Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

mercredi 19 avril 2023

Ils recyclent les déchets de chantier : « On nous prenait pour des fous »

 

Ils recyclent 

les déchets de chantier : 

« On nous prenait 

pour des fous »

 

12 avril 2023

 


L’association Mineka remet dans le circuit des surplus de chantiers destinés à la benne alors que le secteur de la construction est le plus grand extracteur de ressources et le plus gros producteur de déchets français.

Villeurbanne (métropole de Lyon), reportage

Pour atteindre la porte de l’entrepôt de l’association Mineka, surnommé le « Minestock », on longe un conteneur Algeco et des tas de palettes. La bruine de ce matin de mars n’égaie pas cette banlieue de Lyon, entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin. Lucas Griffay accueille les premiers clients de son regard clair et souriant. Ici, l’équipe de 5 salariés entrepose des matériaux qu’elle collecte auprès de professionnels sur des chantiers de construction, de démolition ou de réaménagement et les revend à des particuliers et à des professionnels à des tarifs compétitifs. Ce jour-là, l’ancien artisan métallier de 33 ans se réjouit de voir partir la dernière pile de carrés d’isolant : « On a récupéré 12 palettes de polystyrène extrudé lors de la réhabilitation de l’entrepôt d’un grossiste de fruits et légumes, dit-il. C’est parti super vite. » Au contraire de la laine de verre, moins demandée.

 

Un coup de scie ou de pieds de biche est parfois nécessaire pour charger les poutres.

À l’origine de ce projet, Joanne Boachon, 38 ans, architecte, et actuelle directrice de Mineka. Dès sa formation à l’École nationale supérieure d’architecture de Lyon, elle a constaté que des matériaux de construction encore utilisables étaient jetés chaque jour sur les chantiers [VOIR ENCADRÉ]. Une fois diplômée et peu intéressée à l’idée de construire du neuf avec du neuf, Joanne Boachon s’est penchée sur le réemploi. « Certaines agences démontraient que ça pouvait être beau, que ce n’était pas forcément des maisons faites de bouteilles ou des meubles en palettes », dit-elle. Mais se fournir en matériaux de seconde main s’avère complexe, faute de structure qui fasse converger ces « gisements ». Elle a alors décidé de fédérer un réseau d’architectes convaincus, avec qui elle a lancé Mineka. « Ça a été difficile au début. En 2016, le réemploi, c’était très confidentiel. Personne n’en parlait, on nous prenait pour des fous », relate la directrice.

Intérêts financiers pour le client

Depuis, l’association a reçu de nombreux prix, à commencer par un trophée en décembre 2017 de la Fondation pour la Nature et l’Homme. « À partir de là, trouver des financements a été plus facile. ». L’année du covid a marqué un tournant : « On est de moins en moins confrontés à des gens réfractaires qui nous voient comme de gros écolos », poursuit Joanne Boachon. La formule fait même des émules, et des « matériauthèques » ouvrent partout.

C’est sûr, l’endroit n’est pas aussi aseptisé que dans les rayons des grandes enseignes de bricolage. « Tout n’est pas propre et parfait comme chez Casto ! » lance Lucas Griffay. « Impossible de réserver en ligne ou par téléphone. Je tiens à ce que les gens viennent voir », explique-t-il. Entreprises de BTP, architectes, artisans, promoteurs… la collecte se fait uniquement auprès de professionnels. Certains contactent eux-mêmes Mineka, d’autres sont démarchés. « Parfois, on sent de vraies convictions. Dans les grosses boîtes, ça passe aussi par le pôle RSE (responsabilité sociale et environnementale). D’autres fois, l’intérêt est avant tout financier », dit l’ancien artisan.

 

À Mineka, les membres de l’équipe assurent différents postes.

Financier car la mise en benne n’est pas gratuite et les tarifs de Mineka sont moins élevés que ceux du marché. Ainsi, déposer une tonne de bois en déchetterie coûtera 80 euros, alors que Mineka facturera la collecte à 50 euros. Un tarif auquel il faut néanmoins ajouter l’adhésion à l’association, obligatoire. Son montant est calculé en fonction de la taille de la structure. Une filiale d’Eiffage paiera 300 euros par an quand un particulier s’en acquittera pour 10 euros.

Des arrivages insolites

« Pour les pros, travailler avec des matériaux de réemploi est difficile », reconnaît, en revanche, Lucas Griffay. Notamment pour des raisons d’assurance : impossible de fournir aux clients une garantie sur les prises électriques, les câbles, les poutres qui sont entreposés ici car Mineka n’est pas en mesure de procéder aux analyses de risque, aux tests et aux contrôles requis. Il désigne d’immenses poutres de charpente : « Nous n’avons pas les moyens de faire certifier ce type de matériel. » Une exception : des menuisiers-agenceurs, n’y étant pas soumis, viennent récupérer des chutes de bois brut, pour créer des meubles dans une démarche d’up-cycling. « Le bois, c’est ce qui part le mieux », poursuit le responsable des collectes. Et bien sûr, il y a les convaincus. Des professionnels qui proposent à leurs clients de se fournir ici. Ou des particuliers qui viennent en repérage et convainquent leur artisan de réutiliser des matériaux de seconde main.

Les clients qui viennent se fournir à Mineka le font pour des raisons économiques et écologiques.

Si l’isolant, le bois brut, les huisseries constituent le gros du « Minéstock », certains arrivages sont plus insolites : des prie-Dieu de la cathédrale Saint-Jean, des vitrines du Centre d’histoire et de la Résistance et de la Déportation de Lyon, des bancs du palais de justice ou d’une gare SNCF… autant d’éléments qui peuvent faire le bonheur de décorateurs. Mais dans tous les cas, mieux vaut ne pas avoir d’idée préconçue, et se laisser inspirer. C’est le cas de Chloé et Paul, qui rénovent un pavillon des années 1950 où « tout est à refaire ». Ils repartent avec un lave-main : « On vient régulièrement pour puiser des idées. On ne veut pas d’une maison Leroy-Merlin, ici, les matériaux ont plus de charme. C’est aussi plus économique et plus écologique ».

Plus long et plus compliqué

Depuis trois ans, l’association valorise aussi son expérience en proposant de l’assistance à maîtrise d’œuvre ou à maîtrise d’ouvrage sur le réemploi. « Au début, se souvient Joanne Boachon, on nous sollicitait surtout pour le diagnostic des ressources avant démolition. Depuis deux ans, de plus en plus de marchés publics ou privés intègrent des objectifs de réemploi in situ. Nous déployons une méthodologie pour prouver que les matériaux sont réutilisables. » Cette activité de conseil représente aujourd’hui la moitié du chiffre d’affaires de l’association.

 

Dans le Minestock, même si le catalogue est mis à jour régulièrement, il faut parfois fouiller pour trouver les matériaux recherchés.

 

Cet après-midi-là, l’équipe de Mineka se rend au lycée Brossolette de Villeurbanne, en pleine restructuration. Dans le vacarme des engins qui écrasent des tonnes de matériaux, Lucas Griffay reconnaît que leur association n’est qu’une « goutte d’eau. Nous ne jouons pas dans la même cour ».

De fait, le chef du chantier de démolition du lycée râle un peu, car déposer les poutres pour Mineka, c’est plus long, plus compliqué : « Le réemploi n’est pas dans la logique des grands chantiers de démolition car tout doit disparaître le plus vite possible et le ballet des engins et des bennes est rodé pour ça. » Mais le fait que ces poutres puissent servir à nouveau ne le laisse pas insensible. Depuis sa création, et en comptant les premières années, expérimentales, Mineka a recyclé 3 610 tonnes de matériaux. Un premier grain de sable dans le tas de béton.


UN GISEMENT IMMENSE

En 2020, le secteur de la construction a produit la plus grosse part des déchets français, 68 %, soit 213 millions de tonnes. Béton, terre cuite, terre et cailloux finissent en remblaiement de carrière ou en sous-couches routières, mais très peu servent à nouveau à la construction. Quant au reste (verre plat, moquettes, laines minérales, plâtre ou encore plastiques), il est le plus souvent éliminé — entre 74 et 99 %. Le métal, recyclé à 90 %, fait exception.
Les pouvoirs publics sont conscients de l’immensité de ce gisement. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a prévu la mise en place d’une filière REP responsabilité élargie des producteurs ») pour assurer la gestion des déchets issus du bâtiment. Ce coup de fouet, sans doute indispensable pour que le secteur passe à la vitesse supérieure, va obliger de gros acteurs à s’engager dans le réemploi. Mais les pionniers comme Mineka, au fonctionnement associatif et artisanal, craignent que les gisements les plus intéressants soient captés par les plus gros qu’eux.

 

Source : https://reporterre.net/Poutres-fenetres-Une-association-recycle-les-materiaux-du-BTP?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_hebdo#2

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire