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dimanche 4 février 2018

Chronique des ZAD - Deuxième quinzaine de janvier 2018


Des infos, des liens, des photos pour tout savoir (ou presque) sur ce qu'il s'est passé dans/autour des ZAD (Zones A Défendre) pendant cette deuxième quinzaine de janvier 2018 ; on y parle de Notre Dame Des Landes, de Bure, de l'anti CGO de Strasbourg, et de plein d'autres sujets.

Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle précieuse.


NOTRE DAME DES LANDES (44) : Enraciner l’avenir
Source : ZAD.nadir.org et médias
du 17 au 31 janvier 2018
Et ailleurs : Zémésso (Mali) – GCO (67) – Bure (55) – Europacity (95) – Amassada (12) -
Fleury Mérogis (91) - Feu vert au bétonnage -

ZAD de NDDL - 44


Infos du 17 au 21 janvier



Mercredi 17 janvier

13h00 : France inter : ABANDON DU PROJET NDDL



Les derniers jours d'un projet vieux d'un demi-siècle


Le gouvernement abandonne le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Depuis des semaines, l'exécutif a préparé en coulisses cette décision qui met fin à des années de conflit.

Le premier ministre doit détailler, ce mercredi en milieu de journée, les raisons de l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Des raisons financières, environnementales et politiques devaient être énoncées pour justifier ce choix qui met fin à un projet vieux d'un demi-siècle.

La décision de l’exécutif de ne pas construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes fait suite à plusieurs semaines de travail en coulisses au cours desquelles divers scénarios d’abandon du projet ont été étudiés. À partir de la remise du rapport des médiateurs (voir notre article ici et notre entretien vidéo là) reconnaissant pour la première fois la possibilité d’une alternative au bétonnage du bocage de Notre-Dame-des-Landes le 13 décembre dernier, des discussions s’ouvrent à Paris et à Nantes entre le gouvernement et les opposant·e·s au projet.

  Mais la situation est bien différente de ce qui se passait sous la présidence Hollande, où des liens directs avaient fini par s’établir entre l’Acipa, l’association historique des riverains contre l’aérogare, et les cabinets ministériels de Ségolène Royal et de Stéphane Le Foll. Malgré ses engagements répétés et anciens contre l’aéroport, Nicolas Hulot ne connaît pas les opposant·e·s. La seule fois où il s’est rendu sur la ZAD en 2011, alors occupée par beaucoup moins de personnes qu’aujourd’hui, lors de la primaire d’EELV, un jeune militant contre l’aéroport lui a renversé un seau d’épluchures sur la tête. L’ancien animateur télé incarne alors le greenwashing au yeux de militant·e·s anticapitalistes.

Mi-décembre, son ami Fabrice Nicolino, journaliste à Charlie Hebdo, écologiste de longue date et auteur de plusieurs livres, prend contact avec des opposant·e·s historiques et des occupant·e·s de la ZAD. Avec François de Beaulieu, un pilier des naturalistes en lutte, ce collectif de savants de la faune et de la flore qui ont cartographié la biodiversité de la ZAD et découvert la présence de nombreuses espèces protégées et menacées, et Jean-Paul Besset, autre très proche d’Hulot, ils cosignent un long texte dans Reporterre pour un plan de sortie heureux du conflit.

Ils y imaginent la ZAD transformée en laboratoire de la biodiversité et de recherche agronomique. Le texte fait tousser des militant·e·s anti-aéroport, qui défendent depuis des années les « Six Points pour l’avenir de la ZAD », un texte plus offensif soutenu par les opposant·e·s historiques et les zadistes. Ils réclament qu’une entité du mouvement réattribue les terres sauvées du bétonnage, et permette que tous les usagers actuels de la zone puissent y rester, y compris les squatteurs non agriculteurs.

Le député LREM Matthieu Orphelin (Maine-et-Loire) entre lui aussi en contact avec les opposant·e·s historiques et prépare des scénarios en cas d’abandon de l’aéroport. Comment régulariser les activités qui se déroulent sur la ZAD, parfois en toute illégalité – mais pas toujours ? Faudra-t-il rendre la location de toutes les terres payante, même contre une somme modique ? Quelle place accorder à l’agriculture hors cadre ?

Matthieu Orphelin cosigne une tribune avec José Bové dans trois journaux locaux, dont Presse Océan, tribune qui dessine elle aussi pour la ZAD un avenir pacifique, tourné vers l’agriculture, et donne ainsi des gages de bonne volonté. José Bové est sollicité par des opposants en tant qu’ancien leader du mouvement d’occupation du Larzac, et habitant du plateau. Il partage ses souvenirs sur la constitution de la Société civile des terres du Larzac (SCTL), avec qui l’État a signé en 1985 un bail emphytéotique de 60 ans permettant aux occupant·e·s de rester sur place, après que François Mitterrand enterre définitivement le projet d’extension du camp militaire en 1981.

Entre le Larzac et Notre-Dame-des-Landes, les liens sont anciens. Bernard Lambert, fondateur des Paysans travailleurs, mouvement très fort en Loire-Atlantique dans les années 1970 en défense des paysans et de critique de l’agriculture industrielle et capitaliste, fut une figure d’inspiration pour des agriculteurs qui occupaient le plateau du Larzac. C’est dans sa filiation que s’inscrivent les paysans historiques opposés à l’aéroport de NDDL.

Une réunion top secrète se tient par la suite à la préfecture de Nantes, en présence de Nicolas Hulot. La préfète Nicole Klein s’y inquiète du respect de l’ordre public. Elle a récemment roulé sur le tronçon de la D281, dite la « route des chicanes », qui traverse la ZAD et fut un lieu d’affrontements entre occupants et gendarmes en 2012. Elle décrit la présence d’une herse. Des photos de lieux de vie, de scènes de semis collectif, de vaches à l’étable et de la bibliothèque Le Taslu sont remises aux représentant·e·s de l’État pour leur montrer un autre visage de la ZAD.

Six ans après, la route est traversée de quelques cabanes et restes de barricades. Des voitures brûlées ou abandonnées la bordent. Une tour baroque la surplombe. Des panneaux interpellent le passant : « Roule au pas ou roule pas »« Ici on vit »… Pour certain·e·s occupant·e·s, la route symbolise l’âme de la ZAD, sa rébellion contre l’ordre établi. Pour les paysans alentour, c’est une tannée car elle ne peut pas s’emprunter avec une bétaillère ou un tracteur. Et pour certains riverains, elle représente une muraille effrayante qu’ils n’osent franchir.

La libération de la route – rayée des cartes officielles du département – occupe le haut de la liste des préoccupations des acteurs de la discussion. Elle est aussi exigée par les opposant·e·s historiques de l’Acipa, mais pas tant que la déclaration d’utilité publique de l’aéroport n’est pas définitivement caduque. Or elle expire le 9 février prochain, la veille d’un rassemblement sur la ZAD.

D’autres rendez-vous ont lieu en préfecture avec des représentants du monde agricole, comme la chambre d’agriculture et la Confédération paysanne. Tous y exposent leur vision d’un avenir possible pour la ZAD, plus ou moins ouvert aux alternatives qui s’y sont développées en près de dix ans d’occupation.

Mais l’État ne s’est pas rangé aux arguments des anti-aéroport dès la remise du rapport des médiateurs. Le cabinet d’Édouard Philippe a fait réexpertiser le document pour jauger le poids des arguments qu’il développe. L’analyse après coup par ses services réévalue de 100 millions d’euros, semble-t-il, le coût d’un réaménagement de l’actuel aéroport de Nantes Atlantique, estimé entre 465 et 595 millions d’euros par les médiateurs. La sous-estimation des coûts de l’agrandissement de l’actuelle aérogare nantaise est l’un des principaux arguments mis en avant par les partisans de la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Or ce calcul a été dénoncé par l’Atelier citoyen dans son livre noir de la DGAC, qui en dénonce les biais et les manipulations de chiffres.

Le 10 janvier, l’association Des ailes pour l’Ouest, principale association en faveur d’un transfert de l’aéroport à NDDL, tient une conférence de presse à Paris, à la Maison de la Bretagne. « La médiation est une manipulation », tonne Alain Mustière, son président. « On vient vous dire la vérité, notre vérité. On enfume la population en disant qu’on a trouvé le Graal de l’alternative à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. » Pour Yann Trichard, président de la CCI Nantes Saint-Nazaire : « Tout le monde sait depuis Rome que les infrastructures font le développement économique du territoire. » Un représentant du Syndicat mixte aéroportuaire (SMA) remarque que si le projet est abandonné, « ce serait le premier revirement de Macron ». Un patron du textile à Saint-Malo menace de délocaliser son usine en cas d’abandon.

Ces déclarations constituent la version protestataire du discours, similaire sur le fond, des élus du SMA, reçus à leur tour à Matignon le 12 janvier. À la sortie, Philippe Grosvalet, président PS du département, défend ses arguments habituels depuis des années, comme si le rapport des médiateurs n’avait jamais existé : « Je n’imagine pas que le président de la République et le premier ministre puissent nier ce qui représente le fondement de notre pays : la justice. 179 recours nous sont favorables, et le suffrage universel. »

Sur le trottoir de la rue de Varenne, il martèle : pas de plan B pour le trafic de 9 millions de passagers estimé pour 2030 et que l’actuelle aérogare ne pourrait pas accueillir ; longueur des travaux à conduire ; coût pour la puissance publique. Le syndicat mixte a remis au préalable une contribution écrite au premier ministre, où il détaille ses critiques des conclusions des médiateurs : sur l’impossibilité de prolonger la piste de l’actuel aéroport, sur l’exposition au bruit des Nantais, sur l’étalement urbain qu’il susciterait, sur les coûts élevés d’un réaménagement.


Depuis le 5 janvier, Édouard Philippe enchaîne les rendez-vous avec les élus locaux, très majoritairement favorables au nouvel aéroport, et plus encore à l’évacuation de la ZAD. Les élus du CéDpa, opposés au nouvel aéroport, ont demandé eux aussi à être reçus. Ils n’ont eu droit qu’à un échange téléphonique avec un conseiller. Le premier ministre a en revanche effectué une visite historique au village de Notre-Dame-des-Landes, une première pour un chef de gouvernement en fonctions. Mais auprès du maire, Jean-Paul Naud, il est resté impassible, presque silencieux, ne posant quasiment aucune question. Une attitude impénétrable décrite par toutes celles et ceux qu’il a rencontrés ces derniers jours sur ce dossier.
Jade Lindgaard - Médiapart

Notre-Dame-des-Landes : 

le projet d’aéroport est abandonné





 
Le Premier ministre annonce ce mercredi à 13 h 30 la décision d’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. La victoire pour un mouvement de résistance de plusieurs décennies. Lire le discours d’Edouard Philippe. A Paris et sur la Zad, l’équipe de Reporterre vous raconte.

13 h 30 : Le Premier ministre parle : « Le projet de Notre-Dame-des-Landes sera abandonné. » Le Premier ministre Edouard Philippe a expliqué que « les conditions se sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aménagement d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet ne peut se faire dans un tel contexte d’opposition exacerbée de la population. Notre-Dame-des-Landes, c’est l’aéroport de la division. Cette décision est logique au regard de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. » 

 
 
Voici son discours complet : « Il y a 50 ans, les pouvoirs publics ont identifié Notre-Dame-des-Landes pour accueillir un aéroport pour le Grand-Ouest. Pendant 50 ans, le projet a été successivement relancé, remis à plus tard, reconfiguré. A coups de décisions, de reculades, de non-décisions, l’État s’est placé face à un dilemme impossible. L’indécision a laissé les partisans et opposants se monter les uns contre les autres.

Quand nous sommes entrés en fonction il y a 8 mois, nous avons trouvé une situation bloquée et dangereuse pour les personnes, et pour l’État de droit ; nous aurions pu faire comme d’autres : laisser aux prochains le soin de trancher le nœud gordien. S’il y a bien un seul point sur lequel tout le monde s’accorde, c’est la nécessité de sortir de cette situation ; nous avons décidé de trancher en sachant que si la décision avait été facile elle aurait été prise depuis longtemps.

Mon premier réflexe aurait été d’autoriser sans délai ce projet. Mais je sais aussi que les choses paraissent toujours plus simples quand elles sont vues de loin. En prenant le temps d’appréhender la situation, dans tous ses aspects, nous avons demandé à trois personnalités expertes de dresser un rapport de la situation. J’ai ensuite rencontré plus d’une centaine d’élus. Je leur rends un hommage appuyé. J’ai voulu me rendre compte moi-même de la situation.

Il est temps désormais d’être clair dans les choix. Le gouvernement a pris la décision : les conditions se sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aménagement d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet ne peut se faire dans un tel contexte d’opposition exacerbée de la population.
Les autres projets récents (viaduc de Millau et autres) se sont tous réalisés parce qu’ils étaient largement portés et acceptés par la population. Notre-Dame-des-Landes, c’est l’aéroport de la division.

Le projet de Notre-Dame-des-Landes sera donc abandonné. Cette décision est logique au regard de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. Les terres retrouveront leur vocation agricole. Cette décision est une décision d’apaisement. Elle doit être l’occasion d’un nouveau départ, l’occasion de construire différemment et intelligemment.

Le Grand Ouest doit être connecté au reste de la France et de l’Europe, mais pas par un modèle imaginé il y a 50 ans. Brest, Nantes et Rennes devront disposer de connections faciles avec les autres métropoles européennes. Il n’y a pas de solution idéale, mais une option alternative crédible : l’extension de l’aéroport actuel.

Nous ferons tout pour réduire les nuisances pour les habitants de Saint-Aignan.

Notre deuxième décision, c’est qu’il faut rétablir l’État de droit sur la zone : le gouvernement s’y engage. Nous mettrons fin à la zone de non-droit qui prospère depuis près de dix ans sur la zone. Ainsi dès aujourd’hui, la demande de prorogation d’utilité publique sera retirée. La DUP [déclaration d’utilité publique, NDLR] deviendra caduque le 8 février prochain. Les trois routes doivent être rendues à la libre circulation. Les squats qui débordent sur la route devront être évacuées ; à défaut, les forces de l’ordre interviendront.

La vocation agricole des terres sera préservée. Les agriculteurs expropriés pourront récupérer leurs terres. Les habitants illégaux devront partir d’eux-mêmes d’ici le printemps prochain. Des installations agricoles pourront avoir lieu à partir d’avril dans un cadre légal. L’État engagera une cession progressive des terres. C’est une décision d’apaisement dans une situation locale tendue. »


 
13 h 20 : devant La Vache Rit, le centre historique du mouvement de résistance au projet d’aéroport, on commence à se retrouver


13 h 05 - Alors que les journalistes patientent à l’Elysée en attente de l’annonce gouvernementale, Ouest-France affirme que le projet serait abandonné, d’après une source ministérielle. L’extension de l’aéroport de Nantes-Atlantique serait donc l’option retenue.


« Une très mauvaise décision pour les habitants de Loire-Atlantique », d’après Philippe Grosvalet, président du syndicat mixte aéroportuaire, qui a confirmé l’abandon : « par cette décision, Emmanuel Macron piétine les procédures publiques et les 179 décisions de justice, et la voix des électeurs. Il n’y aura que des perdants. » 

 
Selon Marie Toussaint, présidente de l’ONG Notre affaire à tous : « La résistance à NDDL fut légitime car ce projet n’aurait jamais dû exister. C’est précisément l’inadéquation de notre droit et de notre démocratie qui a mené à son déploiement, et donc à l’occupation des terres. En 2017, 312 défenseurs des droits humains et environnementaux ont été tués dans 27 pays. Après la décision de non-lieu pour Rémi Fraisse, la France ne peut contribuer à l’augmentation de ce chiffre terrifiant ».


12 h 52 - Source officielle : le projet #NDDL est abandonné ! L’annonce va être officialisée dans un instant.


 
2 h 20 - Le Premier ministre Édouard Philippe doit annoncer la décision du gouvernement sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ce mercredi 17 janvier à l’issue du Conseil des ministres, entre 12h30 et 13h30. D’après notre journaliste présente sur place à l’Elysée, il s’exprimera en présence des ministres de l’Intérieur, Gérard Collomb, de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, des Transports, Elisabeth Borne, de la Justice, Nicole Belloubet, et du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.


Un point d’« échanges sur Notre-Dame-des-Landes » était inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres de ce mercredi 17 janvier. Le gouvernement se retrouve mercredi matin à l’Elysée autour du président Emmanuel Macron à l’occasion du Conseil des ministres. Forces de l’ordre, services de l’État et élus se tiennent prêts pour ce mercredi, à la mi-journée.

Des camions des forces de l’ordre ont été aperçus mardi 16 janvier sur les routes en direction de Notre-Dame-des-Landes, Nantes et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). De nombreuses chambres d’hôtels destinées à les héberger auraient également été réservées dans les environs.

Sept escadrons de gendarmerie mobile sont attendus mercredi sur place, selon une source proche du dossier citée par l’AFP, avec pour objectif de quadriller la zone et de procéder à des contrôles afin d’éviter l’arrivée de renforts dans la Zad. Plusieurs compagnies de CRS seront elles à Nantes et à Rennes afin d’assurer le maintien de l’ordre en cas de manifestations, selon la même source.


 
Edouard Philippe, qui a rencontré plus de 100 élus de l’ouest depuis dix jours et s’est rendu discrètement samedi à Notre-Dame-des-Landes, se chargera d’annoncer lui-même la décision. A huis clos devant les députés LREM, Edouard Philippe a reconnu qu’après ces consultations, il n’était « pas forcément plus facile de se prononcer ». « Quelle que soit la réponse, elle sera mauvaise » car elle fera des mécontents, a-t-il admis.


Edouard Philippe a rencontré des élus locaux jusqu’au 12 janvier
  Une option possible est celle d’une forme d’ultimatum pour permettre aux volontaires de quitter les lieux, avant une intervention dans quelques jours, selon un proche du dossier cité par l’AFP.

L’annonce sera donc faite à la mi-journée, dans un salon privé de l’Elysée, sans questions à l’issue.
 
Dans le village de Notre-Dame-des-Landes, les militants de l’Acipa attendent la décision

 
Sur la Zad, Le mouvement anti-aéroport s’est donné rendez-vous ce mercredi à 18H00 à "La Vache Rit". D’après notre journaliste présent sur place, « un hélicoptère de la police survole la Zad ».

Sur le site des habitants de la Zad, les opposants « demandent à toutes les personnes qui souhaitent [les] soutenir de rester vigilant.e.s et d’attendre un appel clair de [leur] part avant de venir sur la Zad. »
Reporterre

Communiqué commun du mouvement anti-aéroport, 
suite à la décision du gouvernement


Ce midi, le gouvernement vient enfin d’annoncer l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Nous notons que la DUP ne sera officiellement pas prorogée. Le projet sera donc définitivement nul et non avenu le 8 février.

Il s’agit bien d’une victoire historique face à un projet d’aménagement destructeur. Celle-ci aura été possible grâce à un long mouvement aussi déterminé que divers.

Nous voulons d’abord saluer chaleureusement aujourd’hui toutes celles et ceux qui se sont mobilisées contre ce projet d’aéroport au cours des 50 dernières années.

En ce qui concerne l’avenir de la zad, l’ensemble du mouvement réaffirme dès aujourd’hui :

- La nécessité pour les paysan-ne-s et habitant-e-s expropriés de pouvoir recouvrer pleinement leurs droits au plus vite.

- Le refus de toute expulsion de celles et ceux qui sont venus habiter ces dernières années dans le bocage pour le défendre et qui souhaitent continuer à y vivre ainsi qu’à en prendre en soin.

- Une volonté de prise en charge à long terme des terres de la zad par le mouvement dans toute sa diversité - paysans, naturalistes, riverains, associations, anciens et nouveaux habitants.

Pour le mettre en œuvre, nous aurons besoin d’une période de gel de la redistribution institutionnelle des terres. Dans le futur, ce territoire doit pouvoir rester un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole.

En ce qui concerne la question de la réouverture de la route D281, fermée par les pouvoirs publics en 2013, le mouvement s’engage à y répondre lui-même. La présence ou l’intervention policières ne feraient donc qu’envenimer la situation.

Nous souhaitons par ailleurs, en cette journée mémorable, adresser un fort message de solidarité vis-à-vis d’autres luttes contre des grands projets destructeurs et pour la défense de territoires menacés.

Nous appelons à converger largement le 10 février dans le bocage pour fêter l’abandon de l’aéroport et pour poursuivre la construction de l’avenir de la zad.

Acipa, Coordination des opposants, COPAIn 44, Naturalistes en lutte, les habitant-e-s de la zad.

Contacts presse : ACIPA - Dominique Fresneau : 06 71 00 73 69 - COPAIN 44 - Cyril Bouligand : 06 21 04 76 84 - Coordination - Geneviève Coiffard : 06 80 84 19 89 - Naturalites en lutte - Jean-Marie Dréan : 07 69 40 45 75 - Zad presse : 06 95 06 81 49

Conférence de presse commune : mercredi 17 janvier, 15h30, à la Vache Rit (les Domaines, 44130 Notre-Dame-des-Landes)

INFO : Les prochains rendez-vous. Pour cause de victoire concernant le projet d’aéroport, l’AG des usages de ce soir est reportée. On fête la victoire ce soir à la Vache-Rit dès 18h. Une AG du mouvement exceptionnelle est prévue demain matin à 10h à la Wardine.

L’aéroport de Notre Dame des Landes est mort ? 

Vive la ZAD !


L’abandon du projet d’aéroport est une excellente nouvelle. Mais qu’il soit couplé à une évacuation (même partielle) de la ZAD n'est pas une décision acceptable. Défendre la ZAD après l'abandon du projet reste en effet essentiel.

Le gouvernement vient d’annoncer qu’il renonçait définitivement au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Dans le même temps, à la suite des propos du ministre de l’Intérieur, qui annonçait hier que la ZAD "serait évacuée de ses éléments les plus radicaux", il prépare une opération policière et militaire d’une ampleur inédite.

Bien sûr, l’abandon du projet d’aéroport est une excellente nouvelle. Mais qu’il soit couplé à une évacuation (même partielle) de la ZAD n'est pas une décision acceptable.

Renoncer à construire un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes est la victoire de l'ensemble du mouvement d'opposition à l'aéroport de Notre Dame des Landes : sans ce vaste mouvement de résistance, l’aéroport aurait déjà été construit.

Cette décision n’est pas le résultat d'une conversion soudaine d'Emmanuel Macron, d'Edouard Philippe et du gouvernement à la raison climatique, environnementale, sociale et économique dans leur vision de l'aménagement du territoire. Il s'agit d'un succès historique, construit au cours d'une mobilisation de plus de 40 ans, qui est parvenue à durer parce qu'elle a tour à tour articulé, alterné ou associé recours juridiques, contre-expertise citoyenne, mobilisations de masse, solidarité avec les paysan.ne.s, les syndicats de salarié.e.s (y compris du secteur de l'aviation), occupations légales, occupations illégales, résistance, préfiguration, etc.

L'occupation de la ZAD, par ses habitant.e.s historiques et, dans la dernière phase de la lutte (après l'échec de l'opération César), par de nombreuses et nombreux soutiens "extérieur.e.s" en est un élément décisif. Il n’y a donc pas bon.n.e.s opposant.e.s, fondé.e.s à rester et des éléments « radicaux » qu’il faudrait expulser, mais un mouvement, dont la force et la capacité à s’inscrire dans la (très) longue durée réside précisément dans sa diversité.

Depuis longtemps, ce qui se joue sur la ZAD dépasse en outre largement l'opposition au projet d'aéroport. Cette lutte se distingue en effet par sa capacité à re-situer le projet dans "son monde" - un monde dans lequel le béton l'emportait jusqu'alors irrémédiablement sur les tritons. Il n’est depuis longtemps plus question d’une approche de type « pas dans mon jardin », mais d’un élargissement des perspectives, questionnant les fondements même de la décision de construire un nouvel aéroport, plutôt que de se centrer sur le seul choix du lieu.

Le gouvernement a préparé l'opinion publique, via des ficelles aussi grosses qu'éculées - mais malheureusement encore très efficaces, comme en témoignent les nombreux publi-reportages en faveur d'une intervention policière publiés dans la presse - à l'exercice de la force brutale contre la ZAD. Le déploiement de blindés, de plusieurs milliers de policier.e.s, de gendarmes (voire de l'armée), et les drames humains qu'il ne manquera pas d'entraîner de tous côtés, a besoin de ce mythe d'un "ennemi intérieur", d'un "kyste" (comme le disait alors Manuel Valls).

Ce qui se joue sur la ZAD devrait pourtant intéresser au plus haut point un gouvernement et un président de la République qui ne cessent de discourir sur l'impératif climatique. Agir face à la catastrophe qui vient implique en effet de créer de nouvelles articulations entre le local et le global - y compris au niveau des politiques publiques. Penser les causes, les conséquences et les alternatives du réchauffement climatique, de l'extinction des espèces, du mal que nous avons collectivement et historiquement fait à ce monde à partir de territoires concrets : voici, sans doute, la nouvelle frontière de la politique.

La ZAD de Notre Dame des Landes apparaît alors, dans sa beauté fragile, dans ses errements, ses bégaiements, dans ses balbutiements autant que dans ses accomplissements, dans son architecture en dentelle, dans ses ajustements permanents, comme un lieu splendide, un territoire unique, à partir duquel penser ce que signifie vivre ensemble au temps des catastrophes, à imaginer et créer des formes nouvelles d'associations entre humain.e.s et non-humain.e.s ; à revoir complètement la hiérarchie des causes et des conséquences et de trouver des manières de prendre en compte l'intégrité des êtres vivants non-doués de parole.

Les opposant.e.s au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'ont cessé de tenter d'apporter des réponses à ce défi, en recensant l'ensemble des espèces menacées par le projet, en mettant en avant le déséquilibre total du rapport de force entre béton et tritons et en créant des agencements subtiles entre les différents usages (et les différents usagers, humain.e.s comme non-humain.e.s) de la ZAD. La nature n'y apparaît plus comme un espace neutre, que des élus peuvent décider d'aménager à leur guise et qu'il est possible de reconstituer quelques kilomètres plus loin, par le truchement de la compensation biodiversité ; pas plus qu'elle n'est un élément externe que des militant.e.s peuvent défendre depuis une position surplombante – un glissement dont rend compte si superbement le slogan "nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend".

