Après une désignation
chaotique,
Laurence Ruffin briguera
la place d’Éric Piolle
à Grenoble
22 septembre 2025
Laurence Ruffin, désormais candidate de la gauche écologiste à la mairie de Grenoble, est vice-présidente de la Confédération générale des SCOP et des SCIC. - © Pablo Chignard
Laurence Ruffin a été désignée candidate à la succession du maire de
Grenoble, Éric Piolle, dans une atmosphère tendue. Membre d’aucun parti,
elle a remporté les suffrages des militants de la gauche écologiste
locale.
Le faux suspense a pris fin, dimanche 21 septembre, à Grenoble : Laurence Ruffin, 47 ans, dirigeante d’une Société coopérative de production dans l’informatique depuis 2009, sœur du député de la Somme François Ruffin (ex-La France insoumise - LFI), a été désignée tête de liste des Écologistes pour les élections municipales de 2026. Éric Piolle, maire écologiste élu deux mandats de suite (2014 et 2020), avait annoncé de longue date ne pas vouloir se représenter en 2026.
Non-encartée chez les Écologistes, ni adhérente d’aucun parti, Laurence Ruffin, arrivée à Grenoble en 2003, affrontait pour ce rôle Lucille Lheureux, adjointe d’Éric Piolle depuis le premier mandat de ce dernier, élu depuis 2014. Le vote de ce dimanche a rassemblé environ 350 militants grenoblois, au premier rang desquels la section locale des Écologistes, alliés à plusieurs partis de gauche et mouvements militants : le Parti communiste français (PCF), Génération.s, la locale Association Démocratie Écologie Solidarité, le Réseau citoyen, le Parti animaliste, Ensemble et L’Après.
Deux désistements et une « préférence »
Initialement, c’est un trio de femmes composé de Laurence Ruffin, de Lucille Lheureux et d’une autre adjointe d’Éric Piolle, Margot Belair, qui devait être départagé. Le trio, formé début 2025, s’est ensuite transformé en quatuor avec l’arrivée du communiste Nicolas Beron Perez, conseiller municipal à Grenoble.
Mais le quatuor s’est délité dans les jours précédant le vote. Le 8 septembre, Nicolas Beron Perez annonçait son désistement, « ne partageant pas la forme, le calendrier et le fond de la démarche » de désignation de la tête de liste.
Dans la foulée, la section PCF locale a adressé à ses militants un mail affichant sa « préférence » en direction de Laurence Ruffin, « adhérente d’aucun parti ». « Cette préférence n’était pas une consigne, les militants sont restés tout à fait libres de leur choix », précise Émeric Vibert, secrétaire de la section grenobloise.
Quelques jours plus tard, le 12 septembre, Margot Belair annonçait qu’elle se désistait, expliquant au quotidien local Le Dauphiné Libéré qu’elle n’était « pas la bonne personne pour cette place » et « n’aspirai[t] pas à l’être », après pourtant plusieurs mois à porter la dynamique collective.
« Des insinuations, des mensonges et des sous-entendus »
En coulisses, c’est un autre rebondissement qui se préparait : le 2 septembre, la candidate Lucille Lheureux alertait la cellule d’écoute du parti des Écologistes pour dénoncer des « pressions » et des « intimidations » de la part d’Éric Piolle. Celui-ci, dit-elle, l’aurait incité à se désister au profit de Laurence Ruffin.
Selon Mediapart qui rapporte le signalement fait par Lucille Lheureux, Éric Piolle aurait fait « des insinuations, des mensonges et des sous-entendus » sur sa vie privée, pour lui « faire peur ». L’édile a récusé ces accusations, mais a reconnu lui avoir adressé une lettre manuscrite dans laquelle il lui annonce : « Je ferai tout pour que [le processus de désignation] ne déraille pas. »
Un futur ex-maire dans une situation délicate
Ces accusations de manœuvre par Lucille Lheureux s’ajoutent aux tensions qui entourent déjà le maire de Grenoble, Éric Piolle, au niveau local et national. L’édile est visé depuis juin 2024 par une instruction judiciaire pour « concussion » et « recel » de concussion, suite à un article du Canard Enchaîné l’accusant d’avoir organisé le paiement indu de 16 800 euros en espèces, étalé sur quatre années, à son ancienne première adjointe Élisa Martin (LFI), par l’intermédiaire d’un de ses proches collaborateurs, pour compenser une baisse des indemnités des élus, promesse de campagne d’Éric Piolle. À cette heure, le maire grenoblois n’a pas été auditionné par la justice ni mis en examen, et bénéficie de la présomption d’innocence.
Au niveau national cependant, Éric Piolle a été suspendu « à titre conservatoire » de ses fonctions de porte-parole des Écologistes, pour lesquelles il a été élu en avril dernier face à Guillaume Hédouin, candidat soutenu par la patronne des Écologistes Marine Tondelier. Interrogé sur « l’affaire Élisa Martin » en interne, Éric Piolle aurait préféré garder ses explications pour la justice, ce qui lui aurait valu sa suspension temporaire de ses fonctions.
Invitée sur France Inter le 18 septembre et interrogée sur cette décision de suspension à titre conservatoire Marine Tondelier a accusé Éric Piolle d’entacher l’image du parti écolo : « On ne peut pas être porte-parole d’un parti et mis en cause dans une affaire parce que cela devient l’image du parti qui est entachée, et plus juste la sienne. » Un contexte chaotique dans les instances du parti écolo, qui pourrait jouer au niveau local sur le lancement de la campagne de Laurence Ruffin.

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