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mardi 31 décembre 2019

Baisse de l'espérance de vie au Royaume-Uni et aux Etats-unis : quand la redistribution ne fonctionne plus

Baisse de l'espérance de vie 

au Royaume-Uni 

et aux Etats-unis : 

quand la redistribution 

ne fonctionne plus



La pauvreté a éclaté à Londres depuis 2011 avec les mesures gouvernementales d'austérité. La Grande-Bretagne voit pour la première fois depuis un siècle, son espérance de vie baisser dans plusieurs régions. Stuart et toutes ses possessions, loge dans un abri-bus près du château des Windsor, à Londres (Photo Steve Parsons / AP -4 Janvier 2017)



Depuis deux ans l'espérance de vie diminue aux Etats-Unis et pour la première fois cette année également au Royaume-Uni. Les causes multiples de cette régression ne sont pas exactement les mêmes entre ces deux pays, mais les inégalités et l'accès au système de santé restent des facteurs communs qui soulignent les limites des politiques pratiquées outre-Manche et outre Atlantique.


L'espérance de vie stagne au Europe depuis plusieurs années, ce qui n'est pas une bonne nouvelle. Mais qu'elle aille jusqu'à reculer en Grande-Bretagne, la sixième économie mondiale, est un signal inquiétant qui alerte les spécialistes : des pans entiers de population subissent un recul alarmant de leurs conditions de vie. Les Etats-unis ont déjà entamé cette abaissement de la longévité depuis deux ans. Comment ces deux pays parmi les plus riches de la planète peuvent-ils produire de tels reculs ?


" Dans certaines régions des Etats-Unis l'espérance de vie est plus basse qu'au Bangladesh et au Viêt Nam."

Etats-Unis : chômage faible mais grande pauvreté


Etrangement, alors que de nombreux économistes montrent en exemple les Etats-Unis pour leur quasi plein emploi, avec 4% de chômage, c'est pourtant ce pays qui génère le plus grand nombre de pauvres et d'écarts salariaux au sein des pays développés. Les injustices sociales sont une caractéristique des Etats-Unis. Le candidat à la primaire démocrate, Bernie Sanders faisait ce constat en 2016 : "Une vingtaine de personnes détient la même richesse que les 50 % les moins nantis du territoire américain". Plus de 5 millions d'Américains vivent avec moins de 4 dollars par jour et comme le soulignait le prix Nobel d'économie Angus Deaton dans un éditorial du New York Times fin 2017, : "Dans certaines régions [des Etats-Unis] comme le delta du Mississippi et les Appalaches, l'espérance de vie est plus basse qu'au Bangladesh et au Viêt Nam."


" Les enfants américains sont ceux qui sont confrontés au plus haut niveau de pauvreté dans le monde occidental développé. "


Les calculs de taux de chômage aux Etats-unis ne reflètent pas la réalité de la bonne santé économique et sociale des citoyens : des millions de personnes ne sont pas comptabilisées comme étant sans emploi parce qu'elles sont soit en prison, subissant des mini-jobs, malades, ou simplement n'étant pas inscrites dans l'équivalent des pôles-emploi américains. Près de 45 millions de personnes sont considérées comme "pauvres", soit 13,5% de la population . Ces chiffres sont contestés par des universitaires qui estiment que la pauvreté aux Etats-Unis est bien plus importante. Une étude publiée fin 2009 sur la pauvreté des enfants fait ce constat effarant : "Les enfants américains sont ceux qui sont confrontés au plus haut niveau de pauvreté dans le monde occidental développé".

Les Etats-Unis sont le pays le plus riche du monde, avec les plus hauts revenus par habitants et pourtant une part importante de sa population vit dans de très mauvaises conditions, au point de faire baisser l'espérance de vie de l'ensemble de la nation. Les raisons concrètes de cette baisse sont connues et sont dûes principalement à la mauvaise alimentation, la difficulté d'accès aux soins, la prise de drogues et de médicaments opiacés.

Royaume-Uni : quand l'austérité tue

 

Le Royaume-Uni subit des problèmes d'inégalités sociales et de grande pauvreté depuis des décennies, mais avec une explosion de ceux-ci depuis 2011 : la crise financière de 2008 a incité les différents gouvernements britanniques à appliquer des cures d'austérité budgétaires drastiques.


"Dans le quartier le plus cher de Londres, à Chelsea, les riches vivent en moyenne 16 ans de plus que les pauvres."