Depuis la ZAD s’inventent et s’expérimentent des réponses à des questions aussi essentielles pour notre avenir commun que : comment vivre, comment penser, comme s’aimer, comment s’opposer, comment construire, comment détruire, comment rêver, comme tester, comment tâtonner, comment faire société. Bref : comment rester (ou redevenir) humain.e.s dans un monde qui s'approche de plus en plus du chaos ? Parcourir un chemin de la ZAD, se baigner dans l'un de ses étangs ou de ses lacs, y habiter, y aimer, y rêver, y cultiver un champ, est un acte fort, préfigurant ce à quoi pourrait ressembler un futur libéré de l'horizon dystopique dont nous nous approchons à grand pas.
Aujourd'hui, plus que jamais, il est donc essentiel de défendre la ZAD.

Maxime Combes et Nicolas Haeringer – Blog sur Médiapart


ZAD - 

vers une nouvelle souveraineté 

libertaire-nomade ?


L’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est considéré comme une victoire des zadistes. Mais ce bocage de Loire-Atlantique n’est pas le seul à être occupé par une ZAD (Zone à défendre). Ce phénomène est en train de tricoter une nouvelle notion : la souveraineté libertaire et nomade.




 
Le phénomène « ZAD » est tout sauf monolithique. Il est aussi divers que diffus et comprend des tendances idéologiques qui, souvent, ne partagent pas grand-chose entre elles. Les militants écologistes qui veulent sauver un biotope par la non-violence côtoient les « black block » dont l’idéologie se limite au cassage de flics ; entre les jeunes paysans qui expérimentent de nouvelles cultures « bio » et les squatters venus du milieu urbain qui ont de la campagne une idée aussi vague que les terrains de leurs quartiers, le dialogue a bien de la peine à embrayer. Dès lors, on ne saurait parler de « zadisme ». Et pourtant, à bien y réfléchir, ces « zadistes » politiquement et sociologiquement bigarrés reposent en des termes nouveaux cette notion qui est l’objet de toutes les attentions à l’heure de la globalisation : la souveraineté.

Un projet d’implantation d’un de ces monstrueux machins sortis des cartons à délires d’énarques et/ou de Louis XIV entrepreneuriaux menace-t-il un coin de France ? Il y a fort à parier que les diverses tribus zadistes vont aussitôt l’investir. Outre Notre-Dame-des-Landes, trois sites sont actuellement occupés par des zadistes de façon permanente :
  • Bois Lejuc dans la Meuse où une trentaine de militants s’opposent au projet de centre d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, lieu considéré comme le plus brûlant par la maréchaussée ;
  • Roybon dans la Meuse, contre le projet de centre de vacances Center Parcs ;
  • Près de Strasbourg où la ZAD locale a installé des cabanes en bois depuis plusieurs mois pour protester contre un projet de contournement routier.
La Gendarmerie nationale a récemment communiqué aux médias que sa SDAO (Sous-direction de l’anticipation opérationnelle) a recensé une cinquantaine de lieux « zadables » dont douze sont considérés comme particulièrement sensibles (voir la carte du Dauphiné Libéré– Cliquez pour l'agrandir).
C’est dire si le phénomène ne s’éteindra pas avec l’abandon du projet à Notre-Dame-des-Landes ; au contraire, le fait d’avoir coupé les ailes d’un aéroport risque plutôt d’en donner aux zadistes !



 
La ZAD, 

comme expérience 

de nouveaux rapports humains

Comme nous l’avons vu, les tribus zadistes poursuivent des buts différents en occupant un site. 
Certains ne veulent que s’opposer à un projet dévoreur de nature ; d’autres, parfois les mêmes d’ailleurs, veulent profiter de cet espace ainsi « libéré » pour tenter des expériences nouvelles, en agriculture mais aussi en projets de société pour vivre autrement, sans les pressions de l’hypercapitalisme financier, des hiérarchies familiales et sociales, pour promouvoir d’autres types de comportement humain que ceux dictés par la consommation et le salariat.

Bien sûr, cela ne va pas sans frottement avec le voisinage qui ne voit pas forcément d’un œil tendre « ces anarchistes qui vont faire baisser le prix des terrains avec leurs conneries ». Toutefois, il existe aussi des voisins qui sont tout contents de voir que quelqu’un enfin s’oppose efficacement à un projet qui va leur entraîner moult désagréments. Mais ces différents peuvent s’aplanir avec le dialogue, comme le démontrent les expériences du Larzac et de Notre-Dame-des-Landes. C’est avec l’Etat que les zadistes engageront le bras-de-fer avec la souveraineté comme principal sujet de discorde.

Dans l’optique du gouvernement, il s’agit de « défendre l’Etat de droit dont il est le garant, vis-à-vis du peuple. Les zadistes occupent illégalement des terres qui ne leur appartiennent pas. Force restera à la loi. Que la ZAD dégage. Il ne s’agit pas d’un acte dicté par une tyrannie mais l’exécution de règles approuvées directement ou indirectement par le peuple ».

Les zadistes répliqueront : « C’est qui le peuple ? Les groupes d’intérêts commerciaux qui veulent installer un projet dangereux pour l’environnement et qui sont protégés par l’Etat ? Laissez-nous plutôt tenter des expériences de vie à côté de votre système. »

Mais l’Etat, quel que soit sa couleur politique, doit obéir à sa logique qui est d’appliquer des lois afin que le développement des intérêts commerciaux soit assuré. Qui dit nouvelles activités, dit embauches. Cela produit des recettes fiscales en plus et des chômeurs en moins. C’est tout bénéfice, et pour le gouvernement et pour les dirigeants économiques. L’ennui, c’est que les zadistes savent mieux que les fonctionnaires utiliser les réseaux sociaux. Et ils disposent désormais de troupes, disparates certes, mais jeunes et inventives. Les tribus zadistes apprennent chaque jour sur le tas à bricoler de nouveaux rapports humains et ils sont en train d’engranger un savoir social de plus en plus perfectionné. De plus, ils suscitent une certaine sympathie au sein d’une partie de la population. Dès lors, leurs installations tendent à perdurer ; à preuve, les onze ans de ZAD à Notre-Dame-des-Landes.

Lorsque l’Etat décide de sévir en mobilisant ses forces de l’ordre pour évacuer une ZAD, hop, les zadistes en occupent une autre afin de continuer de façon nomade l’expérimentation de leur souveraineté libertaire ! De ZAD en ZAD, c’est peut-être un nouveau type de social-écologisme qui est en train d’être inventé. On peut l’espérer. Ou pour certains, le redouter.

Jean-Noël Cuénod – Blog UN PLOUC CHEZ LES BOBOS sur Médiapart

VICTOIRE HISTORIQUE - 

L'aéroport Notre-Dame des Landes abandonné !



 

Nantes

Appel à rassemblement à Nantes du CNCA : Suite à l’annonce du gouvernement qui annule le projet d’aéroport à Notre dame des landes et répondant à l’appel de l’assemblée du mouvement anti-aéroport du 7 novembre 2017, nous appelons à un rassemblement le mercredi 17 janvier à 18h devant la préfecture de Nantes afin de fêter l’abandon du projet d’aéroport à NDDL. Suivi d’une manifestation contre toute tentative d’expulsions sur la ZAD.

ZAD

Un grand merci pour tous les messages de soutien en ce jour historique ! Et même si l’aéroport ne se fera pas, la lutte continue pour défendre la Zad.

Notre-Dame-des-Landes : 

l’exécutif tranche, 

les critiques pleuvent


Édouard Philippe a annoncé mercredi l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes et l’évacuation de la ZAD au printemps prochain. L’exécutif peut s’enorgueillir de trancher une question sur laquelle se sont heurtés tous les gouvernements. Déjà, les pro-aéroport dénoncent un « déni de démocratie ».


C’est décidé. Après des années de controverses et de tergiversations, sur lesquelles plusieurs gouvernements sont venus se heurter, Édouard Philippe a annoncé mercredi 17 janvier l’abandon du projet d’aéroport du Grand Ouest, qui devait être implanté à Notre-Dame-des-Landes. Une décision qui met un terme à dix ans de lutte obstinée des opposants au projet, qui en étaient venus à occuper le territoire réservé par l’État pour y construire la nouvelle aérogare, la zone d’aménagement différé devenue au fil du temps la « zone à défendre ».


Depuis dix ans, ces 1 650 hectares dans le bocage nantais, remplis de forêts, de mares, de sentiers, de champs de pâturage, et habités par 250 à 300 personnes venues d’horizons politiques et géographiques divers, s’étaient transformés en symbole d’une nouvelle forme de politique, alliant le discours au geste, l’idéal à sa mise en œuvre concrète : construire son lieu de vie, cultiver et élever pour soi et pour nourrir les autres luttes, apprendre à vivre au rythme de la nature. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle l’exécutif a choisi de mettre fin au projet.

« Instruit du dossier autant qu’il peut l’être et en étroite association avec le président de la République, le gouvernement a pris sa décision. Je constate aujourd’hui que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet d’aménagement qui structure un territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte d’opposition exacerbée entre deux parties presque égales de la population », a expliqué le chef du gouvernement, mercredi, à l’issue du conseil des ministres. Avant d’indiquer : « Cette décision, que nous prenons aujourd’hui est une décision de raison et d’apaisement dans un contexte local tendu. Une décision exceptionnelle pour une situation locale exceptionnelle. »


Afin de prévenir d’emblée les critiques qui n’ont pas manqué de pleuvoir sitôt son allocution terminée, Édouard Philippe a rappelé que « la situation était totalement bloquée » au moment de son entrée à Matignon, il y a huit mois. « Elle était non seulement bloquée, mais elle était dangereuse pour la sécurité des personnes et contraire au respect de l’État de droit », a-t-il précisé. Pour y remédier, son premier réflexe, « celui d’un républicain convaincu, celui de maire, d’ancien maire d’une ville, aurait été d’autoriser sans délai ce projet » déclaré d’utilité publique en 2008, a-t-il également reconnu.

Tous les recours des opposants ayant été, selon ses propres mots, « purgés » et la consultation du 26 juin 2016 ayant tourné en faveur de l’approbation du projet à 55,17 %, « le débat aurait dû être clos depuis longtemps ». L’ancien maire LR du Havre, comme Emmanuel Macron du reste, s’était d’ailleurs prononcé en faveur du projet avant d’être aux commandes, comme le rappelle ce montage vidéo de L’Opinion. Mais, comme l’a noté le premier ministre mercredi, « les choses paraissent toujours plus simples quand elles sont vues de loin ». Et « si la décision avait été facile, elle aurait été prise depuis longtemps ».

« Durant cinquante ans à coups de décision, de reculade, de déni, de non-décision, l’État s’est placé face à un dilemme impossible, a encore regretté Édouard Philippe. Durant toutes ces décennies, alors que partout ailleurs le pays réalisait de grands projets d’aménagement, l’indécision des gouvernements successifs a laissé les partisans du projet et ses opposants s’affronter, se dresser les uns contre les autres. On a parfois instrumentalisé ces oppositions à des fins politiciennes. » Au nom de « l’apaisement » et de la volonté de « construire différemment, intelligemment » un autre projet pour le Grand Ouest, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est donc purement et simplement abandonné.

Pour le chef du gouvernement, « cette décision est logique au regard de l’impasse dans laquelle se trouve ce dossier » : « Cinquante années d’hésitation n’ont jamais fait une évidence. Cette décision est sans ambiguïté. Les terres retrouveront leur vocation agricole. Contrairement à ce que propose le rapport, elles ne seront pas conservées pour réaliser ultérieurement le projet », a-t-il insisté. Pas un moment, le premier ministre n’a parlé d’écologie, de climat, de biodiversité, d’agriculture paysanne, ni de relocalisation des activités. À ses yeux, les terres de la ZAD doivent aujourd’hui retrouver leur vocation agricole.

Les agriculteurs expropriés qui le souhaitent pourront retrouver leurs terres. Et de nouveaux projets agricoles pourront être proposés à partir du mois d’avril. « L’État engagera une session progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes, dès maintenant, les forces de l’ordre sont mobilisées pour que ce processus se déroule dans le respect de la loi et que les squatteurs libèrent progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas », a précisé Édouard Philippe, soulignant sa volonté de mettre fin à « une zone de non-droit qui prospère depuis près de dix ans sur cette zone. »

En contrepartie, l’État s’engage à optimiser l’actuel aéroport de Nantes Atlantique, mais aussi à améliorer la mise en réseau des aéroports régionaux et à appuyer les dessertes par lignes à grande vitesse vers les plateformes aéroportuaires parisiennes. C’est le minimum de ce que réclamaient les collectivités locales. L’exécutif promet surtout l’évacuation de la ZAD, mais pas avant le printemps, attendant ainsi l’expiration de la trêve hivernale sur les expulsions (le 30 mars). D’ici là, la route départementale D281, couverte de quelques cabanes et restes de barricades devra être libérée, comme le réclament depuis plusieurs mois paysans et riverains.

Dans un communiqué, le mouvement anti-aéroport a promis de rouvrir les accès, tout en refusant les expulsions. « Dans le futur, ce territoire doit pouvoir rester un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole », ont écrit les opposants à l’aéroport, laissant comprendre que le sujet est loin d’être complètement réglé. Le premier ministre, lui, s’est voulu inflexible sur ce point : « Il est temps désormais que l’État soit clair dans ses choix et ferme dans leur mise en œuvre », a-t-il déclaré, avant de mettre l’accent sur la nécessité, « pour le futur », de « tirer les leçons de l’échec de Notre-Dame-Des-Landes en termes de débat public, de procédure, de présentation et de discussion des alternatives ».

« C’est un scandale démocratique »

L’exécutif peut s’enorgueillir d’avoir tranché une question vieille de cinquante ans. Et il ne s’en prive d’ailleurs pas. « Nous aurions pu faire comme les autres, comme ceux qui aujourd’hui ne manqueront pas de nous interpeller, c’est-à-dire au fond, laisser le soin à nos successeurs de trancher le nœud gordien, a affirmé le chef du gouvernement, mercredi. Après tout qu’auraient représenté cinq années de plus alors que, quelle que soit la décision prise, aucune infrastructure ne verra le jour en matière aéroportuaire sur place dans ce quinquennat. » Une façon de répondre à ses prédécesseurs, François Fillon, Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault en tête, tous trois très attachés, pour des raisons diverses, au projet d’aéroport du Grand Ouest, mais n’ayant jamais réussi à le concrétiser.

Le premier, ancien président des Pays-de-la-Loire de 1998 à 2002, en faisait un outil de développement économique. Le deuxième y voyait un moyen de marquer son autorité en faisant respecter l’ordre – il a d’ailleurs encore indiqué, dimanche 14 janvier, que l’abandon serait une « erreur », assurant n’avoir « toujours pas compris pourquoi » François Hollande et Jean-Marc Ayrault lui avaient demandé d’arrêter l’opération « César » d’évacuation de la ZAD à l’automne 2012.


 
C’est surtout le troisième, Jean-Marc Ayrault justement, qui fut pendant des années un farouche défenseur du projet. « Renoncer à Notre-Dame-des-Landes serait opportuniste et tactique », déclarait-il encore il y a quelques jours dans les colonnes du Monde. Sitôt l’allocution d’Édouard Philippe terminée, l’ancien maire PS de Nantes a réagi de la façon suivante sur Twitter : « Je prends acte de la décision du gouvernement et je la regrette, c’est un déni de démocratie et une faille dans le développement du Grand Ouest, je prends date. »


Les réactions se sont multipliées depuis le début de l’après-midi. Bruno Retailleau, un proche de François Fillon, conseiller régional des Pays-de-Loire et chef du groupe LR au Sénat, a notamment perçu derrière cette décision une « capitulation ». « Les zadistes ont gagné, a-t-il écrit dans un communiqué. L’État vient de donner raison aux voyous et de désavouer le vote des citoyens. C’est un scandale démocratique qui nous emplit de colère et d’amertume. » Pour le sénateur, Emmanuel Macron s’est rendu coupable, avec cette décision, d’une « triple trahison » : celle de sa parole personnelle, celle de la parole de l’État, et celle du Grand Ouest.


Le président PS du département de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet, est allé dans le même sens. Selon lui, le chef de l’État « piétine les habitants de mon département qui sont allés voter. Il piétine le suffrage universel qui est le socle de notre République et de notre démocratie ». « Il n’y aura que des mauvaises conséquences au travers de cette décision, a-t-il regretté. Il y aura des conséquences désastreuses pour notre démocratie. Les habitants de Loire-Atlantique m’ont fait savoir en nombre que plus jamais ils n’iront voter, plus jamais ils n’iront déposer un bulletin dans l’urne. C’est [le] premier grand reniement [du président]. Il nous fait croire qu’il fait un choix alors que c’est un non-choix. Ils ont cédé au désordre. Le seul recul que le président de la République et le premier ministre font, c’est devant une petite bande de zadistes. »


À gauche, en revanche, c’est évidemment la satisfaction qui a dominé. Surtout chez les écologistes qui ont parlé de « victoire historique ». Europe Écologie-Les Verts (EELV) s’est néanmoins inquiété de l’avenir de la ZAD, demandant « une période de gel de la redistribution institutionnelle des terres, afin qu’elles continuent à être prises en charge collectivement par celles et ceux qui s’étaient battus pour elles ».


« Enfin, le gouvernement abandonne le projet d’aéroport de NDDL, absurdité écologique et économique. Les zadistes ont contribué à cette prise de conscience au service de l’intérêt général. Ils doivent être remercié.e.s et non brutalisé.e.s. », a de son côté posté sur Twitter le député insoumis de Seine-Saint-Denis, Bastien Lachaud, dont le mouvement insiste officiellement sur la nécessaire voie de la concertation qui doit s’ouvrir sur l’avenir de la zone : « Nous demandons au gouvernement de faire preuve de calme et de mesure pour une sortie positive sur tous les plans. Une expulsion de la ZAD serait incompréhensible ! »


Le Parti communiste, qui était jusqu’alors pour le projet, s’est inscrit dans la même veine, en mettant toutefois en garde « contre toute mise en œuvre autoritaire de cette solution ». Dans un communiqué, il a insisté sur la nécessité de « mettre au cœur » des futurs choix du gouvernement « l’intérêt des habitant.e.s par la réduction au maximum des nuisances, notamment sonores, polluantes et environnementales pour la métropole nantaise et les risques liés à son implantation en milieu urbain ». Une façon de ne pas valider l’extension de l’actuel aéroport de Nantes Atlantique, choix retenu par l’exécutif et dont les premières mesures pourront être mises en œuvre dans « des délais rapides », comme l’a indiqué Édouard Philippe.

Du côté la majorité, chacun a sans surprise applaudi la décision « difficile à prendre », selon les mots du président de l’Assemblée nationale, François de Rugy. « Cette décision claire est une sage décision, a-t-il souligné. Elle démontre qu’il est possible de concilier la croissance du trafic aérien et le respect des grands enjeux écologiques et la protection de la biodiversité. » Le député LREM du Maine-et-Loire, Matthieu Orphelin, un proche du ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, qui n’a jamais caché son opposition au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, se félicite lui aussi de la « décision difficile mais responsable » de l’exécutif.


« Il n’y avait pas de décision simple, tant le projet s’était enlisé depuis des années, vicié par l’absence d’étude des alternatives », a-t-il encore assuré. Même le patron des députés LREM Richard Ferrand, qui s’était pourtant toujours prononcé en faveur du projet, s’est enthousiasmé dans un communiqué : « Enfin, une décision est prise ! s’est félicité l’élu du Finistère. Le choix porté par le gouvernement a été pris en pleine conscience des nombreux et complexes paramètres de ce dossier. Enfin, après cinquante ans de tergiversations, nous sortons de l’impasse, grâce à une méthode ouverte et claire ? »




Sur la Zad,

récit d’une journée de victoire historique




 
L’abandon du projet d’aéroport à Notre Dame des landes est vécu sur le terrain comme une victoire jubilatoire mais aussi comme une étape pour négocier l’avenir de la zone. Récit d’une journée de joie.


 Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), reportage

C’est forcément une date dans l’histoire des luttes. L’histoire des luttes de terrain, des luttes pour des terres. Ce 17 janvier aura pourtant mis du temps à commencer. Avant 13h, rien ou presque. Un hélicoptère de la gendarmerie survolant le bocage, comme un rappel, la signature d’une zone sous tension. Des journalistes errant comme des chiens dans la prairie. Les vaches, ruminant derrière la haie, indifférentes au train train de l’attente.

A quatre kilomètres du bourg de Notre-Dame-des-Landes, au lieu-dit La Rolandière, dans la salle du bas de la bibliothèque, une quarantaine de zadistes écoutent la radio, piaffant avant l’allocution du Premier ministre. Beaucoup de surexcitation, des sourires forcés, et ces commentaires des scenarios possibles qu’ils et elles ont déjà tant de fois ressassés. Pour tuer l’attente, une banderole est réalisée à l’improviste, à dérouler sur le phare érigée comme une vigie au bord de la maison. « On met quoi : "Nananère !" ou alors "Même pas cap !" ? ». Finalement, ce sera « Et TOC ! Rdv 10 février », date du rassemblement fêtant la fin de la déclaration d’utilité publique. « Non mais si le projet est pas abandonné... ». « Ben euh. On sort pas la banderole... » Et puis ils l’ont sortie.


  Quand enfin, le discours d’Edouard Philippe scelle la victoire, c’est forcément un hurlement de joie, des embrassades, des sourires jusqu’aux oreilles, des pleurs de joie. Quatre fumigènes brandis à bout de bras et toute la troupe grimpe, avec la banderole, au pylône transformé en phare. Un poste d’observation qui domine la longère occupée par la bibliothèque et le groupe presse. La lisse retrouve les habitudes des slogans : « Et la Zad elle est à qui ? Elle est à nous ! » et au gré de l’imagination, un « Et un et deux et trois zéro ! » de supporters de foot qui fait sourire les vieux militants paysans : « Ben tu vois, les jeunes, ils sont comme nous ! ».

 
Un groupe de zadistes prépare une autre banderole, « Merci », pour rendre visite dans leurs fermes et sans journaliste, aux paysans historiques qui ont initié et maintenu la lutte depuis les années 1970. L’unité des composantes, les merci et les embrassades ponctuent les nouvelles retrouvailles de militants accourus fêter ça. Photographes et cameramen se ruent à bout portant sur ces moments d’émotion, avec une rapacité parfois un peu voyeuriste.

Même ruée au début de la prise de parole des composantes du mouvement, à la Vacherit à 500 m de là. La grappe serrée de journalistes pousse vers le mur les porte-paroles du mouvement contre l’aéroport. « Libérez nos camarades ! » beuglent des zadistes, hilares. « La Zad c’est une zone de respect des autres. On peut être pro et respectueux », reprend une photographe indépendante. Les porteurs de caméras jouent des coudes, s’engueulent, on n’entend rien. Cette pathétique mêlée ouverte de médias en meute individualiste aurait bien besoin d’un stage d’autogestion, au moins de l’espace de prise de vue.


  
Une fois la bousculade tassée, le brouhaha vaguement calmé, on entendra : « La nécessité pour les paysan·nes et habitant·es exproprié·es de pouvoir recouvrer pleinement leurs droits au plus vite. Le refus de toute expulsion de celles et ceux qui sont venus habiter ces dernières années dans le bocage pour le défendre et qui souhaitent continuer à y vivre ainsi qu’à en prendre en soin. Une volonté de prise en charge à long terme des terres de la Zad par le mouvement dans toute sa diversité - paysans, naturalistes, riverains, associations, anciens et nouveaux habitants ».

Les militants qui ne se sont pas encore croisés se tombent dans les bras, envoient des textos, « On-a-ga-gné !  » alternant avec « On arrose ça quand ? ». Et toujours des bises, des bras enveloppants, et des abrazos entre des gens qui ne sont jamais sentis si proches, bien ensemble, les larmes aux yeux. Un chauffeur routier passe sur la route, fenêtre du camion ouverte, doigts en V pour saluer la victoire. Genre de barde à guitare de tous les rassemblement, Dominique Loquais a composé une nouvelle chanson : « Main dans la main, on n’a pas baissé les bras, lon la. Main dans la main, on lâchera pas », reprise, braillée, entonnée sous le hangar par des gens
de tous âges et de tous horizons.



 
« Ça faisait 46 ans que j’avais cette épée de Damoclès sur la tête. Hop terminé !, jubile Dominique Fresneau, le président de l’Acipa. Mais, bon c’est pas fini. Maintenant on doit écrire l’histoire de l’avenir de la Zad. » La projection dans l’avenir immédiat est unanime. « Cette victoire c’est une nouvelle étape pour pérenniser tout ce qui s’est fait ici, habitat, projets agricoles, organisation de la vie sociale » sourit Geneviève Coiffard, inlassable cheville ouvrière de la coordination des opposants. « Il faut que ça reste un laboratoire d’expériences, basées sur l’échange humain » dit une voisine, arrivée en 1983 quand le projet était un peu oublié, fantôme vaguement menaçant.

Sur le chemin encombré de voitures, dans le contre-jour du hangar agricole où se sont tenues tant d’assemblées, on s’échange des « Merci , merci »... « Ben merci quoi ? C’est un merci collectif. C’est la diversité qui a gagné ! »

« Avec la commémoration de Mai 68, Macron a une opportunité à saisir en laissant la Zad, comme une "zone d’utopie en marche" », lâche Christophe Dougé, conseiller régional EELV. Une idée qui séduit l’ancien docker Gilles Denigot, et qu’il va suggérer à son pote Dany Cohn-Bendit, qui a l’oreille de Macron, notamment ces dernières semaines sur le sujet de Notre-Dame-des-Landes. Gilles Denigot pense même que Macron a joué un coup de stratégie locale et de calcul politicien, anticipant les prochaines élections municipales de 2020 et espérant reprendre deux grande villes, Nantes et Saint-Nazaire, tenues par un PS qui a porté à bout de bras le projet d’aéroport et que ce désaveu décrédibilise un peu plus.

Figure du mouvement, l’ancienne élue Françoise Verchère n’en peut plus de redire devant les micros son « mélange de joie, de soulagement, d’émotion et d’épuisement, après un combat déraisonnablement long. J’ai espoir que ça permettra une réflexion critique sur les méthodologies de décision publique. J’en arrivais à penser que les porteurs du projet faisaient tous partie de l’infime part des Français qui croient que la terre est plate... Pour contrer leurs arguments, on aura été obligé de tout faire, résistance des matériaux, technique aéroportuaire, géologie, architecture, droit... Un travail de dingue. On va presque pouvoir piloter des avions... J’espère qu’à partir de ça, on ne pourra plus "aménager" en détruisant. Le Premier ministre n’a pas parlé d’expulsions ni d’évacuation. On a un peu de temps pour discuter de la phase d’avenir. »

Les régularisations et tolérances à négocier pour les expériences agricoles en cours ont sans doute l’hiver pour affiner leurs zones d’accords avec les instances administratives officielles.

Mais le futur imminent porte un nom de code : D281, du nom de la départementale qui travers la Zad, trois petits kilomètres et demi fermée administrativement en 2013. « Les squats qui débordent sur la route doivent être évacués, les obstacles retirés, la circulation rétablie. À défaut, les forces de l’ordre procéderont aux opérations nécessaires », a dit Edouard Philippe à l’issue du conseil des ministres.

Cette « route des chicanes », que les gendarmes auraient surnommée « route Mad Max », cristallise les volontés de retour visible à la normale. Ce qui voudrait dire une réouverture à la circulation, sans trous dans le bitume ni rétrécissements. Les nouveaux habitants des cabanes de ses rives souhaitent pourtant y rester, obtenir des dos d’âne et des réductions de vitesse, et garder la trace de cette déco de restes de barricades, de carcasses de voitures emplies de terre où l’herbe a poussé. Plus largement, le mouvement (paysans, Acipa, coordination, zadistes) ne voudrait pas tout perdre pour ce seul symbole. « Le mouvement s’engage à répondre lui-même à cette demande pour éviter une intervention policière qui ne ferait qu’envenimer la situation. » 
 
L’urgence est à l’entente cordiale entre les occupants du bord de la route et les composantes du mouvement. « Malgré nos différences d’organisation, parfois nos divergences, on ne s’est pas décomposé dans cette lutte. Je suis vraiment contente d’avoir vécu ces moments de construction et de composition » souligne une zadiste confiante.

« Ce soir, on fait la fête mais dès demain, on a une AG dès 10 h du mat pour parler des usages, des enjeux immédiats, comment on pense ensemble ce que deviennent les terres cédées par le projet, confie un autre zadiste. On est prêts à entrer en négociation, à discuter des projets dans le cadre officiel ou hors cadre, des lieux occupés qui sont ainsi reconnus comme légitimes, puisque le gouvernement a acté que la résistance a été légitime en contribuant à l’abandon du projet... ».

Mercredi soir, en tout cas, foin des discussions : on a fait la fête !


 

  20 mn Nantes : https://youtu.be/8LO6qFMMqe4

 

Déclaration du 1er Ministre du 17 janvier 2018 : 

extraits

[...]
Au-delà de leur division sur ce projet, tous les interlocuteurs que j’ai rencontrés m’ont fait valoir la nécessité de rétablir rapidement l’état de droit sur la zone.

Le gouvernement s’y engage. C’est la deuxième décision que j’annonce aujourd’hui, nous mettrons fin à la zone de non droit qui prospère depuis près de 10 ans sur cette zone. Ainsi dès aujourd’hui la demande de prorogation de la déclaration d’utilité publique que nous avions déposée au conseil d’Etat fin décembre pour nous laisser toutes les options ouvertes sera retirée. La déclaration d’utilité publique actuelle deviendra caduque le 8 février prochain.

Les trois routes qui traversent le site de Notre-Dame-Des-Landes doivent maintenant être rendues à la libre circulation pour tous. Les squats qui débordent sur la route vont être évacués, les obstacles retirés, la circulation rétablie. A défaut les forces de l’ordre procéderont aux opérations nécessaires.

Conformément à la loi, les agriculteurs expropriés pourront retrouver leur terre s’ils le souhaitent. Les occupants illégaux de ces terres devront partir d’eux-mêmes d’ici le printemps prochain ou en seront expulsés. Ailleurs de nouveaux projets agricoles pourront être accueillis à partir de fin avril dans un cadre légal.

L’Etat engagera une session progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes, dès maintenant, les forces de l’ordre sont mobilisées pour que ce processus se déroule dans le respect de la loi et que les squatteurs libèrent progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas. Pour le futur, il faudra aussi tirer les leçons de l’échec de Notre-Dame-Des-Landes
[…]
zad.nadir.org

Alain Goutal – blog Médiapart

 
Jeudi 18 janvier

Et si Notre-Dame-des-Landes 

devenait un bien commun ?




 
Maintenant que le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été abandonné, la question du devenir de la Zad se pose. Une partie de la réponse pourrait se trouver dans la notion des communs, héritée des « communaux » du Moyen Âge.

Wikipédia est un très bon exemple de bien commun. Une encyclopédie en ligne, qui peut être enrichie, lue et contrôlée par tous. C’est ce qu’on peut appeler au sens propre un « commun », c’est-à-dire un système d’utilisation et de gestion d’une ressource matérielle ou immatérielle par un groupe de personnes toutes ensemble. Cette notion a depuis quelques années le vent en poupe, car elle apporte des solutions innovantes à des problèmes notamment environnementaux [1]. L’idée de bien commun date en fait du IXe siècle. Les « communaux » désignaient alors les biens (bois, chemins, rivières) appartenant à tous les habitants d’une commune. Après la révolution industrielle, ce statut juridique est devenu très marginal mais l’idée est restée et a refait surface dans les années 1990 avec les travaux de l’économiste états-unienne Elinor Ostrom. La version moderne des communs, qui ne repose plus sur la propriété mais sur l’utilisation, intéresse aujourd’hui. Et elle pourrait peut-être apporter une réponse à la question de l’avenir de Notre-Dame-des-Landes, maintenant qu’a été décidé l’abandon du projet d’aéroport.

Du côté de la Zad en tout cas, l’idée plaît car elle permettrait aux occupants arrivés dans les années 2010 et aux agriculteurs historiques de vivre ensemble. Ce qu’explique Camille [2], du « groupe presse ». « On a commencé à y penser dès 2012 après l’opération César, raconte-t-il. On voulait avoir un coup d’avance et commencer à réfléchir à l’après. La question était : comment permettre à la fois aux agriculteurs historiques d’exploiter leurs terres comme ils le veulent, et aux occupants de continuer à expérimenter de nouveaux modes de vie ? Pour ça, on a rédigé un texte en six points qui s’intitule “Parce qu’il n’y aura pas d’aéroport”. Aujourd’hui, on expérimente des formes d’auto-organisation sur nos 70 espaces de vies et d’activités, comme le Taslu, la bibliothèque de la ZAD. » 

Dans ce texte, on trouve notamment ce souhait : « Que les terres redistribuées chaque année par la chambre d’agriculture pour le compte d’AGO-Vinci sous la forme de baux précaires soient prises en charge par une entité issue du mouvement de lutte qui rassemblera toutes ses composantes. Que ce soit donc le mouvement anti-aéroport et non les institutions habituelles qui détermine l’usage de ces terres. » Il s’agit de créer une entité commune, qui rassemble tous les opposants au projet d’aéroport pour décider ensemble de la gestion et l’utilisation de ces terres.

    Un retour aux sources pour le bocage breton 

    de Notre-Dame-des-Landes 


Cette solution plaît aussi à François de Beaulieu, membre des Naturalistes en lutte, collectif qui s’intéresse à la préservation de l’écosystème fragile de ce bocage humide qu’est Notre-Dame-des-Landes. Pour lui, il s’agirait d’un retour aux sources pour le bocage breton. « La commune de Notre-Dame-des-Landes est née à la suite de privatisation de communs qui existaient depuis des centaines d’années, explique-t-il. Au départ, il s’agissait de centaines d’hectares de landes utilisées de façon collective, d’où son nom. Il s’agirait de renouer avec certaines de ces pratiques. » Cet usage commun d’une partie des terres permettrait en outre de mieux protéger la faune et la flore du bocage, selon François de Beaulieu : « À Notre-Dame-des-Landes, on est obligé de réfléchir à la fois au niveau des parcelles, car c’est une zone humide complexe, et à l’échelle globale, car c’est un espace très étendu. Avoir une vision collective est donc quelque chose de très positif. Et puis, il faut que nous partagions la connaissance de la biodiversité en France, qu’on implique les riverains dans cette démarche, pour inventer quelque chose de neuf et de passionnant. C’est l’avenir de la Zad d’être une zone expérimentale tant en matière d’agriculture que de protection de la nature. »


 
Thomas Dubreuil, l’un des juristes qui apportent leur aide aux opposants à l’aéroport, juge cette solution des communs « très intéressante » : « On pourrait imaginer la création d’une société civile type SCI [société civile immobilière] qui serait chargée de réguler les usages. L’État resterait propriétaire des terres tout en permettant aux occupants de les utiliser. On se rapprocherait de la distinction entre nue-propriété (posséder un bien mais ne pas avoir le droit de l’utiliser) et usufruit (avoir le droit d’utiliser un bien sans en avoir la propriété) », explique-t-il. Cette société se chargerait alors de rendre leurs parcelles aux agriculteurs historiques, expulsés par l’État pour construire l’aéroport, et de mettre le reste des terres en commun.

Il existe d’ailleurs un précédent de taille : le Larzac. En 1973, des dizaines de milliers de personnes convergèrent vers ce causse (un haut plateau) du Massif central et commencèrent à l’occuper. Ils avaient répondu à l’appel de 103 agriculteurs locaux menacés d’expulsion par un projet d’extension d’un camp d’entraînement militaire. De cette lutte issue de Mai 68 a émergé une partie du courant altermondialiste et des figures comme José Bové. Après quasiment dix ans de manifestations, de marches vers la capitale, d’actions de désobéissance civile, de grèves de la faim, etc., les paysans du Larzac et leurs soutiens obtinrent gain de cause. Les 66 expropriations furent annulées et le projet d’extension du camp fut abandonné. Certains agriculteurs eurent les moyens de récupérer leurs terres auprès de l’État mais une grande partie du terrain — 6.300 hectares — restait sans propriétaire particulier. En 1985, le président de la République François Mitterrand décida de céder la gestion de cet espace à une entité créée pour l’occasion, la SCTL, pour Société civile des terres du Larzac. Elle est aujourd’hui encore chargée des terres agricoles du plateau. En 2013, Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, a même renouvelé ce bail dit emphytéotique (de très longue durée) jusqu’en 2083.

    « La notion de commun permet de sortir 

    d’une pensée binaire public/privé 

    en inventant une troisième voie » 


Autre exemple, plus récent celui-là : la Coordination de protection des espaces verts et publics d’Île-de-France, ou Ceve. Cette entité, issue du rassemblement de plusieurs associations des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, est centrée sur la notion de commun, en ce qu’elle permet à la fois de préserver les quelques rares espaces de nature de la région parisienne, et de faire se rencontrer les habitants. Ginette Lemaître, Montreuilloise de 84 ans, est l’une de ses membres. Elle explique : « La notion de commun permet de sortir d’une pensée binaire public/privé en inventant une troisième voie, une troisième manière d’occuper un espace. C’est aussi une temporalité qui n’est ni celle du mandat électoral ni celle des profits privés et qui se rapproche de celle de la nature puisque les propriétaires réels sont les habitants, ceux qui font la ville et y restent sur plusieurs générations. » L’association dont Ginette fait partie à Montreuil (Seine-Saint-Denis) gère de manière commune depuis 25 ans le Terrain d’aventures, un parc de 3.200 m². Chaque jour, c’est un habitant différent qui ouvre et ferme le terrain, et chaque membre de l’association peut proposer des activités. « Il y a des concerts, des rencontres avec des botanistes, une fois on avait fait venir des moutons… Tout ça fonctionne depuis un quart de siècle sans aucune subvention. »

Possible juridiquement et concrètement, un statut de commun est-il envisagé par le gouvernement actuel ? « Je suis à peu près sûr que notre manière d’expérimenter va à l’encontre de la façon de penser d’Édouard Philippe, affirme Camille. Mais d’un autre côté, beaucoup de gens ressentent ce que l’on fait comme une source d’inspiration bien au-delà de Notre-Dame-des-Landes. Et ceux qui nous gouvernent ont compris qu’on ne bougera pas. Je ne pense pas qu’ils pensent à cette solution des communs, mais c’est à nous de continuer à la faire exister très concrètement au lendemain de l’abandon. »



Oui, l’optimisme est possible



On est arrivé au bout du chemin de Notre-Dame-des-Landes. D’un chemin. Ce voyage nous apprend au moins ceci : cela vaut la peine de se battre.


Quelle a été longue et dure cette bataille ! Combien de souffrances, d’angoisses, de blessures, de manifestations, de réunions, de moments d’abattement... Mais aussi combien de moments lumineux, d’instants magiques, de forces retrouvées, de victoires inattendues, de rencontres et d’alliances miraculeuses... Et, au bout du chemin - on est tout étonné de l’avoir atteint -, cette victoire du bon sens et d’une lutte tenace.

Car ce n’est pas « le gouvernement qui décide », du haut d’on ne sait quel Olympe. C’est une décision qui prend acte de l’énergie d’une lutte collective inflexible et de l’analyse d’un dossier technique que les promoteurs de ce projet d’aéroport n’avaient jamais voulu ouvrir réellement.

Au demeurant, cette décision est sage, et l’on doit reconnaître à MM. Macron, Philippe et Hulot d’avoir agi intelligemment : en reprenant le dossier avec une médiation ouverte sur toutes les idées ; en prenant le temps du dialogue avec presque toutes les parties prenantes ; en annonçant une décision sans ambiguïté, et ne cédant pas aux injonctions de médias en furie qui réclamaient des matraques et du sang.

On peut aujourd’hui entamer une nouvelle histoire. Il faut que le mouvement d’opposition à l’aéroport se transforme en un mouvement de création d’un lieu pérenne et exemplaire. Et à court terme, il parait indispensable d’ouvrir la route dite « des chicanes » - une mince départementale traversant la zone sur trois kilomètres et demi - tant pour répondre au geste pacifique du gouvernement que pour tendre la main aux habitants des villages voisins de Notre-Dame-des-Landes.

Et il faut que le mouvement et les pouvoirs publics rentrent sereinement en discussion. Si on lit bien le discours du Premier ministre, on voit qu’il ouvre la porte à la création d’un nouveau droit sur la zone, qui pourrait rendre légaux les occupants qui ne le sont pas aujourd’hui. La formule d’une société foncière commune aux paysans et habitants de la zone, recevant une forme de concessions des terres qui appartiennent à l’Etat, est la voie de cette légalité. Souhaitons qu’elle soit empruntée par tous, dans un esprit loyal et avec cet espoir de créer une expérience nouvelle.

Mais au-delà de la situation propre de cette nouvelle Zone à imaginer de Notre-Dame-des-Landes, on peut tirer quelques enseignements de cette magnifique bataille.

D’abord, que l’on peut remporter des victoires ! On a tendance à l’oublier, tant la destruction du monde se poursuit et tant l’idéologie productiviste imprègne la culture, mais cela vaut la peine de se battre, parce qu’on peut remporter des victoires : Notre-Dame-des-Landes s’inscrit dans le fil de l’interdiction toute récente de la pêche électrique, de la victoire sur les OGM en France et en Europe, de l’empêchement de la production de gaz de schiste en France, ou de victoires plus discrètes, comme contre le mégacentre commercial de Val Tolosa, le centre Décathlon à Saint-Jean-de-Braye ou un stade inutile à Dunkerque.

Et pour remporter les victoires, il faut s’unir ! Qu’est-ce qui a fait la force du mouvement de Notre-Dame-des-Landes ? Sa capacité à se renouveler sans cesse, en s’enrichissant en continu de nouvelles forces, envies, tactiques, cultures, et en sachant surmonter les différences et les conflits, en apprenant les uns des autres, en progressant ensemble. Une des choses les plus fascinantes de ce mouvement est de voir à quel point on - je m’inclus dans ce « on » - on a tous appris sur le « vivre ensemble ». Pour aussi - et les habitants de la Zad mènent là une vie exemplaire - imaginer comment sortir de la société de consommation et des rapports hiérarchiques.

S’unir, une victoire, mais pour quoi ? Pas seulement pour des enjeux locaux, même s’ils sont essentiels et qu’ils sont à notre portée. Mais pour défendre un local qui est le miroir du global : la destruction du monde, le changement climatique, le ravage des écosystèmes, le démentiel gaspillage des terres, ce n’est pas dans les statistiques qu’ils se jouent, ce n’est pas sur « la planète » qui nous serait aussi étrangère que Mars, mais c’est ici, au village, à la porte de nos villes, là où on vit, là où l’on est. Ce qui a fait la force de Notre-Dame-des-Landes, c’est sa capacité de se transformer d’une lutte contre un projet local d’aéroport en une lutte « contre l’aéroport et son monde ».

Il y aurait encore tant à dire. Mais ceci : cette lutte a bouleversé des vies. Le plus souvent pour le mieux, à travers des souffrances. Je ne connais pas un ou une personne impliquée dans ce mouvement qui n’en ait été transformée. Cela a été mon cas, puisque, censuré par le journal où je travaillais, je l’ai quitté pour pouvoir rester libre. Et que je me suis investi dans Reporterre, qui depuis a grandi pour devenir ce média de l’écologie que vous êtes des milliers à soutenir, et qui, nous l’espérons, a été utile pour apporter les informations dans la lutte de Notre-Dame-des-Landes. Je ne dis pas cela pour parler de nous, mais pour donner un exemple de changement concret qui s’est fait par cette aventure. Il faudrait citer des dizaines, des centaines de noms, de visages, de rencontres, d’amis fugaces ou durables, de personnes magnifiques qui méritent tant d’estime. Quelle belle lutte, mes ami(e)s !

Et puisqu’on ne peut tous les citer, saluons Michel Tarin, paysan, un des pionniers de cette lutte, et qui s’est battu jusqu’à son décès. Salut Michel, aujourd’hui, où que tu sois, tu vois, tu as gagné.




 
NDA : J’ai souvenir de la prise de parole de Michel (Paysan travailleur) à la manif au Larzac de août 1973

Jeudi 18 janvier

NDDL : 

et le grand gagnant est... 

le groupe Vinci


L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne se fera pas mais le géant du BTP Vinci pourra tirer son épingle du jeu. Cet abandon permet au groupe d’engager avec l’État une vaste négociation, avec en perspective une montée en puissance dans le capital d’Aéroports de Paris. Une enquête de Mediacités-Nantes.


Mediacités-Nantes. C’est terminé ! Entamé en 1974, le feuilleton Notre-Dame-des-Landes s’est achevé, avec l’annonce par Édouard Philippe de l’abandon du projet d’aéroport. « Cinquante ans d’hésitations n’ont jamais fait une évidence », argumentait le premier ministre dans un discours qui brassait large (notre article ici)… Tout le monde a été cité, tout le monde sauf Vinci, le géant français du BTP pourtant chargé de construire et d’exploiter ce qui devait devenir le grand aéroport du Grand Ouest. Absent de marque de cette allocution, le groupe est-il le grand perdant de la décision gouvernementale ? Pas du tout ! Prévoyant, il avait envisagé tous les cas de figure et sort renforcé de cet interminable conflit.

Avec l’abandon du nouvel aéroport, Vinci perdra bien sûr ce que le chantier aurait pu rapporter à ses filiales, et aussi les revenus que l’équipement devait lui rapporter jusqu’en 2065. Mais, à bien y regarder, ses intérêts sont largement préservés. D’abord en raison de l’indemnisation à venir, potentiellement très lucrative. Comme le dit le vice-président aux transports (PS) de la région Bretagne, Gérard Lahellec : « Quand Vinci signe ce genre de contrat, ce ne sont pas des gamins ! Ils prévoient ceinture et bretelles. »

Le fameux article 81 du contrat de concession, signé en 2010 entre l’État et le groupe privé, prévoit qu’en cas de résiliation pour « motif d’intérêt général », le concessionnaire soit indemnisé au titre du manque à gagner sur le chiffre d’affaires promis. Combien ? Difficile – voire impossible – à dire.

Dans leur rapport, rendu le 13 décembre dernier, les médiateurs parlaient d’une somme fluctuant entre 0 et 350 millions d’euros d’indemnités. Pourquoi une telle amplitude ? Parce que l’article 81 laisse planer un flou pudique et juridique sur ses modalités d’application. Au point que la semaine dernière, un ministre, sous couvert d’anonymat, a lancé un ballon d’essai, confiant qu’une clause pourrait permettre de ne rien débourser en cas d’abandon du projet !

Dans les couloirs de Vinci, rodé à ce genre de dossiers et habitué à « blinder » ses contrats, l’hypothèse a fait sourire. En marge d’une visite sur un chantier du métro parisien, son PDG, Xavier Huillard, a même fini par répondre : « L’État a exprimé le besoin à travers quelques coups de téléphone de nous dire que cela était complètement faux. »

Le géant du BTP était d’autant moins inquiet que cette indemnisation ne l’intéresse pas uniquement en tant que telle. Elle joue surtout le rôle d’une épée de Damoclès, suffisamment menaçante pour peser dans la négociation beaucoup plus vaste qui va s’ouvrir et où se mêleront intérêts économiques et enjeux politiques. Un genre de marchandage stratégique dans lequel Vinci excelle. Comme le note un haut fonctionnaire du ministère des transports : « Les politiques sont nuls pour négocier. Ils se font toujours avoir par les sociétés privées qui leur font face. »


Vinci pourrait se montrer souple sur le montant de son indemnisation dans la mesure où l’État détient une pépite qui l’intéresse au plus haut point : la majorité des parts d’Aéroports de Paris, la société qui gère Orly et Roissy, dont sa filiale Vinci Airports détient déjà 8 %. « J’ai toujours pensé qu’un signe nous annoncerait l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, confie un spécialiste du secteur aérien. Et que ce signe serait l’annonce de la vente imminente des parts de l’État dans ADP. » Or que disait le ministre de l’économie Bruno Le Maire, le 2 septembre dernier ? Qu’il entamait le processus de privatisation de certaines entreprises dont l’État est actionnaire majoritaire… parmi lesquelles Aéroports de Paris.

Avant même la décision gouvernementale d’arrêter le projet NDDL, Vinci et sa filiale AGO avaient déjà engrangé les fruits de leur engagement à Notre-Dame-des-Landes. Comme prévu dans le contrat de concession, l’entreprise exploite l’aéroport de Nantes-Atlantique depuis 2011.

Pour Vinci, c’est tout bénéfice puisque cet équipement lui rapporte près de 15 millions d’euros de résultat net annuels. Un gain substantiel dû à l’accroissement sensible de la fréquentation (+ 7,1 % pour le trafic passager entre 2012 et 2016) mais aussi à la quasi-absence d’investissement réalisé sur place. « Nos contacts au sein de Nantes-Atlantique nous disent que le moindre investissement sur la plate-forme est un problème », explique Jean-Marie Ravier, ingénieur et militant anti-aéroport, spécialiste des finances dans le dossier NDDL.

La donne devrait changer. Car même s’il n’est pas rentré dans les détails lors de son allocution, Édouard Philippe a évoqué la modernisation de l’actuelle aérogare. À quelle échéance ? À quel niveau ? Et avec quel engagement financier de l’État ? Les incertitudes, multiples, feront partie des négociations.

Une chose est sûre : si travaux il y a, la filiale de Vinci dispose déjà d’un trésor de guerre pour les entamer. « La confusion Nantes-Atlantique /Notre-Dame-des-Landes dans ce dossier permet à Vinci Airports d’afficher 87 millions d’euros de trésorerie », nous expliquait-on, fin décembre. Le contrat de concession prévoyait en effet qu’AGO réserve 80 millions d’euros des bénéfices de Nantes-Atlantique pour financer Notre-Dame-des-Landes. Avec les intérêts, qui courent depuis 2011, cette cagnotte pourrait atteindre aujourd’hui près de 100 millions d’euros.

Mainmise sur toute la région

Depuis plusieurs années, la filiale de Vinci fait fructifier – pour son propre compte – un joli paquet d’argent public. Celui que les collectivités locales et l’État ont versé pour la construction de Notre-Dame-des-Landes. Vice-président aux transports de la région Bretagne, le pro-NDDL Gérard Lahellec s’en agace : « Ça fait trois ans que je demande au ministère d’être associé à la rédaction d’un avenant pour que les collectivités soient remboursées des fonds qu’elles ont déjà versés. Je n’ai jamais reçu de réponse. Pendant ce temps, l’argent fructifie. »



En misant sur Notre-Dame-des-Landes, Vinci a également réussi à affermir sa position dans un paysage aéroportuaire français en plein bouleversement. Après avoir longtemps délégué aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) l’exploitation des aéroports régionaux, les actionnaires publics les cèdent désormais aux acteurs privés. Parmi lesquels Vinci, présent sur douze plateformes de l’Hexagone, dont Lyon.



En 2010, en plus de Nantes-Atlantique, le groupe a également acquis 49 % des parts des équipements de Rennes et de Dinard, s’assurant ainsi la maîtrise partielle du ciel de l’Ouest. « Je ne comprends pas pourquoi la CCI de Rennes a fait entrer Vinci à Rennes et Dinard, s’interroge l’un des experts aéroportuaires interrogés par Mediacités. Depuis 2010, le groupe de BTP détourne le trafic de la Bretagne vers Nantes-Atlantique pour justifier la construction de Notre-Dame-des-Landes ! »



L’ancien directeur d’Air France, Jacques Bankir, nous confirmait cette version voilà quelques mois : « En donnant à Vinci la mainmise sur toute une région, on fausse le jeu. Les aéroports bretons sont désormais liés à NDDL. » Mais fin 2017, la situation change puisque les investissements de Vinci reprennent à Rennes. Pour Jacques Bankir, c’est la preuve que les représentants de Vinci « ne croient plus à Notre-Dame-des-Landes ». Autre indice : la veille de la remise du rapport des médiateurs, Vinci Airports annonçait l’ouverture d’une ligne nouvelle vers Lyon.




Vinci devrait en outre bénéficier d’une nouvelle aide de l’État pour Rennes. « Nous accompagnerons le développement de Rennes-Saint-Jacques, en commençant par l’agrandissement de l’aérogare, pour mieux répartir le trafic [aérien – ndlr] du Grand Ouest », annonçait mercredi le premier ministre. Alors qu’il a déjà vu le nombre de ses passagers passer de 450 000 à 725 000 en cinq ans, l’aéroport breton pourrait donc voir sa fréquentation augmenter encore dans les prochaines années. À la grande joie de Vinci Airports.



