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mercredi 21 juillet 2021

Chasse : recette pour rendre fou un lièvre

Chasse : 

recette pour rendre fou 

un lièvre

 
 


 
Fabrice Nicolino ·

Si on n'a plus le droit de s'amuser, faut le dire tout de suite. Petite virée chez les éleveurs de lièvres destinés à mourir sous la balle des chasseurs héroïques. Comme il n'y a plus rien dans les fourrés, des spécialistes élèvent à la dure des bestioles qui autrement cavaleraient sur des centaines d'hectares. Y a du déchet, mais c'est pour la bonne cause.

 

 

 

 

Au programme de la petite section de maternelle, la merveilleuse rencontre entre les chasseurs et le bien-être animal. Le lièvre de chez nous (lepus europaeus) dispose, on le sait, de longues pattes postérieures, si musclées qu’elles lui permettent de faire des bonds de deux mètres à la verticale et jusqu’à six mètres en longueur. Ajoutons ses oreilles, plus longues que sa tête, et un poids qui peut atteindre 6,5 kilos. Pas de quoi le confondre avec un lapin de garenne, pourtant son cousin.

Que fait-il de ses longues et belles journées ? Il cavale sur un territoire d’environ 200 hectares, boulotte quantité d’herbes diverses et, quand on le fait chier de trop près, il se met à sauter comme un cabri, laissant ses adversaires, sauf un dont on va parler, loin derrière. Il arrive souvent au mâle, quand il entend baisouiller, une cruelle aventure. Il veut, elle ne veut pas. Il s’énerve et insiste en gros relou, alors elle lui envoie de beaux pains en pleine face avec ses pattes antérieures. Ensuite, poursuite(s), et pour finir, il lâche l’affaire, car quand c’est non, taré, c’est non. On appelle tout cela un bouquinage.

 

 

 

La rapidité de combat d'une hase contre un lièvre    
https://www.youtube.com/watch?v=J70wXBDkXQY

Bon, maintenant, la chasse. Les pépères veulent flinguer la beauté du monde, c’est bien naturel, car ces gens paient cher et veulent du résultat. Or la biodiversité a foutu le camp du bocage, à cause des saines pratiques pesticidaires – entre autres –, et voilà nos amis tout malheureux. Que faire ? Mais « repeupler », bien sûr. En achetant à des boîtes spécialisées des perdrix, lapins, sangliers tout neufs, à peine sortis de l’œuf. Et des lièvres, évidemment. L’irremplaçable Pierre Rigaux poursuit un travail de documentation sur le sujet et nous livre cette fois une courte vidéo sur l’élevage de lièvres.

Dans un élevage de Haute-Garonne, « grâce à un lanceur d’alerte », on peut voir un petit peu de ce qui se passe à l’intérieur. Le client-roi, c’est bien entendu la fédération de chasse, qui s’en pourlèche déjà les babines. Des dizaines et des dizaines de cages recouvertes de tôle ondulée très ondulée, emprisonnent des dizaines d’animaux contraints à s’accoupler et à se reproduire, car tel est le but principal. Le plancher des cages est en grillage aéré, ce qui permet aux crottes de tomber par terre, limitant ainsi les frais d’entretien des taulards. Le lièvre, qui courait des kilomètres, coince ses papattes dans la grille et, peu à peu, devient fou, car il ne peut même plus faire un seul bond. Et le voilà atteint de ce que les spécialistes appellent des stéréotypies, c’est-à-dire des mouvements convulsifs, façon TOC, répétés à l’infini. Un levreau sur deux meurt avant de pouvoir être vendu, à cause du stress ou de maladie. Compter 300 animaux enfermés, bon an mal an, et entre 700 et 800 lièvres adultes vendus chaque année à ceux qui graissent déjà leur fusil.

Comment un lièvre foldingue se conduira-t-il dehors ? En face de ses tueurs ? La question ne sera pas posée, car elle sous-entendrait que ces animaux existent, souffrent éventuellement, et qu’ils ont peut-être même le droit de mener une vie réelle. Ajoutons ce qui n’est pas tout à fait un cadeau. On peut se rendre en un clic sur le net chez nos amis de la Fédération des éleveurs de lièvres de France. Cette FELF annonce fièrement appartenir à la FNSEA, syndic(at) de faillite de l’agriculture industrielle. On les croit, car on ne voit pas pour quelle raison ils s’insulteraient aussi vivement. Les partenaires de ce machin s’appellent Stargib, dont « les programmes alimentaires répondent aux enjeux économiques et techniques de la filière gibier : une reproduction performante et un gibier de qualité paré pour chaque étape de sa vie :  programme alimentaire élevage, programme alimentaire futur reproducteur, programme alimentaire reproducteur ». Et « l’aliment tonique » Progibier qui promet «  une gamme d’aliments sûrs, réguliers et performants pour une reproduction performante et un gibier d’élevage de qualité ». Ajoutant avec une pointe de poésie que le gibier ainsi traité est « plus vrai que nature ». Rimbaud pas mort. ●

 

Source : https://charliehebdo.fr/2021/07/ecologie/recette-pour-rendre-fou-lievre/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=QUOTIDIENNE_16072021__NON_ABONNES&utm_medium=email

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