La longévité est en baisse au Pays de Galle et en Ecosse et cette baisse est clairement reliée au niveau de vie des habitants : francetvinfo explique que "Dans le quartier le plus cher de Londres, à Chelsea, les riches vivent en moyenne 16 ans de plus que les pauvres". 

La population la plus touchée et la plus fragile au Royaume-Uni est celle des personnes âgées qui ne peuvent souvent pas se payer une alimentation correcte, les prix ayant flambé, pas leurs pensions. Le budget du système de santé a été grévé et de nombreux services ne sont plus fournis, comme les repas livrés à domicile ou les bus en zone rurale. Les prises en charge de problèmes de santé causés par la pollution  sont le plus souvent effectuées en urgence. Alcoolisme, prises d'anti-dépresseurs, suicides causés par l'isolement social et économique : les personnes âgées meurent de plus en plus prématurément au Royaume-Uni.

Interrogé par Le Monde, un chercheur de l'université d'Oxford, Danny Dorling résume la situation : "Si plus de gens vivent sous le seuil de pauvreté, qu’on réduit les aides aux personnes âgées, que le budget du système de santé ne progresse pas, qu’il y a plus de sans-abri, peut-être qu’on ne devrait pas être surpris des conséquences".

Sachant que le taux de longévité a été "gonflé" par l'arrivée des jeunes immigrés polonais venus chercher du travail, la réalité de la baisse de l'espérance de vie britannique va très vite devenir difficile à cacher. Le chercheur Danny Dorling n'est pas optimiste et pense que cette baisse va continuer et s'amplifier. Le problème central qui n'est pour l'heure pas discuté, pour cause de batailles politiques sur le Brexit, est en fait celui de la redistribution des richesses. Mais l'Etat britannique ne semble pas désireux de s'emparer du sujet, surtout quand il se vante de son taux de chômage à 4% gagné par des mesures de restrictions des droits des chômeurs, de contrôles ultra sévères et de "contrats 0 heure"


Source : https://information.tv5monde.com/info/baisse-de-l-esperance-de-vie-au-royaume-uni-et-aux-etats-unis-quand-la-redistribution-ne


lundi 30 décembre 2019

Carnet de sauveteur













































 
 On a reçu ça : 











De: SOS MEDITERRANEE

Date:27 déc. 2019 14:52
Objet:Carnet de sauveteur












Chers amis,

l'Ocean Viking est arrivé sur la zone de recherche et sauvetage au large des côtes libyennes après le débarquement de 159 rescapés dans le port de Tarente en Italie.

Extraits du carnet de bord de Guillaume, marin sauveteur, qui raconte nos deux derniers sauvetages réalisés dans des conditions critiques.

« Il est 5 heures. Une foule serrée dans l'impasse d'un pneumatique en partie dégonflé espère sortir du noir. L'issue aujourd'hui est rouge et s'appelle, en lettres blanches, Ocean Viking. Le soleil décapsule le jour sur 112 têtes brunes qui enfilent les gilets de sauvetage distribués par Basile, qui coordonne l'opération sur l'eau. Malgré la proue du pneumatique éventrée, l'extraction des rescapés se fait en sécurité à bord des rafts et semi-rigides.

À l'échelle d'embarquement de l'Ocean Viking, je donne des mains qui deviennent des ailes. Des nourrissons, enfouis au creux de minuscules gilets de sauvetage, se retrouvent dans mes bras. Avec Massimo, on se relaie pour les bébés. On veut chacun son tour boire leurs regards. Puis leurs mains encore, et nos mains encore, se joignent en poignées salvatrices pour hisser les survivants à bord. Le mal de mer, s'il sévit, n’empêche pas le pont du navire de pétiller de sourires. L'Ocean Viking, c'est la parenthèse de paix. Avant, il s'agit d'oublier. Après on ne sait pas.

Le même jour, à la nuit, un autre sauvetage. Sur une mer qui s'est gavée de vent, apparaît, pantelante, une barque en bois pleine à craquer dans le halo du navire. La manœuvre du barreur transpire la panique et la proue percute la coque d'acier de notre navire mère. Certains tentent de s'accrocher, mettant en péril l'équilibre de leur fragile embarcation. Les gilets de sauvetage n'ont pas encore pu être distribués. Et à chaque vague, les bordées de bois crient une redoutée rupture. Sur nos semi-rigides, nous arrivons à dégager l'embarcation, à quelques mètres de l'Ocean Viking, pour finaliser la distribution des gilets de sauvetage. La voix de Basile tendue dans le grésillement de la radio UHF est mêlée dans le brouhaha de détresse.
La nuit, le vent, la houle... le concours parfait vers le pire.

Et pourtant après leur passage en enfer, peut-être ont-ils sur la mer trouvé finalement leur bonne étoile en arrivant vivants à bord de l'Ocean Viking ?”

Ils sont vivants et nous avons pu les conduire à Tarente malgré un vent de 90 km/h et des vagues de 5 mètres de haut.

Le bateau est reparti le jour de Noël pour veiller, porter secours, tendre la main. Et si nous sommes en mer, c’est grâce à vous.


Chaque don compte pour que nous puissions rester en mer cet hiver et au-delà.


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Merci d’être à nos côtés,

L'équipe de SOS MEDITERRANEE
#TogetherForRescue

dimanche 29 décembre 2019

En Ouzbékistan, les personnes LGBTQ+ sont forcées de vivre dans l'ombre

En Ouzbékistan, 

les personnes LGBTQ+ 

sont forcées de vivre 

dans l'ombre







 La place Amir Timur à Tashkent, la capitale de l'Ouzbékistan. Photo de l'auteur, qui souhaite conserver l'anonymat. La personne apparaissant sur cette image n'est pas censée représenter un membre de la communauté LGBTQ+. Image reproduite avec autorisation.


L'Ouzbékistan fait partie d'une poignée de pays [en] de l'ex-URSS en Asie Centrale où les actes homosexuels entre adultes consentants sont sanctionnés par la loi. Les personnes inculpées dans ce cadre risquent jusqu'à trois ans de prison. La société ouzbèke, profondément marquée par la culture perse pré-moderne, est riche d'une histoire et d'une tradition poétique [en] où figurent des relations amoureuses entre personnes de même sexe. Cependant, durant la période de domination russe puis soviétique au vingtième siècle, ces relations ont été criminalisées. Quand l'Ouzbékistan a obtenu l'indépendance en 1991, le gouvernement a conservé ces lois intactes.

Aujourd'hui, une homophobie caractérisée par son agressivité a été intégrée dans le discours dominant. Cette intolérance est ouvertement cautionnée par les membres du gouvernement [en], les autorités religieuses (aussi bien musulmanes qu'orthodoxes russes), ainsi que de nombreux internautes qui appellent non seulement à l'arrestation mais aussi à la mise à mort des personnes LGBTQ+. Ce climat de peur a de graves conséquences pour la communauté, qui ne se trouve en sécurité nulle part dans l'espace public. Parfois, les Ouzbèkes LGBTQ+ sont contraint.e.s au travail du sexe ou forcé.e.s à dénoncer leurs pairs auprès de la police. Quand ils et elles sont assassiné.e.s [en], les auteurs de ces crimes sont condamnés à des peines légères, ou même acquitté.e.s, à supposer que l'enquête aboutisse, ce qui est loin d'être une généralité.

Global Voices s'est entretenu avec l'un.e des rares activistes LGBTQ+ en Ouzbékistan, qui fournit un soutien juridique et psychologique à cette communauté forcée à la clandestinité.

Pour des raisons de sécurité, le nom de l'activiste a été omis. Cet entretien a été modifié par souci de concision.

Global Voices (GV) : Quels sont les principaux facteurs contribuant à la situation actuelle de l'Ouzbékistan, où l'homophobie est répandue et banalisée ?
Bohodir : La raison principale expliquant l'homophobie dans la société ouzbèke, c'est la religion musulmane, qui affirme que les “besoqolboz” (les personnes ayant une orientation sexuelle en dehors des normes) doivent être mis.e.s à mort. Beaucoup d'Ouzbeks qui n'ont pas reçu une éducation poussée ne comprennent pas que l'Ouzbékistan est un État laïque, et ne voient rien de mal à appeler ouvertement à l'assassinat de personnes LGBT, surtout sur les médias sociaux. Ils agissent en toute impunité et ils n'ont pas peur, sachant que l'homosexualité est toujours criminalisée en vertu de l'article 120 du Code pénal.

Récemment, on observe une recrudescence de l'homophobie. Plusieurs comptes homophobes [sur les réseaux sociaux] apparus récemment ont publié des informations privées sur des personnes LGBT, dont des photos et, dans certains cas, les détails figurant sur le passeport.

