Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

vendredi 19 juillet 2013

Le Revenu Universel par le Monde Diplomatique (2)

Le numéro du Monde Diplomatique du mois de mai a consacré quelques articles sur le Revenu Universel (second article)


Imaginer un revenu garanti pour tous


Inventer une autre vie, d’autres rapports sociaux, peut sembler hors de propos en période de crise. L’exercice n’a pourtant jamais été aussi nécessaire. En Europe, en Amérique latine, en Asie, l’idée d’un droit au revenu inconditionnel fait son chemin.

par Mona Chollet, mai 2013

On travaille, et, grâce à ce travail, on perçoit de l’argent. Une telle logique est si bien ancrée dans les esprits que la perspective d’instaurer un revenu inconditionnel, c’est-à-dire de verser à chacun une somme mensuelle suffisante pour lui permettre de vivre, indépendamment de son activité rémunérée, apparaît comme une aberration. Nous sommes encore persuadés de devoir arracher à une nature aride et ingrate les moyens de notre subsistance individuelle ; or la réalité est bien différente.

Bourses étudiantes, congés parentaux, pensions de retraite, allocations familiales, indemnités de chômage, régime français des intermittents du spectacle, minima sociaux : autant de prestations qui ont en commun de découpler revenu et travail. Si insuffisants, si attaqués que puissent être tous ces dispositifs, ils montrent que le revenu garanti est une utopie « déjà là ». En Allemagne, le revenu de la population ne provient directement du travail qu’à hauteur de 41 %, signalent Daniel Häni et Enno Schmidt dans leur film Le Revenu de base (2008) (1). En France, en 2005, il dépendait à 30 % de la redistribution (allocations diverses) : « Malgré tous les discours idéologiques, malgré la liquidation de l’Etat-providence, vilipendé par les néolibéraux, la part des prélèvements obligatoires est montée inexorablement sous les présidents Mitterrand, Chirac et Sarkozy (2). » Et il ne serait pas très difficile de déplacer encore le curseur pour s’employer à ce que chacun soit à l’abri du besoin (lire le premier article «Financer l’allocation universelle»).

La première conséquence d’un revenu de base étant de faire disparaître le chômage comme problème — à la fois question de société et source d’angoisse individuelle —, on économiserait, pour commencer, les sommes engagées dans la poursuite de l’objectif officiel du plein-emploi. Plus rien ne justifierait les cadeaux faits aux entreprises pour les inciter à embaucher. Rappelons que les politiques d’exonération ou de réduction des cotisations sociales menées à cet effet sont passées de 1,9 milliard d’euros en 1992 à 30,7 milliards en 2008 (3). Ou encore qu’en 1989 le groupe sud-coréen Daewoo avait reçu 35 millions d’euros pour bâtir en Lorraine trois usines qu’il allait fermer en 2002, laissant mille personnes sur le carreau… Par ailleurs, le revenu garanti étant universel et inconditionnel — il est versé à tous, pauvres et riches, ces derniers le remboursant par l’impôt —, des économies seraient réalisées en supprimant tout le travail administratif lié à la surveillance des bénéficiaires de l’aide sociale, discutable du fait de son caractère humiliant, intrusif et moralisateur (4).

Mais précisons bien de quoi l’on parle exactement. Une mesure prônée, dans les années 1960, par des économistes aussi différents que James Tobin — également à l’origine du projet de taxation des transactions financières — et le libéral Milton Friedman a en effet de quoi inspirer la perplexité. Ce grand écart subsiste aujourd’hui : en France, le revenu garanti promu par Mme Christine Boutin (Parti chrétien-démocrate) n’est pas le même que celui défendu par M. Yves Cochet (écologiste) ou par le Mouvement Utopia, transversal aux Verts et au Parti de gauche.

D’un montant trop faible pour que l’on puisse se passer d’emploi, le revenu de base des libéraux fonctionne comme une subvention aux entreprises, et s’inscrit dans une logique de démantèlement de la protection sociale : c’est la perspective de l’impôt négatif de Friedman (lire « Michel Foucault, l’Etat et les bons pauvres »). Dans ses versions de gauche, au contraire, il doit être suffisant pour permettre de vivre — même si la définition de ce « suffisant » pose, on s’en doute, des questions épineuses. Et on ne le conçoit pas sans une défense conjointe des services publics et des prestations sociales (retraites, allocations-chômage ou assurance-maladie), ainsi que de certaines aides sociales. On s’entend également sur quelques autres caractéristiques : il devrait être versé mensuellement à chaque individu, de la naissance à la mort (les mineurs touchant un montant plus faible que les adultes), et non à chaque foyer ; aucune condition ni contrepartie ne serait exigée ; et il serait cumulable avec les revenus d’un travail.

