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samedi 20 mai 2023

Loup : les chasseurs drômois veulent sa peau

Loup : 

les chasseurs drômois 

veulent sa peau

 

12 mai 2023

 


 

Dans la Drôme, les chasseurs veulent abattre 100 loups. Pour les écologistes, le prédateur n’est pas le seul responsable de la baisse des effectifs d’ongulés sauvages.

Le loup est dans le viseur des chasseurs drômois. Dans une motion votée à l’unanimité le 15 avril, la fédération départementale exige l’abattage de 100 loups pour la saison 2023-2024. Elle réclame aussi pour ses 11 000 adhérents la participation des chasseurs à toutes les interventions de tirs de la louveterie — les bénévoles chargés par la préfecture de tuer des loups — ainsi que l’autorisation de détruire le canidé pendant les battues de grands gibiers, à l’affût ou à l’approche.

« Depuis le retour de l’espèce jusqu’à ce jour, nous ne cessons de constater les effets toujours plus négatifs de la présence non maîtrisée du loup sur les populations d’ongulés sauvages », justifie-t-elle dans une lettre adressée à la préfète de la région Auverge-Rhône-Alpes le 25 avril. Elle accuse le prédateur d’être responsable de la disparition du mouflon et d’une baisse de 20 à 40 % des populations de chamois, cerfs, chevreuils et sangliers dans le département. Qu’en est-il réellement ?

• 150 à 200 loups dans la Drôme

Entre 150 et 200 loups répartis en 20 à 25 meutes ont élu domicile dans la Drôme et les zones limitrophes. « La population augmente régulièrement et normalement depuis les premières reproductions en 2003, à l’instar de ce que l’on observe en Espagne, en Italie et en Allemagne. Elle arrive à saturation, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas soixante meutes dans dix ans dans la Drôme », précise Roger Mathieu, référent loup pour la Frapna Drôme, une association de protection de la nature en Auvergne-Rhône-Alpes.

Cette estimation fait l’unanimité entre chasseurs et membres d’associations écologistes. Elle repose sur la synthèse de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui s’appuie sur les données de terrain recueillies par les membres du réseau départemental loup : agents de l’Office national des forêts (ONF), louvetiers, éleveurs, forestiers privés, naturalistes et chasseurs. Ces derniers guettent les traces laissées par le prédateur, qu’il s’agisse d’empreintes, d’excréments ou de clichés volés par des pièges photos. Rémi Gandy, président de la fédération des chasseurs de la Drôme, y participe régulièrement : « Ces observations sont complétées par la méthode des hurlements provoqués. L’été, on s’amuse à parler loup dans des cônes de chantier et on s’intéresse aux réponses d’éventuels louveteaux. »

Lire aussi : « Il m’attendait » : récits de rencontres avec de grands prédateurs

• Les effectifs d’ongulés sauvages ont-ils baissé ?

C’est là que les choses se compliquent. Il n’existe pas de données officielles sur les populations de mouflons, chamois, cerfs, chevreuils et sangliers. Ce sont les chasseurs qui évaluent ces effectifs pour être en mesure de proposer à la préfecture, via la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), un plan de chasse — autrement dit un quota d’animaux à abattre pour chaque espèce.

Pour ce faire, ils s’appuient sur des indicateurs de changement écologique (ICE). « Ces indicateurs ne donnent pas un nombre d’individus, mais la tendance d’évolution d’une population », précise Rémi Gandy. Les chasseurs ont quadrillé le département en trente-cinq groupements de gestion cynégétique (GGC), où ils font plusieurs relevés sur l’abondance des animaux — par exemple en comptant le nombre de chevreuils observés à l’aube et au crépuscule sur des circuits parcourus à pied — et sur leur « performance », autrement dit leur condition physique.

« On a une rigole métallique graduée à l’aide de laquelle on mesure les longueurs du maxillaire inférieur et de la patte arrière de chacun des jeunes chevreuils prélevés à la chasse », décrit le patron des chasseurs drômois. Ces données sont croisées avec le niveau et la vitesse de réalisation du plan de chasse : « Si on ne fait que 20 % du nombre de cerfs qu’on nous a attribué ou qu’il faut trois mois pour atteindre le quota, c’est qu’il y a un problème. »

 

Entre 150 et 200 loups ont été repérés dans la Drôme et alentour. Ici, un loup commun au parc animalier de Sainte-Croix, en Moselle. Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Musicaline

De ces protocoles et plus généralement de leurs observations, les chasseurs ont déduit que les mouflons avaient disparu du département et que les populations de chamois, chevreuils, cerfs et sangliers avaient baissé de 20 à 40 %. Mais ces conclusions ne font pas l’unanimité. Sur les mouflons, notamment. Côté chasseurs, Rémi Gandy en a compté 7 (1 vieux mâle, 5 mâles adultes et 1 femelle). Côté écologistes, Roger Mathieu en a comptabilisé 150. « Dire que le loup a éradiqué le mouflon dans la Drôme est un mensonge, attaque-t-il. Certes, le mouflon a vu ses effectifs diminuer au début des années 2000, car c’est une espèce introduite qui ne se défend pas bien. Mais il existe encore deux populations de mouflon, l’une d’une centaine d’individus sur la bordure méridionale du département, l’autre sur le Ventoux. Ils se sont adaptés en s’enrochant. »

• Ces baisses sont-elles imputables au loup ?

Pour Rémi Gandy, il ne fait aucun doute que les ongulés sauvages manquants ont été croqués par le grand méchant loup. « On a un taux important de carcasses typées loup, explique-t-il. Pour les mouflons, on n’a pas vu les carcasses, mais il y a eu une époque où les vautours étaient gras. »

Surtout, les chasseurs ont écarté d’autres hypothèses qui auraient pu expliquer une augmentation de la mortalité chez les ongulés sauvages. « Dans le passé, nous avons connu une épidémie de maladie abortive chez les chevreuils. Mais nous avons envoyé des prélèvements réalisés sur des animaux morts au réseau Sagir de surveillance des maladies infectieuses et ça n’a rien donné. Ça ne peut pas non plus être le braconnage, car les informations là-dessus nous remontent habituellement très rapidement et qu’en ce moment, c’est très calme. »

 

Rémi Gandy a compté 7 mouflons dans le département ; Roger Mathieu, lui, 150. Publicdomainpictures/CC0/Andrea Stöckel

Mais pour Roger Mathieu, l’hypothèse d’une surmortalité liée au réchauffement climatique devrait être étudiée de près. « On soupçonne les gros épisodes de canicule et de sécheresse qu’on subit depuis six à sept ans d’être à l’origine d’une baisse de la productivité, c’est-à-dire du nombre de petits, chez les ongulés sauvages », développe-t-il.

La faute à une baisse de fécondité des femelles d’une part, et d’une surmortalité des jeunes d’autre part. Cette piste ne convainc pas Rémi Gandy : « Ces épisodes n’ont pas eu de conséquences significatives sur la qualité des gagnages [les pâturages où le gibier va prendre sa nourriture] et sur les déplacements d’abreuvement. On voit aussi, à l’œil et aux pièges photos, que les animaux sont en bonne santé. »

• Cette baisse des effectifs est-elle réellement une mauvaise nouvelle ?

Autre sujet de discorde entre chasseurs et écologistes, les conséquences des baisses des effectifs d’ongulés sauvages sur les écosystèmes drômois. Roger Mathieu a intitulé la tribune qu’il a publiée sur le site de la Frapna Drôme « Les agriculteurs et les forestiers en rêvaient, les loups l’ont fait », en référence aux dégâts importants causés par des ongulés sauvages en surnombre sur les cultures et la forêt.

En mai 2022, la fédération de chasse de la Drôme avait encore dû débourser près de 600 000 euros d’indemnisation aux agriculteurs pour les dégâts causés par le sanglier. « Les loups permettent de garder les populations d’ongulés sauvages mobiles, ce qui ne concentre plus les dégâts sur un secteur et laisse le temps à la nature de se régénérer », apprécie Richard Holding, de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas).

Un avis que ne partage pas Rémi Gandy. Pour le chasseur, ces déplacements intempestifs du gibier rendent difficile le travail de régulation des chasseurs. « Quand le loup vide un massif de ses sangliers, on va les retrouver ailleurs et souvent dans les cultures, déplore-t-il. Sans parler des groupes de chasse qui se retrouvent à traquer une bande de sangliers ou de cerfs très nombreuse et très mobile alors qu’ils n’ont pas l’expérience de la battue. » Il alerte aussi sur les ongulés sauvages qui, par crainte du prédateur, se réfugient au plus près des villages.

• La demande des chasseurs est-elle raisonnable ?

L’objectif de la fédération de chasse de la Drôme est donc de ramener la population de loup à 50 individus dans le département. Un « fantasme », selon Richard Holding, qui rappelle que « le loup est une espèce strictement protégée ». L’OFB estime à 921 le nombre de loups en France. L’an dernier, le plafond de loups à abattre pour protéger les troupeaux avait été fixé à 174 individus. Il n’a pas été réévalué cette année. « C’est un quota national, insiste Marion Fargier, juriste à l’Aspas. On voit bien que si 100 loups étaient tués dans la Drôme, il n’en resterait que très peu, 74, pour tous les autres départements. » La marche à franchir serait énorme. L’an dernier, 8 loups avaient été abattus légalement en Drôme, contre 35 en Savoie et autant dans les Alpes-Maritimes.

Pour les associations écologistes, les intentions des chasseurs drômois sont bien moins avouables. « Ils voient le loup comme un concurrent, qui prédate les mêmes espèces qu’eux », accuse Richard Holding. Roger Mathieu, lui, évoque un risque de perte de revenus pour la fédération et les quelques 230 chasses privées du département. « La chasse est un business, rappelle-t-il. L’abattage d’un cerf peut se négocier plusieurs milliers d’euros, un chamois 800 euros. »

Face à ces nombreuses critiques des écologistes, les chasseurs reconnaissent forcer le trait en demandant l’abattage de 100 loups. « Nous sommes dans un territoire antichasse, où l’Aspas a créé sa réserve du Valfanjouse, où la Frapna et la LPO ont des directions antichasse. On en a marre d’entendre que les chasseurs veulent tirer du loup, déclare Rémi Gandy, exaspéré. Par cette motion, on a voulu défendre notre point de vue : on accepte le loup, mais il faut réguler et arrêter de surprotéger cette espèce. »

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