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jeudi 8 août 2024

Série « Alexandre Grothendieck, légende rebelle des mathématiques » Épisode 3/5 : Rompre avec la Science

 

Schurik entre les "frères ennemis", rue Polonceau - Archives personnelles Johanna Grothendieck


Au sommet de sa gloire, Grothendieck s’éveille à la politique. La répression des dissidents en URSS et la guerre du Vietnam le mènent à s’engager et à se remettre radicalement en question. Il se tourne vers le mouvement écologique et développe une pensée sur les dérives des technosciences.

Alexandre Grothendieck, entouré de ses élèves et de ses collaborateurs à l’Institut des Hautes Études Scientifiques, consacre sa vie aux mathématiques. Il vient justement de recevoir à Moscou en 1966 la plus prestigieuse récompense académique : la médaille Fields. Il ne se rend pas à la cérémonie. Il n'est pas question pour lui de fouler le sol soviétique sur lequel son père, anarchiste, a été emprisonné. Il laisse le soin au directeur de l’IHES d’aller la chercher pour lui. On dit également que c’est par solidarité avec les écrivains Andreï Siniavski et Iouli Daniel que Grothendieck ne va pas récupérer sa médaille. En cette même année 1966 à Moscou, se tient leur procès, l’un des plus retentissants de l’histoire de la dissidence en URSS. Ils sont lourdement condamnés pour avoir publié à l’étranger des écrits satiriques anti-soviétiques.

Après avoir refusé d’aller chercher sa médaille Fields en URSS, il s’en prend à l’autre grande puissance impérialiste de l’époque : les États-Unis.

En novembre 1967, il quitte Paris pour le Vietnam où il enseigne, sous les bombes. La bulle d’abstraction et de pureté mathématique dans laquelle il était enfermé est en train d’éclater.

 

Alexandre Grothendieck au Vietnam - Novembre 1967- Archive personnelle Johanna Grothendieck

En pleine ébullition contre-culturelle et post Mai-68, le mathématicien commence une autocritique et une exploration qui le mènent à fonder le premier groupe d’écologie politique en France et son journal associé : Survivre et Vivre. Il offre avec la bande de Survivre une vitrine au mouvement écologiste naissant : agriculture bio, mouvement anti-nucléaire, médecines alternatives et critiques des techno sciences, Grothendieck participe aux combats de son temps. À la même période, il quitte l’IHES après avoir découvert que l’Institut recevait des fonds militaires et passe deux ans au Collège de France comme professeur invité. En complément de ses cours de mathématiques fondamentales, il parlera aussi de "nouvelle science" au service du monde vivant. Congédié du Collège de France, il prononce un discours rentré dans la légende (et enregistré) au CERN en 1972 où il va jusqu’à mettre en question la possibilité même de continuer la recherche scientifique.

"Tout d’abord, je pourrais peut-être dire quelques mots personnels. Je suis un mathématicien. J’ai consacré la plus grande partie de mon existence à faire de la recherche mathématique. En ce qui concerne la recherche mathématique, celle que j’ai faite et celle qu’ont faite les collègues avec lesquels j’ai été en contact, elle me semblait très éloignée de toute espèce d’application pratique. Pour cette raison, je me suis senti pendant longtemps particulièrement peu enclin à me poser des questions sur les tenants et les aboutissants, en particulier sur l’impact social, de cette recherche scientifique. Ce n’est qu’à une date assez récente, depuis deux ans, que j’ai commencé comme cela, progressivement, à me poser des questions à ce sujet. Je suis arrivé ainsi à une position où, depuis un an et demi en fait, j’ai abandonné toute espèce de recherche scientifique. À l’avenir, je n’en ferai que le strict nécessaire pour pouvoir subvenir à mes besoins puisque, jusqu’à preuve du contraire, je n’ai pas d’autre métier que mathématicien." Conférence du CERN, Alexandre Grothendieck (1972)

 

Dessin de Didier Savard - Journal "Survivre et Vivre", N9

 

Une du journal (1er numéro, juin-juillet 1971) - Journal "Survivre et Vivre"

 

Dans cet épisode, vous entendez la voix d’Alexandre Grothendieck grâce à l’archive enregistrée de la Conférence du CERN de 1972 : Alexander Grothendieck : Allons-nous continuer la recherche scientifique ? (CERN, 27/01/1972) et une archive inédite tournée par Michel et Yvonne Lefebvre à l’occasion de la manifestation anti-nucléaire à Bugey en 1971.

Avec :

  • Iegor Gran, écrivain, fils du dissident Andreï Siniavski.
  • Johanna Grothendieck, fille d’Alexandre, céramiste et mosaïste
  • Céline Pessis, historienne des sciences et de l’environnement
  • Pierre Deligne, mathématicien, Médaille Fields 1976 et Prix Abel 2013, ancien élève de Grothendieck
  • Jean-Paul Malrieu, physicien et membre du groupe Survivre et Vivre
  • Martin Andler, mathématicien et historien des sciences
  • FAB et les étudiants de l’université autogérée de Grenoble

Textes lus par Jean-Christophe Quenon :

  • Récoltes et Semailles. Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien, Alexandre Grothendieck (Gallimard)
  • Premier numéro du journal Survivre

Pour aller plus loin :

  • Les services compétents, Iegor Gran (Éditions P.O.L). Roman sur la longue traque de son père Andreï Siniavski par le KGB
  • Survivre et Vivre. Critique de la science, naissance de l’écologie. Céline Pessis (L’échappée)
  • Archives du journal Survivre et Vivre
  • L’université désintégrée. La recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel. Groupe Grothendieck (Le monde à l’envers)
  • Site du groupe Grothendieck
  • Lettres aux ingénieurs qui doutent, Olivier Lefebvre (L’échappée)

Merci à Rafik Zénine, Laurent Samuel, Michel et Yvonne Lefebvre et au département vidéo de la BNF. Merci à Michel Broué, Daniel Sibony, Olivier Lefebvre, Félix Loubaton et aux enfants d’Alexandre Grothendieck.

Une "Grande Traversée" de Marie Durrieu réalisée par Gaël Gillon.

Prise de son : Martin Troadec, Christophe Papon et Pierre Henry

Mixage : Pierric Charles

Documentation INA : Isabelle Fort Rendu

 

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-grandes-traversees/rompre-avec-la-science-5509180

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