Ainsi, chacun pourrait choisir ce qu’il souhaite faire de sa vie : soit continuer à travailler, soit conserver la jouissance de son temps en se contentant d’un niveau de consommation modeste, soit alterner. Les périodes hors emploi ne seraient plus suspectes, puisque le travail rémunéré cesserait d’être la seule forme reconnue d’activité. Ceux qui choisiraient de vivre du revenu garanti pourraient se consacrer pleinement à des tâches qui les passionnent et/ou qui leur semblent socialement utiles, seuls ou à plusieurs.

Car le projet mise largement sur les possibilités d’association libre qu’il ouvrirait. En 2004, deux chercheurs de l’Université catholique de Louvain ont tenté de deviner les effets produits par le revenu de base en s’intéressant aux gagnants du jeu Win For Life, équivalent belge de ce qui s’appelait en France Tac o Tac TV gagnant à vie, et qui offre un revenu mensuel. Mais l’essayiste Baptiste Mylondo relève une différence notable entre les deux situations, qui oblige à relativiser leurs conclusions : « Tandis que le bénéficiaire du revenu inconditionnel est entouré d’autres bénéficiaires, le gagnant du Loto est totalement isolé. Or la valeur du temps libre croît avec le nombre de personnes avec qui il est possible de le partager (5). » Le revenu garanti modifierait donc considérablement à la fois le rapport au travail, le rapport au temps, le rapport à la consommation et le rapport aux autres pour un grand nombre de gens — y compris, par contagion, pour ceux qui choisiraient l’emploi salarié. Pour autant, il est certain qu’il imposerait de créer de nouveaux modes de socialisation, sans quoi il pourrait aussi favoriser un certain repli, notamment chez les femmes, qui risqueraient d’être cantonnées au foyer.

De la campagne démocrate de 1972 aux Etats-Unis à la Belgique des années 1980

C’est aux Etats-Unis qu’est apparue, après guerre, l’idée d’un revenu de base progressiste. Initiateur en 1968, avec Paul Samuelson, John Kenneth Galbraith et mille deux cents autres économistes, d’un appel en ce sens, Tobin fait introduire son projet de demogrant dans le programme de George McGovern, dont il est le conseiller, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 1972. Avec la lourde défaite du candidat démocrate face à Richard Nixon, le projet est enterré.
Il refait surface en Europe, d’abord dans les Pays-Bas des années 1980 (6). En Belgique, un groupe de chercheurs et de syndicalistes crée en 1984, autour de l’économiste et philosophe Philippe Van Parijs, le Collectif Charles Fourier. Un colloque organisé en 1986 à l’Université catholique de Louvain donne naissance au Réseau européen pour le revenu de base (Basic Income European Network, BIEN), qui deviendra mondial (Basic Income Earth Network) en 2004. L’un de ses fondateurs, Guy Standing, économiste à l’Organisation internationale du travail (OIT), participe à l’expérience de revenu garanti lancée en 2011 en Inde (lire « En Inde, l’expérience revitalise les villages »).

En France, l’idée éclôt dans les mouvements d’étudiants et de chômeurs

En Allemagne, le débat a pris une vigueur particulière ces dernières années grâce à la campagne menée par Mme Susanne Wiest. Installée dans le nord du pays après avoir vécu douze ans dans une roulotte, à la fois par désir de liberté et pour économiser un loyer, Mme Wiest travaillait comme assistante maternelle et peinait à joindre les deux bouts. Une réforme fiscale intégrant ses allocations familiales à son revenu imposable achève de l’exaspérer. Sa rencontre avec Häni et Schmidt, fondateurs en Suisse alémanique du réseau Initiative Grundeinkommen (« Initiative pour le revenu de base »), la convertit à leurs vues. Elle lance une pétition publique qui connaît un vif succès et qui aboutit en 2010 à un débat au Bundestag, assurant au passage une large diffusion du film de Häni et Schmidt Le Revenu de base.

