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samedi 7 juillet 2018

Le président de SOS-Méditerranée : « Notre seule exigence, c’est l’humanité et la dignité »


Le président de SOS-Méditerranée : 

« Notre seule exigence, 

c’est l’humanité 

et la dignité »

 
Francis Vallat se félicite que le mini-sommet de Bruxelles de dimanche, consacré à l’immigration, ait abouti à une prise de conscience, alors qu’au moins 700 migrants auraient péri en Méditerranée depuis janvier.
 
 
 
LE MONDE | • Mis à jour le | Propos recueillis par
 


Francis Vallat est le président de SOS-Méditerranée depuis février 2016. L’ONG française affrète l’Aquarius, le bateau avec 630 migrants à bord secourus au large de la Libye que le nouveau gouvernement italien a récemment refusé de laisser accoster, déclenchant une crise au niveau européen sur la question migratoire. Le Monde l’a interrogé dimanche 24 juin, dans le cadre de l’émission « Internationales », en partenariat avec TV5 Monde et RFI.


Après l’« Aquarius », plusieurs autres bateaux de sauvetage sont interdits d’accoster en Italie. Etes-vous en discussion avec les autorités de différents pays pour trouver des solutions de rechange ?

Je suis obligé de rappeler qu’en vertu du droit international, qui exige d’aller dans le port le plus proche, ce doit être à l’Italie, à Malte ou à la Tunisie de les accueillir. Je mets la Libye à part, car il n’est pas question pour nous de ramener des rescapés dans cet enfer, où des crimes contre l’humanité sont commis.

Les refus de l’Italie – et de Malte – nous interpellent évidemment car l’Aquarius vient d’arriver « sur zone » dimanche matin et risque très vite de se trouver avec de nouveaux rescapés à bord. Mais je suis confiant en même temps, car la crise de l’Aquarius – qui nous a dépassés, il faut bien l’avouer – a mis tout le monde devant ses responsabilités. Maintenant, chacun sait qu’il faut trouver des solutions. Et nous parlons avec tout le monde.


Avez-vous été étonné par l’attitude italienne ?

D’abord, il faut rappeler que l’Italie accueille très bien les migrants. Ce n’est pas contre les migrants que les Italiens en ont, mais contre l’Europe, qui les a laissé tomber. Les Italiens ont essayé par tous les moyens d’interpeller l’Europe, sans avoir de réponse. Matteo Salvini [le ministre de l’intérieur italien et chef de la Ligue] a obtenu une chose, c’est que l’Europe s’en préoccupe. Le niveau pertinent de réponse est européen. On a vu la déclaration franco-espagnole [vendredi 23 juin, Emmanuel Macron a proposé la mise en place de centres d’accueil fermés dans les pays de l’EU]. Si cette solution doit voir le jour, on ira où on nous dira. Nous sommes exclusivement dans le sauvetage.



 

De quand date la dégradation de vos rapports avec les autorités italiennes ?

Cela a commencé à l’été 2017, au moment où un bateau de Génération identitaire [groupuscule d’extrême droite] est venu faire de l’agitation près de la Libye et où les autorités italiennes nous ont demandé de signer un code de bonne conduite. Nous l’avons signé, mais après avoir apporté trois amendements majeurs : pas d’opération de police à bord pendant les vingt-quatre premières heures ; pas d’armes à bord, sauf dans certains cas ; et le fait de permettre les transbordements. Mais je comprends que les Italiens en aient eu marre : ils ont cherché par tous les moyens à alerter les Européens, sans succès. Le règlement de Dublin [qui rend les pays de premier accueil responsables du sort des demandeurs d’asile] est totalement injuste pour les pays du Sud.

Je tiens à rappeler que nous travaillons exclusivement sous l’ordre des autorités maritimes nationales, italiennes ou maltaises. Nous n’avons jamais eu de problème avec le MRCC [centre italien de sauvetage en mer]. Mais ce dernier est aux ordres d’un gouvernement élu et il obéit, même si on sent bien qu’ils sont malheureux. Une seule fois en deux ans et demi, j’ai donné l’ordre d’intervenir car un naufrage se passait sous nos yeux. Le reste du temps, ce sont les autorités italiennes qui nous préviennent et nous intervenons à sa demande.




On vous reproche de faire appel d’air en sauvant les naufragés…

Je rappelle qu’on travaille hors des eaux territoriales libyennes. Contrairement à ce qu’on dit, nous n’avons jamais été appelés par des passeurs. Et si c’était le cas, on raccrocherait.

Les départs n’ont pas lieu parce que nous sommes là. Regardez « Mare Nostrum », l’opération de sauvetage menée par le gouvernement italien en 2014 : elle a sauvé 150 000 migrants en un an. Mais au nom de la théorie de l’appel d’air, l’Europe a fait pression pour qu’elle s’arrête. Que s’est-il passé ? Les flux ont continué à monter, le nombre de morts, lui, a explosé.

Comment expliquez-vous que la crise de l’« Aquarius » ait éclaté alors que le flux de migrants en provenance de Libye est en forte diminution ?

On est sur une base annuelle de 30 000 passages cette année, alors qu’on était à 180 000 en 2016 et 120 000 en 2017. Mais je rappelle que, depuis le début de l’année, nous avons sauvé 2 000 personnes et qu’on est à près de 700 morts. Ce n’est pas rien, et ça va continuer.

Les raisons de cette baisse sont la mauvaise météo durant les cinq premiers mois de l’année et l’intervention des gardes-côtes libyens, équipés par l’Italie, qui ont intercepté plus de 6 000 personnes rien qu’en dehors de leurs eaux territoriales. Qu’on équipe et qu’on forme ces gens, c’est très bien. Mais, que cela leur serve à faire du business, ce n’est pas possible. Il faut savoir que, pour la première fois, le Conseil de sécurité de l’ONU a mis sous sanction, le 8 juin, six individus liés au trafic de migrants dont quatre Libyens, l’un d’entre eux étant commandant de secteur des gardes-côtes libyens…



 

Avez-vous observé une hausse ou une baisse des dons depuis la crise déclenchée par l’Italie ?

Nous avons reçu plus de 500 000 euros de la part de particuliers – nous ne recevons de dons que de particuliers – dans la semaine qui a suivi l’affaire de l’Aquarius. C’est plus que jamais.

Est-ce que la France a failli dans la crise de l’« Aquarius » en ne l’accueillant pas ?

Je ne veux pas entrer dans le débat politique, au nom de la pureté de notre engagement humanitaire. Mais oui, je suis déçu. Quand même Marseille et la Corse étaient plus proches que l’Espagne, alors qu’on avait à bord des gens épuisés, qui avaient subi deux transbordements et qu’on traversait une tempête… Néanmoins, les autorités françaises avaient mis en place tous les moyens s’il avait fallu évacuer.

Que pensez-vous du mini-sommet de Bruxelles de dimanche 24 juin ?

D’abord, le fait qu’il se tienne est déjà bien : c’est une prise de conscience. Ensuite, avant la proposition franco-espagnole, il n’y avait rien sur la table. Notre seule exigence, c’est que les choses soient faites de manière humaine et dans la dignité. Emmanuel Macron a parlé de centres aux normes du HCR [Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés], cela nous convient.



 

Emmanuel Macron établit une différence entre migrants économiques et demandeurs d’asile fuyant une situation de guerre ou de persécution. Est-ce que ce distinguo a un sens ?

Sur l’Aquarius, vous avec ceux qui viennent de guerre ou quasi-guerre comme le Soudan, l’Erythrée, la Syrie ou le nord du Nigeria. Par exemple, un tiers des 630 personnes débarquées à Valence sont des Soudanais. Et puis il y a ceux qui viennent de pays en capilotade, essentiellement d’Afrique de l’Ouest. J’avoue que j’ai du mal à répondre. Comme tout le monde ne peut pas être accueilli, il faut donner priorité aux demandeurs d’asile, ensuite à ceux qui peuvent exercer un travail recherché et non pourvu en Europe.

Les responsables politiques exploitent de manière anxiogène leur incapacité à apporter des réponses au phénomène migratoire. Ce qui nous importe, à SOS-Méditerranée, c’est que des solutions soient trouvées et qu’elles respectent la dignité. Le fait que des personnes en danger de mort doivent être sauvées ne se discute pas, c’est un devoir sacré. Je comprends que les choses soient complexes, qu’il y ait des peurs, mais dans tout cela, il y a une chose simple : sauver des vies.


 Source : https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/06/25/le-president-de-sos-mediterranee-notre-seule-exigence-c-est-l-humanite-et-la-dignite_5321104_3214.html

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