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mardi 30 septembre 2025

« Il n’y a pas de gouvernement des juges », par Vincent Brengarth, avocat de l'association Sherpa

 

« Il n’y a pas de 

gouvernement des juges », 

par Vincent Brengarth, 

avocat de l'association Sherpa


Lorsque la justice condamne les puissants dans des affaires politico-financières, ces derniers s'attaquent à elle en remettant, en cause son impartialité et son indépendance, déplore l'avocat de l'association Sherpa, Vincent Brengarth.

C’est désormais devenu systématique. Lorsque la justice condamne les puissants dans des affaires politico-financières, ces derniers s’attaquent à elle en remettant en cause son impartialité et son indépendance. Condamnée à une peine d’inéligibilité, Marine Le Pen dénonçait une « décision politique » qui « viole l’Etat de droit », des termes peu ou prou semblables à ceux employés par Nicolas Sarkozy à l’issue du délibéré dans l’affaire du « financement libyen ». 

La justice ne s’attaque pourtant pas « aux politiques » mais peut investiguer lorsque certains sont suspectés de méconnaître la loi, et parfois, les condamner lorsqu’elle estime que les éléments découverts constituent effectivement une infraction pénale.

 C’est la force de notre démocratie et, précisément, la force de l’État de droit. Le contester, c’est nier l’indépendance de la Justice, c’est nier le fait que si des peines d’inéligibilité ou d’emprisonnement peuvent être prononcées, c’est parce que le législateur l’a prévu et que personne n’est au-dessus des lois. Le mode de défense qui consiste à s’attaquer aux juges est commode, car il dévie du fond et de l’embarras qu’il suscite.

La violence des attaques contre les magistrats, pourtant généralement appelés, par cette même classe politique, à la plus grande fermeté, élime la confiance dans l’institution judiciaire. Certes, cette dernière doit être exposée aux critiques, et cela relève de liberté d’expression et des droits de la défense, mais il en va autrement lorsque de tels assauts empruntent systématiquement les mêmes ficelles.

En réalité, ce que cherchent certains prévenus, c’est une justice dérogatoire en matière de criminalité financière.

Contrairement à ce qu’a pu soutenir Nicolas Sarkozy – et j’étais présent lors des débats – il n’y pas eu de haine. Il y a eu du respect : les larges créneaux (parfois plusieurs heures) laissés à Nicolas Sarkozy pour s’expliquer sur tel élément du dossier, rebondir sur telle déclaration d’un co-prévenu, mais encore, les aménagements pendant l’audience, prenant compte des situations particulières, à l’instar de Claude Guéant qui ne pouvait, compte tenu de son état de santé, être présent et interrogé que sur des temps précis, n’en sont que quelques exemples.

En réalité, ce que cherchent certains prévenus, c’est une justice dérogatoire en matière de criminalité financière. Empêcher le prononcé de peine d’emprisonnement pour des faits d’atteinte à la probité, comme si, finalement, cela devrait moins compter.

Et lorsqu’on dénonce opportunément la question de l’exécution provisoire, c’est là encore rapporté à ces dossiers, comme si l’atteinte supposément portée aux droits ne vaudrait pas pour tous les justiciables. Pourtant, tous les jours les juridictions prononcent des peines avec exécution provisoire et cette même classe politique ne s’en offusque pas. Ces peines sont, au surplus, prononcées, contre des personnes qui ne disposent pas des mêmes capacités pour rebondir. Ces mêmes justiciables du quotidien n’ont pas la chance de pouvoir courir sur les plateaux télévisés pour dire à quel point la justice qui les touche est « indigne » et qui les croirait ? 

Il y aura un avant et un après cette décision. Un appel aura lieu et les prévenus demeurent présumés innocents. Il n’en reste pas moins que, pour une fois, une juridiction est allée jusqu’au bout de la démarche en matière financière : prononcer une peine cohérente avec la gravité des faits reprochés.  

Les responsables politiques, qui nous aspirent constamment dans des discours toujours plus sécuritaires et qui appellent de leurs vœux des peines toujours plus sévères, s’en indigent lorsqu’elles sont prononcées à leur encontre.

Certes, personne ne peut se satisfaire, de manière générale, de l’emprisonnement. Mais ce sont bien ces mêmes responsables politiques, qui nous aspirent constamment dans des discours toujours plus sécuritaires et qui appellent régulièrement de leurs vœux des peines toujours plus sévères, qui d’évidence, s’en indigent lorsqu’elles sont prononcées à leur encontre.

Un avant et un après surtout car la justice fait face à une fronde inédite du politique mis en cause et qu’elle joue sa survie. Un combat d’autant moins égal qu’elle ne dispose pas des mêmes relais de communication que les puissants qu’elle juge et condamne parfois mais aussi parce qu’elle est encore bien fragile à l’ère post-vérité.

 

Source : https://www.latribune.fr/article/la-tribune-dimanche/opinions/24438439579821/opinion-il-n-y-a-pas-de-gouvernement-des-juges-par-vincent-brengarth-avocat-de-lassociation-sherpa

 

dimanche 28 septembre 2025

Après une désignation chaotique, Laurence Ruffin briguera la place d’Éric Piolle à Grenoble

Après une désignation 

chaotique, 

Laurence Ruffin briguera 

la place d’Éric Piolle 

à Grenoble

 

Par Raphaëlle Lavorel
22 septembre 2025

 


 Laurence Ruffin a été désignée candidate à la succession du maire de Grenoble, Éric Piolle, dans une atmosphère tendue. Membre d’aucun parti, elle a remporté les suffrages des militants de la gauche écologiste locale.

Le faux suspense a pris fin, dimanche 21 septembre, à Grenoble : Laurence Ruffin, 47 ans, dirigeante d’une Société coopérative de production dans l’informatique depuis 2009, sœur du député de la Somme François Ruffin (ex-La France insoumise - LFI), a été désignée tête de liste des Écologistes pour les élections municipales de 2026. Éric Piolle, maire écologiste élu deux mandats de suite (2014 et 2020), avait annoncé de longue date ne pas vouloir se représenter en 2026.

Non-encartée chez les Écologistes, ni adhérente d’aucun parti, Laurence Ruffin, arrivée à Grenoble en 2003, affrontait pour ce rôle Lucille Lheureux, adjointe d’Éric Piolle depuis le premier mandat de ce dernier, élu depuis 2014. Le vote de ce dimanche a rassemblé environ 350 militants grenoblois, au premier rang desquels la section locale des Écologistes, alliés à plusieurs partis de gauche et mouvements militants : le Parti communiste français (PCF), Génération.s, la locale Association Démocratie Écologie Solidarité, le Réseau citoyen, le Parti animaliste, Ensemble et L’Après.

Deux désistements et une « préférence »

Initialement, c’est un trio de femmes composé de Laurence Ruffin, de Lucille Lheureux et d’une autre adjointe d’Éric Piolle, Margot Belair, qui devait être départagé. Le trio, formé début 2025, s’est ensuite transformé en quatuor avec l’arrivée du communiste Nicolas Beron Perez, conseiller municipal à Grenoble.

Mais le quatuor s’est délité dans les jours précédant le vote. Le 8 septembre, Nicolas Beron Perez annonçait son désistement, « ne partageant pas la forme, le calendrier et le fond de la démarche » de désignation de la tête de liste.

Dans la foulée, la section PCF locale a adressé à ses militants un mail affichant sa « préférence » en direction de Laurence Ruffin, « adhérente d’aucun parti ». « Cette préférence n’était pas une consigne, les militants sont restés tout à fait libres de leur choix », précise Émeric Vibert, secrétaire de la section grenobloise.

Quelques jours plus tard, le 12 septembre, Margot Belair annonçait qu’elle se désistait, expliquant au quotidien local Le Dauphiné Libéré qu’elle n’était « pas la bonne personne pour cette place » et « n’aspirai[t] pas à l’être », après pourtant plusieurs mois à porter la dynamique collective.

« Des insinuations, des mensonges et des sous-entendus »

En coulisses, c’est un autre rebondissement qui se préparait : le 2 septembre, la candidate Lucille Lheureux alertait la cellule d’écoute du parti des Écologistes pour dénoncer des « pressions » et des « intimidations » de la part d’Éric Piolle. Celui-ci, dit-elle, l’aurait incité à se désister au profit de Laurence Ruffin.

Selon Mediapart qui rapporte le signalement fait par Lucille Lheureux, Éric Piolle aurait fait « des insinuations, des mensonges et des sous-entendus » sur sa vie privée, pour lui « faire peur ». L’édile a récusé ces accusations, mais a reconnu lui avoir adressé une lettre manuscrite dans laquelle il lui annonce : « Je ferai tout pour que [le processus de désignation] ne déraille pas. »

Un futur ex-maire dans une situation délicate

Ces accusations de manœuvre par Lucille Lheureux s’ajoutent aux tensions qui entourent déjà le maire de Grenoble, Éric Piolle, au niveau local et national. L’édile est visé depuis juin 2024 par une instruction judiciaire pour « concussion » et « recel » de concussion, suite à un article du Canard Enchaîné l’accusant d’avoir organisé le paiement indu de 16 800 euros en espèces, étalé sur quatre années, à son ancienne première adjointe Élisa Martin (LFI), par l’intermédiaire d’un de ses proches collaborateurs, pour compenser une baisse des indemnités des élus, promesse de campagne d’Éric Piolle. À cette heure, le maire grenoblois n’a pas été auditionné par la justice ni mis en examen, et bénéficie de la présomption d’innocence.

Au niveau national cependant, Éric Piolle a été suspendu « à titre conservatoire » de ses fonctions de porte-parole des Écologistes, pour lesquelles il a été élu en avril dernier face à Guillaume Hédouin, candidat soutenu par la patronne des Écologistes Marine Tondelier. Interrogé sur « l’affaire Élisa Martin » en interne, Éric Piolle aurait préféré garder ses explications pour la justice, ce qui lui aurait valu sa suspension temporaire de ses fonctions.

Invitée sur France Inter le 18 septembre et interrogée sur cette décision de suspension à titre conservatoire Marine Tondelier a accusé Éric Piolle d’entacher l’image du parti écolo : « On ne peut pas être porte-parole d’un parti et mis en cause dans une affaire parce que cela devient l’image du parti qui est entachée, et plus juste la sienne. » Un contexte chaotique dans les instances du parti écolo, qui pourrait jouer au niveau local sur le lancement de la campagne de Laurence Ruffin.

 

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Source : https://reporterre.net/Apres-une-designation-chaotique-Laurence-Ruffin-briguera-la-place-d-Eric-Piolle-a

samedi 27 septembre 2025

🎥 Un éleveur dénonce l’absurdité du système intensif

 

🎥 Un éleveur dénonce 

l’absurdité du système intensif



FNSEA : un modèle agricole en échec

Un éleveur commente notre nouvelle enquête

Bonjour

Alors que la FNSEA organise aujourd’hui une nouvelle journée d’action, L214 révèle une enquête inédite dans un élevage intensif de poulets, avec le soutien d’un éleveur : Philippe Grégoire. Ses mots sont sans appel :

Picto citation
« C'est l'échec du modèle agricole développé à partir des années 60. On a industrialisé l'agriculture et c'est au détriment des paysans et des consommateurs. On retrouve deux perdants. »
Philippe Grégoire, éleveur

Produire toujours plus : une fuite en avant

Dans l’élevage filmé en Loire-Atlantique, 23 500 poulets sont entassés dans un bâtiment de 1 500 m². Ils sont nourris au soja OGM importé, supplémenté d’antibiotiques. Des poulets malades agonisent de longues heures, avant de mourir au milieu des vivants.

Passés 35 jours d'engraissement, les poulets sont ramassés à la Chicken Cat, une machine qui les propulse dans des cages minuscules, puis direction l’abattoir. 

Pour voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=a2W5TlLGFnw&t=2s
 




Ce modèle, défendu par la FNSEA, va encore s’intensifier avec la loi Duplomb, qui double quasiment les seuils autorisant la création de méga-élevages sans étude préliminaire ni autorisation.

Philippe Grégoire, éleveur de bovins et fondateur du Samu social agricole, connaît bien le système. Il côtoie de nombreux agriculteurs broyés par ce système intensif. Pour lui, c’est une impasse : « Le produire plus, ça a toujours été leur discours à la FNSEA. C'est pas en grossissant les fermes qu'on va résoudre le problème. On sait que ça ne marche pas. On va juste réendetter des agriculteurs et détruire encore plus leur qualité de vie. »

Importer… et exporter : le grand écart

La FNSEA dénonce à grands cris l’importation de poulets étrangers. Mais elle promeut dans le même temps l’exportation massive de poulets français issus d’élevages intensifs. Résultat : la France importe plus de la moitié de sa consommation de poulet… tout en exportant 30 % de sa production.

Comme l’explique Philippe Grégoire, « on a voulu aller sur les marchés à l’exportation et piquer des parts de marché aux autres pays. Aujourd’hui, on est victimes de ce qu’on a provoqué. »

Mais les incohérences de la FNSEA ne s'arrêtent pas là.

Santé publique et soja OGM : d’autres incohérences

Dans l’élevage filmé, les poulets reçoivent du Narasin, un antibiotique intégré en préventif à leur alimentation quotidienne. Interdit en Norvège, classé antibiotique par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), il reste autorisé en France comme… simple additif. La plupart des poulets consomment du Narasin en préventif, et peuvent être commercialisés en viande sans antibiotique. Cherchez l’erreur.

Leur alimentation repose aussi sur du soja OGM importé, responsable de déforestation massive. La France y participe largement en important chaque année 3,6 millions de tonnes de tourteaux de soja, dont plus de 60 % proviennent d’Amérique du Sud, pour approvisionner ses élevages. La filière poulet est la première filière animale consommatrice de soja (37 % de la production mondiale), suivie de la filière porcine (20,2 %).

La FNSEA, rouage central de ce système

Comme nous le montrons dans notre documentaire consacré à ce syndicat, la FNSEA se présente comme la voix des agriculteurs, mais elle défend avant tout un modèle intensif destructeur, qui condamne les animaux à des vies de souffrance, enferme les éleveurs dans l’endettement, et participe à la destruction de notre environnement.

→ (Re) Voir FNSEA, Syndicat de l'agriculture intensive


Sortir de l’impasse

Il est urgent de bifurquer vers un autre modèle agricole. Nous devons :

  • mettre en place des mesures miroirs pour aligner les importations sur les normes européennes,
  • réduire de moitié le nombre d’animaux tués d’ici 2030, pour une véritable souveraineté alimentaire, comme nous le demandons avec le Sauvetage du siècle.

Pour retrouver toutes les mesures que nous proposons, rendez-vous sur le-sauvetage-du-siecle.fr

Merci d'agir pour les animaux,
L’équipe de L214




vendredi 26 septembre 2025

Trop de bruit avec Signal : les métadonnées en cause dans les messageries chiffrées


Trop de bruit avec Signal : 

les métadonnées en cause 

dans les messageries chiffrées


Billet de blog 16 juillet 2025  

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Spécialiste en sécurité informatique

Signal est régulièrement désigné comme LA meilleure application de messagerie sécurisée. Pour autant, cette supériorité universelle et présentée sans nuance relève d'un manque de finesse de l'analyse. Pire, elle met en danger les journalistes et leurs sources, les activistes et certaines minorités. Nous voyons pourquoi dans cet article.   

Signal est régulièrement désigné comme LA meilleure application de messagerie sécurisée.

Cette supériorité sur Whatsapp ou Telegram n'est pas usurpée. Whatsapp est une application en source fermée, contenant des logiciels espions, tandis que Telegram ne chiffre de bout-en-bout les messages qu'en de rares occasions.

Même Matrix/Element, l'application de communication utilisée comme fondement technique de la messagerie gouvernementale Tchap, est une passoire dotée d'une implémentation cryptographique discutable quand les données sont, chose rare, chiffrées.

Pour autant, cette supériorité universelle et présentée sans nuance relève d'un manque de finesse de l'analyse. Pire, elle met en danger les journalistes et leurs sources, les activistes et certaines minorités.

De la bouche même de Michael Hayden, ex-directeur de la NSA et de la CIA, les États-Unis d'Amérique "tuent sur la base de métadonnées". Or, les serveurs de Signal et ses nombreux prestataires (Google, Apple, Amazon, Cloudfront, Cloudflare) sont tous hébergés sur le sol américain et soumis à la juridiction du gouvernement fasciste et réactionnaire de Donald Trump.

Il devient dès lors primordial de s'interroger sur les métadonnées à la disposition de Signal. Pour leur part, les responsables de Signal déclarent fièrement "qu'iels ne peuvent divulguer ce qu'iels n'ont pas". Iels tiennent même une page sur laquelle iels listent les perquisitions reçues et ce qu'iels ont répondu.

L'honnêteté de ces déclarations de Signal peut cependant être remise en cause quand ces mêmes personnes font la promotion de prétendues fonctionnalités de sécurité et de préservation de la vie privée qui s'avèrent être profondément inaptes à remplir leurs promesses. Pire, l'inexactitude de leurs affirmations n'est pas accidentelle mais délibérée, puisque certaines failles sont connues et publiquement documentées et elles restent sans correctifs, parfois pendant plusieurs années.

Ainsi, Signal prétend protéger le tissu social (c'est-à-dire l'information de qui parle à qui) grâce à la fonctionnalité appelée Sealed Senders. Cette fonctionnalité vise prétendument à protéger l'identité des expéditeurs des messages en ne la divulguant pas aux serveurs de Signal. Pourtant, plusieurs chercheur•euses ont documenté comment les serveurs de Signal peuvent désanonymiser les expéditeurs ; la plus vieille de ces études date de 2021.

Dans une conférence (Pass the Salt) se déroulant à Lille en juillet 2025, j'ai compilé plusieurs techniques déjà publiquement discutées permettant de recouvrer le tissu social dans des applications de messageries dites sécurisées. Pas moins de cinq techniques distinctes ont été notées concernant Signal. La plupart sont intrinsèques à la manière dont a été conçue Signal et ne peuvent être corrigées sans réécrire des pans complets de l'application et de son protocole de communication.

Dès lors, que faire ? Continuer d'utiliser Signal car les autres messageries sont pires ? En revenir aux communications ne passant pas par Internet ?

De l'avis de nombreux spécialistes en sécurité informatique, la partie est perdue. "Si tu ne veux pas que cela se sache, ne le fais pas sur Internet" peut être entendu dans un nombre grandissant de bouches.

Néanmoins, se passer totalement des communications en ligne requiert des compétences en sécurité opérationnelle (opsec) : comment se déplacer sans être traqué ? Il s'agit d'un défi de plus en plus difficile à relever, avec la disparition progressive de la monnaie fiduciaire et le déploiement de la vidéoprotectionsurveillance algorithmique, sans parler de notre hyperdépendance au mouchard que nous avons toustes dans la poche : notre téléphone portable. Si vous avez ou cultivez les compétences requises, cette approche est certainement la plus efficace à ce jour, étant donné que le renseignement effectué par les humains est en perte de vitesse au profit des algorithmes et du traitement automatisé des métadonnées issues de la surveillance globale.

Mais pour celles et ceux n'ayant pas les compétences, ou les moyens d'investir le temps et l'argent nécessaires dans la sécurité opérationnelle, quelles sont les options, à part continuer d'utiliser Signal ?

Lors de la conférence à Pass the Salt, j'ai présenté des contremesures à la collecte des métadonnées mises en place par l'application de messagerie sécurisée SimpleX Chat.

Cette application, dont la cryptographie a été auditée par Trail of Bits, une société reconnue pour son expertise, utilise un protocole de communication spécialement pensé pour protéger les métadonnées. Ce billet ne rentrera pas dans les considérations techniques, afin de rester digeste, mais le lectorat technique est invité à consulter les archives de la conférence pour le détail.

Outre son protocole, SimpleX Chat utilise par défaut des serveurs hébergés en Grande-Bretagne et en Allemagne. Les utilisateur•rices peuvent également configurer des serveurs de leurs choix, situés dans leur juridiction préférée, étant donné que SimpleX Chat est décentralisé et autohébergeable. En fait, le code source de l'application est intégralement publié, y compris celui des logiciels serveur.

Il convient néanmoins, par transparence, d'admettre que les utilisateur•rices pourraient être dérouté•es par le caractère fruste de l'interface de SimpleX Chat et l'absence de certaines fonctionnalités bien pratiques auxquelles nous sommes collectivement habituées et qui dégradent pourtant la sécurité et réduisent la protection de la vie privée.

Pour les journalistes et leurs sources, les activistes et les minorités, c'est cependant un sacrifice nécessaire à faire sur l'autel de la protection de leurs contacts.

Pour finir, quant à la question s'il existe d'autres applications protégeant le contenu des messages et le tissu social efficacement, pour l'heure, j'admets ne pas en connaitre. Session, DeltaChat, et Briar ont également été étudiées et présentent ou ont présenté des vulnérabilités ou des défauts de conception ne permettant pas leur recommandation à ce jour. Olvid, bien que prometteur à certains égards, et meilleur que Signal dans la protection des métadonnées, n'atteint pas non plus le niveau de sophistication de SimpleX Chat.

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/xcli/blog/160725/trop-de-bruit-avec-signal-les-metadonnees-en-cause-dans-les-messageries-chiffrees/commentaires