En France, la revendication d’un revenu garanti s’est cristallisée lors de la fronde étudiante contre le projet de contrat d’insertion professionnelle (CIP) du gouvernement de M. Edouard Balladur, en 1994, avec la création, à Paris, du Collectif d’agitation pour un revenu garanti optimal (Cargo), bientôt intégré à Agir ensemble contre le chômage (AC !). Elle a resurgi lors du mouvement de chômeurs de l’hiver 1997-1998. A la même époque, le philosophe écologiste André Gorz se rallie à l’idée (7), qui trouve également un écho au sein du mouvement altermondialiste en cours de constitution (8). Alain Caillé, fondateur du Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales (Mauss), en est lui aussi partisan.

Enfin, face aux attaques dont a fait l’objet à partir de 2003 leur régime d’indemnisation, certains intermittents du spectacle militent non seulement pour le maintien du dispositif, mais pour son extension à l’ensemble de la population, de façon à normaliser l’alternance de périodes chômées et de périodes travaillées.Les secondes, font-ils valoir, se nourrissent des premières et ne pourraient exister sans elles. Sa proximité avec ce combat amènera M. Christophe Girard, maire socialiste du quatrième arrondissement de Paris, à plaider à la veille du congrès de son parti, en octobre 2012, pour l’instauration progressive d’un revenu universel (9).

Auparavant, et même s’il n’en est pas resté grand-chose dans la mesure finalement votée, l’idée que la société doit à ses membres les moyens de leur subsistance avait hanté les débats parlementaires autour de la création du revenu minimum d’insertion (RMI) par le gouvernement de M. Michel Rocard, en 1988. A gauche, certains, à commencer par le rapporteur du texte, M. Jean-Michel Belorgey, contestaient le conditionnement du RMI à des « efforts d’insertion ». Et ils s’interrogeaient : peut-on parler d’un « droit » pour un revenu dont l’obtention est suspendue à un passage devant une commission, et pour lequel une contrepartie est exigée (10) ? C’est aussi le sens du slogan sans fioritures des manifestations de chômeurs, « Du fric pour vivre ! » : dans une société que ne menace aucune pénurie, chacun devrait avoir droit à une vie digne.

Au sein de la gauche radicale, le revenu garanti est cependant loin de faire l’unanimité. Avec un éventail de défenseurs aussi bigarré, il fait d’abord craindre de se retrouver en douteuse compagnie. En outre, il diffère par beaucoup d’aspects des projets habituellement portés par la gauche anticapitaliste. Compte tenu de la résistance des mentalités, l’idée aurait sans doute bien du mal à s’imposer ; mais, même si elle y parvenait, sa mise en œuvre serait loin de régler tous les problèmes. Ses promoteurs, d’ailleurs, ne le prétendent pas.
Le revenu de base vise d’abord à fournir à tous le minimum vital, que ce soit au Nord ou au Sud, où il a aussi ses partisans. On estime en général qu’il aurait pour effet de stimuler l’activité économique dans les pays en développement et de la réduire légèrement ailleurs — raison pour laquelle il intéresse les écologistes. Dans les sociétés occidentales, il offrirait la possibilité d’échapper au chômage, à la précarité, au mal-logement et à la pauvreté laborieuse, ou, pour certains salariés, à la souffrance physique et psychique subie au travail. Mais il ne mettrait pas à bas le capitalisme, et, même si certains lui associent un projet de revenu maximum (11), il ne supprimerait pas les inégalités. C’est ce que beaucoup ne manquent pas de lui reprocher. Ainsi, le communiste libertaire Claude Guillon, jugeant ce programme trop timoré, a brocardé dans un livre ce qu’il appelle le « garantisme ». Il se défend cependant de « faire du pire et de son maintien le levier de la révolte », et admet que l’on parle mieux de politique le ventre plein (12)…

Un changement qui implique de faire confiance aux individus

Plutôt que de renverser un ordre injuste pour le remplacer par un ordre juste, le revenu de base donnerait « une impulsion culturelle », pour reprendre le sous-titre du film de Häni et Schmidt. Il apporterait à la fois une reconnaissance et un encouragement aux activités hors marché, de manière à entamer une transition dont nul ne peut prédire où elle mènerait. Et, en laissant le choix aux individus, il suppose qu’on leur fasse confiance. Certes, la gauche anticapitaliste ne partage pas la forte analyse de l’essayiste libéral Nicolas Baverez, selon laquelle, « pour les couches les plus modestes, le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance (13) ». Mais la radicalité des projets politiques qu’elle défend va souvent de pair avec une définition un peu monolithique de la « bonne vie ».

C’est précisément l’abandon de cette logique qui a séduit le militant suisse Oliver Seeger, coauteur de la version française du film Le Revenu de base. Ancien de Longo Maï, une coopérative agricole communautaire établie après 1968 dans les Alpes-de-Haute-Provence (14), il récuse, avec le recul, « ce présupposé implicite selon lequel [ses camarades et lui étaient] une avant-garde révolutionnaire, une petite élite qui se préparait pour le jour J ». Le revenu garanti, à l’inverse, permet « de laisser les gens libres, pour une fois. De ne pas penser à leur place, de ne pas leur prémâcher une idéologie qu’ils seraient condamnés à suivre ». Le changement de société serait tout sauf facile : « J’espère bien que les gens auraient mal à la tête, et au cœur, et au ventre, que tout leur métabolisme serait dérangé, s’ils devaient réfléchir à ce qu’ils ont réellement envie de faire ! Comment pourrait-il en être autrement quand, pendant des années, on est allé au turbin sans se poser de questions ? Mais j’aimerais vraiment avoir une chance de voir ce que cela pourrait donner » (15).

Une autre critique importante adressée au revenu inconditionnel concerne sa remise en question de la norme du travail. Historiquement, le mouvement ouvrier s’est organisé au sein du salariat. Il y a forgé tous ses outils de résistance à l’exploitation et y a obtenu toutes ses conquêtes, des congés payés à la protection sociale. Au point parfois d’oublier que la « disparition du salariat » figurait parmi les objectifs inscrits par la Confédération générale du travail (CGT) dans la charte d’Amiens, en 1906… En outre, pour le monde syndical et les courants politiques qui en sont proches, le travail est une source irremplaçable de dignité et de réalisation de soi. Economiste membre de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), Jean-Marie Harribey estime qu’il constitue, « qu’on le veuille ou non », un « vecteur essentiel d’intégration sociale », car il confère à l’individu « sa qualité d’homme entier, producteur et citoyen » (16).
Paradoxalement, c’est pourtant la défense du travail qui motive certains partisans du revenu garanti. Ils y voient le moyen d’améliorer les conditions dans lesquelles on l’exerce, et de lever une ambiguïté fondamentale. Le « droit au travail » est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; mais, interrogent dans leur film Häni et Schmidt, « peut-il exister un droit à être obligé de faire quelque chose ? » Le revenu de base permettrait donc à certains salariés de ne plus l’être, et aux chômeurs qui le souhaiteraient d’occuper à nouveau un emploi. Le fait de ne pas jouer sa survie pourrait donner un plus grand pouvoir de négociation face à l’employeur, en particulier pour les tâches pénibles. Van Parijs et Yannick Vanderborght invitent également à imaginer l’atout que représenterait un revenu garanti « en cas de grève de longue durée (17) »

Mais, par ailleurs, d’autres promoteurs de l’idée formulent bien une critique du salariat, en particulier au sein du courant décroissant (Mylondo et Utopia, notamment). La plupart des emplois, font-ils valoir, ne procurent à leurs titulaires ni l’estime de soi ni le sentiment de servir l’intérêt général, quand ils ne leur donnent pas le sentiment franchement inverse. Et, même si c’était le cas, les gains de productivité liés au progrès technique ne permettront de toute façon pas de fournir un poste à chacun. Partisan d’un salaire à vie inconditionnel financé par l’extension du système de la cotisation, Bernard Friot partage cette analyse : « Mieux vaut ne rien faire que d’être une inspectrice d’académie occupée à détricoter la fonction publique ou un ouvrier fabriquant des semences stériles pour Monsanto. » Il qualifie de « fable » le plein-emploi des « trente glorieuses », auquel il s’agirait de retourner : « N’oublions jamais que le prétendu plein-emploi des années 1960 était celui des hommes » (18).

Cigale insouciante, fourmi industrieuse... ou abeille pollinisatrice ?

Le courant inspiré de l’autonomie ouvrière italienne (lire « Révolutionnaires sans révolution »), représenté, en France, par Yann Moulier-Boutang ou par le cofondateur du Cargo Laurent Guilloteau, appuie quant à lui sa critique du salaire sur le concept de general intellect, emprunté à Karl Marx. Dans les Grundrisse, Marx prédisait qu’arriverait un moment où le savoir accumulé au fil de l’histoire par l’ensemble de la société serait le cœur de la création de valeur. Avec l’avènement de l’économie de l’immatériel, nous y sommes, affirment ses lecteurs. Et, dès lors, le capitalisme ne peut que devenir de plus en plus agressivement parasite : il ne fait plus que s’approprier des compétences développées en dehors de lui et inséparables des personnes, lesquelles, de surcroît, n’ont pas besoin de lui pour les mettre en œuvre.

L’essentiel de la production de richesses se jouerait donc en dehors de l’emploi. Entre les figures de la cigale insouciante et de la fourmi industrieuse, Moulier-Boutang en interpose une troisième, celle de l’abeille : son travail de pollinisation ne crée pas de valeur directe, mais aucune production ne pourrait exister sans lui. De même, chacun, par ses activités quotidiennes les plus anodines, participe indirectement à l’économie.

L’argument a l’avantage de renvoyer à leur inanité les représentations fantasmatiques, agitées par les démagogues, d’« assistés » inutiles et fainéants vivant du travail des autres. Mais en faire la justification du revenu garanti constitue un piège que Gorz avait bien vu : « On reste ainsi sur le plan de la valeur travail et du productivisme. » Or « le revenu d’existence n’a de sens que s’il n’exige ni ne rémunère rien » : il doit au contraire permettre la création « de richesses non monnayables » (19).

Nul besoin, de toute façon, d’en passer par le general intellect pour fonder en théorie l’instauration d’un revenu garanti. Dans La Justice agraire, en 1796, l’un des premiers promoteurs de l’idée, le révolutionnaire anglo-américain Thomas Paine, y voyait une juste indemnisation pour l’appropriation par quelques-uns de la terre, pourtant censée appartenir à tous…

Mona Chollet

1)  http://le-revenu-de-base.blogspot.fr

2)  Yann Moulier-Boutang, l'Abeille et l'Economiste, Carnets Nord, Paris, 2010

3)  Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2013, annexe 5.

4)  Pôle emploi continuerait sans doute à exister, puisqu'il y aurait toujours un marché du travail, mais changerait radicalement de mission.

5)  Baptiste Mylondo, Un revenu pour tous. Précis d'utopie réaliste, Utopia, Paris, 2010.

6)  Cf. Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs, L'allocation universelle, La Découverte, coll. "Repères", Paris, 2005.

7)  André Gortz, Misères du présent, richesse du possible, Galilée, Paris, 1997.

8)  Lire Jean-Paul Maréchal, "Revenu minimum ou "deuxième chèque" ? et Ignacio Ramonet, "L'Aurore", Le Monde diplomatique, respectivement mars 1993 et janvier 2000. Mais aussi Yoland Bresson, "Instaurer un revenu d'existence contre l'exclusion", Le Monde diplomatique, février 1994. Créateur en 1989 de l'Association pour l'instauration d'un revenu d'existence (AIRE), cofondateur du BIEN, Bresson est critiqué en raison du faible montant qu'il prône, et qui le classe parmi les promoteur d'un revenu garanti "de droite".

9)  Christophe Girard, "Ma contribution pour le congrès du PS, pour un revenu social garanti", 4 septembre 2012, www.hufffingtonpost.fr

10)  Laurent Geffroy, Garantir le revenu. Histoire et actualité d'une utopie concrète, La Découverte - Mauss, coll. "Recherches", Paris, 2002.

11)  Lire Sam Pizzigati, "Plafonner les revenus, une idée américaine", Le Monde diplomatique, février 2012.

12)  Claude Guillon, Economie de la misère, La Digitale, Quimperlé, 1999.
13)  20 minutes, Paris, 7 octobre 2003.

14)  Lire Ingrid Carlander, "Les irréductibles de Longo Maï", Le Monde diplomatique, mars 1996.

15)  "Revenu garanti, 'la première vision positive du XXIe siècle'" décembre 2010, www.peripheries.net

16)  Cité par Baptiste Mylondo, Un revenu pour tous, op.cit.

17)  L'allocation universelle, op. cit.

18)  Bernard Friot, L'Enjeu du salaire, La Dispute, coll. "Travail et salariat", Paris, 2012.

19)  André Gorz, L'immatériel, Galilée, Paris, 2003.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire