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dimanche 24 mars 2024

Nucléaire - Avec le projet de fusion « la sûreté va subir un coup extrêmement dur »

 

Avec le projet de fusion 

« la sûreté va subir 

un coup extrêmement dur »

 | Mediapart

 

by  • 

Ce qui nous rassemble ici aussi,

ce qui nous guide ici aussi,

ce qui nous habite ici aussi,

c’est la sûreté nucléaire !

L’Association Ma Zone Contrôlée siège au Conseil d’Administration de l’ANCCLI…


Alors que les députés examinent lundi 11 mars le projet de loi de refonte de la sûreté nucléaire, le président des commissions locales d’information du public, maillons importants du système, alerte dans Mediapart contre « un projet technocratique dangereux »…

Source : Nucléaire : avec le projet de fusion, « la sûreté va subir un coup extrêmement dur » | Mediapart 

Jade Lindgaard

C’est une organisation peu connue du grand public mais qui se trouve au cœur du système français de sûreté nucléaire. L’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) a été créée en 2000 pour organiser le dialogue entre le public vivant à proximité des installations nucléaires (réacteurs de production d’électricité, stockage de déchets, usines de combustibles, etc.) et les exploitants (EDF, Orano, CEA, Andra), ainsi que les instances de sûreté (ASN et IRSN).

L’information des habitant·es est considérée en France comme un pilier du système de sûreté et repose sur un principe de transparence exigé des exploitants. Dans ce but, un Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTSIN) a été créé en 2006.

C’est au double titre de président de l’Anccli et de membre du HCTSIN que Jean-Claude Delalonde alerte aujourd’hui sur la précipitation du gouvernement à fusionner les instances de sûreté nucléaire : « C’est un projet technocratique dangereux. Le principe de précaution serait d’exiger un rapport sérieux. Il existe 12 groupes de travail aujourd’hui à l’ASN et l’IRSN qui travaillent sur ce projet. Laissons le temps de travailler aux gens qui font la confiance du nucléaire. Il n’y a aucune urgence. »

Lundi 11 mars, jour anniversaire de la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, les député·es commencent l’examen du projet de loi de fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Depuis un an, il fait l’objet d’un rejet massif des personnels de ce dernier ainsi que d’une grande partie du monde de l’atome. En commission début mars, les député·es ont adopté un amendement rejetant le démantèlement de l’IRSN. Mais le gouvernement devrait revenir à la charge lundi dans l’hémicycle. Pour Jean-Claude Delalonde, « ces gens-là seront responsables et passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire ».

Mediapart : Pourquoi vous opposez-vous au projet de loi de fusion de l’IRSN et de l’ASN ?

Jean-Claude Delalonde : Je suis catastrophé quand j’entends Roland Lescure [ministre de l’industrie – ndlr], que j’ai eu au téléphone à sa demande il y a 15 jours, dire que si l’on émet le moindre doute, le moindre désaccord avec ce projet, cela veut dire qu’on est antinucléaire. Ces gens-là seront responsables et passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire. C’est notre sûreté et notre sécurité qui sont en jeu : notre bien-vivre avec le nucléaire.

Je voudrais leur rappeler que les CLI [commissions locales d’information sur le nucléaire – ndlr] que nous représentons existent depuis quarante-trois ans. L’Anccli existe depuis vingt-quatre ans et je la préside depuis vingt ans. Les CLI sont à la main, dans leur composition, des présidents des départements où se trouvent des installations nucléaires. Ces CLI sont composées à 75 % de gens favorables au nucléaire et à 25 % de personnes « contre ». À l’Anccli, nous sommes 125 personnes qui en constituent la gouvernance, avec 75 % d’entre elles qui sont favorables au nucléaire et 25 % qui lui sont défavorables. Pour un quart, ce sont des élus politiques, pour un autre quart, des syndicalistes qui travaillent dans les instances nucléaires, pour un autre quart encore, ce sont des associations de défense de l’environnement, souvent antinucléaires. Et pour le dernier quart, ce sont des personnes dites qualifiées. Depuis vingt ans que je préside l’Anccli, toutes les positions et toutes les décisions ont été prises à l’unanimité. Parce que ce qui nous rassemble, ce qui nous guide, ce qui nous habite, c’est la sûreté nucléaire.

Quels sont les problèmes de ce projet de loi, selon vous ?

Je ne suis pas en désaccord avec le gouvernement quand il dit que, du fait du programme de relance du nucléaire, il faut adapter notre organisation et être plus efficaces. Mais quand on fait cela, on commande un audit, une analyse sérieuse de notre organisation pour voir là où le bât blesse.

C’est ce qui avait été fait, il y a vingt ans, par le parlementaire président de l’OPECST – l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – Jean-Yves Le Déaut, dans un rapport qui a donné naissance à l’IRSN et à l’ASN.

Mais aujourd’hui, il n’y a même pas de rapport. Il n’y a rien ! C’est un projet technocratique dangereux. Le principe de précaution serait d’exiger un rapport sérieux. Il existe 12 groupes de travail aujourd’hui à l’ASN et l’IRSN qui travaillent sur ce projet. Laissons le temps de travailler aux gens qui font la confiance du nucléaire. Il n’y a aucune urgence

Que pensez-vous sur le fond de l’idée de fusionner l’ASN et l’IRSN au sein d’une nouvelle entité : l’ASNR ?

Je ne suis pas contre le principe de la réforme. Mais il n’y a aucune urgence à légiférer. Il y a une unanimité dans les personnels de l’ASN, dans les personnels de l’IRSN et du CEA [Commissariat à l’énergie atomique] – dont le conseil national, l’équivalent d’un comité d’entreprise, demande à sa direction d’appuyer auprès du gouvernement pour abandonner ce projet.

L’année dernière, on a voté une loi d’accélération du nucléaire. Il fallait aller vite : 51,3 milliards d’euros ont été annoncés pour financer trois paires de nouveaux réacteurs EPR. Et il y a quelques jours, on apprend que les EPR vont coûter 30 % de plus que prévu et qu’on perd déjà un an sur le calendrier. Mais c’est scandaleux ! Aucune étude sérieuse n’avait donc été faite.

Manifestation contre le démantèlement de l’IRSN à Paris, le 8 février 2024. Photo: Jade Lindgaard.

Concernant la réforme de la sûreté, nous ne sommes pas contre. Mais nous sommes contre cette précipitation. Si demain il y a un accident nucléaire, alors que depuis vingt ans notre système est robuste, je pose la question au président de la République, aux ministres Roland Lescure, Christophe Béchu [écologie], Bruno Le Maire [économie], et à tous les parlementaires qui auront voté cette loi : accepterez-vous de passer en justice s’il y a un accident à cause de cette réforme, car vous aurez été trop vite ? Vous serez responsables et coupables. Il y aura une révolte citoyenne et vous serez les fossoyeurs du nucléaire.

Après le rejet de cette fusion par les parlementaires en 2023, l’OPECST a publié un rapport sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN, rédigé par le député Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir. Ce n’est pas suffisant ?

Ce rapport dit qu’il faut fluidifier le système et regrouper l’ASN et l’IRSN dans une seule autorité. Mais ce n’est pas ce que fait la loi. Elle démantèle. Elle disperse. Actuellement, il y a une ASN qui a des experts en son sein, et il y a une IRSN qui a la maîtrise totale et reconnue internationalement de l’expertise. Mais avec la nouvelle entité intégrée, une partie des experts de l’IRSN vont partir au ministère de la défense et au CEA. On dit qu’on va regrouper, mais ce n’est pas vrai. On disperse les forces en distinguant les chercheurs et les experts. Alors que tout le monde sait qu’un bon chercheur devient un bon expert et que pour devenir un bon expert, il faut aussi être chercheur. Tous ces gens qui travaillent ensemble depuis vingt ans vont être disséminés.

Autre point : la nouvelle autorité n’intègre pas la sécurité [la protection contre les menaces externes, à distinguer de la sûreté qui concerne les dysfonctionnements techniques internes – ndlr]. Alors que les trois présidents successifs de l’ASN depuis 2008, André-Claude Lacoste, Pierre-Franck Chevet et Bernard Doroszczuk, demandent de regrouper sécurité et sûreté. Résultat : la sûreté va subir un coup extrêmement dur. Ce n’est donc pas du tout la question d’être pour ou contre le nucléaire, c’est un faux débat.

Selon « Le Canard enchaîné », l’ancien patron CEA, Daniel Verwaerde, a écrit un rapport classé secret-défense demandant le démantèlement de l’IRSN. L’avez-vous lu ?

Si ce rapport existe, il est grave de ne pas le sortir. Nous demandons que ce rapport soit mis à la disposition des experts de l’ASN et de l’IRSN qui ont été mandatés officiellement pour préparer le rapprochement. Donnons-leur les éléments pour voir s’il y a des pistes de réflexion à mener sérieusement et à présenter au Parlement.

Ça fait vingt ans que je travaille avec les exploitants et EDF. On arrive à dialoguer, même si on n’est pas toujours d’accord. Mais je n’ai jamais réussi à dialoguer avec le CEA. Je vais vous raconter une anecdote. Je suis membre du Haut Comité pour la transparence du nucléaire depuis sa création. Lorsqu’il a été installé en 2008, son président s’appelait Henri Revol, un ancien sénateur. À l’époque, siégeait aussi au Haut Comité l’administrateur du CEA, Bernard Bigot, aujourd’hui décédé. Quand il a quitté le CEA, il est devenu le grand patron d’Iter et a été remplacé par Daniel Verwaerde.

Un jour, M. Revol m’invite à l’accompagner pour rencontrer M. Bigot à son bureau du CEA pour lui demander de partager au Haut Comité des informations que le CEA ne voulait pas donner. Après nous avoir fait attendre pendant une heure, l’entretien a duré cinq minutes. Et le président du Haut Comité s’est entendu dire par M. Bigot : « Vous savez à qui vous parlez ? Au vice-premier ministre de la France. » Quand [le mathématicien] Cédric Villani parle d’une technostructure dangereuse, c’est de cela qu’il parle. Des gens peut-être compétents mais qui ont un sentiment d’impunité. Ils pensent qu’ils peuvent tout faire.

Le CEA est-il une boîte noire du nucléaire ?

Non. Je comprends que le CEA travaille sur des sujets secret-défense qui ne doivent pas être mis sur la place publique. J’entends qu’il existe des secrets industriels et commerciaux. Mais ce n’est pas une raison, quand on demande des explications, pour nous répondre systématiquement : « Circulez, il n’y a rien à voir. » Je ne suis pas un antinucléaire. Je fais partie de ceux qui sont pour le nucléaire. Mais dans de bonnes conditions.

Le monde du nucléaire souffre-t-il d’un excès d’assurance ?

Je vais vous citer une autre anecdote. Lorsqu’il y a eu l’accident de Fukushima, beaucoup se sont félicités de la transparence de l’IRSN et de son suivi de la situation internationale. Il a été demandé à son directeur général, Jacques Repussard, d’évaluer le coût économique d’une catastrophe nucléaire. À partir des éléments provenant de ses experts, et de tous ceux qui travaillaient sur le sujet, il a sorti un chiffre qui a fait polémique : environ 450 milliards d’euros. Et il s’est retrouvé sur le banc des accusés.

L’année dernière, j’ai fait partie d’une mission avec le Haut Comité à la transparence à Fukushima. J’ai rencontré les responsables ministériels en charge de la sûreté et de l’équivalent de l’ASN. Nous avons rencontré Tepco, l’opérateur de la centrale nucléaire. J’ai posé la question aux responsables du ministère japonais de l’économie : douze ans après, combien avez-vous dépensé pour la catastrophe nucléaire de Fukushima, en dehors des dépenses liées à la gestion du tsunami ? Ils m’ont répondu : 450 milliards d’euros.

Notre système de sûreté nucléaire, aujourd’hui robuste, basé sur quatre piliers, est le résultat de vingt ans de dialogue et de négociations. Nos exploitants sont sérieux, même si, de temps en temps, il y a des falsifications et des malversations. On a un gendarme du nucléaire, l’ASN, qui est sérieux. On a des experts, à l’IRSN, qui sont compétents. Et on a une société civile vigilante avec les CLI et l’Anccli. Ces quatre piliers constituent la robustesse de notre système de sûreté. Si on la met à mal, demain, un accident va survenir.

Et nos députés, d’un revers de la main, comme s’ils venaient de naître, donnent l’impression d’avoir oublié Tchernobyl et Fukushima et de penser que s’il y a un accident nucléaire, ce n’est pas grave, il s’arrêtera aux frontières de la France. Ou du Pas-de-Calais, si l’accident se passe à Gravelines. Ce n’est pas sérieux.

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