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samedi 5 novembre 2022

- Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité - 2 novembre -

 


Journée mondiale 

pour le droit de mourir 

dans la dignité

L’histoire juridique de la fin de vie en France montre bien que la question n’a jamais été traitée comme celle d’une liberté protégée par l’État mais comme d’un acte médical de compassion.

Publié le 2 novembre 2022
 

Le 2 novembre se célèbre la journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité.

En réalité la périphrase désigne l’euthanasie ou le suicide assisté. Le climat politique illibéral dans lequel baigne la France rend difficile l’affirmation de choisir sa mort. Pourtant, la philosophie classique proposait une herméneutique de l’existence articulée autour de la mort.

Pour Socrate, savoir vivre impliquait savoir mourir et la philosophie n’est autre chose qu’une « pratique de la mort » (mélétè thanathou) : mourir dans le corps pour naître dans la pensée. La Grèce antique, qui n’avait pas peur de désigner clairement la réalité, voyait dans la kallos thanatos, la mort noble, un idéal de vie, tout comme les Romains : Bene autem mori est effugere male vivendi periculum (bien mourir, c’est échapper au danger de mal vivre), affirmait Sénèque : «  je choisis moi-même mon bateau quand je m’embarque et la maison où je vais habiter ; j’ai le même droit de choisir le genre de mort, par où je vais sortir de la vie » (Lettres à Lucillus). 

 

Qu’indique la pensée libérale sur le droit de mourir dans la dignité ?

La pensée libérale reprend cette tradition en laissant l’individu libre de choisir sa mort. L’État est conçu comme une protection de l’individu contre autrui. John Stuart Mill affirmait que « en ce temps de progrès des affaires humaines , il faut que l’individu conteste les règles provenant de l’extérieur, se décide par lui-même, au point que personne n’est en droit de lui prescrire des normes, y compris pour l’empêcher de se faire tort à lui-même ». Chacun devant « poursuivre son propre bien selon sa propre voie », en se retenant de léser autrui, il en découle que « toute restriction en tant que telle est un mal » (On Liberty, 1859).

La tradition judéo-chrétienne refuse de voir une distinction entre euthanasie et homicide. Selon le catéchisme de l’Église catholique :

« L’euthanasie volontaire, quels qu’en soient les formes et les motifs, constitue un meurtre. Elle est gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au respect du Dieu vivant, son Créateur ».

Toutefois, depuis Pie XII l’acceptation, voire l’encouragement des soins palliatifs par l’Église est venue nuancer la condamnation théologique et donner une dimension compassionnelle à la question de la fin de vie. C’est dans cette tradition de commisération que furent adoptés en France les principaux textes depuis la circulaire du 26 août 1986 relative à « l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale » et plus tard la loi du 9 juin 1999 « visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs » jusqu’à la loi du 2 février 2016 en passant par la loi Kouchner de 2002 et loi Leonetti de 2005.

 

Respecter la vie ou respecter la volonté de mourir

L’esprit de tous ces textes pourrait se résumer comme suit : mieux vaut respecter la vie du patient plutôt que sa volonté de mourir.

Il s’agit cependant de deux questions distinctes. En tant qu’actes médicaux visant à soulager la douleur, à apaiser la souffrance et à soutenir le malade et son entourage, les soins palliatifs constituent un droit nécessaire mais pas suffisant. La réalité démontre que le développement des soins palliatifs y compris la sédation profonde ne mettent pas fin à la demande sociale d’aide active à mourir. L’un n’exclut pas l’autre et seule l’euthanasie et surtout le suicide assisté (sans pressions ou influences externes) garantissent l’autodétermination et la souveraineté individuelles à condition que le patient puisse choisir également les soins palliatifs en toute liberté1.

L’histoire juridique de la fin de vie en France montre bien que la question n’a jamais été traitée comme celle d’une liberté protégée par l’État mais comme d’un acte médical de compassion.

C’est effectivement dans ce climat d’émotion populaire provoquée par certaines affaires très médiatisées (Chantal Sébire, Vincent Humbert, ou encore Vincent Lambert) que le politique a réagi en mobilisant son magistère d’experts agrées : Commission de réflexion sur la fin de vie, sous la direction du Pr Didier Sicard, avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur la Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir (avis n° 63 et n° 121), Conférence de citoyens, Espaces régionaux de réflexion éthique, Rapport sur le débat public concernant la fin de vie du CCNE, État généraux de la bioéthique, etc.

François Hollande avait même fait de « l’assistance médicalisée de la mort » une promesse électorale jamais tenue. Alors que 94 % des Français approuvent le recours à l’euthanasie et 89 % sont favorables au suicide assisté, alors que le président Macron s’est dit personnellement favorable à l’euthanasie et que le CCNE ouvre la voie à une aide active à mourir2, alors que nos voisins belges, suisses, italiens, luxembourgeois, espagnols, anglais, autrichiens disposent déjà du droit de l’aide médicale à mourir, la France peine à proposer un nouveau cadre légal et ceci malgré le fait que plusieurs parlementaires avaient déposé le 19 janvier 2021 une proposition de loi n° 3755 « visant à affirmer le libre choix de la fin de vie et à assurer un accès universel aux soins palliatifs en France », largement soutenue de manière transpartisane.

Les bonnes intentions politiques et expertales relèvent plus du paternalisme et du dolorisme que de la recherche d’une solution émancipatrice respectueuse de l’autonomie du malade. L’État libéral est celui qui permet à l’individu de choisir librement et de manière éclairée (selon ses convictions personnelles, sa situation sanitaire, sa tolérance à la souffrance, sa perte d’autonomie, etc.) en garantissant son droit de mourir naturellement, d’accéder aux soins palliatifs à l’hôpital ou à domicile et à la sédation profonde, de laisser des directives anticipées pour organiser la fin de vie mais aussi de disposer d’une aide active à mourir sous toutes ses formes ou de la refuser. Seul l’individu sait ce qui est digne pour lui et aucune autorité, en dehors de celle de sa conscience, peut lui imposer de subir une souffrance considérée insupportable.

Notes

  1. Il faut distinguer l’aide médicale à mourir, appelée aussi euthanasie active, de la cessation de traitement qui entraîne la mort, connue comme euthanasie passive. La cessation de traitement découle du droit de chaque individu de consentir ou non à des soins. On parle de suicide assisté lorsqu’un médecin fournit les substances létales à une personne, qui se les administre elle-même. L’aide médicale à mourir se distingue de cette situation en ce que l’acte doit être posé par un médecin et dans des conditions établies strictement par la loi par exemple lorsque la personne se trouve dans l’incapacité physique ou psychologique de le faire alors qu’elle avait effectué une demande explicite. 
  2. CCNE, Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité, avis n° 139, 13 septembre 2022. 

 

Source : https://www.contrepoints.org/2022/11/02/441967-journee-mondiale-pour-le-droit-de-mourir-dans-la-dignite

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