Même privé de Notre-Dame-des-Landes, le géant français du BTP semble donc sortir renforcé de l’expérience. Et bien décidé à continuer de jouer un rôle majeur dans le remodelage en cours du paysage aérien français.



Le 14 novembre dernier, lors de sa journée dédiée aux investisseurs, il dévoilait quelques chiffres intéressants. Détenant 36 aéroports dans sept pays, sa filiale aéroportuaire déclare 1,2 milliard d’euros de revenus consolidés entre juin 2016 et juillet 2017. Contre 1,5 milliard pour sa branche autoroutes. Estimant que seulement 14 % des aéroports mondiaux sont gérés par un privé, Vinci appâtait les investisseurs avec la perspective d’un marché en pleine expansion.




Si l’État lui cédait ses parts d’Aéroports de Paris, Vinci détiendrait la majorité du trafic aérien parisien. Il serait aussi gestionnaire de la totalité du trafic aérien du Grand Ouest et d’Auvergne Rhône-Alpes – avec Lyon, Clermont-Ferrand, Chambéry et Grenoble. À cela s’ajoute la majorité du réseau autoroutier français et la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux…



« L’essentiel du réseau de transport français serait entre les mains de Vinci, constate l’ancien patron d’ADP, Alain Falque. Peut-on laisser un groupe contrôler la quasi-totalité de la desserte du territoire ? C’est une question politique ! »

Isabelle Jarjaille (Mediacités-Nantes) sur Médiapart


Vendredi 19 janvier

Sur la ZAD, le choc de la victoire 

 

Au lendemain de la décision du gouvernement de ne pas construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les habitant·e·s du bocage nantais, pour certain·e·s en lutte depuis des décennies, ont encore du mal à croire à la nouvelle. Le soulagement et la joie sont présents, mais d’autres questions affleurent déjà. 


ZAD de Notre-Dame-des-Landes, de nos envoyés spéciaux.-  Au petit matin, jeudi 18 janvier, alors que le jour n’était pas encore levé, une dalle de béton a été coulée sous le hangar de l’avenir, cette belle charpente érigée en 2016 pour abriter un atelier de formation à la menuiserie et une scierie. La première journée sans aéroport vient de démarrer sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. À la même heure, Marcel Thébault, paysan historique de la lutte, a trait ses vaches dans l’étable de la ferme du Liminbout. À Bellevue, Camille a pris soin du troupeau bovin collectif. Dans leurs caravanes, camions ou maisons, des habitant·e·s ont dormi tard pour effacer la fatigue et l’ivresse de la veille. Les plus motivé·e·s ont commencé à préparer l’assemblée générale qui doit se tenir le soir pour décider des suites de la lutte. 


Car tout a changé pour le bocage de Notre-Dame-des-Landes. Les 1 650 hectares ne seront pas détruits. Une sidération joyeuse se lit dans les yeux et les sourires des occupant·e·s qui arpentent les chemins de la zone. Ces arbres, ces champs d’herbe et ces sentiers, si souvent contemplés en ayant peur de les perdre, ne finiront finalement pas sous le béton. Prises dans les mille tâches que requiert la vie sur la ZAD : préparer des repas collectifs, déposer les rebuts à la déchetterie, trier des vêtements donnés, préparer un chantier de construction, les personnes croisées sur les chemins répètent leur difficulté à croire à ce qu’elles sont en train de vivre. Leurs premières heures sans aéroport. On entend : « C’est irréel », « J’ai du mal à réaliser », « Ça fait tellement longtemps qu’on luttait ». « Il y a eu comme un choc culturel hier, résume Marcel Thébault, jeudi soir, en nourrissant ses vaches. C’est un moment pour que les choses bougent. »


Jeudi matin, des volontaires ont nettoyé et rangé la Vache Rit, lieu historique du mouvement contre l’aéroport, qui a accueilli la fête de la victoire, la veille. Les dizaines de gobelets marqués du logo rouge « Non à l’aéroport » sont soigneusement rangés dans un carton. « Il va falloir les changer », sourit une femme. « On écrit : “Enracinons l’avenir” ? », slogan du rassemblement prévu le 10 février sur la zone, propose une militante de l’ACIPA. Des journalistes zonent sous la pluie à la recherche de zadistes à interroger ou photographier. Une équipe a perdu son pied de caméra.

À Vigneux et à La Pâquelais, les villages environnants, des compagnies de gendarmes sont signalées, de même que des convois ont été aperçus sur la quatre voies, mais sur place, la présence des forces de l’ordre est discrète. Pas d’hélicoptère, pas de check-point. L’afflux de renforts militants vers la ZAD, redouté par les forces de l’ordre, ne se produit pas. « Il y a une situation nouvelle, une nouvelle séquence qui s’ouvre », expliquent en début d’après-midi deux habitant·e·s à des journalistes réunis à La Rolandière, lieu d’accueil de la ZAD. Pas question pour l’instant d’évoquer la suite. « Je vous rappelle que la décision date d’hier », indique une occupante quand on lui demande ce qui est prévu. 

L’annonce de l’abandon de l’aéroport a été fêtée toute la nuit de la veille en divers lieux de vie de la ZAD. Une célébration d’anthologie, moment poignant de joie collective, physique, pleine de câlins, d’embrassades et de congratulations. Beaucoup rient, chantent, dansent en se tenant par le bras, en petits groupes, serrés les un·e·s contre les autres, en pogo punk. Quelques pluies de champagne arrosent les danseurs. Certain·e·s pleurent de joie. Des enfants jouent dans la cour à faire peur aux inconnus. De vieux paysans côtoient des jeunes squatteurs. À la sono, chaque morceau ou presque donne lieu à interprétation : We are the champion, de Queen, Résiste, de France Gall, You can get it if you really want, de Desmond Dekker…

Toutes les composantes du mouvement sont présentes : l’association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Acipa), l’association de défense des exploitants concernés par l’aéroport (Adeca), le collectif Copains (des agriculteurs solidaires de la région), les naturalistes en lutte, et bien entendu, les occupant·e·s. L’eurodéputé EELV Yannick Jadot et son équipe circulent entre les danseurs.

 

Jeudi soir, lors de la fête donnée à la Vache Rit. © CG

 
Dans un communiqué commun diffusé mercredi après-midi, le mouvement parle d’« une victoire historique face à un projet d’aménagement destructeur », qui « aura été possible grâce à un long mouvement aussi déterminé que divers ». Sur l’avenir de la ZAD, il pose trois conditions : « La nécessité pour les paysan-ne-s et habitant-e-s expropriés de pouvoir recouvrer pleinement leurs droits au plus vite », « le refus de toute expulsion de celles et ceux qui sont venus habiter ces dernières années dans le bocage », et enfin, la « prise en charge à long terme des terres de la ZAD par le mouvement dans toute sa diversité ». Le communiqué demande également une « période de gel de la redistribution institutionnelle des terres ».


« La route des barricades 

a une histoire liée à la résistance »

 




Dès l’après-midi, les échanges reprenaient entre la préfecture de Loire-Atlantique et les opposant·e·s. Interrogé par CNews jeudi matin, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, s’est voulu ferme : « Dans les deux-trois jours qui viennent, nous souhaitons libérer les routes », a-t-il expliqué, avant d’évoquer finalement l’échéance de la fin de la semaine prochaine. « Nous préférons le faire par la discussion, la négociation, plutôt que de le faire en envoyant un certain nombre d’engins qui le feraient à leur place », a ajouté le ministre, mettant ainsi la balle dans le camp du mouvement anti-aéroport. 


Lors d’une conférence de presse, qui s’est tenue elle aussi jeudi matin, la préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein, a livré le même calendrier : « Je me déplacerai personnellement, la semaine prochaine, pour m’assurer que l’on peut circuler librement sur la route départementale occupée. » « Ce ne sera ni coûteux ni compliqué de remettre la route en l’état. On doit pouvoir y rouler tranquillement, à 30 km/h », a ajouté la représentante de l’État, précisant : « Ils devraient dégager la route et s’ils ne le font pas d’eux-mêmes, les gendarmes iront la dégager. » Pour la suite, la préfète Nicole Klein a fait montre d’ouverture : « Le maître-mot, c’est la médiation. »



 
Jeudi soir, s’est tenue une assemblée des usages réunissant l’Acipa, l’association historique des riverains contre l’aéroport, des habitant·e·s de la ZAD, les naturalistes en lutte, les paysans de Copains, la Coordination regroupant plusieurs associations. Pour les occupant·e·s, le message central est clair et sans équivoque : « Le projet central, c’est que tous ceux qui souhaitent rester le puissent. » Mais dans sa déclaration mercredi, le premier ministre Édouard Philippe a tenté d’enfoncer des coins dans la solidarité entre les différents acteurs. « L’État engagera une session progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes, dès maintenant, les forces de l’ordre sont mobilisées pour que ce processus se déroule dans le respect de la loi et que les squatteurs libèrent progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas », a précisé Édouard Philippe, soulignant sa volonté de mettre fin à « une zone de non-droit qui prospère depuis près de dix ans sur cette zone ». 
 

L’évacuation elle-même ne devrait pas intervenir avant le printemps et donc l’expiration de la trêve hivernale sur les expulsions (le 30 mars), a ajouté le premier ministre. D’ici là, la route départementale D281, couverte de quelques cabanes et restes de barricades devra être libérée, comme le réclament depuis plusieurs mois paysan·ne·s et riverain·ne·s.


 
« Il a été dit par le mouvement qui prendrait ça en charge mais donnez-nous du temps, précise Camille, du groupe presse. Dans ce cadre, une présence policière ne ferait qu’envenimer la situation. La route des barricades a une histoire liée à la résistance » contre les gendarmes de l’opération César qui avaient tenté d’évacuer la ZAD de force avant de renoncer en 2012. 
 

Concernant le devenir du foncier des 1 650 hectares de la zone, « si des gens veulent venir s’installer demain pour des projets classiques sur la zone, c’est possible, mais si des gens viennent pour exercer une nouvelle paysannerie, une gestion collective, il faut que ce soit possible aussi ». « Développer des manières nouvelles de faire les choses, des manières nouvelles d’habiter le bocage, cela fait partie du projet ici. Mais il est complètement prématuré de parler de rachat de terres, de comparer avec ce qui s’est passé au Larzac, ou même de bail emphytéotique ».

Ces questions devront trouver leurs réponses dans les prochains jours et les prochaines semaines. En attendant, la ZAD garde son propre agenda : le 1er février, Éric Vuillard, prix Goncourt, est l’invité de la bibliothèque créée par les occupant·e·s. Et le 10 février, tous les soutiens du mouvement sont appelés à venir « enraciner l’avenir »


Le mouvement de Notre-Dame-des-Landes 

discute de l’ouverture de la route des chicanes




La ré-ouverture de la route D 281, dite « des chicanes », qui traverse l’est de la Zad, est une condition posée par le gouvernement. Le mouvement d’opposition à l’ex-projet d’aéroport s’y prépare et en discute.


Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), reportage

Ce n’est qu’un tronçon d’un gros kilomètre, sur un raccordement de trois kilomètre et demi entre un carrefour menant au bourg de Notre Dame des landes et le village voisin, La Paquelais. « Les squats qui débordent sur la route doivent être évacués, les obstacles retirés, la circulation rétablie, a dit le Pemier ministre le 17 janvier en annonçant l’abandon du projet. À défaut, les forces de l’ordre procéderont aux opérations nécessaires. » Le soir, au journal télévisé de TF1, il est revenu sur le sujet présenté comme un retour à la légalité : « La libération des axes routiers doit intervenir dans quelques jours ». Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a précisé le calendrier, indiquant « jusqu’au milieu de la semaine prochaine », soit le 24 ou le 25 janvier. Sans que l’on sache précisément ce que veut dire un nettoyage de ce tronçon routier ou un retour à la normale acceptable pour le pouvoir.

La « route des chicanes », D 281, est très difficile à la circulation depuis 2012 et la violente opération policière dite « César ». Obstacles, cabanes, carcasses de voitures l’obstruent et ne permettent de rouler qu’à moins de 30 km/h. Depuis 2012, les riverains qui l’empruntaient tous les jours pour aller travailler ont dû faire des détours, perdre quelques minutes. Une vraie gêne, et surtout un point de fixation fantasmé par les médias alimentés par les gendarmes ou le ministère de l’Intérieur. « C’est un imaginaire de la lutte, ce n’est pas rien », disent de leur côté certains zadistes qui accepteraient la normalisation de la route, mais voudraient obtenir des ralentisseurs, des dos d’âne, des zones limitées à 30 km/h.


 
Pour que cette route symbole retrouve une forme plus acceptable par bien des gens, y compris au sein du mouvement d’opposition au projet d’aéroport, il faut laisser un peu de temps à la recherche d’une solution acceptée par tous. « Non mais faut pas oublier que l’annonce de l’abandon date d’hier », disait jeudi après-midi le groupe Presse de la Zad, assailli de questions sur l’avenir de cette route.

Une assemblée des habitants de la Zad, puis une autre plus large avec toutes les composantes du mouvement, ont eu lieu ce jeudi, un jour et demi après l’annonce d’Édouard Philippe. Une discussion serrée, sensible. Les journalistes étaient priés de rester à l’écart. Elle fait suite à un débat lors d’une assemblée du mouvement le 9 janvier mais c’était avant la décision du gouvernement. Celle-ci a rendu la résolution du litige impérative. Le règlement interne de la question était vu comme un geste de bonne volonté, un souci de donner des gages d’un retour à des relations normales avec les habitants des villages voisins pour qui ce tronçon qu’ils ne peuvent utiliser fait perdre du temps.

L’enjeu est aussi d’adresser un signe aux autorités, une « pièce maîtresse du début du dialogue », une réponse du mouvement pour s’engager dans un avenir négocié. « Si on le fait nous-même, on coupe l’herbe sous le pieds de ceux qui voudraient le faire de force », disaient déjà des zadistes avant l’abandon du projet. « Il faut aussi qu’on garde la population avec nous. On va vivre ensemble pendant les années qui viennent. C’est de l’ordre du bon voisinage. »

« Ce retour à la normale de la D281, on l’a voté quasi unanimement dans la coordination [qui regroupe associations, syndicats et partis politiques opposés à l’ex-projet d’aéroport] », indique Gilles Denigot, docker à la retraite et ancien d’EELV. « Il reste à régler des questions humaines avec les habitants du bord de cette route », note Julien Durand porte parole de l’Acipa, l’association citoyenne anti-aéroport. Les paysans de Copain réclament depuis un moment que les tracteurs puissent passer sans encombre. Pour eux le retour à la normale signifie que cette route déclassée administrativement par l’Équipement en 2013, retombe dans le giron d’une gestion départementale, avec de vrais panneaux de signalisation routière.

« Les barricades sont liées à la résistance en 2012 et aux diverses menaces d’évacuation policière qui ont suivi, notent les deux Camille du groupe Pesse. Pour le mouvement qui s’intéresse surtout aux conditions de négociation de son avenir, et veut rester le plus nombreux et nombreuses, il n’y a pas de fixation sur cette route. On a bien d’autres sujets en cours. Mais oui, le sujet de la route est en débat, en interne. »


 
Hormis la conserverie de la Noé Verte, installée dans un pavillon implanté très à l’est du périmètre de l’ancien projet d’emprise aéroportuaire, les projets les plus en vue, fermes, meuneries, brasserie, fromagerie, maraîchage, marché, boulangerie, sont situés dans la zone ouest. Le secteur de la Zad à l’est de la D 281 est celui qui regroupe les partisans du refus de la motorisation, qui souvent ne sont pas les plus assidus aux AG du mouvement, assemblées qu’ils trouvent trop longues, trop codées... « Les ‘gens de l’est’ sont assez écœurés, alors qu’on est venus en 2012 et qu’on a participé à la lutte », note un Camille qui habitait cette zone de sous-bois, accessible par la route des chicanes. Il a migré depuis à l’ouest, dans la ferme de la Pointe, pour développer un projet de permaculture. Dans la cuisine, devant des frites fumantes trempées dans la mayonnaise maison, ils sont trois à se demander quoi faire. « S’il faut s’inscrire à la MSA [mutualité sociale agricole] pour avoir des chances de rester, on n’aura pas les moyens. »

Ils ne sont pas directement concernés, mais les habitants de la route des chicanes, c’est un peu leurs potes. La normalisation de cette route, à leur détriment, ils le lisent comme un signe de leur marginalisation. Presque un abandon.

Les discussions ont pourtant déjà avancé entre les différentes composantes. Longtemps tabou, la « normalisation » de la route ressurgit crûment. Avec des échéances courtes pour le tronçon central de ces trois kilomètres et demi de route départementale. Un ruban de bitume qui a été conservé, quasi entretenu dans son état de chemin des barricades comme aux temps de l’opération César en 2012. Les carcasses de voitures envahies par les herbes et taguées, les tas de pneus et les amorces de chicanes sont toujours là, un peu moins nombreux mais bien visibles. Les carcasses chargées de terre et ébouriffées d’herbes folles ont une certaine allure. Mais le mouvement ne veut pas en faire un musée, et refuse tout image nostalgique ou pittoresque. Ces obstacles délibérés ont pris un poids symbolique, entre le folklore et la trace d’une lutte qui a bien eu lieu. Le long de cette route, au lieu-dit les Planchettes, les bulldozers protégés par les gendarmes mobiles ont détruit en novembre 2012 des maisons occupées par des militants. Mais c’était il y a plus de cinq ans. La donne a changé.


 
  

Communiqués, Poèmes et messages de soutien : 

extraits


Des textes, poèmes et messages de soutien reçus à l’occasion de l’abandon du projet d’aéroport. Ils étaient bien trop nombreux pour qu’on y réponde directement, alors à nouveau un grand merci à tou.te.s ! Extraits et liens :

Communiqué des opposant-e-s à CIGEO : Après l’abandon de l’aéroport de NDDL, défendons la ZAD, renforçons la lutte à Bure et partout ailleurs !
https://vmc.camp/2018/01/18/communique-des-opposant-e-s-a-cigeo-apres-labandon-de-laeroport-de-nddl-defendons-la-zad-renforcons-la-lutte-a-bure-et-partout-ailleurs/

Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est annulé !
https://foret.hambachforest.org/blog/2018/01/18/le-projet-daeroport-de-notre-dame-des-landes-est-annule/

En Alsace, nous avons fêté la victoire sur le projet d’aéroport de NDDL
https://collectif-alsace-contre-nddl.blogspot.ch/2018/01/en-alsace-nous-avons-fete-la-victoire.html

CNT : Notre-dame-des-Landes : une grande victoire des opposant·es au projet




 
►Notre-Dame-des-Landes

Aujourd’hui vibre enfin, la ferveur des vainqueurs
Celle des premiers hommes, combattants d’avant l’heure
Et Celle des jeunots, nés de la dernière aube
Notre-Dame vaincue, sous leurs pieds, se dérobe
Les cris et la colère ont eu raison de l’Homme,
Barricader les terres, ou les défendre en somme
Survivre aux assassins, aux hommes de discorde
Pour qu’enfin disparaisse Notre-Dame au Concorde
Chasser le paysan, et autres calomnies,
Mentir, ou soudoyer, tout eut été permis
Mais face à l’imposture, la résistance est grande
L’union du petit peuple entre dans la légende
Qu’enfin reposent en paix, les sols anéantis
Par mille hommes casqués pantins des plus nantis
Que ces pères de famille, bras de l’envahisseur
Retournent sur les landes un jour en protecteur
Qu’à obéir à l’ordre, ils n’oublient pas enfin
Que le seul vrai combat, ne prend qu’un seul chemin
L’humanité se tue, et la blessure réelle
N’est autre que de dire que Terre n’est éternelle.
Notre-Dame-des-Landes, tu n’es pas tant en peine
Tes ambitions se noient mais mourir te fait reine,
Car face à la folie et à l’appât du gain,
Tu deviens le symbole, d’un meilleur lendemain.
Pierre Cadeau.

 

Texte commun de l’assemblée du mouvement du 18 janvier 2018


Avec l’abandon de l’aéroport à Notre Dame de Landes nous vivons un moment important pour notre devenir commun.

Tandis que l’avenir de ce territoire fait l’objet de fantasmes médiatiques ici nous nous emparons de notre avenir et l’ensemble du mouvement avance concrètement sur sa construction.

Nous nous appuyons sur 10 ans de pratiques communes, assemblées, réunions, activités agricoles, vie quotidienne, organisation d’évènements etc… Nous avons construit une recherche du consensus qui est à la base de notre fonctionnement. Notre travail de réflexion et d’échange a abouti en 2015 à un accord en 6 points. Ils sont ce que nous défendons collectivement aujourd’hui.

Depuis plusieurs mois l’assemblée des usages nous permet de nous organiser sur différents thèmes :
 Les hypothèses sur l’avenir qui explorent les formes juridiques possibles pour ce territoire.
 Le foncier : ses usages, son partage, son statut
 La gestion des conflits tant internes qu’avec l’extérieur (communes proches, organismes officiels etc…)
 L’habitat, l’agriculture, la voirie, les communs que nous gérons

Il faudra de longs débats et un travail soutenu pour arriver à une formulation détaillée de notre projet, et nous aurons besoin de temps pour en trouver les formules de mise en place.

L’assemblée du mouvement du 18 janvier 2018

INFOTRAFLICS, où comment les garnisons romaines s’installent autour du petit village de la zad.

C’est con un gendarme, apparamment personne n’a osé leur dire que le projet d’aéroport a été abandonné et que ce n’était plus la peine de venir nous emmerder. Pourtant, depuis jeudi matin 7h, ce sont des contrôles incessants auquels sont confrontés les habitant.e.s de la zone et leurs voisin.e.s. Héric, Notre-Dame, Fay, Temple, Treillères, Vigneux, La Paquelais... les flics s’approchent même au plus près : on en a vu au carrefour des Ardillières, aux chênes des Perrières et sur la route des chicanes (bon, eux devaient surement avoir un GPS en panne, ça arrive à tout le monde).

Plus sérieusement, cette nouvelle phase de la lutte commence par une grosse démonstration de force de l’Etat qui, faute d’avoir pu nous faire plier, cherche, clairement en vain, à nous impressionner. La Préfète de Loire-Atlantique a fait passer dès le 17 janvier 5 arrêtés interdisant le transport :

 de carburants, accélarateurs de carburants (?) gaz (ça s’est chiant, pas envie de manger froid moi...)
 combustibles
 explosifs, produits inflammables, artifices, pétards
 objets pouvant constituer une arme par destination (un livre par ex., les flics ont vite peur des livres...), armes de chasse et munition

Afin de rendre les arrếtés opérants les gendarmes auront besoin d’une réquisition du procureur pour le contrôle et la fouille des véhicules. ce dernier est renouvelable toute les 24h : il faut donc le demander systématiquement et refuser le contrôle s’ils ne peuvent le produire. Dans certains cas la douane était présente.

D’après des sources à la Préfecture ces contrôles pourraient durer une quinzaine de jours, on sait aussi que plusieurs compagnies de gendarmes sont venues dans la région nous rendre visite et sont stationnées à Carquefou et à Sautron.

Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont appelé le téléphone d’urgence de la zad pour nous signaler mouvements et contrôles policiers. Vous pouvez écouter radio Klaxon pour avoir les dernières nouvelles.

Samedi 20 janvier

    Invitation à chantier collectif sur la D281



On vous invite à venir lundi 22 janvier, dès 10h au "Lama Faché", rassemblons nous avec pique nique, pelles, gants, fourche, grands sacs de ferme et bonne volonté !

 
Le mouvement contre l’aéroport 
rouvrira la route des chicanes 
lundi matin

Après s’être réuni en assemblée générale, le "Mouvement contre l’aéroport", réunissant habitant-e-s de la zad, Acipa, Coordination, COPAIN, et Naturalistes en lutte, a décidé de libérer la route dite "des chicanes", qui traverse la Zad. Voici le texte de leur communiqué, publié samedi 20 janvier 2018 :

« Ce mercredi 17 janvier, nous venons collectivement d’obtenir une formidable victoire, un signe fort pour toutes les autres luttes. Nous voilà maintenant dans une nouvelle phase, pleine de possibilités d’avancer ensemble, notamment sur des questions d’usage commun, comme celle de la D281, dite "route des chicanes".

Fermée par les autorités dans le cadre du projet d’aéroport en 2013, cette route a été réouverte par le mouvement dans la foulée. Aujourd’hui, l’ensemble du mouvement fait le choix de la transformer pour la rendre plus accessible à nos voisin-e-s et aux riverain-e-s des bourgs alentour.

Pour que tou-te-s puissent y circuler tranquillement, il y a aura immédiatement des ralentisseurs provisoires, puis par la suite des ralentisseurs pérennes, et des voies de passage seront créées pour nos ami-e-s tritons, salamandres et autres habitant-e-s du bocage.

Nous portons ceci collectivement, et collectivement nous pourrions revenir sur cette décision si des menaces d’expulsion venaient à se concrétiser, en refermant cette route et les autres traversant la zad. C’est un engagement fort que nous renouvelons ensemble pour défendre l’avenir de la zad.

Un chantier collectif est organisé pour cela à partir du 22 janvier, et nous faisons le choix de vivre ce moment sans la présence de journalistes. Nous vous remercions de bien vouloir respecter ce choix. Dès avancée suffisante du chantier, une conférence de presse sera organisée. Le lieu et la date seront communiqués dès que possible.

Cette route était et restera un des symboles de notre résistance commune, et c’est tout-e-s ensemble que nous mettons en oeuvre son usage partagé, pour l’avenir de la zad, puisque qu’il n’y aura pas d’aéroport. »


Source : Courriel à Reporterre du Mouvement contre l’aéroport

►Merci aux auteurs des Vieux Fourneaux qui nous adressent un aimable message de soutien pour célébrer notre victoire contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes !



Lundi 22 janvier


►Comme annoncé, une première journée de chantier pour rendre la D281 plus accessible à nos voisin-e-s et aux riverain-e-s des bourgs alentours.


Cette première journée a vu beaucoup de personne, de toutes les composantes, venir, pelles et balais en main, participer au chantier. Un grand merci à tou.te.s ! Les travaux vont continuer dans les prochains jours. Comme le dit le communiqué, "nous pourrions revenir sur cette décision si des menaces d’expulsion venaient à se concrétiser, en refermant cette route et les autres traversant la Zad."

Des reportages automédias, photos et audios, pourraient apparaitre ces prochains jours sur le site. Il y aura aussi une communication du mouvement une fois le chantier terminé.

Les ultralégumes sont de retour :

SCOOP : Là-bas était là :

Rude journée pour les Macron : 

Brigitte a perdu son téléphone




Lors d’une visite discrète à Notre-Dame-des-Landes, curieuse de découvrir les toilettes sèches, Brigitte Macron a malencontreusement laissé glisser son téléphone. Elle a immédiatement alerté la sécurité, mais le président de la République a préféré faire les choses plus discrètement. Malheureusement pour l’intimité du couple, un paparazzi était là. Encore un viol de la vie privée des personnalités ! Mais tout est bien qui finit bien. Brigitte a pu retrouver son téléphone, et le couple présidentiel a pu regagner Paris après cette journée mouvementée.
Là-bas si j’y suis


Mardi 23 janvier

Nettoyage de la route des chicanes 

à Notre-Dame-des-Landes :

 « Il y avait de l’émotion »





Le nettoyage de la route dite « des chicanes », sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, a commencé hier lundi 22 janvier. Les journalistes n’étaient pas admis sur place. Reporterre a recueilli, en fin de journée, deux témoignages de militantes anti-aéroport revenant de ce chantier.




Françoise Verchère est membre du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CéDpa).


Françoise Verchère.
Reporterre : Comment s’est passée cette première journée de nettoyage de la "route des chicanes", ou D281 ?

Je suis arrivée au moment du pique-nique de midi. La D281 traverse la Zad du nord au sud. Toute la première partie de la route a été dégagée sans soucis. Les pneus, les barrières, les obstacles potentiels ont été enlevés. Ensuite, le nettoyage de la deuxième partie, après le lieu dit Le Lama Faché, a repris dans l’après-midi. Il y avait plus d’émotions à nettoyer cette partie là. C’est plus facile pour nous, membres des associations d’opposants, qui n’habitons pas là. Mais il y a des discussions, car certains zadistes - attention à ne pas généraliser- disent qu’il ne faut pas tout enlever. On est dans un moment de rupture, les choses ont changé, on n’est plus dans le risque d’une éventuelle destruction massive du bocage. Si certains comprennent très bien qu’on est dans une nouvelle phase, d’autres sont dans une forme de deuil, cela prend du temps.

A quoi ressemblait cette route avant que le nettoyage ne commence ?

Il y avait beaucoup de pneus, de carcasses de voitures, des trous, mais aussi de mini-constructions et des choses poétiques : des panneaux, des jardinières punk, etc. L’idée était de freiner l’intervention policière de 2012, puis après son échec, que cette route reste lente au passage. Sur tout un tronçon on faisait du 5 km/h. Les gens qui habitent au bord de cette route ont d’ailleurs des demandes pour qu’on continue d’y circuler moins vite que sur une route de campagne, disons, ordinaire.

Cette route est devenue symbolique, l’image défensive de la Zad. La fin de son blocage montre qu’on n’est plus dans le défensif. Nous pensons que si nous voulons pouvoir discuter demain de l’avenir de tous ceux qui veulent rester, à vivre là sur la Zad, le dégagement de la route est un préalable.

L’Assemblée générale du mouvement a acté que la circulation était libre sur la Zad pour tout le monde, piétons, cyclistes, tracteurs, voitures.

Qui était présent ce lundi pour participer au nettoyage de la route ?

Environ 250 personnes sont venues, de partout et même de loin, pour aider. Dans ma voiture, j’avais trois personnes de Rezé, la ville survolée par les avions de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Le fait que cela se passe un lundi a amené une sur-représentation de retraités, mais la diversité des gens était très révélatrice de ce qu’est le mouvement anti-aéroport. Il y avait à la fois des paysans avec leurs tracteurs, des agriculteurs et des habitants dits "historiques", des zadistes, des gens venus des comités de soutien, de tous les âges. C’est très loin de l’image colportée par les médias - Là aussi ne généralisons pas, mais beaucoup ont caricaturé les opposants et les zadistes...


Pascale Chiron est adjointe EELV à la Mairie de Nantes, et 14e vice-présidente de la Métropole.


« J’y étais ce lundi matin. Il y avait beaucoup de monde, j’étais étonnée. Ce qui m’a le plus marquée, c’est qu’il y avait une vraie volonté de bien faire. On s’est séparés en deux groupes, pour aller de chaque côté de la route. On a fait des tas. Il y avait un tri sélectif parfait, avec séparation du bois, du plastique, du verre, de la ferraille. Puis trois bennes, sur les tracteurs, passaient et on les remplissait. Le but était vraiment de nettoyer la route, il y avait même des gens avec des balais.


Ce qui était très bien, aussi, c’est qu’ils ont demandé dès le début à ce que tout le monde se mélange. C’était très positif, serein, et très bien organisé. »


Reporterre



La ZAD se cherche un avenir




La construction de l’aéroport écartée, la question de l’avenir de la ZAD est sur toutes les lèvres. À brève échéance, le mouvement d’occupation fait preuve de bonne volonté en libérant la route RD281, dite « route des chicanes ». À plus long terme, les discussions avec l’État ont d’ores et déjà commencé, avec pour objectif de trouver une solution pérenne pour tous les occupants d’ici au 31 mars.


C’est un renversement de situation à peine croyable. Cette fois-ci, la préfecture soutient les habitant·e·s et défenseur·e·s de la ZAD contre le département. Depuis lundi 22 janvier, le mouvement d’occupation a commencé à dégager la route départementale 28, occupée depuis 2012 par des cabanes et des chicanes. Mais le conseil départemental, présidé par Philippe Grosvalet (PS), fervent partisan du défunt aéroport, considérait en début de semaine que les conditions n’étaient pas réunies pour y autoriser la circulation (lire ici son communiqué). Au point que l’État pourrait mettre en demeure la collectivité si elle tardait trop à lever l’interdiction.


L’anecdote en dit long sur le souci d’apaisement de la préfecture de Loire-Atlantique et sur l’accélération de l’histoire du bocage de Notre-Dame-des-Landes. Pour la préfète Nicole Klein : « La priorité, c’est de dégager la route. C’est très important, c’est le respect de la liberté de circulation. » Elle pourrait visiter la route d’ici la fin de la semaine. Pour l’État, c’est un symbole non négociable de retour à l’ordre public. Pour les riveraines, habitant·e·s des villages de La Pâquelais ou de Vigneux-de-Bretagne, c’est un soulagement après cinq ans de tensions. Émaillée de cabanes, restes de barricade et carcasses de voiture, la route ne laissait pas passer les bétaillères et les tracteurs. 


Certain·e·s considèrent que sa quasi-fermeture physique – en réalité des voitures pouvaient y rouler au pas – a porté préjudice aux petits commerces environnants. C’est en 2012, lors de la tentative d’évacuation de la ZAD par l’opération César, que la D281 a été recouverte d’obstacles, afin de ralentir l’avancée des gendarmes. Pendant des semaines, des checkpoints de gendarmes et des arrêtés d’interdiction de transport de substances avaient été maintenus, entretenant la tension. Le département de Loire-Atlantique avait fini par prendre un arrêté d’interdiction de circulation sur la départementale, striant son bitume d’épaisses encoches pour marquer physiquement son exclusion des axes de circulation.

Sur la D281, le département a strié la route de zébras pour signifier qu'elle n'était pas praticable. © Yann Levy / Hans Lucas
    Le dôme construit pendant la consultation de juin 2016, et au second plan le marché libre qui se tient deux fois par semaine. © Yann Levy / Hans Lucas

Au sein des occupant·e·s de la ZAD, le nettoyage de la route provoque des remous. Son occupation symbolisait l’insubordination de la zone et sa conflictualité. Divers incidents s’y sont produits ces dernières semaines, impliquant des personnes se considérant comme des gardiens ou des douaniers de la zone. Sur un plan plus politique, la D281 sépare le reste des collectifs de l’est de la zone, un espace non motorisé, sans électricité, sans eau courante, sans voiture. Y séjournent, souvent pour de brèves périodes de temps, des personnes rétives à l’organisation collective. C’est là que se trouve la très belle grotte creusée à la main dans l’argile par un habitant, qui sert de puits et d’enclos pour se retirer du monde, que les gendarmes et le JDD ont par erreur ou mauvaise intention pris pour un départ de tunnel secret. 
 
Au lendemain de l’annonce de l’abandon de l’aéroport par Édouard Philippe, une assemblée générale des usages a réuni près de 300 personnes sur la ZAD afin de décider du sort de la route. La discussion fut longue et houleuse, selon des participant·e·s. Si bien que vers 23 heures, des représentantes de l’ACIPA, l’association historique des opposants, et de COPAINS, les agriculteurs anti-aéroport, ont annoncé leur décision unilatérale de dégager la départementale. « Certains le voient comme un coup de force mais cela faisait plusieurs réunions que nous parlions du sujet sans avancer », explique Cyril Bouligand, porte-parole de COPAINS. Un compromis a été trouvé : une cabane du nom de Lama fâché pourra rester sur le bitume, au moins à court terme. La préfecture ne s’y est pas opposée pour l’instant. 

Une fois réglé le problème de la D281, une course contre la montre va démarrer pour concilier deux visions de l’avenir de la ZAD. Celle du chef du gouvernement, pour qui : « Les occupants illégaux de ces terres devront partir d’eux-mêmes d’ici le printemps prochain ou en seront expulsés », comme il l’a expliqué lors de l’annonce de l’abandon de l’aéroport. « Les terres retrouveront leur vocation agricole », a-t-il ajouté et « l’État engagera une cession progressive du foncier de Notre-Dame-des-Landes »

Et celle du mouvement contre l’aéroport qui souhaite régulariser un système de gestion collective des terres, appuyé sur une délégation par l’État qui garderait la maîtrise du foncier, comme cela s’est passé au Larzac en 1985. De son côté, la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique pousse pour une réintégration des hectares sauvés du bétonnage au circuit classique. 

Les 1 650 hectares de la ZAD appartiennent à l’État qui en a concédé l’usage à Vinci, pour y construire l’aéroport, en 2010. Concrètement, environ 450 hectares y sont cultivés par les familles des paysans résistants qui ont refusé de vendre leurs terres à la multinationale et ont été condamnées à en être expulsées en janvier 2016 (retrouver ici nos articles à ce sujet). 850 hectares, soit près de la moitié de la zone, ont été redistribués par Vinci aux agriculteurs qui, eux, ont cédé leurs terres à l’amiable. Ils ont bénéficié d’une indemnisation financière, d’une compensation en terre en dehors de la zone et de baux précaires qui leur permettent d’utiliser des champs de la ZAD, évitant ainsi qu’ils ne partent en friches, plus difficiles à débroussailler. C’est la raison pour laquelle les opposant·e·s à l’aéroport les considèrent comme des « cumulards ». Mais depuis 2012, le mouvement anti-aéroport a décidé de reprendre une partie de ces terrains en les occupant. Début 2018, environ 270 hectares de la ZAD sont ainsi cultivés collectivement par le mouvement. On y trouve des champs de céréales, du maraîchage, de l’apiculture. Enfin, les 400 hectares restants sont couverts de bois, friches et haies, autant d’espaces dont les habitant·e·s ont pris en charge l’entretien. 

Carte des parcelles agricoles de la ZAD en avril 2015 © DR

Le mouvement d’occupation travaille parmi d’autres options sur le scénario d’un bail emphytéotique, un bail foncier à très longue durée qui permet au preneur de sous-louer des parcelles à des locataires. Le titulaire pourrait en être une entité juridique issue de l’assemblée des usages, qui regroupe les composantes du mouvement : zadistes, ACIPA, COPAINS, élus contre l’aéroport, naturalistes en lutte, et la Coordination qui regroupe une soixantaine d’associations et syndicats. Ils partagent une vision commune : « Les six points pour l’avenir de la ZAD », un texte rédigé en 2013, quelques mois après l’échec de l’évacuation. Il énonce plusieurs principes fondateurs de l’avenir de la zone : que tous les habitant·e·s actuel·le·s de la zone puissent y rester, que les agriculteurs retrouvent leurs droits, les anciens propriétaires et locataires qui ont subi l'expropriation et ont refusé les indemnisations aussi. Que les terres soient prises en charge par une entité issue de la lutte, et qu’elles servent à des installations agricoles ou non, officielles ou hors cadre, mais pas à l’agrandissement des exploitations existantes. Et que les formes d'habitat, de vie et de lutte créées sur ce territoire puissent se poursuivre. Le mouvement souhaite qu’un gel de deux ans soit respecté avant de distribuer les terres. 

« Le texte des six points est notre base »


Malgré son ton ferme, la position énoncée par Édouard Philippe aménage en réalité un cadre de discussion : « À l’expiration de la trêve hivernale, l’ensemble des occupants sans titre, présents illégalement sur le terrain, devront avoir quitté les lieux, soit volontairement, soit parce qu’ils auront été expulsés », a-t-il déclaré sur TF1 le 17 octobre. 

Jusqu’au 31 mars la question devient ainsi : quels habitants, quelles activités peuvent-elles être régularisées avant l’expiration de la trêve hivernale ? Pour le ministère de la transition écologique, les situations seront étudiées au cas par cas. Une grande majorité d’entre elles devraient être réglées au 31 mars, estime-t-on dans l’entourage de Nicolas Hulot. Des échanges ont lieu en coulisse avec son cabinet mais c’est la préfecture de Loire-Atlantique qui est en première ligne. Un coordinateur doit être nommé pour assurer les discussions avec le mouvement d’occupation. 

L’eurodéputé José Bové, ancien du Larzac et toujours membre actif de la société créée en 1985 pour en gérer collectivement les terres (la SCTL) ainsi que le député LREM Matthieu Orphelin, très actifs avant l’annonce d’abandon de l’aéroport, continuent de parler aux un·e·s et aux autres afin d’aboutir à une situation pacifique. L’objectif est que le plus grand nombre de personnes et de collectifs soient régularisés au 31 mars. Cela pourrait passer par un ensemble de critères à définir : assurances en règle pour les lieux de vie, notamment contre le risque incendie. Cotisations sociales à jour, loyers, même modiques, acquittés. Déplacements de cabanes sur des terrains appartenant aux paysans historiques. Va aussi se poser la question du paiement de la taxe foncière et sur les ordures ménagères. 

Sur la ZAD, on trouve plusieurs types d’habitat : maisons en dur,  cabanes, diverses formes d’autoconstruction. Les habitant·e·s se partagent souvent entre un lieu de couchage individuel et un lieu de vie collectif. La préservation de ces formes de vie va être un fort enjeu, comme l’amélioration des logements les plus inconfortables. La loi ALUR, votée en 2014, introduit la notion de résidence démontable comme forme permanente d’habitat, et pourrait ainsi offrir un cadre général de discussion. Certaines cabanes pourraient être déplacées pour dégager la voie de parcelles agricoles. Un travail de dentellière s’amorce, lieu par lieu, collectif par collectif. Il doit démarrer par une séquence de purge juridique, pour identifier les propriétaires de chaque parcelle occupée. 



« Il faut réussir à monter une délégation commune de discussion avec l’État, on ne veut pas y aller séparément, explique Cyril Bouligand, porte-parole de COPAINS, les paysan·ne·s contre l’aéroport. Le texte des six points est notre base mais il est assez large. Il y a plein de sujets à bosser pour convaincre l’État qu’on peut gérer ces terres. Que faire des habitations ? Comment éviter le mitage des terres sans passer par un plan local d’urbanisme ? Quels nouveaux types de projet va-t-on accepter sur la zone ? » Une nouvelle assemblée générale des usages doit se tenir mercredi 24 janvier. 


Jeudi soir, au lendemain de l’abandon de l’aéroport, Marcel Thébault, qui exploite la ferme du Liminbout avec son épouse Sylvie, expliquait : « Ici, les gens n’ont pas les mêmes idées, pas les mêmes stratégies mais c’est ensemble qu’on gagne. » La ZAD a-t-elle un avenir ? « C’est un beau défi. Sur les usages communs, les choses peuvent bouger ici. Il y a ici des pistes vitales pour repenser notre monde qui part à vau-l’eau. C’est bien qu’on ait l’exemple du Larzac en tête, ça rend les discussions crédibles. Mais en tant qu’agriculteurs, on ne veut pas imposer une normalisation à tout le monde. Ceux qui ne font pas d’agriculture, ceux qui n’ont pas d’argent doivent pouvoir rester. »


« Une des premières victoires de la lutte historiquement, lorsque le périmètre de la zone d’aménagement a été dessiné en 1974, a été d’obtenir que de jeunes paysans puissent continuer à s’y installer pour éviter que le territoire ne se vide et meure », rappelle Geneviève Coiffard, militante chevronnée contre l’aéroport. Marcel et Sylvie Thébault, exploitants de la ferme du Liminbout, aujourd’hui considérés à juste titre comme des paysans historiques de la ZAD, s’y sont installées juste avant que le projet d’aéroport ne soit relancé par le gouvernement de Lionel Jospin. « Cette idée d’une terre à soigner, d’un territoire qu’il ne fallait pas abandonner a été présente très tôt. »


Marcel Thébault, paysan historique de la ZAD. © Yann Levy / Hans Lucas
Pour Novitch, ancien habitant de l’est de la zone, aujourd’hui posé à la Noé verte où il plante avec d’autres un verger : « Ce n’est pas évident d’être victorieux. La ZAD sans l’aéroport et sans la route des chicanes sera-t-elle plus posée, moins vivante ? Ce ne sera plus la même chose sans la pression policière. C’était une zone à défendre. Elle peut devenir une Zone d’Autonomie Définitive. » À ses côtés, un jeune homme récemment arrivé prend soin de deux poneys qui pourraient aider au maraîchage du collectif : « Ce qui est idyllique ici, ce ne sont pas les paysages, c’est l’expérimentation. Dans quel autre endroit au monde tu peux changer plus de mille hectares de terres en squat ? Vivre en habitat léger, dans plein de communes en France, c’est compliqué. Ici, historiquement, le mouvement, le rapport de force, fait que c’est possible. »

À quelques dizaines de mètres, “gibier” – « tout en minuscule », précise-t-il –, déjà rencontré lors de notre reportage panoramique au printemps 2017, répare, avec son frère Max, une structure de hangar récupérée. Autour de lui s’étendent des parcelles de cultures collectives et particulières. Des choux-fleurs, des poireaux, des courges. Il vend des légumes au marché du village et à Nantes. Il a transformé un vélo en pompe pour arroser sa serre. La tempête a déchiré la structure. Il prévoit de la réparer car comme la dizaine d’habitant·e·s rencontrées par Mediapart dans les deux jours suivant l’annonce de l’abandon de l’aéroport, il compte bien rester sur la zone.


À la Noé verte, "gibier" avec son frère Max. © Yann Levy / Hans Lucas
Pour Sébastien, membre du groupe vaches de la ZAD, lui aussi interviewé l’année dernière : « Quand tu es paysan dans le cadre classique, tu t’endettes. Hors de question pour moi d’enrichir les banques. Je veux nourrir les gens. Continuer à bosser avec des bêtes qui ne sont pas vraiment à nous. Continuer à m’occuper du bocage. Partager les produits et les connaissances. Je place la solidarité en haut de notre échelle de valeurs. Continuer à faire des trucs ensemble avec les gens qui se sont battus ici depuis des années. » Zadistes paysans et agriculteurs historiques envisagent la construction d’un lieu de transformation du lait produit sur la zone pour en faire du fromage et du beurre. « On n’est pas normalisable. On est dans une forme de sécession ici par rapport à la constitution qui dit que la République est une et indivisible. Est-on ici dans une République à part ? A-t-on le droit dans la nation d’avoir des bulles d’air où ça ne se passe pas comme ailleurs ? Ça me paraît vital pour sortir de l’individualisme et donner plus de sens à ce qu’on fait. Ce que je fais ici, ce n’est pas de l’utopie, c’est de la lucidité. Ce n’est pas un discours, c’est ma vie. L’abandon de l’aéroport est vraiment une victoire sociale et écologique. Mais le combat continue. »


« Dans les luttes, il faut des réponses adaptées »


Ces témoignages indiquent à quel point la bataille pour la ZAD ne se résume pas à un enjeu de préservation des terres agricoles. C’est surtout une lutte pour les communs. On arrache à la propriété privée et à la logique du profit ce qui doit appartenir à tou·te·s et être soigné par le plus grand nombre. L’écosystème prospère quand il est pris en charge collectivement. Cette attitude active et partageuse transforme aussi celui qui en prend soin. C’est une version autonome des communs, au sens politique du terme, et cela en fait une expérience unique en France à cette échelle. Autogérer élevage bovin et maraîchage, production de bois, de semences et de bière, la construction de hangars, ou l’utilisation d’une bibliothèque, change tout. On ne délègue pas, on fait par soi-même. On en est pleinement responsable. C’est une expérience empirique de liberté, de limites assumées, de sortie du capitalisme.

La vie sur la ZAD est souvent dure, pleine de contraintes et de conflits. Mais elle a donné naissance à une véritable commune rurale où se réinventent les rapports entre humains et avec la nature. Une alternative à un système économique défaillant, producteur de chômage et d’inégalités. Et une critique à l’œuvre de la domination patriarcale, du racisme systémique, du pouvoir de l’argent et de la réussite sociale. Cette créativité radicale, qui repense tout par la racine, n’est pas soluble dans l’agriculture certifiée biologique. 

« Ceux qui n’ont pas de titre de propriété seront expulsés », a indiqué le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux sur France Inter le 18 janvier.

Mais en Loire-Atlantique, peu de paysans sont propriétaires de leurs parcelles. La plupart travaillent en fermage, en signant des baux avec un propriétaire. Ce système distingue la propriété de l’usage et crée ainsi une plus grande souplesse dans la distribution du foncier, tout en facilitant l’accès des jeunes. « Pour nous, la première chose serait d’obtenir le gel de l’attribution des terres car si elles repartent tout de suite dans le circuit classique via les CDOA [commission départementale d’orientation de l’agriculture], elles serviront à l’agrandissement de fermes existantes, les projets d’installation ne seront pas prêts », explique Cyril Bouligand. Dans le 44, environ 2 000 paysans quittent leur activité chaque année contre 500 installations, selon l’estimation de COPAINS.


Une serre mise en place par "gibier" sur la Noé verte. © Yann Levy / Hans Lucas
La réserve foncière de la ZAD doit être pour eux l’occasion de sortir du schéma classique de gestion des terres pour arrêter cette hémorragie. Certains propriétaires contre l’aéroport ont été expropriés, et ont refusé de toucher l’argent qui a été placé à la Caisse des dépôts. Ils pourraient retrouver leurs terres s’ils le souhaitent. Le sort de ceux qui ont signé à l’amiable avec Vinci semble plus incertain. Les habitant·e·s de la ZAD deviendront-ils des villageois comme les autres ? Cette perspective paraît encore bien lointaine tant la zone est un creuset d’alternatives sans concession. Martelée par une partie des médias et de la classe politique, la distinction entre « gentils » zadistes paysans et « méchants » black blocs ne fait aucun sens.

Tou·te·s partagent un projet commun : vivre sans État, sans police, sans prison. Entre les un·e·s et les autres, les tactiques politiques peuvent être diverses mais portées par les mêmes personnes en fonction de la situation. « Je me réclame à titre personnel de la non-violence car elle est efficace dans la construction d’un rapport de force très large et parce que philosophiquement je pense que la fin est dans les moyens, explique Geneviève Coiffard, 71 ans, pilier du mouvement contre l’aéroport. Dans le monde qu’on veut construire, on ne se tape pas la gueule. Mais l’année dernière, quand la ZAD risquait de se faire évacuer, on ne faisait pas face à un maintien de l’ordre clair mais à une armée impérialiste voulant conquérir et détruire le territoire. Dans ce contexte, les actes de résistance ne sont pas les mêmes que lors d’une manif classique. À ce moment-là, je ne condamnais pas les actes que cela aurait pu entraîner. Dans les luttes, il faut des réponses adaptées. »

La question de la violence pourrait cependant se reposer à partir de la fin mars. L’ultimatum lancé par le premier ministre laisse certes des portes largement ouvertes pour une résolution pacifiée, mais l’exécutif devra aussi compter sur la pression politique et policière. 

D’abord, les gendarmes ont fort mal vécu l’interruption brutale de l’opération César, en 2012, à la demande du premier ministre Jean-Marc Ayrault. Les gendarmes sur place et les gradés étaient persuadés de pouvoir mener à son terme l’évacuation de la ZAD. Alors ministre de l’intérieur, Manuel Valls raconte encore aujourd’hui avec amertume comment lui-même a découvert l’interruption de l’opération, par l’intermédiaire de son chef de cabinet. Toutes les déclarations plus va-t-en-guerre les unes que les autres ces trois derniers mois dans les médias montrent un désir de « match retour » de la part des forces de l’ordre.

Une évacuation suivie de la construction de l’aéroport était très compliquée à planifier du fait de plusieurs contraintes, notamment celles imposées par les cinq espèces protégées, dont les tritons, que l’on trouve sur NDDL. Chacune de ces espèces ne pouvant pas être déplacée à certaines périodes de l’année… Avec l’abandon du projet de l’aéroport, l’intervention est désormais possible n’importe quand. Avec une dernière contrainte : NDDL étant un bocage, le beau temps est préférable à une opération de maintien de l’ordre de grande envergure, ce qui peut expliquer que le gouvernement privilégie le printemps. Autre contrainte : certaines expulsions nécessiteraient une décision de justice, a rappelé lundi Françoise Verchère, ancienne maire de Bouguenais – la ville proche de l’actuel aéroport – et porte-parole des élus du Cédpa.


Les bâtons plantés le 8 octobre 2016, à l'occasion d'une manifestation sur la ZAD, sont toujours là un an plus tard.
© Yann Levy / Hans Lucas
Les zadistes auraient des sources au sein de la préfecture du 44. « Ils sauront la date de l’expulsion », est persuadée une source au ministère de l’intérieur. Selon un membre des services de renseignements, « toute la question va être de savoir comment va réagir le mouvement, lui-même tiraillé par différentes tendances. Jusqu’ici, les zadistes ont toujours su taire leurs divergences internes et fonctionner en bloc. Là, ça sera l’instant de vérité. S’ils restent unis, ils peuvent nous entraîner dans un conflit total. Eux aussi sont à la croisée des chemins. Ça peut être douloureux pour tout le monde. »

« Il faut arrêter de dire que ce sera le Vietnam ! Il n’y a pas de kalachnikovs à NDDL. Une kalachnikov, on sait ce que cela fait. Cela fait Charlie Hebdo, cela fait le Bataclan. Ici, il y a des cartouches de chasse qui explosent sur les barricades, des pièges avec des clous de charpentier. C’est ennuyeux, c’est dangereux pour nos forces de l’ordre. Mais il ne faut pas fantasmer : les zadistes n’ont pas d’armes de guerre. Sur la ZAD, les engins explosifs se sont toujours révélés factices », tempère un autre officier du renseignement. Lequel précise : « Des zadistes très violents, il y en a mais c’est vraiment un petit noyau. On les connaît. Ils seront rejoints tous les week-ends par des gens venus pour casser du policier. Pour le reste, la communauté des zadistes est très disparate. Par exemple, à l’est de la ZAD, il y a les primitivistes, radicaux dans leur idéologie mais pas forcément violents. »

D’autant que le pouvoir table visiblement sur un départ volontaire des zadistes les plus radicaux vers d’autres territoires en lutte. Bure (Meuse), où devrait être construit un complexe d’enfouissement des déchets nucléaires, est régulièrement cité. Dès lors que la plupart des zadistes seraient de fait légalisés au printemps, le pouvoir pourrait privilégier les opérations plus ciblées s’il restait des individus considérés comme hostiles. La stratégie du traitement différencié se fera à partir des notes blanches des services de renseignement. Le week-end dernier, des occupant·e·s ont déjà dû faire face à des contrôles routiers relativement ciblés : arrêt de certains véhicules, fouille consciencieuse et longue vérification de l’identité. Des personnes disent avoir été contrôlées plusieurs fois dans la même journée de vendredi dernier. Un homme s’est fait saisir un couteau et du cannabis. La préfecture a en outre pris plusieurs arrêtés d’interdiction de transport de substances dangereuses.


Le rassemblement du 10 février, au lendemain de l’expiration de la déclaration d’utilité publique du défunt aéroport, s’intitule « Enracinons l’avenir ». Il aura sans doute valeur de test pour le gouvernement. Maintenant que l’aérogare est abandonnée, il donnera une indication du niveau de soutien du reste de la société à la ZAD.




Alain Goutal sur Médiapart

    Travert : ex cadre PS – député LREM de la Manche – conseiller régional de Normandie - ministre de l’agriculture et de l’alimentation : source Wikipédia ( NDA : le genre PS-LREM qui ne cumule pas ! )



Mercredi 24 janvier



Le 10 février à midi, grandes déambulations carnavalesques à la zad de Notre-Dame-des-Landes


Depuis la décision du gouvernement, nous pouvons le dire clairement : le 10 février sera un jour d’allégresse, l’occasion de fêter tous ensemble la victoire du mouvement contre le projet d’aéroport et d’enraciner encore un peu plus l’avenir de la zad.


Cette célébration se déroulera trois jours avant le mardi gras, en pleine période de carnaval. S’il est une fête qui permet de narrer la geste des humbles chahutant les puissants, c’est bien celle-ci. Nous souhaitons donc qu’elle vienne inspirer le ton, le rythme et l’esthétique de la journée. Mais le carnaval dispose d’un autreattrait : fête des passages, il survient quand l’hiver n’a pas encore laissé place au printemps, que les jours peinent à rallonger, qu’une saison vient de se finir sans qu’on ait encore basculé dans la suivante.



Autant d’allégories rappelant la fin de cette lutte d’un demi-siècle contre l’aéroport qui laisse place à de nouveaux enjeux et combats, ici et ailleurs. Ne nous y trompons pas, le carnaval ne célèbre pas un changement d’ère, il l’accompagne, voire le suscite. Rite grâce auquelon se projette ensemble dans l’avenir, confiants face à nos incertitudes, il est le premier jour des saisons futures.



Le 10 février, deux cortèges forts de musiques et de chants partiront donc du Gourbi et de Saint-Jean-du-Tertre aux alentour de 13h. Nous vous y convions déguisés autour d’un thème large et équivoque : « Nous sommes bocage ». Revêtez vos plus belles cornes de buis, arborez un superbe pelage de boue ou des plumes de granit… peu importe, nos costumes seront du bois dont on a défendu et sauvé cette terre. Armés de cette exubérance, nous pousserons des chars et des charrettes pleines d’objets. Nous avons besoin de vous pour les remplir. Nous vous proposons d’apporter des représentations de choses qu’il vous tiendrait à cœur de voir disparaître avec l’aéroport. Certaines luttes sœurs envisagent déjà de construire de grosses maquettes en carton symbolisant ici un méga-transformateur aveyronnais, là une poubelle nucléaire meusienne, ou encore un TGV transalpin. Ce sera donc le moment de mettre en avant nos combats communs et la solidarité entre nos luttes. Mais rien n’exige de limiter notre imagination à des infrastructures ou des GPII, et nous sommes sûrs que les idées ne vous manqueront pas pour illustrer ce contre quoi vous luttez.


Les cortèges convergeront jusqu’à la ferme de Bellevue où un énorme caramentran représentant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes nous attendra. Grâce aux bagagistes du mouvement, nous l’agrémenterons de tous les objets trimballés dans les défilés puis nous laisserons le soin à l’animal totémique le plus célèbre de la zad d’y bouter le feu. Nous n’aurons plus qu’à danser et chanter à nos succès passés et à venir.


En vous espérant nombreux, joyeux et toujours déterminés.


Nddl-intercomites


L’abandon du projet 
d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : 
une victoire importante 
contre le capitalisme et son monde

Le Collectif national des syndicats CGT du Groupe VINCI tient à exprimer sa joie et à la partager avec tous ceux qui ont permis d’obtenir cette large victoire. Une victoire qui est d’abord celle d’un mouvement qui a su, d’année en année et à travers bien des épreuves, défendre un territoire, ses lieux de vie et ses habitants, maintenir son unité en agrégeant sans cesse des forces nouvelles, et développer les bases de son propre avenir. Une victoire qui montre tout ce qu’il faut de détermination, d’endurance, d’unité et de fraternité pour gagner les luttes longues et humainement coûteuses qui nous sont imposées aujourd’hui. 
 

Après des décennies de mensonges d’Etat, de négation de toute alternative, de privatisation de l’intérêt général, de manipulation de l’opinion publique et de parodies de justice, cette victoire est aussi celle de la Raison, à qui les experts missionnés par le gouvernement ont enfin permis de s’exprimer. Cette victoire est un renfort pour tous ceux qui, aujourd’hui, ont à combattre des projets d’aménagement inutiles, destructeurs ou dangereux, dans des conditions étrangement semblables d’abus de pouvoir. Le Premier ministre n’a-t-il pas reconnu un problème de « débat public » ?

Cette victoire est une victoire contre VINCI et son monde, que nous connaissons bien, fait de faux semblants, d’accords secrets, d’appât du gain et de volonté de puissance. Elle ouvre la voie à une implication accrue des citoyens et citoyennes du Grand Ouest, concernant l’avenir et les choix de développement de leur Région, qui ne sauraient être laissés entre les mains des multinationales et de leurs relais politiques et administratifs. Contre la privatisation générale des services, des finances et des politiques publiques, la victoire de Notre-Dame-des-Landes pointe du doigt leur nécessaire réappropriation collective.


Pour nous, syndicalistes CGT de VINCI, cette victoire consolide notre volonté de défendre nos convictions et de travailler sur des projets dont nous puissions être fiers, pour leur utilité sociale et sociétale. Nous avons attiré l’attention sur le chantage à l’emploi qui accompagne systématiquement les grands projets d’infrastructure, ainsi que leurs conséquences sur les conditions de travail des salariés, en particulier dans le cadre des contrats en PPP. 
 

La « modernisation » de Nantes-Atlantique doit maintenant retenir notre attention, car l’exploitation d’un aéroport par une société à but lucratif, c’est la domination du calcul économique sur toute autre considération : des économies sur le bien-être et la sécurité des salariés comme des usagers, la concurrence entre les plateformes et la croissance sans fin du trafic aérien, au détriment de la planète et des riverains.


Le combat continue, contre un capitalisme prédateur et dominateur, à la recherche d’un profit sans cesse augmenté, et dont notre Groupe se veut le modèle. De Strasbourg (GCO) à Saint-Etienne (A45) en passant par Marseille (carrière antique de la Corderie), nous dénonçons le peu de cas que font VINCI et ses commanditaires des terres agricoles, de notre environnement et de notre patrimoine historique ou naturel.


L’investissement opportuniste de VINCI dans certaines technologies « vertes » ne saurait non plus masquer son attachement stratégique aux industries fossiles, qu’il s’agisse d’acheminer les hydrocarbures canadiens ou d’encourager les trafics routiers et aériens... pour mieux les taxer.D’ailleurs VINCI entend bien se faire dédommager suite à l’abandon du projet d’aéroport. Le montant n’est pas connu, mais les médias parlent de plusieurs centaines de millions d’euros de compensation financière qui seraient versés au groupe VINCI. Des négociations sont en cours avec le gouvernement.


Alors que l’ensemble de nos services publics subissent la politique d’austérité budgétaire du gouvernement, celui-ci risque de verser de lourdes indemnités à VINCI !


La presse se faisant même l’écho du fait que dans les négociations entre VINCI et l’Etat, un autre paramètreentrerait en ligne de compte : la vente des actions détenues par l’Etat dans le capital d’ADP (50,6%). Car le groupe VINCI, qui en détient 8%, est très intéressé. Mais comme l’a déclaré le PDG Xavier Huillard, si VINCI monte dans le capital d’ADP, ce n’est pas pour y faire de la figuration mais pour en prendre le contrôle !

Ainsi, après les autoroutes, c’est un nouveau bien public qui risque d’être vendu à VINCI : encore de juteux profits en perspectives pour les gros actionnaires du groupe !


Ni répression ni expulsions


Il va falloir du temps pour que cette victoire et les perspectives qu’elle inaugure soient assimilées par tous. Dans l’immédiat, en se gardant bien de reconnaître l’irréalisme avéré du projet d’aéroport à Notre-Dame- des-Landes et d’établir les responsabilités dans la situation de blocage qu’il constate, le gouvernement entend sans doute ménager la chèvre et le choux. Ce faisant, il favorise les récriminations des ultimes partisans du projet, qui ne cessent de pousser à la guerre civile, avec la rage de ceux qui n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes, à leur entêtement et à leur mauvaise foi... et sont incapables de le reconnaître. Si la volonté d’apaisement du gouvernement est sincère, il ne doit rien céder au désir de vengeance de ceux qui se sont fourvoyés, par intérêt personnel ou ambition partisane : maintenant que l’avenir est ouvert, on comprendrait mal pourquoi il faudrait s’en prendre à ceux qui ont eu le tort d’avoir raison, et permis, ensemble, de sauver la zad de la destruction.

Il n’y a pas de « bons » et de « mauvais » opposants au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et la « légalité » de la présence des uns ou des autres est, sur place, une question aussi embrouillée que démagogique. Des migrants aux « zadistes », le mépris de la vie humaine qui s’affiche en Europe et ailleurs, avec la volonté de recenser, trier et bannir les « indésirables », nous renvoie dangereusement à des temps qu’on croyait révolus. C’est pourquoi nous réaffirmons notre opposition à toute intervention des forces de l’ordre ou tentative d’expulsion, qui ne feraient que nous ramener en arrière. Il est temps de mettre un terme à toutes les opérations d’intimidation et de stigmatisation des habitants de la zad, auxquels nous réaffirmons notre entière solidarité. A cet égard, nous jugeons très inquiétante, pour l’avenir de la démocratie, la diffusion d’allégations délirantes par certains éléments de la gendarmerie, auprès d’une presse peu scrupuleuse. Alors que certains regrettent ouvertement l’arrêt de l’opération César de 2012, il est important que le pouvoir politique affirme que les forces de l’ordre n’ont pas de revanche à prendre. Telle est notre conception de l’Etat de droit.


Nous demandons que l’avenir de la zad soit discuté pacifiquement sur la base du communiqué commun du mouvement anti-aéroport de ce jour, et nous appelons à se rendre en nombre au rassemblement du 10 février, pour fêter cette victoire comme il se doit, et affirmer notre volonté renouvelée de défendre la zad. 

Montreuil, le 17 janvier 2018












Violences policières :

Des images de nos espions qui ont trouvé la base des flics qui nous harcelent tout autour de la ZAD à l’école du gaz de Saint-Etienne-de-Montluc (carte sur OpenStreetMap) :



Quel avenir pour les terres 

de la Zad de Notre-Dame-des-Landes ? 

On fait le point

Quel sera l’avenir des 1.650 hectares de Notre-Dame-des-Landes ? Le mouvement anti-aéroport souhaite négocier une gestion collective, le gouvernement a posé un ultimatum au 31 mars, quand ceux qui n’auront pas de « titre de propriété » devront être partis. Quel est le statut des terres ? Où en est le droit ? Reporterre fait le point.

1.650 hectares de bocage. Pas mal, quand on sait qu’une ferme en France fait en moyenne 56 hectares. Retirez du total environ 400 hectares de routes, de bois et de haies, il reste 1.250 hectares et, en théorie, assez de place pour plus de 20 fermes.

En pratique, l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne règle pas tout. Reste en suspens l’avenir des terres de la Zad. La déclaration d’utilité publique (DUP) échue, l’État en est désormais le propriétaire, ont assuré à Reporterre les juristes consultés. Les regards se tournent donc vers le gouvernement.

« La vocation agricole des terres sera préservée. Les agriculteurs expropriés pourront récupérer leurs terres. […] Des installations agricoles pourront avoir lieu à partir d’avril dans un cadre légal », a indiqué le Premier ministre, Édouard Philippe, lors de son discours annonçant la fin du projet d’aéroport, mercredi 17 janvier en milieu de journée.

Des propos d’une obscure clarté : la « vocation agricole » des terres est certaine, mais de nombreuses questions demeurent. Dans cette situation complexe, deux cartes se superposent : celle de la propriété des terres et celle de leur usage.

L’État, lui, voit à travers le prisme de la propriété. Les terres se répartissent alors en trois catégories :
  1. Celles acquises à l’amiable par le département ou d’autres instances, au fur et à mesure des années : les ex-propriétaires ne pourront pas en demander la rétrocession. Alors, à qui iront-elles ? Qui décidera ?

  2. Celles acquises grâce à l’expropriation et dont les propriétaires ont accepté l’indemnité : sur ce sujet-là, les juristes consultés par Reporterre ont des avis divergents. Si jamais les anciens propriétaires souhaitent récupérer leurs terres contre le remboursement des indemnités, pas sûr que le tribunal accepte ;

  3. Celles acquises grâce à l’expropriation et dont les propriétaires ont refusé les indemnités : pour ceux-ci, pas de débat, ils pourront demander à récupérer leurs terres et l’État ne pourra pas le leur refuser.
Pour l’instant, difficile de savoir comment les hectares se répartissent entre chaque catégorie, car il faut désormais débuter un patient travail d’inventaire, parcelle par parcelle. Autre inconnue : on ne sait pas quels expropriés demanderont effectivement la rétrocession de leurs terres. Des incertitudes qui demanderont plusieurs mois, voire plus, pour être levées.

En attendant, il existe une autre carte de la Zad : celle de l’usage actuel des terres. Elle existe déjà, le mouvement anti-aéroport l’a réalisée. L’inventaire donne alors la répartition des terres suivante :


Les chiffres mentionnés sont fondés sur l’usage actuel des terres de NDDL et non leur propriété. Cette répartition n’a pas de cadre légal, à part pour les terres baillées par AGO-Vinci.
 

    Les agriculteurs « résistants » retrouveront leurs terres


Un point met tout le monde d’accord. Sur les 1.250 hectares de terres agricoles, environ 450 sont cultivés par quatre agriculteurs qui sont restés, malgré les expropriations, et ont refusé les indemnisations de l’État. « Ils vont demander la rétrocession des terres dont ils avaient la propriété ou le fermage [bail agricole], et l’État ne peut pas refuser. La déclaration d’utilité publique [DUP] tombe le 9 février, et à partir de là, les expropriations n’ont plus de justification », estime leur avocat, Me Étienne Boittin. « Pour nous, c’est la fin d’une épée de Damoclès, on va enfin pouvoir faire des projets et passer en bio », témoigne Marcel Thébault, l’un de ces agriculteurs « historiques », devenu au fil des ans l’une des figures du mouvement anti-aéroport. Il est en plein chantier collectif de réalisation de piquets pour les clôtures lors du coup de fil de Reporterre.

En revanche, l’avenir est plus incertain pour les — environ — 850 hectares restants.

    Lait, moutons, plantes médicinales, pain, etc.


Dans ce lot, tout d’abord, 250 hectares sont gérés par le collectif Sème ta Zad, fondé en 2013, rassemblant occupants et agriculteurs anti-aéroport du collectif Copain 44. Fruits et légumes, vaches laitières et allaitantes, cochons, moutons, cultures de céréales, pommes de terre, légumineuses, oléagineux… Les cultures collectives, destinées à nourrir la Zad et les luttes amies, sont diverses. En parallèle, des projets d’installation d’agriculteurs ont été accueillis. Marcel Thébault appelle cela les activités « monétisées ». Il énumère : « Il y a un couple qui fait du lait, un autre des plantes médicinales transformées [Lire le reportage de Reporterre], un troisième du maraîchage, un paysan-brasseur, un paysan-boulanger, un deuxième projet de plantes médicinales, et un projet d’élevage de moutons en train de se concrétiser. » Une « commission Installation » a même vu le jour, qui renseigne les candidats à l’agriculture sur la Zad. « Elle regarde comment le projet peut s’intégrer avec les diverses composantes de la lutte, comment aider à s’installer des gens sans faire d’emprunt, etc. » raconte Sébastien, habitant de la Zad et membre du groupe gérant la production de céréales et la transformation en farine. Lui répond rapidement au téléphone, avant de participer au coulage de la dalle de béton du nouveau hangar agricole.

    Éviter l’agrandissement des exploitations voisines


Restent enfin 550 hectares, lesquels, loin d’être en friche, sont cultivés… Mais par des agriculteurs riverains de la Zad, via des baux précaires renouvelés chaque année avec le concessionnaire AGO-Vinci. Certains font même partie des agriculteurs expropriés par l’État, mais qui ont accepté de toucher les indemnités, et ont ensuite pu continuer à cultiver leurs terres en attendant que le projet d’aéroport se fasse. Au sein du mouvement anti-aéroport, l’avis est unanime : ils ne pourront pas continuer d’exploiter ces terres indéfiniment, encore moins se les approprier. « Ils n’ont pas posé d’acte de résistance, on leur demande donc de ne pas oublier qu’ils ont renoncé à ces terres-là », affirme Marcel Thébault. « Il faut quand même rappeler que cela fait dix ans qu’ils ne payent pas de fermage à AGO-Vinci pour l’utilisation de ces terres ! » explique Dominique Deniaud, porte-parole de la Confédération paysanne de Loire-Atlantique, syndicat fortement engagé contre l’aéroport. « Ils ne peuvent avoir le beurre et l’argent du beurre », résume Sébastien. Leur idée serait que, au fur et à mesure, les exploitants actuels de ces terres laissent la place à des agriculteurs qui s’installent.

Ainsi, pour ces 850 hectares, le mouvement anti-aéroport a déjà imaginé un avenir, formalisé depuis 2015 dans un texte intitulé « les six points pour l’avenir de la Zad », soutenu deux jours avant l’abandon par de multiples organisations locales et nationales. Quelques principes simples sont posés. Notamment, le fait que la gestion soit collective et assurée par « une entité issue du mouvement de lutte qui rassemblera toutes ses composantes ». « On a sauvé ces terres du béton, il est légitime qu’on les gère, complète Marcel Thébault. On est les mieux à même de préserver la biodiversité qui y vit, les activités qui s’y sont construites, et d’en faire un lieu ouvert. »


« Les six points pour l’avenir de la Zad » affichés dans une habitation de Notre-Dame-des-Landes.

Autre « point » essentiel, les terres encore gérées par AGO-Vinci devront aller à l’installation de nouveaux agriculteurs. « On peut installer dix à quinze fermes », espère Vincent Delabouglise, paysan de Copain 44. « Surtout, on ne veut pas qu’elles aillent à l’agrandissement. Ici, le foncier doit rester un lieu dédié à l’expérimentation agricole, il doit permettre d’entériner une vision de l’agriculture qui va à l’encontre de l’industrialisation », complète Sébastien.
Car c’est un risque, si ces terres retournent dans le giron de la chambre d’agriculture, elles suivront les processus classiques d’attributions des terres. La priorité est donnée aux installations, certes, « mais s’il n’y a pas assez de projets présentés dans les délais, elles iront à l’agrandissement des exploitations voisines », redoute Vincent Delabouglise.
La solution juridique privilégiée par le mouvement serait alors que l’État reste propriétaire des terres et en cède la gestion via un bail longue durée à une structure juridique. Foncière, société civile, modèle « Larzac », peu importe, l’essentiel étant que les décisions soient collectives. Si l’État souhaite vendre, la commission « hypothèses d’avenir » cherche également des solutions pour un achat groupé.

    Discours fermes contre espoir de discussion


Reste alors un obstacle de taille : le gouvernement peut-il entendre et accepter cette vision ?
« Est-ce que l’État va s’embarrasser d’une négociation ? s’interroge Raphaël Romi, avocat et juriste en droit de l’environnement. Si l’on se projette sur les autres cas d’abandon de DUP, la rétrocession des terres via un processus classique a été la solution privilégiée dans la très grande majorité des cas. »
Au niveau local, le relais de l’administration agricole, la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique, aimerait aussi que tout rentre dans l’ordre. « Le projet du mouvement d’occupation est contraire à la réglementation et à ce qui se passe dans les cas normaux d’installation agricole, souligne son président, Jacques Lemaître. Ils ont des animaux pas bouclés [1], sans contrôle de ce qu’ils mangent, on ne peut pas accepter cela. Après, si l’État décide de mettre en place une zone expérimentale, ce n’est pas à la chambre d’agriculture de l’assumer. »

Un potager collectif de la Zad.
Pour l’instant, l’exécutif semble aller dans le sens d’un retour à la normale : « L’État engagera une cession progressive des terres », a affirmé Édouard Philippe lors de son discours du 17 janvier. « L’État n’a pas vocation à les conserver », a ajouté Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, le 19 janvier à Ouest France, avant d’ajouter : « Nous discuterons avec tout le monde, par principe, à une condition cependant : tous ceux qui ne seront pas détenteurs d’un titre de propriété pour leur terrain à la fin de la trêve hivernale devront être partis. S’ils ne sont pas partis au 31 mars, ils seront expulsés. » Dans le même temps, la préfète Nicole Klein maintient la pression et réaffirme que les 95 squats dénombrés par la préfecture doivent « disparaître ».

Les opposants à l’aéroport sont pourtant confiants. « On demandait trois garanties pour accepter de discuter : l’abandon du projet, la fin de la déclaration d’utilité publique, et pas d’expulsions. On a obtenu les deux premières, et un délai pour la troisième. Donc, c’est ouvert », assure Sébastien. « On a retrouvé des points évoqués en rendez-vous avec la préfète début janvier dans les déclarations d’Édouard Philippe, se félicite Dominique Deniaud. Il y a une écoute de notre projet. »

Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a même évoqué, jeudi 18 janvier au matin sur Sud Radio, de « faire un certain nombre d’expériences sur des pratiques agronomiques, sur l’agriculture biologique », sur les terres de la Zad.

L’avenir de ce territoire « ne pourra pas se décider en deux mois, abonde le maire de Notre-Dame-des-Landes, Jean-Paul Naud. Il faudrait que l’on constitue un groupe de travail, sous l’égide de la préfecture, afin d’arriver à un accord à l’amiable sur la répartition de ces terres. Il faut éviter une évacuation forcée de la Zad, car cela crisperait tout le monde ».

Après le dégagement de la « route des chicanes » par le mouvement anti-aéroport, vu comme un préalable à toute discussion, la négociation devrait pouvoir commencer.

Jeudi 25 janvier



►D281 :


Entre grosses averses et éclaircies, sous le regard vrombissant de l’hélico de la gendarmerie, le chantier collectif de feu la route des chicanes s’est poursuivi aujourd’hui, réchauffé par une cantine sauvage et un orchestre improvisé. La cabane Lama Faché a été démontée pierre par pierre entre habitant-es, soutiens et comités. Ce chantier a donné lieu à de ces moments sensibles et forts, à des dissonnances mais aussi à l’expression vivante de paroles contraires. A suivre...
Pour se détendre, un petit son tout chaud en provenance de l’atelier rap : " votre dame du Vietnam"

 Vendredi 26 janvier


La "route des chicanes" libérée à Notre-Dame-des-Landes


La préfète de Loire-Atlantique a constaté vendredi à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) la libération de la "route des chicanes", devenue le symbole ces dernières années de l'opposition au projet d'aéroport abandonné par le gouvernement.
NOTRE-DAME-DES-LANDES, Loire-Atlantique (Reuters) - La préfète de Loire-Atlantique a constaté vendredi à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) la libération de la "route des chicanes", devenue le symbole ces dernières années de l'opposition au projet d'aéroport abandonné par le gouvernement.

Paysans, naturalistes et "zadistes" ont en effet retiré cette semaine à l'aide de leurs propres engins agricoles et outils les épaves de voitures, tas de pneus et blocs de béton qui entravaient la circulation sur la route départementale 281, qui traverse la zone d'aménagement différé (ZAD).

L'enlèvement de ces "chicanes" était l'un des préalables posés par le Premier ministre Edouard Philippe lors de l'annonce de l'abandon du projet la semaine dernière et la politique d'apaisement du gouvernement semble porter ses premiers fruits avec la libération de la route.

"On est quand même sur un scénario positif, c'est une avancée : des conditions ont été mises, et la première est remplie", a dit la préfète, Nicole Klein, devant les journalistes rassemblés devant la mairie de Notre-Dame-des-Landes, dans le bourg de la commune.

"Des forces avaient été mises en réserve au cas où. La route a été dégagée sans recours aux forces de l'ordre, c'est la meilleure des solutions", a-t-elle ajouté.

Le gouvernement avait donné aux zadistes jusqu'à ce vendredi pour libérer la route, faute de quoi les forces de l'ordre seraient entrées en action pour y procéder.

