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mercredi 1 avril 2020

Tri des patients : l’État est coupable

Pic épidémique

Tri des patients : 

l’État est coupable


Ceux qui nous sauvent la vie seront bientôt obligés de trier les patients par manque de moyen. Précarisés, méprisés, exploités : après des années de destruction des hôpitaux, les soignants sont contraints de décider quels malades traiter pour faire face au pic épidémique. Qui sauver et qui laisser mourir, un dilemme criminel orchestré par les politiques néolibérales des différents gouvernements.

mardi 24 mars

 Crédit Photo / Twitter @CollectifInterHop


Une situation effrayante dans les hôpitaux publics


« Médecine de guerre », « médecine de catastrophe », les adjectifs ne manquent pas pour qualifier l’état de gravité dans lequel se trouve le service public hospitalier depuis quelques semaines. « On est conscient qu’on va arriver à cette phase de tri. On sait que ça va être difficile. L’un de nos médecins est en contact avec un médecin d’Italie qui l’a prévenu : ils entassent les corps dans les églises, c’est une hécatombe, il faut qu’on se prépare. » explique Laurent, un médecin de l’hôpital de Perpignan interviewé par Mediapart.

Difficile à croire, mais nous y sommes. Après la Chine, l’Italie, et l’Espagne, c’est à la France de rentrer dans le rouge, et de faire des choix criminels. Aujourd’hui, le constat est sans appel. « On prend les patients qui ont le plus de chance de s’en sortir » explique un réanimateur de l’hôpital d’Arras, dans le Pas-de-Calais à Ouest-France.

Face à l’épidémie, de nombreux hôpitaux sont passés en « plan blanc », c’est à dire une organisation de l’hôpital visant à faire face aux situations exceptionnelles. Pour certains hôpitaux, ce plan blanc, qui s’organisent en plusieurs « phases », comprend un stade final, celui d’une situation « hors de contrôle ». Une façon d’avouer que dans beaucoup d’infrastructures, les capacités sont insuffisantes pour faire face à une crise de grande ampleur.

Un rapport de « priorisation de l’accès aux soins critiques dans un contexte de pandémie » commandé par le gouvernement auprès d’un groupe de travail spécifique est venu concrétiser ce macabre scénario. Il y est écrit que « quatre catégories de patients vont mourir » : les morts inévitables, les morts évitables, les morts acceptables, les morts inacceptables. Face aux moyens des hôpitaux et la gravité de la vague épidémique, il s’agit de sauver en priorité les morts inacceptables, à savoir celles des jeunes patients sans comorbidité. Ensuite, il est possible de tenter de sauver les morts évitables, par une meilleure organisation ou des soins de meilleure qualité.

Autrement dit, l’hôpital public ne pourra pas sauver tout le monde. Les choix vont se jouer au fur et à mesure de la saturation des hôpitaux : entre les jeunes et les moins jeunes, entre les patients sans comorbidité et ceux présentant des pathologies. Ce que dit l’État, impuissant face à la crise, est qu’aujourd’hui, il est « acceptable » de mourir à 70 ans, soit 9 ans de moins que l’espérance de vie pour les hommes, et 15 ans de moins pour les femmes. Seulement voilà, en 2020 en France, mourir à 70 ans est considéré comme acceptable. Parce qu’il y a plus jeune, et qu’il y a surtout moins acceptable.

« Il va falloir faire des choix sur nos critères d’admission, non seulement en réanimation, mais tout simplement dans une structure hospitalière  », explique un médecin du service de réanimation de Colmar, toujours à Mediapart. Il ajoute : « quand on intube une personne de 70 ans, et qu’il prend le dernier lit disponible, nous sommes dans l’angoisse de voir arriver une heure plus tard une personne de 50 ans en détresse respiratoire. »

Alors que les hôpitaux font face à la crise et vont devoir, faute de moyens, trier les patients, le gouvernement essaye de donner un assentiment moral à ces tris entre patients, en tentant de « rassurer » les soignants que les choix qu’ils vont être obligés de faire seront « acceptables ». Des choix qui auraient pourtant pu être évités dans de très nombreux cas, si le système de santé n’avait pas commencé le combat contre le Covid-19 en si mauvais état.

Une politique qui pèse en premier lieu sur les soignants, qui doivent eux-mêmes faire un tri aux conséquences psychologiques lourdes. Une responsabilité douloureuse qui vient s’ajouter à un rythme effréné pour sauver le reste des vies, et qui marquera profondément ces soignants en première ligne.


Le résultat d’années de destruction des services publics


Pourtant, ce tri des patients est loin d’être une fatalité qu’il faudrait progressivement accepter. Mourir à 70 ans est le fruit de l’alliance d’une politique de minimisation de la crise par l’exécutif et de réformes néolibérales de destruction des hôpitaux publics.

« La vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie » nous assurait Emmanuel Macron le 6 mars dernier lors d’une sortie au théâtre. Une stratégie de l’insouciance, visant à préserver les profits patronaux d’un arrêt de la production et du confinement généralisé. Une position irresponsable qui a permis au virus de se propager très rapidement dans la population. Le pic épidémique que les soignants s’apprêtent à subir, est ainsi la conséquence directe d’une absence totale de mesures pendant les premières semaines de contamination.

François Salachas, neurologue à l’hôpital Salpêtrière, interpellait Macron en ces termes au début de l’épidémie : « Vous savez, quand il a fallu sauver Notre-Dame, il y avait beaucoup de monde. Là, il faut sauver l’hôpital public qui est en train de flamber à la même vitesse  », poursuivant, « vous pouvez compter sur moi. L’inverse reste à prouver ». En effet, la responsabilité du gouvernement ne remonte pas uniquement à quelques semaines. Le nombre de morts ne cesse d’augmenter, dans les hôpitaux, les EHPAD, les appartements. Chaque mort est le reflet d’un lit manquant, d’un médecin en moins, d’un masque FFP2 périmé, d’une demande de test restée sans réponse. Ou l’expression la plus brutale d’une stratégie de destruction du service public.

On pourrait penser que l’exécutif n’a pas compris, qu’il est peut-être sourd. Mais comment ne pas entendre le cri de détresse des travailleurs hospitaliers ? Un appel au secours long et strident poussé par des dizaines de milliers de soignants pendant des années. Dans la rue par les manifs, dans les hôpitaux par les grèves, dans les journaux par les témoignages glaçants. 17 500 lits d’hôpitaux en six ans, des salaires de soignants en deçà du salaire moyen en France (de 5 %) et largement plus faibles que dans les autres pays de l’OCDE, un manque toujours plus important de médecins, avec un taux de vacances dans les postes de médecins hospitaliers qui atteint 27,5 % ou encore l’aggravation des déserts médicaux. Une stratégie criminelle dont nous payons les conséquences aujourd’hui.

Alors si les hôpitaux sont aujourd’hui obligé de trier les patients pour sauver celles et ceux qui ont le plus de chances de l’être, il ne faut pas et il ne faudra pas oublier qui seront les vrais coupables de l’immense majorité des morts du coronavirus : c’est le gouvernement actuel et les précédents, qui ont tant détruit l’hôpital public qu’il est aujourd’hui incapable de faire face à cette crise. Ils seront coupables de toutes ces victimes, tous ces morts qu’ils classent aujourd’hui comme « évitables », « acceptables » ou « inacceptables », qui seront morts par leur faute, de la main des décrets qui ont détruit l’hôpital public.






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