La deuxième raison expliquant cette homophobie vient de la loi, qui rend le gouvernement homophobe. Certains prétendent que, bien que l'article 120 soit en vigueur, il n'est pas vraiment appliqué. Mais il y a quatre mois, deux hommes ont été arrêtés en raison de cette loi. L'existence de l'article 120 crée un environnement dans lequel les droits humains sont bafoués et les crimes restent impunis. Les membres des forces de l'ordre font aussi du chantage aux personnes concernées par cette loi, les torturent, leur font subir des traitements dégradants et les menacent de révéler leur homosexualité à leur famille et à leur employeur.
GV : Quelles stratégies sont mises en place par les membres de la communauté LGBTQ+ pour survivre dans de telles conditions ?
B : Il est très difficile de développer un esprit de solidarité dans une société tellement homophobe. L'homophobie intériorisée entre constamment en jeu. Certain.e.s tentent de trouver refuge dans l'Islam, tandis que d'autres deviennent des gays homophobes et posent une menace sérieuse pour les autres personnes LGBT. D'autres encore choisissent de mettre fin à leurs jours.

Il y a de nombreux stéréotypes sur la communauté LGBT, qui est notamment accusée de pédocriminalité ainsi que d'être la cause de l'extinction de la nation ouzbèke.

Craignant d'être découvert.e.s, beaucoup de lesbiennes et d'hommes gays s'engagent dans des mariages [hétérosexuels] contre leur gré, à cause de la pression exercée par leurs proches. Après un certain temps, quand leur orientation sexuelle finit par être découverte, ils divorcent ou mènent une double vie.















Un panneau décrivant un code vestimentaire “pudique” pour les étudiant.e.s sur le campus de l'Université Nationale Ouzbèke. Photo de l'auteur, qui souhaite conserver l'anonymat. Image reproduite avec autorisation.




GV : Étant donné ce que vous décrivez ici, y a-t-il quelque chose à faire pour soutenir la communauté ?

B : Il est absolument nécessaire de poser les bases de projets et de nouvelles initiatives. De créer un site disséminant des informations pour améliorer la qualité de vie des personnes LGBT. En ce moment, les criminel.le.s et les gays homophobes ont gagné la confiance de la communauté et contrôlent tous les sites de rencontre et les chaines concernant les sujets LGBT en Ouzbékistan. Énormément de gens sont en danger à cause de ça. Comme elles ont peur, les personnes LGBT disent souvent que tout va bien, parce qu'elles ne savent pas où se tourner pour trouver du soutien.
GV : Peut-on voir des signes de changement dans la société ouzbèke, qui amèneraient à plus de tolérance et d'inclusion à long terme ?

B : D'abord, il faudrait des événements à caractère pédagogique pour ceux et celles dont le travail est en lien avec la communauté ; nous devons créer des groupes de bénévoles qui peuvent aider à développer différentes formes d'activisme. Nous devons constamment répertorier les crimes de haine en raison de l'orientation sexuelle. Après avoir mené cet inventaire, nous devons alerter les organisations internationales de défense des droits humains sur ces crimes et sur la haine envers les personnes LGBT.

Mais nous devons aussi renforcer le lien de confiance entre les personnes LGBT et le reste de la société. Les gens ont besoin de nous faire confiance, nous ne sommes tout simplement pas assez nombreux pour mener de front tous les combats nécessaires actuellement. Par exemple, étant donné que la loi nous décrit comme des criminel.le.s, nous n'avons aucun levier juridique.

Certains activistes sont psychologues, ce qui leur permet d'aider les membres de la communauté LGBT qui ont été victimes de violence ou de discrimination.

D'autres activistes travaillent dans le domaine de la santé publique. Ils et elles informent la communauté LGBT sur le VIH et aident les personnes concernées à accéder à des centres de traitement du SIDA. Néanmoins, rares sont les membres de la communauté à être au courant de ces actions.

Garder le silence revient à acquiescer aux crimes, à la discrimination et à la violence.

Source : https://fr.globalvoices.org/2019/12/25/243159/ 

samedi 28 décembre 2019

En catimini, le gouvernement réintroduit un cadeau fiscal à l’huile de palme

En catimini, 

le gouvernement réintroduit 

un cadeau fiscal 

à l’huile de palme 


Par

Selon un document obtenu par Mediapart, la direction générale des douanes et droits indirects a rédigé une note qui maintient l’exonération fiscale pour un sous-produit de l’huile de palme, malgré la suppression du principe de cet avantage par les parlementaires.

