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jeudi 6 février 2014

Débat autour des Nouvelles ou Nécro Technologies

Un texte intéressant de Pièces et Mains d'Œuvre 

Quatre ministres nous écrivent et nous leur répondons


Libération du 14 octobre 2013


La France a besoin de scientifiques techniciens



Par Robert Badinter, Jean-Pierre Chevènement, Alain Juppé et Michel Rocard


Nous assistons à une évolution inquiétante des relations entre la société française et les sciences et techniques. Des minorités constituées autour d’un rejet de celles-ci tentent d’imposer peu à peu leur loi et d’interdire progressivement tout débat sérieux et toute expression publique des scientifiques qui ne partagent pas leurs opinions. L’impossibilité de tenir un débat public libre sur le site de stockage des déchets de la Cigéo (site souterrain de stockage des déchets hautement radioactifs proposé par l’Andra) est l’exemple le plus récent de cette atmosphère et de ces pratiques d’intimidation, qui spéculent sur la faiblesse des pouvoirs publics et des élus.
De plus en plus de scientifiques sont pris à partie personnellement s’ils osent aborder publiquement et de façon non idéologique, des questions portant sur les OGM, les ondes électromagnétiques, les nanotechnologies, le nucléaire, le gaz de schiste. Il devient difficile de recruter des étudiants dans les disciplines concernées (physique, biologie, chimie, géologie). Les organismes de recherches ont ainsi été conduits à donner une forte priorité aux études portant sur les risques, même ténus, de telle ou telle technique, mettant ainsi à mal leur potentiel de compréhension et d’innovation. Or, c’est bien la science et la technologie qui, à travers la mise au point de nouveaux procédés et dispositifs, sont de nature à améliorer les conditions de vie des hommes et de protéger l’environnement.
La France est dans une situation difficile du fait de sa perte de compétitivité au niveau européen comme mondial. Comment imaginer que nous puissions remonter la pente sans innover ? Comment innover si la liberté de créer est constamment remise en cause et si la méfiance envers les chercheurs et les inventeurs est généralisée, alors que l’on pourrait, au contraire, s’attendre à voir encourager nos champions ? Il ne s’agit pas de donner le pouvoir aux scientifiques mais de donner aux pouvoirs publics et à nos concitoyens les éléments nécessaires à la prise de décision.
Nous appelons donc solennellement les médias et les femmes et hommes politiques à exiger que les débats publics vraiment ouverts et contradictoires puissent avoir lieu sans être entravés par des minorités bruyantes et, parfois provocantes, voire violentes. Il est indispensable que les scientifiques et ingénieurs puissent s’exprimer et être écoutés dans leur rôle d’expertise. L’existence même de la démocratie est menacée si elle n’est plus capable d’entendre des expertises, même contraires à la pensée dominante.



Robert Badinter Ancien garde des Sceaux, ancien président du Conseil
constitutionnel - Jean-Pierre Chevènement Ancien ministre de la Recherche et de la Technologie, ancien ministre de la Recherche et de l’Industrie, ancien ministre de l’Education nationale - Alain Juppé Ancien Premier ministre - Michel Rocard Ancien Premier ministre.


Le 14 octobre 2013, un quarteron de ministres en retraite (R. Badinter, J.P. Chevènement, A. Juppé, M. Rocard) nous a écrit pour se plaindre de l’opposition grandissante de « la société française » aux nécrotechnologies - sources d’innovation, de croissance, de compétitivité - et en particulier du sabotage de la propagande scientifico-industrielle par les plus résolus des 
opposants. À Colmar, en 2009, c’est un solitaire – un biologiste ! - qui est allé, seul, couper des pieds de vigne transgénique. Seul, mais aussitôt soutenu par les autres. C’est que « l’expérience agronomique » était en réalité une expérience sociologique pour tester une nouvelle façon de manipuler et d’apprivoiser les faucheurs de chimères génétiques – raté. En 2009-2010, c’est dans toute la France que la CNDP Nanos était contrainte d’annuler ses représentations de pseudo-débats, destinés à nous faire avaliser l’avènement du Nanomonde. 
(cf www.nanomonde.org) Entre Bure et Soulaine, entre Meuse et Haute-Marne, les habitants ont d’abord refusé de parler aux sociologues espions du GSPR (Groupe de Sociologie Pragmatique et Réflexive), avant de saboter à leur tour et d’interrompre, en 2013, la nouvelle campagne de la Commission Nationale du Débat public, destinée celle-ci à entériner l’enfouissement à perpétuité des déchets radioactifs dans leurs sous-sols (cf. Le Monde, 10 décembre 2013) 

