ENI annonce la découverte du « plus grand » gisement de gaz en Méditerranée de l’histoire
La nouvelle ne pouvait pas mieux tomber pour le président égyptien, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, au moment où son pays fait face aux menaces du groupe terroriste Etat islamique, à une crise économique lancinante, à une forte poussée démographique et à une demande en énergie croissante que ses ressources et ses infrastructures sont incapables de satisfaire.
Le groupe pétrolier italien ENI a annoncé, dimanche 30 août, la découverte d’un énorme gisement gazier à une centaine de kilomètres des côtes de l’Egypte. La compagnie le présente comme « le plus important jamais fait en Méditerranée ». Il dépasserait la taille de « Léviathan », le gisement mis à jour au large d’Israël en 2010 mais qui, lui, fait l’objet d’un litige entre l’Etat hébreu, le Liban et Chypre.
Ambitieuses campagnes d’exploitation
Baptisé « Zohr », ce nouveau champ géant renfermerait 850 milliards de mètres cubes, l’équivalent de 5,5 milliards de barils de pétrole. C’est une excellente nouvelle pour l’ENI, société fortement implantée en Egypte (et dans la Libye voisine), où elle prospecte depuis sa création en 1953. Elle détient 100 % de la licence d’exploitation et son patron, Claudio Descalzi, a indiqué que les coûts d’exploitation relativement bas l’incitaient à faire cavalier seul, sans partager les risques et les coûts avec d’autres majors, comme le font souvent les groupes pétroliers. ENI devrait avoir comme seul partenaire la compagnie nationale égyptienne du pétrole et du gaz.
Les ingénieurs de l’ENI ont foré jusqu’à 4 100 mètres de profondeur d’eau et de roche pour finalement localiser « Zohr » à 1 450 mètres sous le niveau de la mer. Ils devraient utiliser les équipements et les plates-formes déjà exploitées en Méditerranée pour réduire les coûts de production de cet « éléphant » gazier. Le prix du gaz, qui n’a jamais été aussi bas depuis deux ans et demi, ne le dissuade pas d’accélérer la cadence. M. Descalzi a annoncé qu’il espérait lancer les premiers forages dès le début de 2016, sans toutefois se prononcer sur la date de livraison des premières cargaisons de gaz, qui n’interviendront pas avant 2017 au mieux.
La major italienne s’est lancée depuis des années, notamment en Afrique, dans d’ambitieuses campagnes d’exploration qui ont débouché sur des découvertes importantes, comme au Mozambique. Si celle qu’elle vient de faire en Méditerranée se confirme, elle dépassera largement ses objectifs en matière de nouvelles ressources en hydrocarbures. Car un doute subsiste toujours : en 2015, cinq ans après sa mise à jour, une étude a montré que les réserves de Léviathan étaient de 20 % inférieures à la prévision initiale, même si elles restent considérables.
Pénuries récurrentes d’électricité
Ce nouveau gisement géant est aussi une manne inespérée pour l’Egypte. Au point que Matteo Renzi, le président du Conseil italien, a immédiatement téléphoné au maréchal Al-Sissi pour « discuter de l’impact de cette découverte sur la stabilité énergétique de la Méditerranée et sur les perspectives de développement de la région ». Le Caire devrait en utiliser une bonne partie pour ses propres besoins. Et cette découverte « historique » va « transformer le scénario énergétique » de l’Egypte, a assuré M. Descalzi.
Car « Zohr » pourrait répondre aux besoins de ce pays de plus de 85 millions d’habitants pendant plusieurs décennies, alors que les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) pèsent sur le pays et le placent dans une forte dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs. Des coupures d’électricité importantes – comme la panne géante au Caire en septembre 2014 – frappent régulièrement le pays, surtout au moment des fortes chaleurs, quand les climatiseurs tournent à plein régime. Selon EDF, qui aide l’Egyptian Electricity Holding Company à améliorer ses performances, la demande excède de 20 % les capacités des producteurs locaux.
Les pénuries d’électricité récurrentes ont été l’une des causes de l’impopularité de Mohamed Morsi, le président issu des Frères musulmans, renversé par l’armée en juillet 2013. Depuis, la réforme du secteur énergétique est présentée par son successeur comme l’un de ses chantiers prioritaires. Le pays manque de moyens financiers pour se doter des centrales dont il a un urgent besoin. Ces énormes ressources gazières de proximité permettront d’alimenter de nouveaux moyens de production d’électricité, mais aussi de renforcer le tissu industriel du pays. Mais elles risquent aussi de retarder le plan de développement des énergies renouvelables (solaire, éolien), annoncé au début de l’année par M. Al-Sissi, pour soutenir la croissance et « respecter l’environnement ». Aujourd’hui, 90 % de l’électricité consommée en Egypte est issue des énergies fossiles.
Source : http://www.lemonde.fr/afrique/
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