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vendredi 17 avril 2015

Les Faucheurs Volontaires veulent être jugés

Les Faucheurs volontaires veulent être jugés

13 avril 2015 Lorène Lavocat (Reporterre) 

  

   


Les plantes mutées ont tout des OGM… sauf qu’elles ne sont pas reconnues comme tel par la loi. Résultat : elles s’insinuent discrètement dans les champs et les assiettes. Pour interpeller les pouvoirs publics, les Faucheurs volontaires viennent de piétiner un champ de colza.
- Le Pouëze (Maine-et-Loire), reportage
Accroupis dans les champs en fleurs, ils semblent répondre à l’appel des cloches pascales. « C’est une chasse aux Oeufs au Grand-Marnier », sourit Guillaume. Œufs au Grand-Marnier, alias OGM (organismes génétiquement modifiés) : nom de code improvisé pour cette opération dominicale des Faucheurs volontaires.
Dimanche 5 avril, ils ont envahi à soixante les champs de colza du Geves, le Groupe d’Etudes et de contrôle des Variétés et des Semences, près d’Angers (49). Une institution semi-publique chargée de tester et d’inscrire les variétés végétales au catalogue français. Son tort ? Il testerait des VrTH, des« variétés rendues tolérantes aux herbicides ».
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61 Faucheurs ont participé à l’action de fauchage au Geves.
Des OGM ? Officiellement non, mais les Faucheurs veulent justement dénoncer cette confusion : « Nous n’avons rien contre le Geves en tant que tel, explique Pierre. Ce que nous dénonçons, c’est le manque de transparence et d’information sur ces plantes mutées. » A ses côtés, une quinquagénaire enthousiaste se relève, un plant de colza à la main : « Même le jour de Pâques, c’est opaque ! »

La face cachée des OGM

Car pour les Faucheurs, les VrTH ne sont rien d’autre que des OGM cachés.« Ces plantes subissent des modifications génétiques, via des rayonnements ou des produits chimiques », explique Brieg. Les OGM « classiques » sont obtenus via transgénèse : les chercheurs introduisent de nouveaux gènes. La mutagénèse artificielle s’inspire quant à elle d’un phénomène naturel : le génome des végétaux se transforme en permanence afin de s’adapter à son environnement.
C’est d’ailleurs ce que mettent en avant les promoteurs de cette technologie :« Tout agriculteur sème et produit chaque année, sur un seul hectare, beaucoup plus de mutants que n’importe quel laboratoire qui réalise des expériences de mutagénèse », explique l’Association française des biotechnologies végétales.
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Lancés au début des années 2000, les Faucheurs volontaires se concentrent aujourd’hui sur les VrTH, les variétés rendues tolérantes aux herbicides.
Sauf que dans le milieu confiné des laboratoires, les techniques utilisées pour forcer les plantes à muter sont beaucoup plus brutales. Rayonnements gamma, bains chimiques. Le site d’Info OGM dénonce ainsi une méthode« aléatoire », « mal connue et mal maitrisée ».
Les scientifiques sont partagés sur la question. En 2011, l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) et le CNRS (Centre national de la recherches scientifique) ont publié un rapport plutôt réservé sur la question :« Une utilisation répétée de ces variétés, sous certaines conditions, pourrait les rendre inefficaces à moyen terme. »
Qu’il s’agisse de mutagénèse ou de transgénèse, le résultat est le même : au sortir des stations expérimentales, les plantes sont modifiées génétiquement. La règlementation européenne, notamment la directive 2001-18, reconnait d’ailleurs les plantes mutées comme des OGM… mais les exclut mystérieusement de son champ d’application. « Aujourd’hui, ces variétés sont dispensées d’évaluation et on manque totalement de traçabilité », s’insurge Julien. Les mains terreuses, il arrache rageusement quelques pousses de colza.
- Ecouter Julien :
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Ils ont détruit un hectare de colza en une heure, sans savoir s’il y avait vraiment des OGM. Leur objectif : dénoncer l’opacité.
Avec ses camarades faucheurs, il réclame un moratoire sur les plantes mutées, pour laisser le temps aux chercheurs de mieux connaître les effets de cette technologie. « Nous ne sommes pas contre la science », ajoute Pierre. « Nous voulons plus de science, plus de recherche. »
Barbe blanche éclatante et petites lunettes rondes, il déroule point par point les critiques adressées à ces VrTH : « Elles participent au brevetage et à la privatisation du vivant, elles se disséminent facilement et peuvent ainsi contaminer d’autres cultures, et surtout elles vont de paire avec un usage toujours plus important des pesticides. »
- Ecouter Pierre :
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Or si l’impact écologique et sanitaire des OGM est encore méconnu, la nocivité des herbicides et insecticides sur la santé et l’environnement n’est plus à prouver. « Avec les VrTH, on a créé des plantes qui survivent quand on les bombarde de pesticides. C’est comme si on buvait du poison sans en mourir ! », explique Brieg.
En France, tournesol, maïs et colza VrTH, commercialisés par les géants semenciers Pioneer et BASF, sont cultivés dans nos champs. Plus de 15 000 ha seraient concernés. Des plantes qui se retrouvent ensuite dans nos assiettes, soit sous forme d’aliments pour le bétail, soit comme huile de table.
Mais avant d’entrer dans notre chaîne alimentaire, ces variétés passent par les champs du Geves. « Il n’y a pas, à ma connaissance, de variétés tolérantes aux herbicides ici ! », s’exclame, dépité, M. Sicard, le directeur de l’institution. Sans étiquetage clair, les Faucheurs n’étaient effectivement pas certains de détruire des OGM
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M. Sicard, directeur du Geves
« Nous voulions justement dénoncer l’absence de transparence, car il est impossible de savoir s’il y a ou non des VrTH », explique Brieg. « Nous savons juste que le Geves a déjà testé des plantes mutées. » Le directeur réfute l’argument d’opacité, arguant la traçabilité des produits mis sur le marché. « Chaque agriculteur peut choisir ce qu’il met dans ses champs, et quel herbicide il utilise », précise-t-il, avant de conclure : « Ce que vous faites là, ce n’est pas une action démocratique, c’est une atteinte à la propriété privée et à un travail réglementaire. »