Nous, opposants au nucléaire, aux OGM, aux nanotechnologies, aux NBIC (Nano-Bio-Info- Cogno – technologies), à la biologie synthétique et à toutes les nécrotechnologies, saboteurs des pseudo-débats de la Commission Nationale du Débat Public et de tous les simulacres de la « démocratie technique » (1), remercions de leurs aveux et de leur hommage ces quatre ministres, champions de l’innovation et de la compétitivité qui, après des décennies de despotisme techno-industriel, de déni de toute protestation, reconnaissent – fût-ce pour s’en plaindre et dans une novlangue scrupuleusement contraire aux faits - la force et l’écho de nos voix. Ainsi nous n’étions pas tout-à-fait un cri dans le désert. Et ce cri a des conséquences matérielles et pratiques : on s’en souviendra.

« L’expertise » est une idéologie : l’idéologie de la technocratie. 

La technocratie (des dirigeants et scientifiques aux techniciens, cadres, ingénieurs et autres catégories associées) ne désire pas le pouvoir : elle le possède et l’exerce depuis l’après- guerre au moins. 
Son existence est menacée si, refusant la dictature de l’expertise, la démocratie est capable de se faire entendre envers et contre la pensée dominante. – Mais, sa Majesté est nue !

L’acceptabilité, comme l’innovation (2), est un mot fade et grisâtre, un mot de sociologue qui décourage la curiosité. Toujours l’histoire de La lettre volée et du nez au milieu de la figure qui échappent à l’attention, en raison même de leur évidence. Or c’est l’innovation qui fait notre monde, et l’acceptabilité qui nous y fait. Autant dire qu’il est peu de phénomènes auxquels la critique sociale devrait s’attaquer avec plus d’urgence, d’intensité et d’endurance. 
Suivant les politiques de nos technarques, l’acceptabilité est enseignée dès le plus jeune âge – l’âge tendre et malléable -, et jusqu’aux seniors dont leurs digital natives de petits-enfants s’attachent à réduire la fracture numérique. Entre les deux et pour tous les âges, Fêtes de la Science, Festivals de films scientifiques, Festivals Art et Science, Centres de culture scientifique, technique et industrielle, émissions de télé, de radio (La Tête au carré, France Inter), suppléments « sciences » du Monde, de Libération et de tous les médias ; marketing, publicité et communication des produits de la Recherche & Développement : on en passe, faute de place.

Cependant, on ne peut dissimuler la culpabilité des sciences dites « humaines » dans l’essor des institutions et procédures d’acceptabilité. En 1948, pressentant les réticences des individus devant l’avènement de la machine à gouverner cybernétique, Dominique Dubarle, le chroniqueur scientifique du Monde, suggère :« Il ne serait peut-être pas mauvais que les équipes présentement créatrices de la cybernétique adjoignent à leurs techniciens venus de tous les horizons de la science quelques anthropologues sérieux et peut-être un philosophe curieux de ces matières » (Le Monde, 28 décembre 1948). En 1959, le chimiste C.P Snow s’en prend aux intellectuels, ces « Luddites par tempérament », en termes similaires à ceux de notre quatuor ministériel. Dans son livre Les deux cultures, il somme les humanistes vieux jeu de vivre avec leur temps, de se rallier enfin à « la révolution industrielle et scientifique » et de s’en faire les propagandistes dans la société et à l’école (cf. Les deux cultures. C.P. Snow. J.J Pauvert éditeur, 1963). On sait que cet appel a été entendu en France et dans les pays avancés, aboutissant à l’écrasement des enseignements qui favorisaient si peu que ce soit l’esprit critique - latin, grec, français, histoire, philo, etc., pour ne laisser la place qu’aux disciplines « offrant des débouchés » et répondant « aux besoins de nos entreprises ». La novlangue a créé pour cela un nouvel oxymore, « les humanités numériques », indispensable il est vrai à la non moins contradictoire « démocratie technique ». Le diable est dans les adjectifs. Le sommet provisoire de cette trahison des clercs, c’est le philosophe et sociologue officiel, Bruno Latour, l’un des dignitaires de Science-Po, qui propose ses services au Prince et se pose en éminence grise, terriblement insistante, dans un entretien au Monde du 22 septembre 2013 :

"Quel rôle peuvent jouer les sciences sociales dans ce retour à l’innovation ? 
On ne peut tout simplement pas s’en passer. Ce sont-elles, entre autres, qui assurent la palpation nécessaire pour produire la volonté générale dans des situations qui deviennent de plus en plus complexes. (...) Ce qui rend probablement la situation délicate, c’est que cet appareil de palpation de la volonté générale ne dispose pas de relais dans les institutions étatiques, (...)"

