Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

jeudi 11 juillet 2024

Destruction d’un essai en champ de riz OGM en Italie

 

Destruction d’un essai 

en champ 

de riz OGM en Italie

 

Par Christophe NOISETTE
Publié le 09/07/2024 

 

 Le 21 juin 2024, une parcelle de riz génétiquement modifié a été détruite sur la commune de Mezzana Bigli, dans la province de Pavie (Italie). Ce riz, appelé « RIS8imo », a été modifié par de nouvelles techniques de modification génétique, l’outil moléculaire Crispr en l’occurrence. La destruction n’a pas été revendiquée.

 

 

En Italie, le gouvernement et les médias tentent, comme partout, de changer de sémantique pour faire oublier l’acronyme OGM. Ces nouvelles techniques de modification génétique y sont appelées des « Techniques d’évolution assistée (Tea) ». Cette expression n’est ni scientifique, ni juridique, pas plus que ne l’est celle actuellement promue par la Commission européenne de « Nouvelles techniques génomiques (NTG) ». Le but de la modification génétique – qui a permis la délétion de trois séquences génétiques différentes – était de rendre ce riz plus résistant à un champignon pathogène, Pyricularia oryzae1. Les travaux sur ce riz OGM ont commencé en 2017, en collaboration entre des chercheurs de l’Université de Milan (Italie), du Sainsbury Laboratory (Royaume-Uni), et du Max-Planck-Institut für Biologie (Allemagne). Cette recherche est en partie financé par la Fondation Bussolera Branca, connue pour son soutien aux OGM depuis longtemps2.

L’essai en champ, mené par l’Université de Milan3, a été mis en place le 13 mai 2024, sur 28 m2, rompant ainsi avec « 24 années d’application stricte du principe de précaution », comme le souligne l’association rurale italienne (Associazione Rurale Italiana, ARI). Cette association italienne, membre de la Coordination Européenne Via Campesina (ECVC), promeut et défend l’agriculture paysanne, agroécologique et solidaire et la souveraineté alimentaire. L’ARI nous précise : « afin d’exprimer notre opinion politique sur l’acte de destruction des plantes OGM, nous attendons la revendication et les motivations des auteurs de l’acte, car on ne peut rien dire d’autre sans de telles déclarations ». D’ailleurs, l’association italienne Crocevia s’étonne d’une telle destruction. Elle nous précise : « l’action est très contre-productive dans ce moment puisqu’il y avait des critiques sur les résultats attendus de la modification, que la campagne citoyenne contre l’amendement « sécheresse » était en pleine essor et rencontrait un accueil positif ».

Pour autant, ces organisations ont souhaité communiquer après avoir appris la destruction. Pour Crocevia, cet essai, outre les risques qu’il fait peser à l’environnement et à la biodiversité, pourrait nuire à l’image « d’un grand pays agricole sans OGM, qui dépense tellement pour soutenir l’image de qualité de notre secteur agroalimentaire, tant à l’étranger qu’en Italie ». Elle continue en dénonçant le fait que cet essai a été implanté sans « aucune discussion publique, aucune campagne d’information, aucune évaluation sérieuse des risques pour notre système agricole ou des dommages potentiels à l’image et à l’économie du secteur agricole de qualité italien ». La chercheuse en charge de l’essai, en revanche, évoque dans plusieurs articles que son équipe a toujours « maintenu le dialogue ouvert »1.

Au-delà de ces dénonciations politiques, l’ARI a pu constater, sur le terrain, quelques jours après l’ensemencement de l’essai, « plusieurs violations des règles données par l’Ispra (Istituto Superiore per la Protezione e la Ricerca Ambientale) : la clôture autour de la parcelle de riz GM n’était pas un obstacle à l’entrée de petits, voire moins petits, animaux (il comporte en effet des trous de comporte des trous de 50 x 50 mm) ». Par ailleurs, pour Antonio Onorati, de Crocevia, cet essai est illégal car « dans l’autorisation demandée, ils parlent d’ un riz TEA (NGT1) mais la liste « NGT1 » n’existe pas puisque le nouveau règlement n’a été encore approuvé ».

