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samedi 14 septembre 2019

PMO - Les animaux dénaturés

Les animaux dénaturés

 Peut-être avez-vous lu la fable de Vercors publié en 1952, Les animaux dénaturés. Des anthropologues ont découvert le chaînon manquant entre le singe et l’homme : le « Paranthropus », ou « tropi ». Pour contraindre un tribunal à décider s’il s’agit davantage d’hommes que d’animaux, l’un des anthropologues tue le fils qu’il a conçu avec une femelle tropie. 

Cependant que nous, aoûtiens, paressons sur nos transats, les généticiens sont en passe d’actualiser cette fable : le Japon vient d’autoriser la production d’embryons chimériques d’animaux-humains à des fins d’expérimentation. 

Le communiqué du 26 juillet publié par la revue scientifique Nature 1, nous apprend qu’Hiromitsu Nakauchi, à la tête d’une équipe mixte des universités de Tokyo et de Stanford en Californie, prévoit d’implanter des cellules souches humaines dans des ovocytes fécondés de rats et de souris. Puis le transfert de ces embryons chimériques dans des utérus de femelles animales génétiquement modifiées. Objectif : faire produire par ces animaux des organes « humains » (des pancréas, d’abord) utilisables comme greffons. Voici Jacques Ellul 2 soulagé d’une de ses inquiétudes : belle performance que la greffe d’organes, disait-il, prévoyez juste assez d’accidents de la route afin de pourvoir à la demande. 

Nakauchi promet d’avancer lentement, en augmentant progressivement la durée de vie des embryons d’hommes-rongeurs, avant de passer à des hybrides hommes-cochons. Des expériences similaires sont autorisées aux Etats-Unis, Nakauchi a travaillé sur des embryons de brebis « anthropisés ». Le scientifique japonais est aussi prudent que Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, créatrices de Crispr-CAS9, les « ciseaux génétiques » qui simplifient ces manip’ exaltantes pour sa toute-puissance créatrice 3. 

Selon Tetsuya Ishii, spécialiste japonais des rapports science/société, sans doute un familier de notre Comité consultatif national d’éthique, il faut avancer avec précaution « pour permettre le dialogue avec le public, que ces sujets inquiètent 4 ». On espère que cette profession de prudence vous rassure sous votre parasol. Parce que l’une des questions que soulève cette fabrication de chimères animales est un risque d’humanisation de l’animal. Les cellules souches humaines, voyez-vous, pourraient passer dans le cerveau du rat ou du cochon, et transformer sa cognition. Lui conférer une forme de pensée ou de conscience de type humain. On pourrait aussi voir apparaître des mains, des pieds, un visage, sur ces créatures. Et pourquoi pas des gamètes humains (spermatozoïdes, ovules) 5. Petit coup de chaud ? Pensez à bien vous hydrater.  

Grande percée pour les antispécistes. Voici enfin abolies les barrières, les différences et donc, selon l’impeccable logique déconstructionniste de toutes-les-formes-de-domination, l’inégalité entre hommes et animaux (certes, les premières greffes sont au profit des humains, mais il faudra envisager la réciproque dans une perspective vraiment antispéciste).

Merveilleuse nouvelle pour les « transbiomorphistes » qui se ressentent cheval (et s’injectent du sang d’équidé), chèvre ou nuage, pour les ennemis des catégories « binaires » et de leurs limites, les adeptes d’hybridations et de chimères créatives. Pour les émules de la cyber-« féministe » Donna Haraway, de ses rêves de corps désassemblés-réassemblés, « de frontières transgressées, de fusions redoutables et de possibilités dangereuses », de sa relation zoophile avec sa chienne Mlle Cayenne Pepper 6, et pour qui,« à la fin du XXe siècle nous sommes tous des chimères, des hybrides de machines et d’organismes pensés et fabriqués. En un mot, nous sommes des cyborgs 7. » 

Quant à leurs alliés transhumanistes, à l’affût de toutes les solutions d’automachination pour accéder à la foire aux immortels, ils ne peuvent qu’exulter de ce nouveau progrès. 


Pièces et main d’œuvreGrenoble, 
le 6 août 2019, 
74 ans après l’explosion de Little Boy sur Hiroshima


1 https://www.nature.com/articles/d41586-019-02275-3 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com 

2 Auteur notamment de Le système technicien (1977) et Le bluff technologique (1988)

3 Cf. Manifeste des chimpanzés du futur contre le transhumanisme, Pièces et main d’œuvre (Service compris, 2017)

4 https://www.nature.com/articles/d41586-019-02275-3

5 Cf. Le Monde, 1/08/19, sur www.piecesetmaindoeuvre.com

6 Décrite avec force détails dans Manifeste des espèces de compagnie (Editions de l’éclat, 2019)

7Cyborg Manifesto, D. Haraway,1985


Source : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/animaux_de_nature_s.pdf

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