qui donnent la main au désastre. Ou qui se taisent. J’aimerais réellement beaucoup traîner toute cette canaille au tribunal de la conscience humaine que j’appelle tant de mes vœux. Allez, cela viendra. L’horreur, c’est de devoir attendre.

Source : http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1889

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