Et sans cette « palpation », ce travail d’espionnage, de renseignement et d’analyse des opposants et de la population, sans les avis, conseils et recommandations qui en sortiront, sans les mesures d’acceptabilité, de manipulation et de propagande, mises à jour par les « sciences sociales », l’innovation et la compétitivité se heurtent à la mauvaise volonté générale et aux clameurs des « minorités bruyantes et, parfois provocantes, voire violentes ». On voit que les « sciences sociales » ont fait du chemin depuis 1948 et répondent « présentes » à l’appel des quatre ministres.

Faut-il que la confiance dans le progrès soit avariée pour que le pouvoir et ses conseillers soient contraints à tant de dispositifs lourds, obsédants et dispendieux, afin de nous convaincre envers et contre tout. Faut-il que la défiance spontanée (mais vérifiée par deux cents ans d'expérience) envers ce même progrès soit irréductible, pour qu'il faille tant de moyens en vue de l’annihiler. Voilà au moins un motif d’encouragement pour les esprits critiques.

Ce sont les « comités d’éthique », où les pontifes autorisés de la société civile, officiels des institutions philosophiques et religieuses, coachés par leurs homologues scientifiques, nous disent comment naître et mourir, compte tenu de l’avancée des connaissances et des évolutions de la société.

Ce sont les « conférences de citoyens » comme celle qui vient d’avoir lieu à Bure, où une vingtaine de citoyens, élus par un institut de sondage (désormais, ce sont les instituts de sondage qui élisent le peuple), sont formés en trois séances par des experts, afin de proposer les mesures anodines, prévues par les nucléocrates pour fleurir la fosse aux ordures nucléaires. 

Ce sont les « forum Internet » - la négation de l’échange direct et humain – qui, tels des caméléons virtuels, se calquent et se camouflent dans la foire aux forums de l’ère numérique. 
Toujours plus virtuels, toujours moins réels. (3)
Et si cela ne suffit pas, si décidément il faut simuler les apparences d’une délibération collective, publique, « en présence réelle » comme dit le clergé numérique, vous pouvez dire et faire littéralement n’importe quoi. Yves Citton, professeur de littérature à Grenoble et co- directeur de la revue néo-technocratique Multitudes, se chargera de récupérer ce n’importe quoi et de lui faire dire ce que bon lui semble grâce à « l’interprétation littéraire des controverses scientifiques » (Editions Quae, 2013)
Pitre herméneuticien, universitaire post-moderne et technolâtre, notre littérature tient en un mot et trois lettres que tu es à jamais incapable d’interpréter : Non.

Pièces et main d’œuvre

Grenoble, le 11 janvier 2014

(1) Cf. Callon, Lascoumes, Barthes, Agir dans un Monde Incertain, Essai sur la démocratie technique, 2001 
(2) Cf. Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau ! Pièces et main d’œuvre (L’Echappée, 2013)
(3) Cf L’emprise numérique, Cédric Biagini (Editions l’Echappée)

Les animaux politiques de Pièces et main d’œuvre ne sont ni économistes, ni philosophes, ni sociologues : ils savent juste lire et écrire.

À lire aux Editions l’Echappée, Collection Négatif :

Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau !, suivi de Innovation scientifreak : la biologie de synthèse, Pièces et main d’œuvre (2013)

Le soleil en face - Rapport sur les calamités de l'industrie solaire et des prétendues énergies alternatives, Frédéric Gaillard (2012)

L’industrie de la contrainte, Frédéric Gaillard & Pièces et main d’oeuvre (2011) 

Les Esperados – Une histoire des années 1970, suivi de Le troupeau par les cornes, Yannick Blanc (2011) 

Techno, le son de la technopole, Pièces et main d’oeuvre (2011) 

Ë la recherche du (2009) 

Un siècle de progrès sans merci – Histoire, physique et XXe siècle, Jean Druon (2009) 

Aujourd’hui le nanomonde – Nanotechnologies : un projet de société totalitaire, Pièces et main d’oeuvre (2008) 

RFID : la police totale – Puces intelligentes et mouchardage électronique, Pièces et main d’oeuvre (2008 – Nouvelle édition 2011) 

Le téléphone portable, gadget de destruction massive, Pièces et main d’oeuvre (2008) 

Terreur et possession. Enquête sur la police des populations à l’ère technologique, Pièces et main d’oeuvre (2008)






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