Le président de SOS-Méditerranée :
« Notre seule exigence,
c’est l’humanité
et la dignité »
LE MONDE
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Propos recueillis par Françoise Joly (TV5 Monde),
Sophie Malibeaux (RFI) et
Christophe Ayad
Francis Vallat est le président de SOS-Méditerranée depuis février 2016. L’ONG française affrète l’Aquarius, le bateau avec 630 migrants à bord secourus au large de la Libye que le nouveau gouvernement italien a récemment refusé de laisser accoster, déclenchant une crise au niveau européen sur la question migratoire. Le Monde l’a interrogé dimanche 24 juin, dans le cadre de l’émission « Internationales », en partenariat avec TV5 Monde et RFI.
Après l’« Aquarius », plusieurs autres bateaux de
sauvetage sont interdits d’accoster en Italie. Etes-vous en discussion
avec les autorités de différents pays pour trouver des solutions de rechange ?
Les refus de l’Italie – et de Malte – nous interpellent évidemment car l’Aquarius vient d’arriver « sur zone » dimanche matin et risque très vite de se trouver avec de nouveaux rescapés à bord. Mais je suis confiant en même temps, car la crise de l’Aquarius – qui nous a dépassés, il faut bien l’avouer – a mis tout le monde devant ses responsabilités. Maintenant, chacun sait qu’il faut trouver des solutions. Et nous parlons avec tout le monde.
Avez-vous été étonné par l’attitude italienne ?
De quand date la dégradation de vos rapports avec les autorités italiennes ?
Je tiens à rappeler que nous travaillons exclusivement sous l’ordre des autorités maritimes nationales, italiennes ou maltaises. Nous n’avons jamais eu de problème avec le MRCC [centre italien de sauvetage en mer]. Mais ce dernier est aux ordres d’un gouvernement élu et il obéit, même si on sent bien qu’ils sont malheureux. Une seule fois en deux ans et demi, j’ai donné l’ordre d’intervenir car un naufrage se passait sous nos yeux. Le reste du temps, ce sont les autorités italiennes qui nous préviennent et nous intervenons à sa demande.
On vous reproche de faire appel d’air en sauvant les naufragés…
Les départs n’ont pas lieu parce que nous sommes là. Regardez « Mare Nostrum », l’opération de sauvetage menée par le gouvernement italien en 2014 : elle a sauvé 150 000 migrants en un an. Mais au nom de la théorie de l’appel d’air, l’Europe a fait pression pour qu’elle s’arrête. Que s’est-il passé ? Les flux ont continué à monter, le nombre de morts, lui, a explosé.
Comment expliquez-vous que la crise de
l’« Aquarius » ait éclaté alors que le flux de migrants en provenance de
Libye est en forte diminution ?
Les raisons de cette baisse sont la mauvaise météo durant les cinq premiers mois de l’année et l’intervention des gardes-côtes libyens, équipés par l’Italie, qui ont intercepté plus de 6 000 personnes rien qu’en dehors de leurs eaux territoriales. Qu’on équipe et qu’on forme ces gens, c’est très bien. Mais, que cela leur serve à faire du business, ce n’est pas possible. Il faut savoir que, pour la première fois, le Conseil de sécurité de l’ONU a mis sous sanction, le 8 juin, six individus liés au trafic de migrants dont quatre Libyens, l’un d’entre eux étant commandant de secteur des gardes-côtes libyens…
Avez-vous observé une hausse ou une baisse des dons depuis la crise déclenchée par l’Italie ?
Est-ce que la France a failli dans la crise de l’« Aquarius » en ne l’accueillant pas ?
Que pensez-vous du mini-sommet de Bruxelles de dimanche 24 juin ?
Emmanuel Macron établit une différence entre
migrants économiques et demandeurs d’asile fuyant une situation de
guerre ou de persécution. Est-ce que ce distinguo a un sens ?
Les responsables politiques exploitent de manière anxiogène leur incapacité à apporter des réponses au phénomène migratoire. Ce qui nous importe, à SOS-Méditerranée, c’est que des solutions soient trouvées et qu’elles respectent la dignité. Le fait que des personnes en danger de mort doivent être sauvées ne se discute pas, c’est un devoir sacré. Je comprends que les choses soient complexes, qu’il y ait des peurs, mais dans tout cela, il y a une chose simple : sauver des vies.
Source : https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/06/25/le-president-de-sos-mediterranee-notre-seule-exigence-c-est-l-humanite-et-la-dignite_5321104_3214.html
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