Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

dimanche 4 septembre 2016

Chronique des ZAD août 2016 - Notre-Dame-Des-Landes - Bure - Vintimille - Gaillac - ROD à Varsovie - Mexique


Des infos, des liens, des photos pour tout savoir (ou presque) sur ce qu'il s'est passé en août 2016 autour des Zones A Défendre : on y parle de Notre-Dame-Des-Landes et de plein d'autres choses.

Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle



PROJET D’AYRAULT – PORT de NOTRE DAME DES LANDES (44)
Source : ZAD.nadir.org et médias
août 2016
Et ailleurs : Bure (55) – Vintimille (06) – Gaillac (81) – ROD à Varsovie (Pologne) – Mexique -

ZAD de NDDL - 44

Infos du 1er au 7 août



Samedi 6 août

Sur la zone, l’été bat son plein : sous le soleil, plein de gens se rencontrent, découvrent la zone et la lutte, discutent, plein de chantiers s’activent - constructions, récoltes, aménagements.

Infos du 8 au 14 août



Mardi 2 août

Il fait toujours beau sur la ZAD... et les invitations à y passer sont nombreuses : 

voir l’agenda pour les prochains rdv...

N’oubliez pas de consulter les infos pour arriver ici et les conseils si vous voulez 

passer quelques temps à découvrir la lutte d’ici.

le Haut Fay cherche du bois pour un chantier "dortoir" pour préparer l’hiver

Samedi 13 août



Ça y est, ça commence à sentir la rentrée : 


Mardi prochain, avec une AG de préparation de la mobilisation du 8 octobre : à 

20h30 à la Vache Rit pour s’organiser : appel à tou.te.s les motivé.e.s ! 



Des charpentiers se retrouvent la semaine prochaine pour participer à la 

préparation de hangars, qui pourraient être monté à l’occasion de cette mobilisation 



L’université d’été des luttes est pour bientôt, même si le PS ne sait plus s’il en fera une ou pas 



Des invitations à des we de formation à l’action et la désobéissance sont lancées pour tous les we de septembre 



Et des rencontres intercomités à organiser bientôt

Et on peut faire tout ça en chanson, envoyée par le duo folk Maïna B

Infos du 15 au 21 août



Vendredi 19 août

Suite à l'annonce par COPAIN et la Coordination pendant le rassemblement du 9 et

 10 juillet, le mouvement dans toutes ses composantes s'est réunit en assemblée pour

 commencer à organiser une grande mobilisation à l'automne.

La dernière assemblée a rédigé le premier appel qui suit :

« Le gouvernement a donné rendez-vous à l'automne prochain pour expulser la zad de 

ses habitants et démarrer les travaux de l'aéroport. Nous ne les laisserons pas faire ! 

Nous donnons rendez-vous de notre côté à toutes celles et ceux qui veulent défendre 

ce bocage et ce qui s'y vit le 8 octobre prochain."
 

Infos du 22 au 31 août

Lundi 22 août

C’est parti pour le chantier hangar ! Sous un soleil de plomb, une bonne soixantaine de motivé.e.s s’activent à découper du bois avec pour objectif la construction d’une grange de 200 mètres carrés, qui sera assemblée lors du rassemblement du 8 octobre. Pour celles et ceux qui voudraient rencontrer les charpentier.ères le vendredi soir sera le moment d’une fête collective aux Fosses Noires : concerts, bar et discussion sont prévues jusqu’à tard. Tout le weekend illes accueilleront sur le chantier les personnes curieuses des techniques de charpente traditionnelle.

Ca s’active ailleurs sur la zad, chantier à la Quaterelle, aux Vraies Rouges... une chose est sure : ici on continue à construire en dur sans s’inquiéter des menaces gouvernementales.

Jeudi 25 août

La chaleur est toujours au rdv et le chantier hangar avance tranquillement le jour tandis que les nuits se remplissent de chouettes ambiances arrosées de bonnes bières du coin dans le bar improvisé pour l’occasion aux fosses. Pendant ce temps-là, à la Wardine, une Horde a débarquée, prête à nous enrichir de méditations collectives et autres ateliers du bien-être à la musique, en passant par un peu de clownesqueries. A Bellevue, l’inter-luttes se conjugue au basque cette semaine avec une joyeuse petite bande remontée du fin fond du sud pour échanger sur des pratiques, des idées, des envies, des modes de vie, des luttes communes...



On va pas perdre du temps au point de parler du gouvernement, fait bien trop beau pour s’encombrer de vieux corbeaux !


Vendredi 26 août



Nous sommes très heureus.e.s de vous annoncer la naissance imminente du Taslu, une bibliothèque pour la zad..





Plusieurs rendez vous à venir, ouverts à tout.e.s,l’inauguration, le 10 septembre à 18h et une première soirée discussion le samedi 17 septembre à 18 heures, autour de l’arme à l’œil, un essai extrêmement pointu sur les techniques de répression policière, sorti en mai dernier aux éditions du bord de l’eau. Son auteur, Pierre Douillard-Lefevre, sera parmi nous pour en débattre.


A lire ici : un article sur le chantier "charpente" de la semaine




ET AILLEURS

Infos du 1er au 7 août

Lundi 1er août

Du 8 au 19 août : Deuxième manche de l’été d’urgence à Bure !

Aux confins de la Meuse, il se trame quelque chose. Depuis le début de l’été, nous avons multiplié les manifestations contre la poubelle nucléaire et son monde. Nous nous sommes rassemblé.e.s à plusieurs milliers devant le « laboratoire » et avons occupé, pendant 3 semaines, le bois Lejuc pour bloquer les travaux. La résistance au projet CIGEO a trouvé le point de ralliement qui lui manquait. Un nouveau front s’ouvre contre le diktat des aménageurs.

Tout au long de ces semaines, nous avons été de plus en plus nombreux-euses. Des personnes venues de toute la France et d’Europe ont convergé vers Bure pour de grands rassemblements festifs. Beaucoup de vies ont été bouleversées par les événements récents. Certain.e.s habitant.e.s se sont retrouvé.e.s à dormir sur les barricades, dans la chaleur du mois de juillet. Des paysan.ne.s ont bloqué les voies d’accès avec leurs tracteurs. Des gen.te.s d’ici et d’ailleurs sont présent.e.s au quotidien, pour quelques jours, ou pour s’installer progressivement.

Ils plongent dans la lutte et s’attachent à cette terre qu’ils ne connaissaient pas il y a encore deux mois, décidés à peupler ce territoire hostile d’une joie indestructible.

Après nos premiers succès, nous avons aussi essuyé des coups au moral et sur les corps. Nous avons été expulsé.e.s de la forêt, puis nous y sommes retourné.e.s, fort.e.s d’une énergie collective encore jamais ressentie. L’intensité du mouvement a poussé l’Andra, derrière sa propagande bien rôdée, à révéler son vrai visage répressif : des manifestant.e.s ont été blessé.e.s par les flashballs des gendarmes, par les manches de pioche des vigiles ou placé.e.s en garde à vue. A l’orée du bois, l’agence érige maintenant des murs et des barbelés. Les hélicoptères de la gendarmerie survolent les villages.

 Plus que jamais, à Bure, l’été d’urgence est déclaré.

*#Occupybure

*

Une première étape a été franchie. Nous devons désormais penser au coup d’après et enraciner la résistance. Nous appelons à deux semaines de rencontres, du 8 au 19 août pour poursuivre les chantiers en cours, à l’ancienne Gare de Luméville (à 5 kilomètres de Bure). Nous y installerons un campement pour construire, échanger et s’organiser sur le long terme. Venez avec vos envies, vos idées et votre matériel. Nous imaginons promenades, blocages, débats, jeux grandeur nature, ateliers…

Toutes les énergies seront les bienvenues pour  faire le procès du nucléaire et de son monde !

Le week-end du 12-13-14 août sera le point d’orgue du campement.

Vendredi 12 août au soir : concerts ; samedi 13 : ballades et présentation de la lutte et dimanche 14, à 11h : grande manifestation contre le projet CIGEO et l’accaparement du bois Lejuc.


Retrouvons-nous massivement à Bure pour ensevelir la poubelle nucléaire sous une irréversible marée humaine !

*C’est maintenant que ça se passe !!!

*
*ANDRA, DEGAGE ! RESISTANCE ET AFFOUAGES !
 CONSTIPONS LE NUCLEAIRE ET LE CAPITALISME !*




Déchets nucléaires à Bure: la justice réclame la suspension des travaux


C’est une victoire juridique d’importance pour les opposants à l’enfouissement des déchets nucléaires. Le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc a réclamé la suspension des travaux de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) dans le bois Lejuc, à Bure, dans la Meuse.


La justice a tranché : « Les travaux entrepris créent un trouble manifestement illicite. » Le tribunal de grande instance (TGI) de Bar-le-Duc, a enjoint ce lundi 1er août à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) de suspendre les travaux effectués dans le bois Lejuc, près de Bure (Meuse) et de remettre le site en l'état (voir l'ordonnance in extenso ici). 


C'est là, à la frontière entre la Meuse et la Haute-Marne, que l'Andra envisage de créer un site d'enfouissement de déchets nucléaires, un projet baptisé Cigéo. Elle avait commencé au mois de juin la construction d'un mur et d'une large voie d'accès dans le bois Lejuc, mais huit associations et quatre habitants de Mandres-en-Barrois, la commune voisine de Bure, ont assigné l'agence en référé le 25 juillet. « Ces travaux de défrichement ont été réalisés en violation du code forestier, sans demande auprès de l’administration concernée et sans aucun affichage réglementaire », expliquaient alors les associations.

Alors que la justice vient de leur donner raison, leur avocat, Étienne Ambroselli, s'est dit ce lundi « extrêmement satisfait d'une décision très courageuse, et de bon sens ». « Cela fait deux mois que nous tirons la sonnette d'alarme, et c'est la première fois qu'un représentant de “l'État de droit” arrête l'Andra et son comportement délinquant », s'est félicité le conseil auprès de Mediapart.

Les associations ont quant à elle qualifié la décision de justice de « rappel à l’ordre cinglant et historique ». Dans un communiqué commun, elles attaquent une nouvelle fois les méthodes de l'Andra. « Travaux illégaux, embauche de mercenaires pour “protéger” le mur : les manœuvres et manipulations […] pour imposer Cigéo sont maintenant exposées au grand jour. Cette décision marque également le bien-fondé et la légitimité de la mobilisation de plusieurs centaines de personnes et des habitants qui s’opposaient depuis plusieurs semaines aux travaux de l’Andra », poursuit le communiqué. 

Lors de l'audience, qui s'est tenue au tribunal de grande instance le 28 juillet, l'Andra avait estimé être « contrainte de protéger sa propriété » et avait dénoncé « l'occupation illégale du bois ». Estimant que la destruction de l'état boisé du lieu n'était pas démontrée, elle avait assuré ne réaliser que des « investigations géologiques autorisées et l'installation d'une clôture ». La décision avait été mise en délibéré.

Le tribunal a donc considéré ce lundi 1er août que l'Andra a bel et bien procédé à un défrichement, et que les travaux engagés nécessitaient une autorisation de la préfecture dont l'agence ne disposait pas. En conséquence, le TGI réclame « de suspendre tous travaux de défrichement » des parcelles concernées, « jusqu'à obtention d'une autorisation exécutoire » conforme au code forestier. 
 
Par ailleurs, la justice enjoint à Andra de « remettre en état les parcelles [...] défrichées, par la suppression du géotextile, de l'empierrement et de la clôture en murs de béton et par la replantation dans le respect d'aménagement du plan forestier du bois Lejuc », dans un délai de six mois, « sauf autorisation de défrichement obtenue par l'Andra dans ce délai ». L'Andra a également été condamnée à verser 1 500 euros aux requérants au titre des frais exposés.

Le projet Cigeo prévoit l'enfouissement à 500 mètres sous terre et pour une durée indéterminée des déchets les plus radioactifs et ceux ayant la durée de vie la plus longue. Il suscite une opposition depuis deux décennies, mais la mobilisation des opposants s'est accrue ces derniers mois, tant au plan local que national (lire notre reportage ici).

Au mois de juin dernier, l'Andra a commencé des travaux dans le bois, et a défriché, depuis, environ sept hectares. Plusieurs dizaines de militants antinucléaire ont alors décidé d'occuper la forêt pour ralentir les travaux, considérant que l'ancien bois communal avait été acquis par l'Andra de manière litigieuse. Après leur expulsion, les travaux ont repris et un mur en béton a été édifié par l'agence, confortée par le vote – par une vingtaine de députés le 11 juillet – d'une proposition de loi sur la « réversibilité » de l'enfouissement des déchets. 

L'Andra dispose désormais de six mois pour remettre le site en état et peut encore demander une autorisation de la préfecture pour reprendre les travaux. Mais, concrètement, cette autorisation ne peut être délivrée qu'après une longue procédure incluant vraisemblablement une étude d'impact et une enquête publique. Autrement dit, les travaux ne devraient pas reprendre avant plusieurs mois.


Un recours contre l'arrêté municipal autorisant la construction du mur est en préparation, et les associations et opposants à Cigéo annoncent « d'autres recours en préparation ». Une « grande manifestation » est également annoncée sur place le 14 août. « Cela commence très, très mal pour Cigéo », veut croire Étienne Ambroselli.


Aurélie Delmas - Médiapart

Mardi 2 août



des nouvelles de Bure : hier, première historique : le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc a rendu un jugement qui interrompt provisoirement tous travaux dans le Bois Lejuc et qui demande la remise en état des lieux dans un délai de 6 mois si aucun arrêté préfectoral ne vient autoriser les défrichements d’ici là. A lire ici le communiqué des associations à l’initiative de la plainte
 

Les chantiers de résistance et de lutte continuent quand même, avec un programme du 8 au 18 août à voir ici




A lire aussi, la déclaration finale du 6ème forum contre les GPII qui se tenait cette année à Bayonne


Samedi 6 août



Nous étions des habitant.e.s et collectifs de la zad à participer au Forum Civique Européen à Longo Maï. 
 

Nous diffusons à ce titre ce communiqué sur la situation à Vintimille que nous avons cossigné :

    Vintimille : les migrants débordent le dispositif frontalier


Communiqué de solidarité du congrès du Forum civique européen

Nous étions réunis à plus de 400 personnes de différents collectifs, mouvements et associations des 4 coins du monde cette semaine à Longo maï, près de Forcalquier, pour le Congrès du Forum Civique Européen (FCE). Nous tenons à réagir fortement après les évènements des ces derniers jours sur la frontière franco-italienne.

Depuis des mois, les mesures de répression des migrants se renforcent, notamment à Vintimille. Le passage de la frontière franco-italienne est de plus en plus dur et la solidarité avec les réfugiés toujours plus criminalisée. La tension est encore montée d’un cran. Dans la nuit du 4 août 2016, environs 300 migrants ont décidé de quitter le centre de la croix rouge italienne et de se diriger vers la frontière. Ils voulaient exiger collectivement son ouverture et la libération d’un de leur compagnon placé en centre de rétention administrative dans le sud de l’Italie.

Alors que la police italienne les évacuait violemment, plus de 200 personnes ont réussi à leur échapper. Ils sont parvenus à passer la frontière à la nage ou à pied, sous les charges et les tirs de gaz lacrymogènes de la police italienne d’un côté et française de l’autre. Après une chasse à l’homme dans plusieurs villes avoisinantes, plus de 144 migrants ont été arrêtés et maintenus en détention dans les containers de la Police aux Frontières (PAF) de Menton Garavan ou ramenés de force en Italie..

La police française a empêché les journalistes de France 3 et de certains organes de presse de prendre des photos. Elle a détruit une partie de leur matériel pour tenter de cacher le fait qu’elle avait alors perdu le contrôle de la frontière. Au cours de ces évènements, 17 personnes parmis celles venues en soutien, notamment pour apporter de l’eau aux migrants massés au soleil, ont aussi été arrêtées, à la fois coté italien et français. Comme cela se pratique de plus en plus couramment pour faire obstacle à la solidarité, 2 d’entre eux ont reçu des restrictions administrative de territoire : interdiction de se rendre dans les 16 communes de la province de Vintimille en tant qu’italien, et interdiction de territoire italien pour 5 ans en tant qu’étrangers. Depuis, les soutiens « no borders » sont accusés dans les médias et par certains politiques d’avoir « encadré » et « fomenté la révolte ».

Depuis le congrès du Forum Civique Européen et en tant que personnes, collectifs et associations actifs aux cotés des migrants, nous voulons affirmer notre solidarité entière avec tout ceux qui sont actuellement détenus et chassés de chaque coté de la frontière. Nous voulons aussi participer à rétablir quelques vérités :

Contrairement à ce qu’impliquent certains réflexes de pensée nauséabonds, les migrants sont tout à fait à même de s’organiser de manière autonome pour tenter de passer la frontière et pour énoncer leurs revendications. Ils n’en ont tout simplement pas le choix après avoir enduré les plus grands risques pour arriver jusqu’ici et échapper aux guerres, à la pauvreté, et aux dégradations environnementales entraînés par les politiques post-coloniales et marchandes. Cette semaine, la police a été débordée à la frontière par une initiative collective des migrants. Ce n’est pas la première fois à Vintimille, et c’est une petite victoire face aux renforcement des politiques racistes et sécuritaires que les migrants subissent de plein fouet.

La mise en avant et la criminalisation des « no borders », dans ce contexte, sert avant tout à invisibiliser l’initiative des migrants. En réalité, depuis un an, la multiplication des arrestations et des interdictions de territoires pour les soutiens rendent de plus en plus difficile les manifestations de solidarité.

Nous appelons néanmoins à continuer à agir en accord avec les revendications des migrants : contre les frontières et pour la liberté de circulation, pour la possibilité de vivre là où ils le souhaitent et de rejoindre leurs proches. 
 
Contre les contrôles, persécutions, détentions et l’exercice du racisme d’État, contre l’idéologie de la guerre, la militarisation et les politiques économiques qui les entraînent.

Nous appelons dans un premier temps à manifester ce dimanche à Vintimille à 15h
Signataires : les collectifs, associations et individus réunis à l’occasion du congrès du FCE


Infos du 8 au 14 août

Vendredi 12 août

Vivre de squat, d'échanges et récup'


Gaillac, 14 000 habitants au nord-est de Toulouse. Ancien OS d’Airbus, Fabrice roule à l’huile de friture et vit en autonomie. Justine s’y essaie. Comme d’autres, ils tentent de se construire un ailleurs, au-delà du monde marchand, et de recréer un dialogue après les événements autour du projet de barrage de Sivens, qui ont durablement marqué la région. Premier article de notre série « Au-delà de l'économie marchande ».

Gaillac (Tarn), de notre envoyé spécial.-  6 h 45, un lundi de la fin juin. Gaillac s’ébroue. La place de la Libération est encore vide, le soleil tourne sur les façades de briques ocre et rose. En costume-cravate, seuls au volant de leurs voitures, les cadres défilent, direction Toulouse, parfois Albi. Quelques vignerons se rendent aux vignes. Et justement, une Citroën ZX antique se profile à l’horizon. À bord, Justine, 25 ans, peu diserte, et Flora, 33 ans, les yeux encore baignés de sommeil. Dix kilomètres de route bordés de platanes vers Cahuzac-sur-Vère. De chaque côté, la vigne, et les caves coopératives. Un rond-point orné d’une sculpture moderne annonce fièrement l’invention, ici même en 1984, du sécateur électrique. Puis un chemin de terre, le long d’un champ de blé, et la vigne, qui s’étend sur une parcelle de plus d’un hectare. Dans le coffre, des atomiseurs pour asperger les feuilles d’un domaine pas comme les autres. Il s'agit d'une vigne collective : 1 hectare et 23 ares de mauzac (blanc), 25 ares de duras (rouge), prêtés par un vigneron du coin, qui les a en fermage et récolte un peu d’aide en échange. C’est aussi lui qui se charge de la vinification.

La « vigne co’ », comme l'appellent ceux qui l'entretiennent, fonctionne avec « 8 personnes en tout, 4 sur 5 sont vraiment mobilisées, on met la main à la pâte et on donne 50 euros par an pour acheter ce qu’on ne peut pas récupérer pour le traitement, puis les vendanges, et tout le reste », explique Flora, ancienne salariée d’une revue parisienne et dernière arrivée dans le collectif. Sa serpe à la main, Justine part désherber.

Gaillac, au petit matin. Juin 2016 © Pierre Puchot


Arrive Fabrice, 29 ans, au volant de sa Volvo, muni des outils et des produits nécessaires au traitement de la vigne, « tout bio, évidemment. Bon, on met un peu de soufre quand même. En 2014, on n’a pas traité, et pfffiou, le mildiou nous a tout bouffé, pas de vin pendant deux ans. Horrible ». Une petite odeur près de sa voiture, âcre, différente de celle de l’essence : Fabrice roule à l’huile de friture, « l’huile de kebab, mes deux véhicules [une Mercedes 307 et la Volvo six cylindres ; seuls les vieux véhicules peuvent rouler à l'huile de friture] tournent à ça, ça marche très bien, on peut tout à fait se passer de gasoil, à hauteur de 98 %, après le démarrage, disons ».



Fabrice et Justine vivent aujourd'hui sans salaire, sans vendre non plus leur force de travail. Entre deux colocations, Justine habite  à Gaillac, où elle est hébergée gratuitement en échange de menus travaux. Fabrice réside dans un mobil-home qu'il a acquis, sur un terrain qu'il possède avec six de ses amis. La seule facture de Fabrice ? Son téléphone, qui lui coûte deux euros. Fabrice affirme être totalement autosuffisant : il récupère l’eau de pluie et en tire du puits, roule à l’huile de friture, génère de l’électricité grâce à ses panneaux solaires, produit sa propre nourriture et use de la « récup' » pour ce qui lui manque. Fabrice et Justine s'efforcent ainsi de vivre des produits qu'ils cultivent et qu'ils récupèrent, sur les marchés, à la sortie des déchetteries et des supermarchés. La « récup' », toujours la « récup' », obsession du quotidien, base de leur économie, antithèse du consumérisme qu’ils dénoncent, de ces produits « inutiles qu’on nous fait acheter et qui se pètent pour un rien », peste Justine. Alors ils n’achètent rien : « si, de temps en temps le tabac, mais je vais bientôt arrêter de fumer », glisse Justine, qui utilise pour cela une partie infime de ses économies, un héritage familial de 5 000 euros. 


Justine et Fabrice abordent l'aide sociale et les revenus de solidarité de manière différente, sans pour autant que la question ne les divise. À 25 ans, Justine a droit au RSA mais n'en a pas encore fait la demande. La question la tourmente : le demandera-t-elle, elle qui n’a ni voiture, ni loyer, ne déclare pas d’impôts, n’est pas inscrite à la Sécurité sociale, et s’applique depuis trois ans à ne laisser aucune trace dans le système marchand, et étatique ? « J’hésite : avec le RSA, je pourrais davantage contribuer à la coloc', verser un loyer, aider les gens qui m’hébergent. Je vais sans doute le faire. Mais 450 euros par mois, je ne saurai pas quoi en faire : si c’est pour acheter un truc qui va être cassé en deux minutes, ou qui va me faire devenir feignante… Et puis, je n’ai pas envie de pointer, de quémander, et d’alimenter les bases de données de notre cher gouvernement. » Fabrice, lui, touche le RSA et n'en éprouve aucune gêne, car il le « redistribue quasiment entièrement » à ceux dont il estime qu'ils en ont besoin, à travers les caisses de grève ou de généreuses contributions aux communautés qu'il fréquente. « Avec l'argent du RSA, je me suis aussi abonné à sept journaux, comme le CQFD, ou Bat kid à Toulouse, et le Saxifage, le journal de Gaillac, pour en faire profiter tout le monde autour de moi, explique le jeune homme. Je ne me sens pas profiteur, puisque l’argent va à la collectivité. Je n'en ai pas besoin, mon modèle de vie ne repose pas là-dessus. Je capte cet argent pour le réorienter là où cela me paraît le plus juste. »


Ce matin-là, un autre acolyte les a rejoints et toute la troupe s’active durant quatre heures dans les vignes, face au soleil rasant. Un gros travail, qu’il n’est pas question de monnayer. Le vin produit ici n'est pas vendu, il sert à l'« autosuffisance en pinard » des membres de la « vigne co' ». Le monde marchand ne fait plus partie de l’univers de Justine et Fabrice, depuis plusieurs années déjà.


Fabrice avait tout pourtant pour faire carrière dans l’entreprise la plus prestigieuse de la région : Airbus. Originaire du « Gaillacois », rétif à l’apprentissage scolaire, il s’oriente à 16 ans vers l’école privée du constructeur aéronautique pour un CAP ajusteur-monteur en aéronautique. Le jeune homme n’en garde pas un grand souvenir : « Une formation disciplinaire, semi-militaire : un règlement interne strict, pas de short, pas de pantalon trop long, pas de piercing, de cheveux trop courts ou trop longs ; ils ont même renvoyé un pote chez lui parce qu’il était mal rasé… une bonne ambiance. Dès l’école aussi, on nous expliquait qu’on allait entrer dans une grande famille. Un avant-goût de ce qui se passait dans l’entreprise. C’est spécial, Airbus. »


En 2005, à 18 ans, il touche un salaire de 1 450 euros, plus important que celui de sa mère, secrétaire, et de son père, infirmer à Albi. Il déclare 18 000 euros de revenus lors de sa première année. « Sauf que ça ne me plaisait pas. Le boulot en lui-même n’était pas mal, basé sur un vrai savoir-faire. Mais après l’école, c’était pire. Le mot “Jeune”, “c’est bien, Jeune”, “tais-toi, Jeune”, c’était assez particulier. Et puis les chefs qui viennent te voir pour que tu achètes des actions, les syndicats aussi. J’avais bien senti que derrière cette culture d’entreprise, il y avait des choses louches. »

Fabrice entre dans l’entreprise l’année où son PDG, Noël Forgeard, la quitte. « Tous les soirs, le bourrage de crâne à la télé, se rappelle Fabrice.L’A380, c’est le boom économique, une grande chance pour le sud de la France”… Jusqu’au moment où ils ont annoncé que l’A380 avait huit mois de retard. Et puis l’action a dégringolé. » Surtout, un jour, « j’étais en train de travailler sur l’A380 et un collègue me demande de venir lui donner un coup de main. On commence à monter des pièces, et je m’aperçois que je travaille en fait sur l’A300 M, l’avion militaire. Cela m’a choqué, je me suis dit : “J’équipe un avion militaire, un avion qui tue.” Et puis, je me suis mis avec une copine, Lætitia, qui a commencé à me faire bouquiner, Sartre et Camus principalement. Et j’ai fini d’ouvrir les yeux. »

« Ça me fait peur de travailler »

Un matin, le réveil sonne, Fabrice l’ignore. Il démissionne, au grand dam de sa famille. Une nouvelle vie commence. En colocation à Toulouse, Fabrice loge avec des étudiants plus âgés que lui, « qui se questionnent, mais pas militants pour un sou ». Ils l’initient à la « récup' » : « Ça marchait plutôt bien : encore tout dernièrement, on a récupéré 500 litres d'huile de friture ; comme je ne roule pas beaucoup, ça me fait plusieurs mois. »

  La mère de sa petite amie est impliquée dans le réseau Nature et progrès (association proactive dans le développement de l’agriculture bio), dans le réseau du Sel (le service d’échange libre), et la création des premières Amap (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne). Fabrice découvre un nouveau monde, a envie d’apprendre, de repasser le bac, de s'inscrire à l’université. Il rencontre aussi Mohamed, palestinien, Karim, égyptien, qui effectuent leurs études en droit international à Toulouse, « pour essayer de faire avancer les problématiques dans leurs pays. Karim nous conseille d’aller en Égypte, de profiter de la vie pas chère là-bas, pour poursuivre nos études. Le père de Lætitia était égyptien… Finalement, on est partis vivre à Alexandrie en 2007. J'avais 20 ans. Moubarak était encore là [le président égyptien déchu en 2011], j’ai eu l’impression de me retrouver dans 1984. Mais pour moi, ce fut vraiment une renaissance ». Le couple y restera huit mois.



Une séance de traitement de la « vigne co' ». Juin 2016 © Pierre Puchot


De retour à Gaillac, en 2010, Fabrice s’initie à la fabrication du vin dans une première vigne collective, fabrique ses premières toilettes sèches, apprend à gérer un compost, à s’occuper des animaux. Puis le couple se sépare, Fabrice part étudier la musicologie à Dijon, puis à Salamanque (Espagne). Deuxième déclic. « Après Airbus, je n’ai pas vraiment retravaillé, quelques jours par-ci, par-là, dans le bâtiment, dans la vigne, parce qu’on me le proposait. À Dijon, j’avais ma bourse d’études, et la CAF (Caisse d'allocations familiales). En Espagne, c’était plus dur, il y a un vrai business Erasmus là-bas, il fallait donner le loyer et les factures en argent liquide. Tout cet argent juste pour avoir un toit, dormir, avoir de l’eau, ça m’a paru absurde. Je me suis dit à ce moment que plus jamais je ne paierais pour dormir quelque part, et pour avoir de l’eau. »


En 2014, sa licence en poche, Fabrice a conservé presque la totalité de son « butin » d’Airbus, 12 000 euros mis de côté après son année dans l’entreprise : « Je n’allais pas dans les bars, je n’ai jamais été dépensier. Je volais souvent la nourriture dans les supermarchés. C’est une fierté, vu tout le mal que font ces entreprises-là aux producteurs, qu’elles étranglent avec des prix ridiculement bas, et aux consommateurs, qu’elles empoisonnent. »


Contre 200 euros, Fabrice achète finalement une caravane qu’il retape. L’hiver, il part en voyage, en Irlande, en stop, puis aménage un mobil-home, offert par un couple chez qui il a travaillé en maraîchage, trois ans plus tôt : « Je l’ai ramené grâce au tracteur d’un ami. Dans ce mode de vie, tout se fait grâce au groupe, à l’entraide. Pareil pour le terrain que j'occupe aujourd'hui : depuis quelque temps, je ressentais le besoin d’avoir de la terre, et un ami a trouvé ce qu’il me fallait : 15 hectares inconstructibles contre 45 000 euros. J’avais les économies d’Airbus, j’ai avancé un peu d’argent pour les autres et on a pu l’acheter, à sept, en groupement foncier agricole (GFA) pour emménager dessus. »

Clarinettiste et guitariste, membre d’une fanfare semi-professionnelle qui se produit régulièrement, Fabrice souhaite donner gratuitement des cours de musique aux enfants, pour transmettre en dehors des cadres habituels du salariat. Il construit également un four itinérant pour fournir du pain aux manifestants pendant les défilés contre la loi El Khomri, ou dans le cadre d'un collectif d’artistes nomades baptisé la « caravane intergalactique », qu'il a rejoint il y a deux ans. Le travail salarié, en revanche, « plus jamais : j’ai été très déçu d'Airbus, j’étais malheureux. Et puis, cette histoire d’avion militaire, tu te dis : “C’est pas possible, qu’est-ce que je fais là !” Aujourd’hui, ça me fait peur de travailler, parce que j’ai l’impression que je participe à un système que je hais où il y en a qui se gavent quand d’autres n’ont rien ; je n’ai pas non plus envie de faire pousser cette nourriture pleine de pesticides cancérigènes ; de reproduire une école qui forme trop à la chaîne, dans des classes surchargées. L’école ne nous prépare pas à vivre ensemble, elle ne promeut que la réussite professionnelle individuelle. À aucun moment, les profs ne posent la question : “De quelle société vous auriez envie ? Comment, collectivement, peut-on améliorer les choses ?” Mon choix, c’est une solution individuelle pour en sortir. Ce matin, j’ai mis le réveil à 5 h 30 pour tout préparer pour la vigne. Je suis prêt à faire des heures, mais pas pour Airbus et ses actionnaires. » 

« C’est loin, Paris. On a beau dire, c’est du papier, des images »


Toutes les trois rangées de ceps pulvérisées, Fabrice doit recharger son pulvérisateur. À son passage, Justine lève la tête. Plus méfiante que Fabrice, elle est aussi plus directe et concise. Pour elle, le déclic fut la Zad de Notre-Dame-des-Landes : « J’habitais à Lyon, on s’était un peu mobilisés avec des copains de la fac contre la loi Fioraso [loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche], puis je suis allée manifester à Nantes le 22 février 2014 contre l'aéroport, et on a passé une semaine à la Zad. Ça a été un gros questionnement de vie. À la veille de repartir pour reprendre les cours, on nous a proposé de rester, et je me suis rendu compte que ce que je prenais pour une évidence, le retour à la fac, n’en était pas une du tout. Du coup, j’ai arrêté la fac. »

Suit le printemps de Sivens, contre le projet de construction du barrage, où elle passe une semaine, « dans une cabane toute seule. Aller chercher mon eau au puits, j’ai adoré ça ! J'ai réellement pris conscience que j’en avais assez de passer mon temps assise sur une chaise entre quatre murs. J’avais toujours aimé la campagne, mais je n’avais pas eu d’accroche pour m’en rendre compte vraiment. J’avais ce côté un peu adolescente rebelle, un attrait pour les squats, le refus de la discipline, tout ça. Du coup, je ne voulais pas non plus faire une formation dans le maraîchage, j’étais incapable de rester en place ».


Centre-ville de Gaillac. Juin 2016. © Pierre Puchot


Justine a arrêté les études en première année de master philosophie. « J’aimais bien la philo, mais pas les cours. J’ai vraiment apprécié les lectures. Deleuze, Foucault, Rousseau, Bachelard. En première année de master, il y a avait un cours sur la philosophie de l’imaginaire. Cela consiste à chercher à qualifier et à comprendre comment se structure la vie imaginale, et relier la raison, la perception et la connaissance. Moi, je voulais le faire sur la cartographie : c’est à la fois un support sémiologique et un témoin des connaissances de notre temps. » De Deleuze, elle retient Mille Plateaux – le second des deux volumes ayant pour sous-titre « Capitalisme et schizophrénie », issu de la collaboration entre le philosophe Gilles Deleuze et le philosophe et psychanalyste Félix Guattari –, et « toute cette boîte à outils qu’il mettait en place, ces concepts qui paraissaient sortir de l’approche très cartésienne avec un sujet d’étude que l’on essaie de creuser. Ce qu’essaie de faire Deleuze, c’est beaucoup plus abstrait, chaotique, et instinctif. Dans la philosophie classique, on va attendre d’apprendre comment penser avant de penser. Chez Deleuze, il faut d’abord sentir, pour ensuite organiser ce que tu en es en train de penser. De ses concepts, je m’en sers tous les jours, ça m’a configuré l’esprit, en quelque sorte ».


Au démarrage des travaux à Sivens, Justine reste un mois et demi « sur zone » : « Puis j’en suis partie, parce que ça devenait un peu inutile de se prendre des lacrymos tout le temps, et parce que ma mère a eu la très mauvaise idée de me rejoindre, pour voir comment ça se passait, et a très mal vécu la violence des forces de l’ordre. Mes parents, fonctionnaire à la Poste et aide-soignante, ne sont pas du tout militants, mais ma mère est très sensible à ce genre de cause écolo, les Amap, tout ça. » Justine passe ensuite plusieurs mois à « vadrouiller », de ferme en lieu collectif, retourne à Sivens, puis passe un peu de temps dans un squat à Gaillac. Retournée à la Zad de Notre-Dame-des-Landes, elle songe à s’y installer. Mais une rencontre du collectif Reclaim the fields (rassemblement de personnes souhaitant sortir du capitalisme par la création de lieux collectifs et autonomes, respectueux de l'environnement) la pousse à revenir près de Toulouse.

Vue de Gaillac par le Tarn. Juin 2016 © PP


Fabrice voyageant durant l’hiver, il fut présent sur la Zad de Sivens pendant les travaux, à partir du 1er septembre 2014, jusqu’en décembre. « On était à la maison de la forêt, on entendait les tronçonneuses. Et là, ça a été le début de la violence, on prenait des coups de matraque tout le temps. C’était dur de voir l’acharnement de la police, de l’administration, à dire que ça venait d’ailleurs, comme si tous les zadistes ne venaient pas de la région… Toute cette énergie développée pour un projet qui n’est que “business”. Et qu’ils en arrivent à tuer quelqu’un [le manifestant Rémi Fraisse – ndlr] pour ça, pour rien, c'est terrible, et absurde. » Pour lui, Sivens a creusé un fossé au sein de la population de la région. « D’un côté, les gens sont arrivés de toute la région et même du Lot, de l’Aveyron… mais en face aussi, cela a soudé l’extrême-droite, les anciens du Sac qui étaient endormis : les intimidations, la casse de  pare-brise, toutes les histoires de chasse à l’homme dans les bois, de courses-poursuites en pleine nuit. Encore aujourd’hui, il y a de l’ambiance. Un exemple : des gens ont caché du grillage dans le champ d’un agriculteur antibarrage, son foin est plein de fer, il ne peut pas le donner aux vaches… »

A-t-il regardé ce qui s’est passé à Paris, les manifestations, les violences policières ? Voit-il un lien avec son expérience de la Zad ? « C’est loin, Paris. On a beau dire, c’est du papier, des images. Je suis plus touché par ce qui se passe à Toulouse, où l’on m’a appelé pour bloquer les bus avec la CGT. Ou par le blocage des raffineries, très pertinent pour toucher le système actuel. Avec la vigne co’ et des vignerons, on a pu s’organiser pour faire une cuvée de soutien aux grévistes. »

« À force de tout remettre en question, tu peux devenir fou » 

 

Justine et Fabrice vivent sans argent ou presque. Mais leur autonomie ne signifie pas pour autant fermeture au monde ni même autarcie. Dans une rue étroite du centre-ville de Gaillac, se niche la coloc' de Flora et Justine, une institution locale sans clé, toujours porte ouverte. Ils sont neuf à habiter là. Jadis, à son retour d'Égypte, Fabrice y a lui-même passé quelque temps. Plus de dix pièces, un jardin intérieur, le fatras dédiés à la « récup’ », la pièce pour le bois de l’hiver. Sur le bord d’une étagère, un livre-recueil de témoignages de la Zad, bordés de poèmes d'écrivains célèbres. À un texte indigné de l’avocat de la famille de Rémi Fraisse succède un poème de Walt Whitman : « Je crois qu’une feuille d’herbe n’est pas moindre que la journée des étoiles » (extrait d’un texte intitulé « Chant de moi-même »).

De la vie collective, Justine rejette parfois certaines expériences de radicalité. Notamment un jour, avec des militants végans : « On passait des heures et des heures à discuter de la manière dont on allait faire le jardin, le plus en accord avec la nature. Et au final, un an après, on ne cultivait toujours pas grand-chose. Je ne suis pas contre le véganisme, seulement contre les végans radicaux. À force de tout remettre en question, tu peux devenir fou si tu n’as pas quelques repères. Après, il y a deux solutions ; soit on choisit d’intégrer nos réflexions dans notre mode de vie et on avance. Soit on va toujours plus loin et on se coupe du monde. C’est le danger de ce type de processus. »

Quand on lui parle de son avenir, Justine dit : « Je n’en sais rien. Ce que j’aimerais, c’est continuer dans des projets collectifs, si possible dans le domaine agricole, comme la “vigne co'”. Quand tu fais ton propre raisin, non seulement il est meilleur parce que c’est toi qui le fais, mais en plus parce que tu sais ce que tu mets, et surtout ne mets pas dedans. On fait aussi des patates, des oignons. On va voir comment on s’organise à plusieurs, dans une optique d’autonomie. » Autonomie, par rapport à quoi ? « Au système marchand. On est aussi dans une dynamique de réappropriation des savoirs. Les évidences qui n’en sont plus quand tu vis à la ville : comment faire pousser une patate, tailler la vigne, quel bois utiliser pour fabriquer une cuillère, quelles plantes sont consommables. Tous ces savoirs sont soit folklorisés, soit oubliés. L’idée, c’est de les faire vivre. » Justine ne se projette pas non plus avec des enfants, préférant passer du temps avec ceux « qui sont déjà présents. Je vis en collectif, les contacts que j’ai avec les enfants des amis, ça me va très bien. Et je n’ai vraiment pas envie d’être obligée de travailler pour nourrir des gamins ». 

Le bar "Au comptoir du china-bulle". Gaillac, Juin 2016 © PP

Après la Zad, il a fallu reconstruire, apporter du lien entre une population parfois très hostile aux militants antibarrage et des zadistes traumatisés par la mort de Rémi Fraisse. D’où l’idée du bar « Au Comptoir du Chinabulle », un café associatif pour « chiner et buller », où Justine et Fabrice se réunissent souvent. Ce lundi après-midi, jour de fermeture, ils sont trois à bricoler la machine à café, ranger, aérer ce magnifique espace aux poutres saillantes, loué jadis par un antiquaire, au cœur de Gaillac. Passé une première pièce, le bar, s’ouvre un espace tout en longueur pourvu d’une scène et d’un coin dédié aux enfants, ainsi qu’une cuisine. Aménagée sommairement, la cave sert, elle, de coulisses aux artistes qui attirent souvent plusieurs centaines de personnes.



Le café a ouvert le 30 octobre 2015 dans un premier local, avant de déménager dans celui-ci, plus grand, le 1er mars. « Après la Zad, on avait envie que tout le monde se reparle », explique Flora, la Parisienne de passage qui est aussi de l’aventure. Beaucoup de projets sont en cours, dont une bibliothèque à graines, pour « varier les publics et faire se rencontrer tout le monde ». Un café (presque) hors de l’économie, entièrement bénévole et sans financement, fondé sur le partage. Les recettes du bar servent à payer les frais. Un large succès, quand l'association compte plus de mille adhérents à ce jour. Un autre café-restaurant, marchand celui-là mais participatif et constitué en SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif, qui permet de constituer le capital au moyen de parts sociales vendues 50 euros pour ce projet) et baptisé Itinéraire bis (le détail du projet ici) va également ouvrir au printemps prochain, à la périphérie de la ville. Antoine, le futur cuistot, fait en ce moment la cuisine le vendredi soir au « Comptoir du Chinabulle », « un espace de liberté, où l’on fait ce que l’on veut, lire, écrire, partager, où l’on n’a pas besoin de consommer pour voir des gens ».


Dans le coin près du bar, à côté du poste « Internet gratuit », on s’assoit pour relire le même livre de Walt Whitman : « Et une souris est assez miraculeuse pour ébranler des sextillions d’incroyants… » En cet été 2016, loin des manifestations post-Sivens, Gaillac a repris son petit train-train, ses conversations chasse et rugby à la terrasse du Café des sports. Lentement toutefois, la ville s’éveille, dans le sillage de Justine et Fabrice, deux jeunesses, deux projets de vie dévoués à tester les marges, une avant-garde pour inventer un monde meilleur, à écart de l’économie marchande.


Pierre Puchot - Médiapart

Du côté de Bure, c’est aussi un we de luttes et de chantiers !
Pour suivre les infos directement :http//vmc.camp


 


►Et un article à lire dans Jeff Klak

Des nouvelles de plus loin :
 
►Le collectif ROD menacé de destruction.

Projet de jardins communautaires à Varsovie, en Pologne, porté par un collectif proche du réseau européen de Reclaim the Fields, ROD lutte contre la privatisation de la terre, le “land-grabbing” et contre la commercialisation des ressources, est menacé de destruction.



"L’urbanisation n’est pas le progrès ! Nous nous opposons à la destruction irresponsable de ces jardins ! Nous exigeons que les terrains de ROD soient préservés !" 

Pour plus d’infos et les soutenir :https://reclaimthefieldspl.noblogs.org/

►Un récit reçu de Vintimille, à propos de la répression, à lire ici :

http://zad.nadir.org/IMG/pdf/10minutes.pdf
 

Infos du 15 au 21 août



Jeudi 18 août




A Bure, les copains-copines ont passé un week-end sportif et intense, avec chute de mur en prime. 
 

Des nouvelles fraîches ici : http://vmc.camp/


Infos du 22 au 31 août


Mardi 23 août



 Un bulletin de soutien aux personnes emprisonnées là bas pour leur participation aux luttes indigènes est dispo en fin d’article.





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