Gaspillage de l’eau : le gouvernement se couche devant la FNSEA
MARC LAIMÉ
jeudi 19 février 2015
Le gouvernement relance la politique des réservoirs pour l’irrigation, pour complaire à la FNSEA, et au mépris de la logique environnementale.
Il y a le fond et la forme. Ils sont ici également consternants et scandaleux. Trois jours avant l’ouverture du salon de l’Agriculture samedi 21 février, un mois avant des élections départementales qui s’annoncent comme une nouvelle débâcle pour un parti socialiste en voie d’implosion, Manuel Valls cède tout au syndicat agricole majoritaire, qui vote et a toujours voté à droite, dont le gouvernement n’a donc strictement rien à attendre, et à qui il vient pourtant d’annoncer qu’il cédait à toutes ses exigences. Le geste est politiquement suicidaire, les conséquences en seront désastreuses pour l’environnement.
La forme, qui dit déjà tout. A l’issue du Conseil des ministres qui s’est tenu ce matin, au lendemain du vaudeville du 49.3, aux conséquences encore imprévisibles, on apprend que les décisions qui viennent d’être adoptées, annoncées par Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement, ont en fait directement été négociées lors d’une rencontre qui s’est tenu mardi 17 février, à Matignon, entre Manuel Valls et une délégation de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et des Jeunes Agriculteurs (JA).
Et c’est la même FNSEA qui a dévoilé ce mercredi matin les décisions arrachées la veille à Matignon... avant même que Stéphane Le Foll ne les présente officiellement à l’issue du Conseil des ministres ! FNSEA qui a aussi recueilli, tant qu’à faire, par le biais de son agence de presse Actuagri,« l’interview d’avant-salon » du chef de l’Etat.
- Stéphane Le Foll à la sortie du conseil des ministres le 18 février -
Le fond. Dire qu’on le touche tient de la litote.
Manuel Valls s’est engagé à une (énième !) « simplification » de la réglementation environnementale, notamment pour ce qui concerne les installations classées (ICPE). Objectif : réduire le nombre de dossiers et accélérer les procédures d’instruction des demandes, en s’alignant sur les pratiques d’autres pays européens.
Il souhaite ainsi faciliter l’agrandissement des élevages de volailles. Le seuil à partir duquel une autorisation est requise sera relevé de 30 000 à 40 000 emplacements. Si les bâtiments abritent moins de 40 000 volatiles, un simple enregistrement suffira pour l’éleveur. Le gouvernement avait déjà assoupli les règles pour les élevages porcins. Un décret publié à Noël 2013 avait fait passer le seuil de déclaration de 450 à 2 000 porcs. Par ailleurs, le délai de recours contre les autorisations délivrées sera limité à quatre mois.
Dans la foulée, le gouvernement s’est aussi engagé à alléger les contrôles dans les exploitations agricoles. Ils s’exerceront donc « sur pièces » plutôt que « sur place » et seront annoncés à l’avance.
Alors que le drame de Sivens a témoigné de l’absurdité de la fuite en avant d’un modèle agricole productiviste à bout de souffle, le gouvernement en termine avec les « ambiguîtés » soigneusement calculées de Ségolène Royal qui, comme à l’accoutumée, est demeurée prudemment à l’abri, laissant Stéphane Le Foll en première ligne, qui se moque éperdument, lui, de sa cote de popularité.
Relance des retenues d’eau pour l’irrigation
La douche froide. Le gouvernement annonce la poursuite et la relance des projets de retenues d’eau pour l’irrigation, qui seront « examinés en fonction des territoires », et bénéficieront de la participation financière des agences de l’eau à condition que les pratiques agricoles soient « plus sobres. »
Avant même que Philippe Martin ne succède à Delphine Batho au ministère de l’Ecologie en juillet 2013, il avait commis, sur commande de Jean-Marc Ayrault, un rapport, qui ré-ouvrait en grand les vannes de l’irrigation. Un texte de positionnement en avait émergé, qui sera validé par une table ronde sur l’eau organisée lors de la seconde Conférence environnementale en septembre 2013. Ce même texte devait ensuite être validé à son tour par le Comité national de l’eau (CNE), où siège, bien entendu… la FNSEA.
Télécharger le texte présenté au Conseil national de l’eau en décembre 2014 :
Avant Sivens, le texte réouvrait les vannes en grand. Après Sivens, ce même texte, qui fixe la doctrine gouvernementale en la matière, a très vite été « durci », pour tenter d’éviter des poursuites de la Commission européenne, et vient donc à nouveau d’être expurgé de toutes contraintes, sur un coin de table, et sous la dictée du syndicat agricole majoritaire.
En toute logique, l’actuel Premier ministre a enfin assuré à ses interlocuteurs qu’après la décision du tribunal d’instance d’Albi, qui a ordonné le lundi 16 février l’expulsion des zadistes qui occupent La Métairie neuve sur le site de la zone humide du Testet, « l’autorité de l’Etat s’exercerait. »
Avec MM. Valls et Hollande, l’autorité de l’Etat s’exerce à sens unique : contre les défenseurs de l’environnement.
Lire aussi : Les agriculteurs productivistes obtiennent un programme massif de réserves d’eau en Poitou Charente
Source : Marc Laimé pour Reporterre
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