Ces règles de l’Ispra ne sont en fait que des indications. L’ARI rappelle qu’en Italie, comme partout en Europe, les OGM réglementés, peu importe la technique, sont soumis à la directive 2001/18. En effet, actuellement, aucune nouvelle réglementation n’a été approuvée concernant les produits OGM/NTG. Cependant, le Parlement italien avait adopté, en janvier 2024, un amendement qui exonère les essais en champ de plantes issues de la « mutagénèse dirigée ou cisgénèse » de certains requis, comme l’évaluation de leur impact sur l’agriculture. Cet amendement a été initialement pensé par rapport à la lutte contre le changement climatique. Son article 9-Bis – ajouté à la loi « Dispositions urgentes pour lutter contre la pénurie d’eau et pour moderniser et adapter les infrastructures hydrauliques. (23G00047) »postule que les « les organismes produits au moyen de techniques d’édition du génome par mutagénèse dirigée ou cisgénèse » permettraient « de réagir de manière appropriée à des conditions de pénurie d’eau et en présence de stress environnementaux et biotiques d’une intensité particulière ». Pour faciliter la mise en place d’essais en champ, l’amendement prévoit qu’une disposition de la loi italienne de 2003 (article 8, paragraphe 2, point c) ne s’applique plus5. Il s’agit de l’obligation de réaliser, avant tout essai, une « évaluation des risques pour la biodiversité agricole, les systèmes agricoles et la chaîne agroalimentaire ». Cette disposition est une particularité italienne.

Plusieurs autres essais expérimentaux en champs avec des OGM issus de nouvelles techniques sont prévus en Italie, notamment du raisin modifié pour être plus résistant au mildiou (délétion de gène) et une tomate génétiquement modifiée pour « résister » à l’orobanche. Pour cela, les chercheurs ambitionnent de réduire le taux de strigolactone (une hormone végétale) émise par les racines de tomate. Mais cette hormone est essentielle pour aider à la mycorhization et les champignons symbiotiques du sol à reconnaître la plante voisine et à tisser des relations mutualistes avec elle, lui fournissant des nutriments du sol.

Ces dossiers, issus de la base de données de l’Union européenne, ne figurent par sur le site du ministère italien à l’Environnement, comme cela devrait l’être obligatoirement. Or, nous précise Francesco Panié, de Crocevia, l’essai de tomate aurait dû être implanté le 13 mai. Il considère qu’il y a ici un manque notoire de transparence, voire possiblement une certaine illégalité.

La chercheuse en charge de l’essai de riz OGM souhaite qu’à l’avenir, afin d’éviter que les essais ne soient détruits, les sites d‘implantation puissent être gardés secrets, plutôt que d’exiger qu’ils soient répertoriés dans une base de données publique6, ou de demander à la police de les protéger.

Notes

1Gennaro Tomma, « Landmark gene-edited rice crop destroyed in Italy », Science, 25 juin 2024.

2Cette fondation a par exemple financé un des rapports de l’Isaaa, en 2012 :
Isaaa, « Outlook for biotech crop adoption indicates continued global growth », 7 février 2012.
D’autre part, un article, rédigé principalement par des chercheurs de l’Université de Milan, a parmi ses signataires Roberto Gerbino et Fabio Pierotti Cei, qui travaillent pour cette fondation dans le domaine de Le Fracce (Pavie), où l’essai a été implanté.

3 L’essai est mené par Vittoria Brambilla et Fabio Fornara, de l’Université d’État de Milan, dans le but d’aider à réduire l’utilisation des fongicides, en vue d’une agriculture durable et de qualité. Ils ont tous les deux co-signé des articles avec Wim Soppe, de l’entreprise semencière Rijk Zwaan. Cette dernière est par ailleurs connue pour avoir revendiqué des brevets pouvant couvrir des variétés mises au point pas ses concurrents Gauthier Semences et Franck Morton. Voir :
Denis Meshaka, « Des brevets menacent concrètement deux obtenteurs », Inf’OGM, 12 mars 2024.

5 Presidenza del Consiglio dei Ministri, « DECRETO LEGISLATIVO 8 luglio 2003, n. 224 – Attuazione della direttiva 2001/18/CE concernente l’emissione deliberata nell’ambiente di organismi geneticamente modificati », 13 juin 2023.

6 Ministero dell’Ambiente e della Sicurezza Energetica, « Registro pubblico relativo alla localizzazione di emissioni di OGM nell’ambiente ai fini sperimentali », 8 juillet 2003.

 

Source : https://infogm.org/destruction-dun-essai-en-champ-de-riz-ogm-en-italie/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire