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dimanche 28 juillet 2013

Vie Privée et Nouveaux Compteurs Intelligents

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=423

Humanité 2.0


Linky, l’Enfer Vert et le techno-totalitarisme


Afin d’offrir aux écologistes de son gouvernement des prétextes pour y rester, et d’ouvrir un nouveau marché à l’innovation, Jean-Marc Ayrault annonce mardi 9 juillet 2013 le remplacement de tous les compteurs électriques par des compteurs intelligents Linky pour un montant de 5 milliards d’euros.

« Trois millions de compteurs Linky seront installés par ERDF d’ici 2016 et tous les logements en seront équipés d’ici 2020 ».
Pour Pascal Durand, numéro 1 d’Europe-Ecologie Les Verts, « c'est une vraie rupture et le début d'une transition ». On ne saurait mieux dire. Avec Linky, l’Enfer Vert (1) s’installe à domicile. Un progrès pour le techno-totalitarisme dans notre pays, dont le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, refuse l’asile à Edward Snowden, traqué par les Etats-Unis pour avoir étalé leur programme d’espionnage électronique mondial.

Logique : la France, comme son allié américain, ramasse de façon légale et illégale (quelle différence ? sauf pour les niais qui tiennent avant tout à être espionnés dans les formes) des milliards de données sur notre vie privée. Quelle importance, diront les radicalistes, « la vie privée, c’est politique ».
Les données sont la matière première de la police des populations par le pouvoir politique et économique : suivi des individus, profilage des consommateurs. Et voilà comment, en effet, la vie privée devient politique sous l’œil du pouvoir, et des voyeurs du voisinage réunis en assemblée générale.

Le comptage intelligent du troupeau


Équipé d’une puce électronique à radio-fréquences (RFID), Linky transmet à distance nos données personnelles de consommation électrique. Soit, dans un monde où tout fonctionne à l’électricité, le détail de votre vie domestique. Vous prenez votre douche le matin. Vous avez des invités à la maison. Vous regardez trop la télévision. Vous avez changé de rythme de vie. Etc.
Ce mouchard à domicile fait partie des « Technologies-clés » recensées par les décideurs pour doper l’industrie.
Dans le rapport « Technologies-clés 2015 » remis en son temps au gouvernement Fillon, Linky figure au chapitre 74 : « Comptage intelligent ». Ainsi défini par les technocrates : « Le comptage intelligent consiste en la mise en réseau de fonctions clés liées au bâti (ventilation, chauffage, fluides, etc.), par la mise en place de capteurs, actionneurs et logiciels. (…) Il s’agit de compteurs communicants, capables de recevoir et d’envoyer des données sans intervention humaine, pour la mesure et la gestion des flux. De tels compteurs permettent de suivre en temps réel la consommation énergétique d’un bâtiment, foyer ou entreprise. » Avec cette précision : « En termes d’acceptabilité, le problème de l’atteinte à la vie privée est soulevé par plusieurs associations de consommateurs. La question de la rétention des données doit donc être traitée de manière attentive. »

Parmi les acteurs français de ce marché porteur figurent le Commissariat à l’énergie atomique, STMicroelectronics, ERDF, Schneider Electric ou Google Power Meter. Le CEA et Google dans nos maisons pour enregistrer notre activité sur le vif : un gage d’optimisation pour le flicage électronique.


Un projet poussé par la ministre Furioso



Présenté comme un projet de maîtrise des consommations énergétiques, le compteur Linky constitue l’une des mailles du filet électronique qui se referme peu à peu sur nous. Soutenu par les Verts – comme les cartes de transports pucées -, il est promu depuis des années par le techno-gratin grenoblois, toujours à la pointe de l’accélération technologique.
Dans son rapport « Economie, industrie et énergie » rédigé en 2011, alors qu’elle était députée, la ministre grenobloise de la Recherche Geneviève Fioraso recommandait de « rendre obligatoire et gratuite la transmission des données collectées par les compteurs électriques communicants ». Depuis 2011, Grenoble teste Linky sur les cobayes volontaires de deux quartiers intelligents à forte population d’ingénieurs et de techniciens : la Caserne de Bonne et la Presqu’Ile scientifique. L’expérimentation, baptisée GreenLys, consiste à connecter la distribution de l’électricité à l’informatique ambiante pour savoir qui consomme quoi, qui produit combien et quelle capacité électrique on peut dégager des « nouveaux usages ». En bref : afin de nous faire consommer toujours plus d’électricité pour alimenter les objets communicants qui colonisent nos vies, le pouvoir a besoin d’optimiser le réseau, en traquant nos usages. Société numérique, société nucléaire. C’est ça aussi, l’Enfer Vert.


La tyrannie de la rationalisation



Linky illustre la « planète intelligente », le programme de pilotage global et cybernétique de la société, vendu depuis des années par IBM au pouvoir pour gérer la réduction des « ressources » à l’époque de l’effondrement écologique et social. (2)

 Non seulement il espionne chacun de nos gestes, non seulement il supprime l’intervention des humains qui jusqu’ici relevaient nos compteurs (on parle de 6000 emplois), qui se laissaient (parfois) fléchir et laissaient le courant aux mauvais payeurs, mais il nous asservit à la rationalisation. Finis l’imprévu, la surprise, la négociation entre humains. La machine pilote nos vies de la crèche aux maisons de retraites, décide à notre place, au nom de la fonctionnalité, de la rentabilité, de la gestion optimale des flux et des stocks – c’est nous, les flux et les stocks.

À quoi bon vivre, la machine le fait tellement mieux que nous. Elle le fait sans temps mort, sans entrave ni erreur. L’humain est l’erreur.

Pas plus que le sort d’Edward Snowden, le pillage des données personnelles via Internet et les moyens de communication électroniques ne suscite de révolte.

Il est juste que les Verts applaudissent à l’invasion des mouchards RFID dans chaque objet terrestre, à leur interconnexion via « l’Internet des objets » et à la rafle illimitée de données sur nos vies, nos relations, nos habitudes, nos idées : c’est leur projet.

Quant aux « antifascistes », encore faudrait-il qu’ils aient ouï parler de l’informatique ambiante et de la « planète intelligente ». Pour les radicalistes comme pour les citoyennistes - tous également progressistes - « la technologie est neutre, tout dépend de l’usage qu’on en fait. » C’est-à-dire qu’une autre machine est possible, avec de bons drones pour chasser « les fascistes » ; des ordinateurs vertueux pour recenser « les dominants » suivant des statistiques identitaires ; des robots-chirurgiens pour échapper à « l’assignation » au corps natal ; des utérus artificiels, des procédés de reproduction technifiés et le clonage, pour en finir avec la malédiction de la maternité et de la naissance entre les fèces et l’urine.

Quant à la technocratie post-moderne et « multiculturelle », une autre machine lui permet d’imposer sa propre domination, son « droit à la différence », à «l’augmentation technologique » et eugéniste ; sa conception d’« une autre humanité » ou sa « conception ouverte de l’humanité » - c’est-à-dire ouverte au cyborg et à l’homme-machine. D’accomplir ses pulsions biophobes et anthropophobes. Si vous ne savez pas ce que signifie une humanité « à deux vitesses », voyez ce que produit déjà « une médecine à deux vitesses ».

C’est un bien petit dispositif qu’un compteur Linky, mais l’indice le plus ténu, pourvu qu’on le suive, vous mène au fin mot de l’histoire – et d’ailleurs ce n’est qu’un indice parmi des myriades, tous concordants.

Hier les moutons, aujourd’hui les hommes. Si vous êtes de ceux qui s’indignent du puçage électronique des ovins (après les chiens, les chats, les chevaux, etc.), peut-être vaut-il encore la peine de s’indigner du puçage électronique du troupeau humain via le compteur Linky, l’Internet des objets et la prolifération des puces RFID.

Pièces et main d’œuvre

Grenoble, le 11 juillet 2013

NOTES

(1)
 Lire L’Enfer Vert, un projet pavé de bonnes intentions, par Tomjo (éditions L’Echappée, 2013) et sur www.piecesetmaindoeuvre.com

(2)
 Cf. « IBM et la société de contrainte », in L’industrie de la contrainte, de Pièces et main d’œuvre
(éditions l’Echappée, 2011) et sur www.piecesetmaindoeuvre.com

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