Le nouveau combat des Faucheurs volontaires

En une heure, l’hectare de colza a disparu, emporté par une nuée de sauterelles bipèdes. « Je n’aime pas détruire des cultures, arracher des plantes », soupire Christine. Cette paysanne est venue d’Aveyron pour défendre l’agriculture bio contre le modèle industriel incarné par ces VrTH.« Mais on n’a pas d’autres moyens pour se faire entendre ! »
Depuis plus de cinq ans, les Faucheurs tirent la sonnette d’alarme : il y a encore des OGM en France ! Leurs actions rencontrent jusqu’ici peu d’écho : la question des VrTH est complexe, difficile à médiatiser, et les semenciers font tout pour étouffer les affaires. Peu de poursuites, afin de ne pas faire de vague.
Alors cette fois, ils ont décidé de frapper plus haut. Car attaquer le Geves, géré par l’Inra, le ministère de l’Agriculture et le Gnis (Groupement national des industries semencières), c’est s’en prendre à l’Etat. Tous espèrent un procès, pour interpeller les autorités et les citoyens. « Les pouvoirs exécutif et législatif sont prisonniers des lobbys », explique Pierre. « Il ne nous reste que le pouvoir judiciaire pour faire valoir nos droits et porter le débat sur la place publique. »
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Les policiers sont appelés pour dresser un procès verbal. Les Faucheurs espèrent un procès.
Une fois le champ incriminé fauché, le petit groupe s’installe dans l’herbe pour un pique-nique. L’action ressemble bien plus à une promenade dominicale qu’à une mission commando. Il faut même téléphoner aux policiers afin qu’ils viennent constater le méfait.
« Il y a quelques années, ils rappliquaient vite et surarmés, avec des bombes lacrymo et des menottes », se rappelle Guillaume. Aujourd’hui, tout est étrangement calme. Et quand le commissaire commence l’appel, les soixante-et-un Faucheurs font sagement la queue pour se faire identifier.
Il y a là des paysans, mais aussi des retraités, des intermittents du spectacle, des maçons ou des travailleurs sociaux. Des désobéissants civils, qui encourent trois ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

Lire aussi : Les plantes manipulées pour résister aux herbicides se multiplient discrètement
Source : Lorène Lavocat pour Reporterre
Photos : © Anaïs Cramm/Reporterre

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