La visite de Nicole Klein s'est faite sans la présence de la presse, pour pouvoir "se dérouler dans un climat apaisé et pour faciliter les échanges avec les occupants" avait expliqué la préfecture de la Loire-Atlantique.

DIALOGUE AVEC VINCI

La réouverture de la circulation sur la D281 ne se fera pas "sans garantie sur la sécurité des usagers", a souligné Philippe Grosvalet, président (PS) du conseil départemental de la Loire-Atlantique et gestionnaire de cette route départementale.

"Abandonnée depuis cinq ans, la route a été détériorée, voire sabotée d'après les renseignements des services de gendarmerie", indique celui qui est toujours président du syndicat mixte aéroportuaire, qui regroupe les collectivités locales qui finançaient l'ex-projet d'aéroport. "Il est inenvisageable de la rouvrir sans des travaux lourds, coûteux et complexes, qui prendront du temps."

Un "travail" va par ailleurs s'opérer "d'ici le printemps" avec les opposants à l'ex-projet d'aéroport pour voir lesquels d'entre eux souhaitent se maintenir sur la zone qui avait été dédiée au projet d'aéroport, a précisé Nicole Klein.

Edouard Philippe avait annoncé que les occupants illégaux devraient avoir quitté la zone d'ici au printemps mais avait ouvert la voie au maintien de ceux qui ont une activité agricole sur le site de Notre-Dame-des-Landes.

Pour compenser l'abandon du projet, le gouvernement a annoncé la modernisation "dans des délais rapides" de l'actuel aéroport de Nantes Atlantique, qui arrive à saturation, comme le suggérait un rapport d'experts remis en décembre. L'aéroport de Rennes sera dans le même temps agrandi.

Une inconnue demeure concernant l'avenir du contrat signé avec Vinci fin 2010 pour la construction et l'exploitation de Notre-Dame-des-Landes.

L'un des trois médiateurs nommés par le gouvernement sur le sujet estimait fin décembre dans les colonnes du Monde que l'indemnisation du concessionnaire pourrait aller jusqu'à 350 millions d'euros en cas d'abandon du projet d'aéroport.

Le gouvernement s'est dit confiant dans la possibilité de trouver un accord avec Vinci, qui s'est dit prêt au dialogue.
Agence Reuters sur Médiapart


►Les travaux sur la D281 sont finis ! Après une semaine de chantier, de tensions et de doutes parfois, de fatigue beaucoup, nous sommes parvenu, ensemble à tenir la promesse que nous nous étions faites de rendre la route à la circulation. L’Etat voudra bien croire que nous l’avons fait pour répondre aux exigences du premier ministre, nous, nous savons bien que ce qui l’a emporté c’est la volonté de continuer à faire ensemble, le désir de nos voisin.e.s de retrouver l’usage de la route, l’envie des paysans de pouvoir y circuler plus facilement. Il n’aura pas été facile pour nous, occupant.e.s, de démonter la cabane de Lama Faché, et nous n’oublions pas que cette route des chicanes a été longtemps le symbole de notre résistance victorieuse face à l’opération César. Mais le symbole ne valait sans doute pas risquer de commencer les négociations sur l’avenir de la zad dans de mauvaises conditions. L’assurance répétée des autres composantes que nous serons toutes et tous ensemble pour défendre la totalité des habitations de la zad a emporté la décision. Il n’y aura pas d’aéroport, il n’y aura pas d’expulsions !

Ce matin vers 10h, la préfète est venue se prendre en selfie sur la D281. C’est de bonne guerre, comme le fait que certain.e.s camarades l’accueillent en lui montrant leur cul... Elle aura aussi pu lire sur son passage plusieurs banderoles, de soutien à la lutte au Rojava, "Zone A Défendre, résistance et sabotage", "yes, chicane", "capitalisme vert, le mur de toute manière" et bien d’autres. Lors d’une courte pause à Bel Air elle a rencontré brièvement un représentant de COPAIN pour évoquer le début des travaux de rénovation de la route, celui-ci a dit qu’il serait malin que la DIRO vienne sans escorte policière qui serait perçue comme une provocation par les occupant.e.s. Elle s’est ensuite rendue à Notre-Dame-des-Landes pour une courte conférence de presse où, bonne joueuse, elle a reconnue l’important travail réalisé par des centaines de personnes tout au long de la semaine et admis que désormais les conditions étaient réunies pour commencer le processus de négocation avec le mouvement anti-aéroport.




Communiqué 

suite à la fin du chantier 

sur la D281


COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’ENSEMBLE DES COMPOSANTES DU MOUVEMENT CONTRE L’AEROPORT (habitant-e-s de la zad, Acipa, Coordination, COPAIN, Naturalistes en lutte)


vendredi 26 janvier

Le mercredi 17 janvier, nous avons collectivement obtenu une formidable victoire, un signe fort pour toutes les autres luttes. Nous voilà maintenant dans une nouvelle phase, pleine de possibilités d’avancer ensemble, notamment sur des questions d’usage commun, comme celle de la D281, dite "route des chicanes".

Fermée par les autorités dans le cadre du projet d’aéroport en 2013, cette route a été ré-ouverte par le mouvement dans la foulée. Aujourd’hui, l’ensemble du mouvement a fait le choix de la transformer pour la rendre plus accessible à nos voisin-e-s et aux riverain-e-s des bourgs alentour.Pour que tou-te-s puissent y circuler tranquillement, il y a dores et déjà des ralentisseurs provisoires, puis par la suite des ralentisseurs pérennes, et des voies de passage seront créées pour nos ami-e-s tritons, salamandres et autres habitant-e-s du bocage.

Nous portons ceci collectivement, et collectivement nous pourrions revenir sur cette décision si des menaces d’expulsion venaient à se concrétiser, en refermant cette route et les autres traversant la zad. C’est un engagement fort que nous renouvelons ensemble pour défendre l’avenir de la zad.

Un chantier collectif a été organisé pour cela à partir du 22 janvier, il est aujourd’hui terminé.

Cette route était et restera un des symboles de notre résistance commune, et c’est tout-e-s ensemble que nous mettons en oeuvre son usage partagé, pour l’avenir de la zad, puisque qu’il n’y aura pas d’aéroport. Nous appelons à un très large rassemblement sur la zad, le 10 février, pour enraciner l’avenir de ce territoire et fêter l’abandon du projet. Le mouvement contre l’aéroport, 26 janvier 2018



Le blé noir nourrit les résistances et l’avenir sans aéroport. 
 
La farine de sarrasin de la ZAD disponible – passez vos commandes !

La culture de sarrasin n’a cessé de fleurir depuis de longues années dans les terres acides et lourdes de Notre Dame des Landes, il s’épanouit là où d’autres cultures peinent à s’adapter. D’abord voisin des landes communales, aujourd’hui végétal éphémère de mai à octobre dont la présence dans le paysage bocager dessiné par l’élevage, alterne entre prairies temporaires, orges, tournesols, blé et mélanges fourragers.


Depuis 4 ans, il est cultivé sur les terres occupées par le mouvement de lutte contre l’aéroport par divers groupes paysans, qu’ils soient habitants sur la zad ou agriculteurs de COPAIN. Au dela des liens tissés à travers cette culture commune, celle ci renforce la lutte de multiples façons ; d’abord dans une optique stratégique, par le fait de maintenir cultivées les terres et par là habiter pleinement le territoire ; ensuite, dans l’objectif d’approvisionner boulangeries, galetteries, banquets, cantines, fêtes et réseaux d’échanges et de ravitaillement des luttes ; enfin par le fait de pouvoir constituer un levier pour financer les divers outils de production collectifs, équilibrer les comptes de projets agricoles moins rémunérateurs, développer l’activité de transformation du sarrasin comme donner de l’élan à de nouveaux projets agricoles au sein du mouvement de lutte, sur la zad.

Après avoir dépendu de grossistes pour la vente et le séchage, voilà maintenant 2 saisons agricoles que nous séchons et trions par nous même le grain après avoir construit un séchoir. La récolte est ensuite stockée puis moulue à la ferme de St Jean du Tertre. La production nous offre un surplus disponible et une rénovation de la meunerie permet aujourd’hui de produire une farine de qualité que nous souhaitons vivement partager, auprès des comités de soutien liés au mouvement - à prix libre - comme auprès des magasins paysans de la région et artisans nécessitant de la farine - au tarif du marché - .

Des sacs de farine seront disponible dès le mois de février 2018, en sacs de 25, 5 et 1kg. Elle se conservera plusieurs mois au sec. Nous vous invitons à passer commande par mail ou téléphone à l’avance et à venir récupérer les sacs sur place à la ferme de St Jean du Tertre. Des chantiers auront lieu avant les AG, tous les 1er mardi du mois à 17h, pour participer à l’ensachage et permettre des temps d’échange. Prévenez nous de votre venue. Vous êtes loin ? Organisez vous avec votre comité de soutien le plus proche pour passer commande et créer un point de dépôt ! Le rendez vous du 10 février sera une première occasion de récupérer de la farine (ferme de St Jean du Tertre).

Par ailleurs, nous vous invitons d’ors et déjà au semis collectif de sarrasin qui aura lieu entre le 15 Mai et le 15 Juin, nous pourrons dresser un bilan du fonctionnement de la vente de farine. Tenez vous informé sur zad.nadir.org.

Nous écrire : Ferme de St Jean du Tertre – Meunerie 44360 Vigneux de Bretagne

Mail : blenoir@riseup.net 
 
Samedi 27 janvier

L’accueil rennais de la victoire 

de la lutte anti-aéroport




"Ce mercredi 17 janvier, en début d’après-midi, Edouard Philippe entendait assumer le rôle de mettre fin à une lutte historique, vieille de plus de 50 ans, par l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Nous saluons vivement la puissance d’un mouvement aux pratiques diverses qui a su triompher de l’Etat !

En revanche, nous restons et appelons à rester alertes. Car si la lutte contre l’aéroport trouve une issue victorieuse, la lutte pour la victoire de la Zad, elle, continue.

Les hérauts de la politique gouvernementale ont innondé ces derniers jours les journaux, les chaînes de télévision et les stations de radio d’un flot de mots hostiles à la Zad. Il est vrai que l’existence d’un mouvement d’occupation vieux de dix ans est une réelle humiliation pour ceux qui entendent tenir les rennes de l’aménagement du territoire au profit de l’économie.

Rester alertes signifie donc aujourd’hui savoir se rendre disponible à l’action. Depuis deux ans, le Comité Zad de Rennes se rassemble au rythme des menaces d’évacuation de la zone. La menace ne disparaît maheureusement pas après l’abandon du projet. Aujourd’hui encore, le déblayage des routes principales qui traversent la Zad peut faire l’objet de tensions avec les forces de l’ordre, et nous ne laisserons quelque opération policière que ce soit se faire sans réagir.

Nous répondrons encore présents pour faire triompher la Zad, fidèles que nous sommes à l’en-dehors qu’elle ouvre au sein même du monde capitaliste.

Rester alertes signifie aussi prendre part largement à la grande fête qui secouera la Zad le 10 février prochain, saluant le dernier souffle de la Déclaration d’Utilité Publique et l’enterrement du projet.

Si les leçons de cette lutte victorieuse doivent se répandre partout, ce rendez-vous donnera également lieu à une grande rencontre entre tous les comités de soutien, pour s’organiser et penser ensemble l’avenir de la zone et de nos liens avec elle.

La victoire de la lutte anti-aéroport nous confirme qu’il n’est pas vain de combattre, ici aussi à Rennes, l’aménagement du territoire dont le tout nouveau centre des congrès est l’étendard. Cette victoire renforce notre détermination à arracher des lieux à la ville, pour troubler encore la mise en bon ordre du centre de Rennes. Nous rappelons en ce sens que chaque événement au centre des congrès doit être le prétexte à la perturbation de la reconquête du centre-ville, si chère à Nathalie Appéré.

Par ailleurs, passé ce pallier (et non pas des moindres !), le Comité Zad de Rennes se consacrera dans ses prochains rendez-vous à la question primordiale de son devenir propre, ainsi que celle, intrinsèquement liée, de l’avenir de la Zad. Ceci en vue de la rencontre intercomité qui suivra la fête du 10 février mais aussi et surtout dans la perspective de renforcer ses liens avec l’intense expérience de l’autonomie politique éprouvée ces dernières années, et qui, nous le souhaitons et l’encouragerons, s’éprouvera encore pendant de longues années.

Mais dans l’immédiat, l’heure est aux réjouissances et à la réaffirmation de notre détermination ! Que vive la Zad !

Comité Zad de Rennes, sur la place Ste Anne, au soir de l’annonce qui stoppa nette, après 50 ans, la cavale des gouvernements successifs."

A propos de la route de feu les chicanes, pas mal de textes d’ici et d’ailleurs sont sortis ces derniers jours : #ZAD #NDDL une des routes de nos a-venirs..., On veut du silence et du temps..., « Déchicanisation » : comme un malaise, Ils veulent expulser une de nos Zones à défendre, silencieusement ! No pasaran !.

« La route des chicanes est dégagée, 

constate la préfète de Loire-Atlantique »



La préfète de la région Pays de la Loire, Nicole Klein, a parcouru vendredi 26 janvier la "route des chicanes" traversant la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, libérée de ses obstacles mais semée de nombreux nids-de-poule.


Outre plusieurs journalistes, le convoi était très sécurisé : filtrage aux entrées de la route, survol par un hélicoptère, membres du GIGN prêts à intervenir...

Finalement, tout s’est passé dans le calme. Mais non sans sarcasmes... Un premier panneau, à l’entrée, donne le ton : "Passage de préfète". Sur les premiers cent mètres, de nombreuses inscriptions ont été tracées par des militants, sur des barricades, des banderoles, des pancartes restées sur le bas-côté, ou à même le bitume.

La tranquille progression du convoi permet à la préfète de prendre connaissance des messages anti-État distillés par les militants anti-aéroport massés par dizaines sur les bas-côtés, dont beaucoup ont le visage dissimulé. Certains baissent leur pantalon et montrent leurs fesses au passage des véhicules.

Arrivée au bourg de Notre-Dame-des-Landes, après un seul arrêt, la préfète s’est engouffrée dans un garage attenant au local de l’association Acipa, trinquant même à la "libération" de la route avec des opposants historiques. Le tout dans un gobelet barré d’un "Non à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes".

"En tout cas, c’est dégagé", a conclu Nicole Klein.

Dans la vidéo ci-dessous, Mme Klein dit que « c’est un retour à l’État de droit ». « La route est dégagée et bientôt, on pourra y circuler de nouveau. (...) Pouvoir y circuler la fait rentrer dans le droit commun et la République. (...) La suite ? On va commencer très rapidement à discuter sur les bases qu’a définies le gouvernement. »





Sources : Le Progrès - France 3 TV Pays de la Loire - Photo : Le 22 janvier (LCP, « Ca vous regarde »
 sur Reporterre



Dimanche 28 janvier

Une petite vidéo envoyée par la Piraterie à Roulettes : Nous les ZADISTE RADIS-CO !
A voir absolument !


Et pour les suites du chantier de reconstruction à Lama Fâché, voici une petite liste non-exhaustive de matos qui pourrait aider à la reconstruction d’un espace collectif.


A ce propos, le chantier avance bien, y a déjà un beau début de plancher !

Lundi 29 janvier

    Infos traflics :

Pour l’instant il n’y a plus de contrôles systématiques aux abords de la ZAD. On ignore si les arrêtés préfectoraux ont été renouvelés.

Nous renouvelons nos remerciements à toutes les personnes qui ont appelé le téléphone d’urgence de la zad pour nous signaler mouvements et contrôles policiers.

►Ce matin une petite équipe de la DDE est venue faire un diagnostic de la D281 pour entamer des travaux prochainement. Contrairement à ce qu’avait demandé le président du conseil départemental, Grosvalet, cette équipe n’a pas eu besoin d’être escortée par des policiers, la présence de flics sur zone aurait été perçue comme une provocation. On ne sait pas encore quand commenceraient les travaux de rénovation.


ET TOC ! Récit d’un jour de victoire par la Mauvaise Troupe


Mardi 30 janvier



10h02 min : infotraflics : la DDE poursuit ses travaux aujourd'hui. Présence de GM à la hauteur du cimetière de NDDL ainsi qu’au bois Rignoux mais pas sur zone. Pas de contrôle pour le moment.



AILLEURS



Infos du 17 au 21 janvier


Vendredi 19 janvier


Luttes paysannes :

Mali : un paysan tué par des forces du « désordre » au village de Zémésso et plusieurs blessés. 
Liens : http://www.uacdddd.org/spip.php?article174

Infos du 22 au 31 janvier


Mardi 23 janvier


L’État délivrera l’autorisation environnementale 

pour le contournement ouest de Strasbourg



L’État va délivrer l’autorisation unique environnementale pour permettre la réalisation du contournement ouest de Strasbourg, ont indiqué les ministres Nicolas Hulot et Elisabeth Borne dans un communiqué du mardi 23 janvier. Les travaux de cette autoroute avaient été interrompus en octobre 2017, en raison « d’imperfections dans le dossier de compensation proposé par le maître d’ouvrage », indique le communiqué.

Depuis, de « nouveaux correctifs » ont été proposés par le maître d’ouvrage. Les ministres de l’Écologie et des Transports les ont estimés suffisants. L’autorisation sera donc délivrée, assortie « des prescriptions complémentaires nécessaires », indiquent-ils. « Cela comprend un renforcement et une pérennité assurée des mesures compensatoires par le porteur de projet, notamment pour les zones humides. Par ailleurs, l’impact environnemental de l’aménagement foncier agricole devra être maîtrisé et limité au maximum pour la biodiversité présente dans ces espaces. »


Enfin, le communiqué indique que « dans ces conditions, la déclaration d’utilité publique a été prorogée de 8 ans et les travaux nécessaires à la conduite du chantier préparatoire sur le tracé de l’autoroute rendus possibles. »

Mercredi 24 janvier

Bure : 

appel à contribution 

pour un livre d’or de la chute du mur


Salut à tou.tes

Le 13 février, deux amis passeront en procès au tribunal de Bar-le-Duc : ils sont accusés de la destruction du fameux mur de béton érigé par l’Andra autour de la forêt à l’été 2016. Quand on songe à la vague d’espoir et de joie, au sentiment profond d’unité et de force qui avaient accompagné ce moment historique, il est clair que nous ne pouvons pas ne pas réagir ! Nous sommes toutes des tombeurs de mur ! Des informations suivront donc bientôt sur ce procès scandaleux, et sur notre appel à mobilisation. Restez aux nouvelles sur vmc.camp !

D’ici là, nous vous invitons à mettre à profit les 21 jours qui nous séparent de l’audience, en rédigeant ensemble un livre d’or de la chute du mur. En une phrase ou en dix pages, que vous ayez été là ce jour là ou non, partagez vos souvenirs, dites-nous ce que cela vous a inspiré, et envoyez vos contribution à livredordumur@riseup.net.

Montrons leur que nous n’avons clairement pas vécu la même journée, ce 14 aout 2016, et que ce qu’ils voudraient réduire à une "déterioration" commise par deux personnes a en fait fait vibrer à l’unisson des centaines voire des milliers de personnes. Individus, collectifs ou associations, nous y étions tous et toutes, ou nous aurions voulu y être  : faisons-nous entendre !

On compte sur vous !

A bientôt Des chouettes hiboux



Jeudi 25 janvier

Hulot autorise le GCO de Strasbourg 

au mépris du Conseil de la nature


Le contournement autoroutier de Strasbourg, mené par Vinci, va encore artificialiser des sols. Mais Nicolas Hulot et Élisabeth Borne ont annoncé qu’ils autoriseraient les travaux malgré l’avis défavorable du Conseil national de protection de la nature, que révèle Reporterre.




Strasbourg (Bas-Rhin), correspondance

Nouveau rebondissement dans le dossier du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Le gouvernement a décalé la date butoir pour le lancement des travaux de cette rocade payante de 24 kilomètres. Signée en 2008 pour une durée de dix ans, la déclaration d’utilité publique (DUP) se voit prorogée de huit années, soit jusqu’à 2026.

Cette prolongation de la DUP était de droit dans le contrat signé en janvier 2016 entre le concessionnaire Vinci (via sa société Arcos) et l’État. Il suffisait que le concessionnaire en fasse la demande. En ajoutant huit années, l’État pare donc à tous les imprévus possibles et imaginables. Mais ce qui est plus surprenant, c’est que le gouvernement a doublé cette publication attendue au Journal officiel d’un communiqué.
Le communiqué commun des ministres Hulot et Borne.


Le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, et son homologue aux Transports, Élisabeth Borne, y annoncent qu’ils levaient la suspension des travaux préparatoires (sondages archéologiques et géotechniques) restant à faire sur deux parcelles de forêts, au centre et au nord du tracé. En outre, les deux ministres ajoutent que l’État délivrerait l’autorisation environnementale unique — qui signera le top départ des travaux. Cette annonce est la plus surprenante, car l’autorisation est normalement consécutive à la remise des conclusions de l’enquête publique spécifique à la conduite des travaux. Or, cette enquête n’a pas encore eu lieu : elle est prévue au printemps de cette année.

    Le gouvernement fait fi des recommandations 

    du Conseil national de protection de la nature 


Du côté d’Arcos, on prend acte de la décision et on indique qu’il est prévu que les engins de chantier entreront en action au mois d’août 2018, pour une mise en service de l’autoroute le 30 septembre 2020. La compagnie ajoute que les fouilles archéologiques dans les champs se poursuivront jusqu’en mars.

Le gouvernement fait donc fi des recommandations du Conseil national de protection de la nature (CNPN), dont le deuxième avis, est une nouvelle fois négatif. Reporterre en révèle ici le contenu :
Avis du CNPN sur le GCO - décembre 2017

La conclusion est claire : « Le CNPN prononce un avis défavorable ».
En visite à Strasbourg à l’automne, la ministre Élisabeth Borne se montrait pourtant confiante auprès des Dernières Nouvelles d’Alsace : « Ils l’auront [l’avis positif]. Ils savent très bien faire un bon dossier et ils vont nous faire un bon dossier. » Etrange formule. En tout cas, Mme Borne et M. Hulot ont choisi de passer outre l’avis du CNPN.



Lors de leur premier passage, à l’été, les scientifiques du CNPN avaient rendu un avis sévère. La fuite de leurs conclusions avait contribué à mobiliser des riverains et militants contre les travaux préparatoires en forêt, déjà autorisés. Face aux oppositions sur le terrain, le gouvernement avait demandé au concessionnaire de remiser ses machines, et d’attendre un avis favorable pour pouvoir couper les arbres. Cette suspension était politique, mais le gouvernement avait annoncé que le concessionnaire devait arrêter « tant que ce nouvel avis du CNPN n’aura été rendu. […] L’État entend à la fois permettre la réalisation de ce projet attendu localement, et s’assurer qu’il apporte les meilleures garanties en matière environnementale ».

Or, les garanties ne sont toujours pas là, comme on s’en rend compte à la lecture du document que publie Reporterre. Après une audition le 15 décembre de Vinci et du département du Bas-Rhin en charge de l’aménagement foncier agricole, le CNPN relève certes des progrès. « L’effet barrière » est limité, mais pour autant, l’objectif « d’absence de perte nette de biodiversité » n’est pas atteint. Les scientifiques indépendants relèvent plusieurs erreurs (confusion entre « restauration » et « création » de zones humides) ou légèretés dans le dossier. Exemple, « le crapaud vert, espèce identifiée à ’fort enjeu’ dans l’état initial apparaît à enjeu ’modéré’ dans l’évaluation des impacts résiduels ».

Le CNPN justifie son avis défavorable par « l’absence de calendrier des travaux » pour les mesures de réduction. Il regrette que seuls les impacts de l’aménagement foncier sur le hamster sont étudiés, alors que « tous les autres groupes d’espèces protégées sont susceptibles d’être fortement impactés par ces travaux ». Dans les champs, « aucune compensation n’est proposée pour les 15 espèces d’oiseaux nicheurs ».

Autre souci, « la difficulté de s’engager sur le long terme avec des particuliers comme les agriculteurs ». Au-delà de dix ans, le CNPN n’est pas sûr que les compensations aujourd’hui négociées soient pérennes.

    « Un reniement de la parole donnée par Nicolas Hulot »


Tout ceci n’est pas de nature à décourager les écologistes. La « tentative de déboisement » mi-septembre a fait l’objet d’un recours de l’association Alsace nature. Grâce aux personnes postées sur la Zad, l’association écologiste notamment que les repérages d’usage, comme enlever du lierre ou refermer les cavités pour protéger les chauves-souris, n’ont pas été effectués au préalable, comme le prévoyait pourtant l’accord préfectoral.

Les pro-GCO, on se félicite de la validation ministérielle du projet bien plus tôt que prévu. Pour le président de l’Eurométropole, Robert Hermmann (PS) : « Il s’agit d’une étape essentielle dans la construction partagée d’une ambition plus large pour les transports de notre agglomération ; une ambition capable d’améliorer l’attractivité et les mobilités quotidiennes de nombre d’habitants qui l’attendaient. Le projet que nous poursuivons rend compatibles le développement économique et les exigences environnementales. » 

Ce n’est pas l’avis de son vice-président à l’urbanisme, Alain Jund (EELV) : « C’est un reniement de la parole donnée par Nicolas Hulot en octobre dernier où il s’engageait a ’inverser la charge de la preuve’, imposant à Vinci de prouver que le projet était respectueux de l’environnement et des espaces naturels. C’est enfin la preuve que le lobbying permanent de grands groupes du BTP, de la chambre de commerce et de certaines collectivités [dont l’Eurométropole où il siège] porte ses fruits. » 

Manifestation spontanée des opposants au GCO, mardi 23 janvier, à Strasbourg.
 Comme Alain Jund, les opposants n’ont pas manqué de relever que l’annonce arrive moins d’une semaine après la décision d’abandonner l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui devait également être géré par Vinci. Quelques citoyens se sont réunis à la hâte mardi 23 janvier devant la préfecture pour dénoncer « un passage en force » du gouvernement. Ils avaient dans un premier temps été plutôt séduits par l’écoute du gouvernement, et la médiation débutée par la députée Martine Wonner (LREM) .


La lutte contre le GCO, sur le terrain comme aux tribunaux, n’a pas dit son dernier mot. Une nouvelle marche d’opposition est prévue sur le tracé ce dimanche 28 janvier à 9h45, à Ernolsheim-sur-Bruche.



Ligne 17 à travers Europa City : 

l’Autorité environnementale 

émet un avis très réservé

 

L’Autorité environnementale a délivré le 10 février son avis sur la création de la ligne 17 Nord du Grand Paris Express. Il s’agit d’un avis plus que réservé : « l’analyse de l’étude d’impact présente des lacunes importantes », précise l’Ae, qui préconise une nouvelle actualisation de cette étude d’impact avant tout délivrance d’autorisation environnementale, nécessaire pour lancer les travaux.

« La plupart de ces lacunes reposent sur l’impossibilité de distinguer les composantes et les impacts de la ligne et de la Zac du Triangle de Gonesse, dont le contenu, les modalités de réalisation et les mesures environnementales ne sont pas encore précisément connues », souligne l’avis. D’après l’Ae, cette confusion pose problème, car le dossier actuel de la ligne 17 « ne permet pas de comprendre à quel projet l’étude d’impact s’applique, alors que la ligne et la Zac présentent dans leur ensemble de nombreux impacts significatifs ».

Le projet de la ligne 17 est en effet étroitement lié à celui d’Europa City, un méga-centre commercial et de loisirs qui serait implanté sur les terres agricoles du Triangle de Gonesse.

L’Ae pointe notamment des problèmes en termes de gestion des eaux pluviales, de restauration des zones humides et des continuités écologiques, la gestion des déblais liés aux travaux, et les mesures compensatoires en cas de destruction de terres agricoles.

Le tronçon concerné par l’avis, entre la gare du Bourge et celle du Mesnil-Amelot a été déclaré d’utilité publique en février 2017. La mise en service de la ligne est prévue pour 2024, un calendrier difficile à tenir, craint l’Ae, compte tenu de la durée nécessaire pour réaliser l’ensemble des études nécessaires.

Télécharger l’avis :
 
Source  : Reporterre.



Communiqué de l'Amassada


Opposants à l'éolien industriel et au Transformateur de Saint-Victor-et-Melvieu (12)

jeudi 25 janvier 
 
« Ce matin, aux alentours de 6h30, plusieurs habitants des communes de Saint-Affrique et Camarès, ont vu leur sommeil interrompu brutalement par une série d’irruptions intempestives dans leur domicile.

Plusieurs dizaines de gendarmes s’y sont en effet déployés pour procéder à l’arrestation de 16 personnes. Cette opération militaire démesurée semble répondre aux refus commun de plusieurs personnes d’aller à une série de convocations ayant été distribués peu après le court blocage le 12 décembre 2017 d’un chantier éolien industriel à Crassous (Saint-Affrique). Aucun lien n’ayant été établi entre ce blocage et les personnes convoquées, les concernés avaient jugées peu pertinent d’obéir à ces injonctions, et avaient judicieusement fait connaître leur décision publiquement par voie de presse.

Cette opération démontre une fois de plus que le Procureur de Rodez ayant mandaté la troupe, fait, comme ses semblables, bien peu cas de la présomption d’innocence. Opération dont les méthodes rappellent vaguement celles de l’anti-terrorisme.

Nous appelons donc aujourd’hui à un rassemblement bruyant devant la Gendarmerie de Saint-Affrique à 13h00 mais aussi ce soir à 18h00 au « Lieu-Dit » (Saint-Affrique) pour organiser l’auto-défense juridique »
 


Tribune d’un collectif de détenus incarcérés à la maison d’arrêt des hommes de Fleury Mérogis



Nous, prisonniers, condamnés ou prévenus, enfermés à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis, lançons un appel contre la conquête sécuritaire qui se joue en ce moment à travers les mobilisations des surveillants de prison dans toute la France

Nous, prisonniers, condamnés ou prévenus, enfermés à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis, lançons un appel contre la conquête sécuritaire qui se joue en ce moment à travers les mobilisations des surveillants de prison dans toute la France. Cet appel vise également à construire une force collective entre les détenus en lutte et à l’extérieur. Depuis plusieurs jours, des surveillants de prisons bloquent les entrées des maisons d’arrêt, centrales et centres de détention du territoire français. Ici, à Fleury Mérogis, l’établissement est régulièrement paralysé depuis le début de semaine par plusieurs dizaines de surveillants, empêchant les parloirs avec nos familles, parfois venus de loin, empêchant les extractions dans le cadre des procédures judiciaires (bloquant les aménagements de peine), l’entrée des avocats, les cantines, les cuisine, le nettoyage et toutes les activités dédiées à la prétendue « réinsertion » Leurs revendications sont simples, ils réclament plus de moyens et plus de sécurité pour le personnel pénitencier, ce qui se traduit concrètement par un armement généralisé des surveillants, l’imposition de menottes aux détenus lors de leurs déplacements hors des cellules, et des restrictions conséquentes de nos libertés et de nos droits, pour le peu qu’il en reste.

Leur mouvement fait suite à diverses manifestations supposées de violence depuis quelques temps, qui, si elles existent, ne sont que des actes isolés, bien souvent en réponse à une violence bien plus importante de l’institution carcérale et de l’État en général. Depuis une semaine, nous assistons à une surmédiatisation d’événements sporadiques et minimes sur toutes les chaînes de télévision, sur fonds d’antiterrorisme. Une insulte devient une agression, une bousculade un passage à tabac et un retard en cellule une mutinerie. Et nous voyons ainsi défiler ces mensonges sur BFM depuis le week-end dernier. Les surveillants et leur syndicat, interviewés par les médias, ont présenté la prison comme un « sanctuaire de criminels » où les détenus avaient « pris le pouvoir » dans des zones totalement abandonnées par les pouvoirs publics. Mais cette stratégie de désinformation ne s’arrête pas là et se couple à des actions bien réelles à l’encontre des détenus.

Ce jeudi 18 janvier au matin, alors que tous les parloirs avaient été annulés, que les activités n’avaient pas lieu et que nous étions séquestrés en cellule, sans information et sans même avoir été nourris, l’administration a finalement décidé, en réponse aux mobilisations de leur personnel, de lancer une nouvelle entreprise de terreur comme on n’en voit qu’en prison à l’encontre des détenus, et alors que rien ne s’était encore passé. Vers 11h, plusieurs dizaines de surveillants et d’Eris, armés, cagoulés et près à intervenir étaient déployés dans toute la prison. Alors que les départs en promenade se faisaient sous pression, ponctués de coups de matraque et de bouclier, de fouille à nu arbitraires et d’insultes diverses, nous avons décidé de nous organiser contre ces violences gratuites, exercées pour satisfaire des surveillants en mal de reconnaissance. Sur le bâtiment D2, nous étions plus d’une centaine à refuser de réintégrer nos cellules à l’appel de fin de promenade, qui avait été réduite à 45 minutes au lieu des deux heures quotidiennes. Sur le bâtiment D1, c’est cette fois l’administration qui nous enfermait plus de 4h en promenade, pour prévenir un risque de blocage et en profiter pour fouiller une bonne partie des cellules. Dans les autres bâtiments, nous tentions plusieurs blocages, la plupart mis en échec par l’intervention violente des Eris.

À travers ces blocages, nous voulons exprimer notre droit à manifester, qui nous a été arraché lors de notre incarcération et nous voulons lancer un message vers l’extérieur, contre ce qui se joue en ce moment devant les prisons françaises : l’invisibilisation des violences quotidiennes à l’encontre des détenus - insultes régulières, coups, pressions administratives, les suicides réguliers, les piqûres forcées, les cellules en flamme comme à Fresnes il y a quelques jours, et même les viols, comme à la MAF ou à Meaux il y a quelques mois. Mais également, la stratégie des surveillants qui rappelle celle des policiers qui manifestaient illégalement, masqués et armés, en direction des lieux de pouvoir à l’automne 2016 au cri de « la racaille en prison ! », pour réclamer et finalement obtenir un nouveau permis de tuer. À travers ces actes de résistance collective, nous nous mobilisons contre cette répression grandissante et contre l’entreprise sécuritaire de l’État pénal. Mais pour ce faire, nous avons besoin de construire une force collective, et que nos luttes soient entendues et relayées à l’extérieur. La violence, la vraie, elle est du côté de la prison, de la justice et de la police, qui frappent, séquestrent et légitiment ces exactions. La violence, c’est l’État. Nous ne sommes pas des bêtes, nous sommes des êtres humains, et nous refusons d’être enfermés et renvoyés à des faits qui feraient de nous des parias, sans droits et sans dignité. Nous en appelons aujourd’hui à toutes celles et tous ceux qui, à l’extérieur, luttent contre les violences d’État. Nos mobilisations sont vaines si nous ne sommes pas soutenus et si les acteurs des luttes actuelles ne se font pas écho de nos combats. En effet, nous payons le prix fort de ces blocages, la vengeance de l’administration est terrible, plusieurs personnes ont d’ores et déjà été envoyées au mitard, le quartier disciplinaire, et nous savons tous que nos conditions de détention seront rendues encore plus difficile, du seul fait d’avoir refusé ces injustices. Par ailleurs, nous avons besoin que des mobilisations fortes appuient nos mouvements, car l’administration sait qu’elle a les moyens de nous faire taire, en chargeant nos dossiers en vue de nos procès à venir ou en refusant nos aménagements de peine. Ce texte ne s’adresse ni aux institutions, ni aux défenseurs des soi disant droits de l’homme et des politiques traditionnelles car à nos yeux, il n’existe pas de prisons « plus justes ». C’est un appel à toutes celles et tous ceux qui, au printemps 2016, se sont soulevés contre la loi travail ; car nous aussi, nous sommes les premières victimes d’une précarisation massive qui nous a contraint à choisir entre la misère et la prison. C’est un appel à celles et ceux qui luttent contre le racisme, car nous aussi sommes les premières cibles d’un racisme d’État qui enferme toujours les mêmes personnes, des jeunes non blancs, parqués dans les prisons françaises. C’est un appel à celles et ceux qui luttent contre les violences policières, car nous sommes ceux qui subissent depuis toujours les violences des forces de police et nous sommes ceux qui se lèvent toujours lorsqu’un de nos frères tombe sous les coups ou sous les balles des forces de l’ordre.

Mobilisons-nous, à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons. Construisons une vraie force contre la répression en bloquant et en perturbant les institutions répressives et les politiques sécuritaires. Brisons le silence de la prison, et brisons les chaînes qu’elle nous impose. Liberté pour toutes et tous.

Un collectif de détenus incarcérés à la maison d’arrêt des hommes de Fleury Mérogis.


Vendredi 26 janvier

Amassada 

 

Fin des gardes à vue pour les 13 interpellé(e)s. Récit :
Hier nous étions 13 à passer la journée en garde à vue. Pour certains réveillés, d’autre pris dans leur bergerie, d’autre menottés devant l’école où vont leurs enfants... Les gardes à vues se sont déroulées dans les différentes gendarmeries du nord Aveyron (Bozoul, Marcillac, Rodez, Laissac, Villefranche de rouergue, Capdenac, Séverac, Salle-curan,...), avec des conditions différentes selon les enquêteurs.
Nous ne nous laisserons pas intimider de la sorte et nous continuerons à défendre nos terres contre les promoteurs et autres aménageurs sans scrupules.

Pas res nos arresta ! Rendez-vous demain (samedi 27) à l’Amassada (saint Victor) à 14h30 pour continuer la lutte.
 Samedi 27 janvier

La tension monte contre les éoliennes en Aveyron



Jeudi 25 janvier, treize personnes ont été interpellés à leur domicile et placées en garde-à-vue en Aveyron. L’opération fait suite au blocage d’un chantier éolien en décembre dernier. Elle pourrait donner une nouvelle énergie à la lutte contre le projet de transformateur électrique de Saint-Victor-et-Melvieu, notamment prévu pour les éoliennes.


Saint-Affrique et Saint-Victor-et-Melvieu (Aveyron), reportage

Opération d’envergure dans le sud-Aveyron jeudi matin 25 janvier, menée sans violences physiques, mais avec l’usage de menottes. Treize personnes ont été interpellées, dont les deux parents d’enfants en bas-âge. Elles ont été placées en garde à vue un peut partout dans les casernes du département, avant d’être libérées en fin de journée.

Il faut remonter un mois plus tôt, sur un chantier d’installation d‘éoliennes, sur la commune de Saint-Affrique pour comprendre l’enjeu. Le 12 décembre 2017, une trentaine de personnes se rendait physiquement sur le chantier d’une centrale de six mâts éoliens, près du lieu-dit Crassous. Un projet lancé il y a bientôt dix ans et dont tous les recours en justice ont été rejetés. Sur le mot d’ordre humoristique « oui à l’enfouissement des éoliennes », ils sont parvenus à rejoindre les pelleteuses en train de défricher la zone d’implantation des futures machines et ont stoppé le chantier. Celui-ci reprenait début janvier, cette fois, sous bonne garde policière assorti d’une interdiction de stationner à proximité prises par le maire de Saint-Affrique, favorable au projet, qui déclarait dans la presse locale : « A présent, force à loi. Il faut qu’on en finisse avec le comportement de certains. Et que la société puisse mettre en action son chantier. »

Dans le même temps, une dizaine de personnes recevaient une convocation en gendarmerie pour « entrave concertée à l’exercice de la liberté du travail » et « vol » (des panneaux de chantiers auraient été subtilisés). Il semble que les plaintes émanent de la société Arlès, entreprise locale en charge du déboisement. Fait étonnant : les convocations touchaient toutes les composantes de la lutte, militants très investis, agriculteurs, simples sympathisants. Collectivement, décision a été prise le 8 janvier de refuser de se rendre à ces convocations qui « constituent une tentative d’intimidation et de division d’un mouvement qui est amorcé, ici et ailleurs, contre l’invasion éolienne et le méga transformateur », déclaraient alors les militants.

Comme ils s’y attendaient, les militants ont donc vu débarquer trois semaines plus tard les forces de l’ordre, pour les amener de force en garde à vue pour être auditionnées.

La réaction des soutiens n’a pas tardé. Dès 13 h, jeudi, une petite cinquantaine de personnes se sont retrouvés devant la gendarmerie de Saint-Affrique, pour protester à coup de casserole et sirènes contre ce « coup de pression ». Devant les caméras et la presse régionales, le colonel Le Floc’h, commandant du groupement de gendarmerie de l’Aveyron, expliquait de manière lapidaire « qu’une opération judiciaire et en cours » et que par conséquent « il ne communiquera pas ». Même silence du côté du procureur de la République de Rodez.

Au fil de la journée, dans une ambiance bon enfant mêlée d’inquiétude pour leurs camarades, les militants ont compris que les personnes arrêtées ont été placées en garde-à-vue dans des gendarmeries de Villefranche-de-Rouergue, Rodez et même à l’autre bout du département. « Bravo le bilan écologique ! » s’amusait un manifestant. A 16 h 30, le procureur a finalement ordonné la libération des interpellés, qui purent se retrouver le soir à Saint-Affrique, lors d’une soirée sur l’autodéfense juridique dans le café associatif local.

Pourquoi un tel dispositif pour relâcher tout le monde quelques heures plus tard ? Contacté par Reporterre, l’avocat des militants, Maitre Gallon, explique que « ce genre de procédure n’est pas une nouveauté ». Il a déjà eu à défendre des Faucheurs volontaires, et estime que « dans la logique policière, l’arrestation simultanée permet d’éviter la concertation entre les personnes visées tandis que la dispersion des gardes-à-vue permet d’éviter un rassemblement trop important en un point fixe. »

C’est donc maintenant au procureur de décider ou non de poursuites et donc d’aller vers un procès au tribunal correctionnel. Sur l’antenne de la radio associative locale, Nelly, l’une des interpellées, expliquait jeudi : « On y était prêts, ce n’est pas grave une garde-à-vue, les délits reprochés auront assez peu de conséquences ». Elle ajoute : « On sentait bien que c’était un coup de pression et une volonté de diviser les militants » même si « on n’était pas traités comme des délinquants, ils savent que c’est un contexte particulier ».

Reste que cette démonstration de force, si elle vise à intimider, pourrait avoir l’effet inverse et redonner de la vigueur au mouvement militant local. Car, la lutte anti-éolienne à Saint-Affrique est directement liée à une autre lutte, celle contre le projet de transformateur électrique de St-Victor-et-Melvieu, à 15 km de là. Ce projet, porté par RTE (Réseau de transport d’électricité, filiale à 100 % d’EDF) vise à accroître les capacités du réseau haute tension notamment du fait du raccordement ... de nouvelles éoliennes. Ce projet de transformateur, a été découvert en 2010 par une conseillère municipale du village de Saint-Victor-et-Melvieu et a déjà donné lieu a une bataille juridique menée par l’association plateau Survolté.


Aujourd’hui, c’est le fond même des logiques de réseau et de transition énergétique à grande échelle qui est contesté par une partie des opposants réunis au sein de l’assemblée de l’Amassada, qui ont construit des lieux d’occupation sur le site envisagé pour le projet.

Saint-Victor est désormais reconnu nationalement comme un pôle de lutte et d’occupation, après Notre-Dame-Des-Landes. De quoi agiter les fantasmes des éditorialistes locaux sur un éventuel
« débarquement de zadistes » pour renforcer la lutte. Mais à Saint-Victor, l’occupation a toujours été pensée en lien avec le territoire, son histoire occitane, et dans le rejet des cadres posés par l’administration pour le projet. Remettant en cause l’argument de sa nécessité technique, les opposants qualifient l’enquête publique de « une mascarade » et ont décidé début novembre de bloquer l’ouverture de la permanence du commissaire-enquêteur.

 
Cette action festive et non-violente a provoqué le déplacement des bureaux de l’enquête publique à 50 km au nord, loin de là où le projet est combattu ! Une preuve supplémentaire pour les militants du caractère illusoire de la consultation.

Après l’avis favorable remis par les commissaires enquêteurs le 11 janvier dernier, le promoteur a communiqué le 19 janvier, s’engageant à suivre les recommandations des commissaires enquêteurs (enfouissement d’une ligne THT, isolation sonore du chantier et indemnisation des habitants du hameau voisin).
https://reporterre.net/IMG/pdf/rapport_d_enque_te_publique_transformateur_saint-victor-janv_2018.pdf
 
Rapport d’enquête publique sur le transformateur de Saint-Victor, janvier 2018
Il ne manque donc plus que la signature de la déclaration d’utilité publique par la préfète du département pour démarrer le chantier. Dans ce contexte, ces arrestations, sans suite à ce jour, pourraient donner du grain à moudre aux militants. « On a désormais la preuve que la transition énergétique a besoin des forces de l’ordre pour avancer », lançait jeudi soir un des interpellés. Une manière de rallier à la lutte une partie de la population, jusqu’ici frileuse à soutenir ouvertement des militants dont les actions (envahissement de réunion, refus de l’enquête publique) sont loin de faire l’unanimité. Un chantier collectif est désormais lancé pour rendre habitable les cabanes de l’Amassada, une nouvelle étape de la bataille anti-industrielle en sud Aveyron.

La maison de l’Amassada

Grégoire Souchay – Reporterre


 Mercredi 31 janvier

Feu vert au bétonnage dans plusieurs régions 
 
Un décret autorise certaines préfectures à déroger aux normes sur l’environnement, l’agriculture, les forêts, l’aménagement du territoire et la politique de la Ville. Juristes et associations s’inquiètent.

C’est un cadeau de début d’année aux bétonneurs et pollueurs de nappes phréatiques. Depuis le 1er janvier, certaines préfectures sont autorisées à déroger aux normes réglementaires concernant l’environnement, l’agriculture, les forêts, l’aménagement du territoire et la politique de la Ville, la construction de logements et l’urbanisme. La liste des sujets couvre un si vaste champ qu’on peine à en percevoir les limites. Paru le 29 décembre, un décret offre à titre expérimental cette possibilité aux préfets des régions et départements des Pays de La Loire, de Bourgogne-Franche-Comté, de Mayotte, du Lot, de la Creuse, des Bas et Haut-Rhin ainsi que de Saint-Barthélémy et Saint-Martin, « pour un motif d’intérêt général ». Selon nos informations, l’expérimentation pourrait être étendue à tout le territoire national dans le cadre de la loi pour une société de confiance qui vient d’être adoptée par les députés et doit être examinée par le Sénat.

Vertueuse en soi, cette invocation de l’intérêt général fait frémir les juristes que Mediapart a sollicités tant elle sert, partout depuis des années, à justifier les bétonnages et les destructions de biodiversité. Cette expérimentation concerne les décisions non réglementaires : autorisations d’installation, déclarations d’utilité publique par exemple. Elles devront néanmoins être compatibles avec les engagements européens et internationaux de la France. L’objectif affiché de ce décret est de « tenir compte des circonstances locales », d’« alléger les démarches administratives », de « réduire les délais de procédure » et de « favoriser l’accès aux aides publiques ».

Pour Florence Denier-Pasquier, juriste à France Nature Environnement (FNE), « c’est un très mauvais signal qui prolonge une tendance lourde au détricotage du droit de l’environnement. Vu l’ampleur des sujets concernés par ce décret, on n’a jamais vu un tel affaiblissement du cadre juridique. C’est tellement vaste. Qu’est-ce qui reste encore couvert par le droit réglementaire national bien identifié ? ». Référent transports pour les Amis de la Terre, Daniel Ibanez s’inquiète également : « L’État s’autorise à déroger au nom de l’intérêt général à ses propres règles, prises par définition au nom de l’intérêt général. C’est absurde et dangereux. » Un rapport d’évaluation doit être envoyé au gouvernement dans les derniers mois du dispositif. Mais qui garantit qu’il le sera réellement ? En application de la loi d’orientation sur les transports, chaque infrastructure financée par fonds publics doit faire dans les deux à cinq ans l’objet d’un bilan de ses résultats économiques. Celui de l’autoroute de la Maurienne a été publié avec seize ans de retard, pointe Daniel Ibanez. Celui de l’autoroute Pau-Langon avec deux ans de retard, comme celui de la ligne TGV Perpignan-Figueras.


Avocate, notamment contre le barrage de Sivens (Tarn), Alice Terrasse explique que « si certains domaines comme l’attribution de subventions ou le soutien en faveur des acteurs économiques méritent peut-être un traitement plus local, il n’en est pas de même d’autres matières comme l’environnement, qui impose au contraire l’application uniforme de règles adaptées aux enjeux du territoire national et auxquelles il ne saurait être dérogé par simple arrêté, pour la satisfaction d’intérêts économiques par exemple ».

Pour sa part, Florence Denier-Pasquier considère que « ce décret pose une question d’égalité devant la loi. Et risque d’être très difficile à mettre en œuvre car ce texte n’est pas clair. Ce n’est donc pas vraiment une simplification du droit, avec le risque de créer une grosse usine à gaz. Rappelons que 80 % du droit de l’environnement vient du droit européen. Le respect des engagements européens (études d’impact environnemental, respect des obligations de résultat, encadrement des dérogations) limite, sur le papier, beaucoup les possibilités d’application de ce décret… Dans les faits, des expérimentations pourraient créer une véritable insécurité juridique, contraire à l’objectif affiché ».

Le Syndicat national de l’environnement-FSU a envoyé une lettre à Nicolas Hulot pour l’alerter sur les conséquences d’une telle dérogation pour les agents de la fonction publique. « La recherche d’une décision adaptée au contexte local sans céder en rien aux objectifs des politiques publiques est l’une des raisons qui donnent toute sa valeur au lien qu’entretiennent les services déconcentrés, en particulier les DREAL, avec votre ministère. » Joint par téléphone, Patrick Saint-Léger, secrétaire national du Syndicat des personnels de l’environnement, s’interroge : « Comment vont se passer les instructions de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau ? Tous les aménagements à proximité d’un cours d’eau sont concernés par cette dérogation, ainsi que les plus gros élevages industriels. On a déjà constaté des situations locales où des préfets agissent plus en aménageurs qu’en protecteurs de l’environnement au nom de l’emploi. Toutes les communes ne répondent pas aux obligations d’assainissement. Que va entraîner une dérogation aussi explicite à la loi ? »

Le cabinet de Nicolas Hulot assure avoir été consulté et souligne que plusieurs garanties cumulatives ont été prévues, puisque chaque dérogation doit être motivée, que l’expérimentation est limitée dans le temps et dans l’espace, et qu’un document doit évaluer le rapport coût/bénéfice de cette approche.

Sollicité par Mediapart, le cabinet de Gérard Collomb n’a pas répondu à nos questions. Cosignataire du décret, le cabinet d’Annick Girardin explique que l’esprit de l’expérimentation est de simplifier les normes, au regard de la profusion de règles, et de déplacer les contraintes inadaptées : « L’objectif est de simplifier la vie du citoyen. » Et se veut rassurant : « Les décisions seront prises au cas par cas. On ne crée pas une application dégradée du droit, elle reste toujours sous le contrôle du juge. » Les communes de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin ont été ajoutées à l’expérimentation compte tenu des besoins de reconstruction après le passage du cyclone Irma.

Dans son annonce de l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Édouard Philippe a assuré que les infrastructures continueraient d’être construites. Par ce décret, le gouvernement s’accorde une latitude inédite pour y parvenir.

Jade Lindgaard - Médiapart

Un mois de prison ferme pour un opposant de Bure


Mardi 30 janvier, le tribunal de Bar-le-Duc (Meuse) a rendu son verdict concernant un militant poursuivi pour rébellion et refus de prélèvement lors de la perquisition de la Maison de la Résistance à Bure, le 20 septembre 2017. Alors que le procureur de la République avait plaidé la relaxe concernant la rébellion, le militant écope d’un mois de prison ferme.

Dans un communiqué, le réseau Sortir du nucléaire dénonce une « criminalisation du mouvement antinucléaire et de la lutte contre le projet Cigéo » : « par cette condamnation démesurée, la "Justice" cherche-t-elle à inhiber tout un mouvement citoyen qui remet en question de grands projets comportant des risques certains (technologiques, financiers et sociaux) ? » 
 
C’est la première fois qu’un jugement si sévère (prison ferme) est rendu à l’encontre d’un opposant à la poubelle nucléaire de Bure.

Comme des habitants nous l’avaient raconté dans Reporterre , les militants sont régulièrement arrêtés pour des contrôles d’identité, leurs véhicules et leurs habitations fouillés, leurs faits et gestes traqués.

D’autres procès de militants auront bientôt lieu, notamment le 13 février prochain.

Source  : réseau Sortir du nucléaire sur Reporterre



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