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mercredi 25 juillet 2018

Alain Damasio : “la ZAD est un îlot qu’il faut défendre”


Alain Damasio : 

“la ZAD est un îlot 

qu’il faut défendre”



 Par Helen Dziri I Publié le 17 Juillet 2018


Dans l'ouvrage collectif "Éloges des mauvaises herbes", 15 intellectuels s'unissent pour défendre l’intérêt démocratique et avant-gardiste de la Zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes. Parmi eux, Alain Damasio, écrivain incontournable de la science-fiction française, qui y imagine la ZAD de 2045. Entretien.



Alain Damasio (crédit : Wikimedia Commons) 



 Intellectuels, artistes, écrivains... Ils sont 15 à cosigner l'ouvrage collectif Éloges des mauvaises herbes, ce que nous devons à la ZAD. L'objectif : défendre l’intérêt démocratique et avant-gardiste de la Zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes. Alain Damasio est l’un d’entre eux. A travers une nouvelle inédite, Hyphe…?, cet auteur star de la science-fiction imagine la ZAD en 2045, dans un contexte économique catastrophique où l’État aurait définitivement cédé aux multinationales. Il livre son analyse, pour We Demain, de ce mouvement et ses complexités.


* We Demain : Pourquoi avoir collaboré à cet ouvrage collectif ?


 Alain Damasio : La réponse est assez évidente. Il s’agit de permettre une meilleure compréhension de ce qu'est la ZAD pour le grand public, dont la vision est souvent déformée ou confuse sur cette communauté complexe et plurielle. Donner envie aux gens de la soutenir. Révéler ce qu'elle apporte en terme d'expériences concrètes et de vie alternative au quotidien. Bref, rendre hommage à la dignité et à la beauté de cette lutte qui est aussi la magnifique construction, forcément tempétueuse et difficile, d'un monde différent.


* Vous avez visité la ZAD de Notre-Dame des Landes plusieurs fois. Quel a été votre ressenti sur place ?


 Ta perception de la ZAD dépendra de l’endroit choisi pour découvrir le lieu. La première fois je suis arrivé par l'est de la zone, là où se trouve la bibliothèque du Taslu. C’était assez féérique car il s'agissait d'auto-constructions très belles avec un côté fortement utopique même un peu SF (science-fiction). Les autres fois je suis rentré par l'ouest, par Saint-Jean du Terp, qui est un des lieux historique où les gens ont résisté dès le départ. Cette fois-ci je suis rentré dans le concret de la lutte au quotidien, au sein des projets qui se développaient.



 Une des nombreuses habitations construites par des zadistes. Capture d'écran de la vidéo "P comme Puissance - Abécédaire sur la zad de Notre-Dame-des-Landes" de la chaîne youtube "camille camille" (crédit : Creative Commons)


Une des nombreuses habitations construites par des zadistes. Capture d'écran de la vidéo "P comme Puissance - Abécédaire sur la zad de Notre-Dame-des-Landes" de la chaîne youtube "camille camille" (crédit : Creative Commons)


 J'ai trouvé ça extrêmement inspirant dans le sens où, pour une des rares fois en France, il y a vraiment un lieu où il y a une tentative concrète, quotidienne et extrêmement dynamique. C'est costaud ! Et quand les gens parlent de glandeurs dans la ZAD, c'est qu'ils n'y ont jamais mis les pieds. Les zadistes ont des corps très vivants et sont mentalement extrêmement habités, avec une culture et une réflexion très forte.

D'un côté il y a une activité manuelle d'auto-construction aspirant à une autonomie forte et de l’autre toute une réflexion d’un fonctionnement communautaire qui essaie de sortir du capitalisme. Par exemple, on ne parle jamais d'argent à la ZAD. Il y a une boulangerie, une forge, une scierie, des ateliers de création de charpentes, etc... Et tous les échanges se font sous la forme de trocs. 


 Une des nombreuses habitations construites par des zadistes. Capture d'écran de la vidéo "P comme Puissance - Abécédaire sur la zad de Notre-Dame-des-Landes" de la chaîne youtube "camille camille" (crédit : Creative Commons)


 Le pain sera fourni à la forge qui en échange va forger des têtes de pioche qui serviront à cultiver les céréales pour la boulangerie. Il y a aussi une généralisation du prix libre notamment au marché (re-baptisé "le non-marché") qui a lieu toutes semaines. Comme dans cette grange remplie de pommes de terres où tu prends la quantité qu’il te faut et tu mets ce que tu peux dans la caisse et personne ne va aller vérifier ce que tu y as mis. Mais ce qui est le plus inspirant, ce sont les gens. Ils dégagent beaucoup de générosité, ils sont dans l'entraide. C'est la première chose qui m'a touché.


* Dans votre nouvelle nous sommes en 2045. Les villes sont en faillite budgétaire et sont mises aux enchères, rachetées et gérées des multinationales. La ZAD n’a pas été épargnée et les zadistes se sont retrouvés à devoir essayer d’acheter leur terre. Pensez-vous que toute révolution est voué à une forme de compromis ?



 Alain Damasio, Le 30 octobre 2016, lors de son passage à la ZAD, devant la bibliothèque du Taslu. Capture d'écran de la vidéo "P comme Puissance - Abécédaire sur la zad de Notre-Dame-des-Landes" de la chaîne youtube "camille camille" (crédit : Creative Commons)



 Non, pas forcément. Le problème dans toute révolution, c'est comment garder  des intensité de vie suffisamment élevées pour ne pas retomber dans les travers habituels. Et moi ce qui me plaît dans la ZAD aujourd'hui, c'est qu'il y a des gens qui sont dans une intensité, justement, de vie, d'activité qui est extraordinaire. La ZAD de Notre Dame des Landes est en train de négocier avec l'État, ce qui est déjà une victoire extraordinaire.

Pour moi, cela veut dire que enfin la ZAD a un poids. Elle est une force qui peut entrer en rapports de négociation avec les lois républicaines avec l'État et essayer de créer cette zone d'expérimentation qui est au coeur du projet. Donc même dans ma nouvelle, je ne vois pas ça comme quelque chose de négatif. Racheter les terres peut être stratégiquement la bonne solution à un certain moment.

Cela devient possibilité de se libérer du combat permanent face à ces lois qui protègent la propriété privée. De toute façon, le problème ce n'est pas la révolution, le problème c'est l'alternative. C'est quel type de société tu arrives à mettre en place dans ce système capitaliste extrêmement invasif, intrusif et totalitaire qui envahit nos vies.


 Une des nombreuses habitations construites par des zadistes. Capture d'écran de la vidéo "P comme Puissance - Abécédaire sur la zad de Notre-Dame-des-Landes" de la chaîne youtube "camille camille" (crédit : Creative Commons)


 Ce que je trouve intéressant au sein de la ZAD c’est qu’il existe plusieurs postures très riches. Je pense au CMDO, Comité de maintien des occupations, qui a créé l'Assemblée Des Usages. Avant cette dernière, il y avait une Assemblée des habitants qui a existé pendant longtemps et qui regroupait tout le monde, mais qui tournait trop en rond autour des problèmes individuels de chacun.


 L’Assemblée des usages est dédiée aux usages collectifs et composée d’associations, paysans, naturalistes, voisins, d’habitants des environs... Toutes ces personnes gèrent collectivement la ZAD et s’organisent pour savoir ce qu’il faut faire au niveau agricole, forestier, artisanal, en gros comment on habite et on travaille ensemble. Et à partir des usages de fonder une forme de droit, ou à la rigueur une forme de règle, qui va associer et souder les gens sur la ZAD. J'ai trouvé ça très fort.

La ZAD, avec sa zone de rayonnement qui est très forte, fait partie de ces îlots émergents et c'est pour ça qu'il est très précieux de les défendre et de les encourager car ils montrent qu’autre chose est possible. L'anti-capitalisme est là, à la ZAD, et en plus il est concret. 



L'intérieur d'une des nombreuses habitations construites par des zadistes. Capture d'écran de la vidéo "P comme Puissance - Abécédaire sur la zad de Notre-Dame-des-Landes" de la chaîne youtube "camille camille" (crédit : Creative Commons) 

 * Pensez-vous que la science-fiction soit un vecteur de changement social ?

 Complètement ! Pour moi, la SF (science-fiction) est le genre le plus propice pour potentialiser un changement. Notamment celle qui est française, qui est très orientée science humaine. Elle part d'enjeux sociologiques et politiques et qui se nourrit d'anthropologie. Il y a un facteur d'anticipation qui est présent dans beaucoup de romans de SF.

Il y a un côté lanceur d'alerte, d'incitation du pire et du meilleur, l'utopie, la capacité à pré-scénariser des types de communauté, des types de fonctionnement politiques ou sociologiques qui peuvent être très féconds. J'ai décidé d'entrer en écriture pour proposer des livres qui changent la perception des gens, c'est ma principale motivation. Et ça pour moi c'est vraiment une force de la SF.





Éloges des mauvaises herbes, ce que nous devons à la ZAD
Les Liens Qui Libèrent, 13/06/2018

 À LIRE AUSSI : "Défendre la ZAD, c'est résister à Emmanuel Macron et à son monde"

Reportage : 24 heures avec les zadistes


Source : https://www.wedemain.fr/Alain-Damasio-la-ZAD-est-un-ilot-qu-il-faut-defendre_a3447.html

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