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lundi 11 décembre 2023

COP28 : pourquoi le Bhoutan redoute « un tsunami dans le ciel »

COP28 : 

pourquoi le Bhoutan redoute 

« un tsunami dans le ciel »

 

Niché entre 1 500 et 3 000 mètres d’altitude à l’est de la chaîne montagneuse de l’Himalaya, le Bouthan est une enclave aux paysages extrêmement variés, entre forêts, vallées vertes et plusieurs centaines de glaciers. Karma Toeb est glaciologiste, chef du département de la cryosphère au Centre national d’hydrologie et de météorologie. Il travaille depuis vingt ans à réduire les risques de ruptures des lacs glaciaires. Nous l'avons rencontré au pavillon de son pays, à l'Expo city de Dubaï.

Publié le :

 

Karma Toeb, glaciologiste bhoutanais, au pavillon de son pays à la COP28. © Géraud Bosman-Delzons/RFI

 

Par : Géraud Bosman-Delzons 

 

De notre envoyé spécial à Dubaï, 

Le Bhoutan a été le premier pays dit négatif en carbone au monde. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Plus de 60% de la superficie du Bhoutan est couverte de forêts. Celles-ci absorbent et séquestrent le carbone de l’atmosphère. Leur capacité de séquestration est supérieure à ce que nous émettons en gaz à effets de serre. Et le couvert forestier continue de s’étendre car notre Constitution impose ce minimum de 60% de notre territoire.

Nous sommes fiers car seulement il n’y a que le Suriname qui a achevé sa neutralité carbone, et le Bhoutan est le premier à avoir un bilan négatif, comme nous l’avions annoncé à la COP15 [en 2009]. On espère maintenant que les grands pays vont nous suivre.

Quelle est la situation climatique au Bhoutan, notamment celle des glaciers ?

Il y a environ 700 glaciers au Bhoutan. Tous sont en voie de récession. Ils perdent énormément de masse chaque année : 16 mètres par an pour les plus petits, et 30 à 35 mètres pour les vrais gros glaciers.

Cette glace qui fond fait monter le niveau des lacs glaciaires, qui grossissent de plus en plus. Il y a 517 lacs de ce type au Bhoutan. Dix-sept sont classés comme potentiellement dangereux, et quatre ou cinq sont critiques. Ce sont des énormes lacs d’une profondeur supérieure à 100 mètres, retenue par des moraines [barrages naturels]. Nous craignons la rupture de ces moraines qui engendrerait un Glof (pour Glacier Lake Outburst Floods), une « vidange brutale d’un lac glaciaire », ce que nous appelons un « tsunami du ciel », avec d’énormes inondations. Nous surveillons particulièrement les lacs Thorthomi et Raphstreng, à Lunana, au nord du Bhoutan. Ils ne sont séparés que d’une fine moraine qui contient des noyaux de glace. Le lac Thorthomi se situe au-dessus du Raphstreng.

Quelles seraient les conséquences d’une telle explosion ?

D’abord, nous sommes sûrs que cela arrivera, mais nous ne savons pas quand. Les glaciers s’agrandissent et la pression hydrostatique contre la moraine augmente. Les études menées dans les années 80 et 90 prévoyaient que cela pourrait arriver à partir de 2010.

Si cette moraine venait à casser, 53 millions de mètres cubes se déverseraient dans la vallée. Environ 1 000 personnes pourraient être sur le passage où 70% des villages se situent, car ce sont les seuls endroits fertiles pour cultiver. Les communautés les plus proches du lac ne sont qu’à 3 ou 4 km, donc elles n’auraient peut-être que 15 minutes à peine pour fuir et 5 à 6h pour celles situées à 100 km en contrebas. C’est un problème pris très au sérieux au Bhoutan.

 

Le lac Raphstreng, à Lunana, est situé en contrebas du Thorthomi (à droite, en dehors de la photo). Une rupture de la fine moraine entre les deux serait une catastophe, alerte Karma Toeb. © Flickr

 

Quelles sont les solutions envisagées ?

Il y a eu un projet pour baisser le niveau de cinq mètres. Cela a duré cinq ans, de 2009 à 2012. Près de 17 millions de mètres cubes d’eau ont été évacuées artificiellement. C’était assez risqué, car dans cette zone, le relief est composé de glace, donc aucune tractopelle, aucune machine n’a été utilisée. On a mobilisé 300 personnes pour creuser un canal d’évacuation naturel. Nous sommes maintenant en 2023, ces lacs n’ont pas cédé. C’est peut-être grâce à nos travaux d’adaptation.

Un autre outil, c’est la cartographie des risques de Glof établie pour les pouvoir locaux et régionaux. Enfin, nous développons des systèmes d’alerte précoce. Si quelque chose d’anormal se passe là-haut, les capteurs nous transmettrons les informations et nous pourrons avertir les populations dans la vallée d’évacuer.

Comment avez-vous travaillé pour comprendre cela ?

C’est essentiellement du travail de recueil de données sur le terrain, sur les glaciers Thana, Gangju La et Shodug. On fait des mesures de bilan de masse pour évaluer l’épaisseur de glace perdue ou gagnée par an. On regarde aussi de combien de mètres le front du glacier recule, à quelle vitesse. Idem pour les lacs : on mesure leur élargissement, leur profondeur et l’état des moraines.

 

Comprendre les mesures de glaciers : Martial Bouvier, de La Poste à la surveillance d’un glacier

 

Et puis les Bhoutanais sont dépendants de ces glaciers pour s’approvisionner en eau douce...

Oui, et pas seulement pour boire et se laver, mais pour l’agriculture, l’électricité…

Quel regard portez-vous sur ces négociations ? Trouvez-vous que les États ont pris la mesure de l’urgence ?

C’est la première fois qu’un bilan mondial est réalisé. Le problème des montagnes sera mentionné dans la déclaration sur le Bilan mondial. Ce sera un document très important pour nous. Nous travaillons aussi à obtenir la mention de la nécessité d’un dialogue international sur les montagnes.

Si vos priorités ne se retrouvent pas dans ce texte, les impacts du changement climatique dans votre environnement ne seront pas pris en compte au niveau international. C’est donc indispensable pour sécuriser notre protection et notre adaptation, pour laquelle nous sommes particulièrement inquiets.

Je crois que les États ont pris la mesure de l’urgence. Ils négocient nuit et jour pour trouver un compromis et ils sont 200. La première étape, c’est l’accord sur le papier. Mais c’est vrai que les gens attendent de voir des actions concrètent mise en œuvre.

 

Source : https://www.rfi.fr/fr/environnement/20231209-cop28-pourquoi-le-bhoutan-redoute-un-tsunami-dans-le-ciel?fbclid=IwAR2Rc_AdHVJ8DbP7jp1h3WW6u3TxlCPQ4tdd1bxZ8ehp_dLTAysAfWj4hII

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