 

Au nom de la loi, les produits à base d’huile de palme ne peuvent plus bénéficier d’exonération fiscale en France, à partir du 1er janvier 2020. Mais au nom des intérêts du groupe pétrolier Total, le gouvernement est en train de rouvrir grand la porte à l’utilisation de cette matière première particulièrement nocive pour les écosystèmes. L’extraction d’huile de palme est une cause majeure de déforestation et de dérèglement climatique.

Il y a un an, un amendement à la loi de finances 2019 a exclu les biocarburants « à base d’huile de palme » de la liste ouvrant droit à un taux réduit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) – appelée à être remplacée par une taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB).

« L’huile de palme ne sera jamais durable. On transporte par tanker des centaines de milliers de tonnes d’huile de palme depuis l’Asie du Sud-Est vers les pays d’Europe. En termes de coût carbone, c’est une horreur », expliquait alors le rapporteur de l’amendement, le député Modem Bruno Millienne. Le texte a été voté contre l’avis du gouvernement.

L’usage et la vente d’huile de palme ne sont pas interdits en France. Mais l’intérêt économique de les utiliser a été fortement diminué par cette modification fiscale. Cela tombe mal pour Total qui a ouvert en juillet 2019 une « bioraffinerie » dans les Bouches-du-Rhône, la plateforme de La Mède. Le groupe souhaite y produire 500 000 tonnes par an de biodiesel à partir d’huiles végétales (colza, tournesol mais aussi palme) pour 60 à 70 %, et à partir de retraitement de déchets et résidus (entre 30 et 40 %). Le pétrolier s’est engagé à traiter chaque année au maximum 300 000 tonnes d’huile de palme, ce qui représenterait moins de la moitié du volume des matières premières utilisées sur le site.

Depuis le vote de l’amendement sur l’exonération fiscale de l’huile de palme en décembre 2018, Total n’a cessé d’attaquer cette mesure : deux saisines du Conseil constitutionnel – toutes deux perdues –, nombreuses déclarations de son PDG Patrick Pouyanné affirmant que « la survie économique » de sa raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) est menacée par la fin de l’avantage fiscal, tentative d’amendement dans la loi de finances 2020 pour reporter à 2026 la fin du cadeau fiscal.

C’est dans ce contexte mouvementé que la direction générale des douanes et droits indirects a rédigé dans le plus grand secret une note qui maintient l’exonération fiscale pour un sous-produit de l’huile de palme, les « acides gras de palme » (« PFAD » selon leur sigle anglophone). Dans ce document daté du 19 décembre 2019 que Mediapart s’est procuré via l'association Canopée-Forêts vivantes, le ministère de l’action et des comptes publics décide que « les biocarburants produits à partir de PFAD ne seront pas exclus du mécanisme de la TIRIB à compter du 1er janvier 2020 : ces biocarburants ne peuvent, en effet, pas être considérés comme des produits à base d’huile de palme ».

 

Note de la direction générale des douanes sur la fiscalité des biocarburants en 2020.

Autrement dit, les acides gras de palme doivent continuer à bénéficier de l’avantage fiscal mis en place au milieu des années 2000 pour inciter les opérateurs à incorporer de l’éthanol et du biodiesel aux carburants vendus sur le territoire. 

 

Extrait de la note de la direction générale des douanes, 19 décembre 2019.

Pourtant, en fin d’après-midi de cette même journée du 19 décembre, alors que la note de la direction des douanes était déjà rédigée, le cabinet de la ministre de la transition écologique Élisabeth Borne expliquait par écrit à Mediapart et l’AFP qu’« il n’y aura pas de décision en catimini sur les critères de durabilité des PFAD ». Et qu’« une concertation large et transparente se tiendra début janvier avec les acteurs économiques comme avec les associations environnementales ».

À la question de Mediapart, « le gouvernement ouvre-t-il la porte à l’utilisation des PFAD par la raffinerie de Total La Mède ? », le ministère de la transition écologique a répondu : « Non, le gouvernement souhaite d’abord qu’une concertation se tienne début janvier. » Il était pourtant en train de se passer exactement le contraire de ce qu’essayait de nous faire croire la communication gouvernementale.

« Pire pour le climat que le diesel fossile »


En quoi les PFAD posent-ils problème ? Ils « sont étroitement liés à la production d’huile de palme brute, explique Sylvain Angerand, coordinateur de campagne de Canopée-Forêts vivantes, une association de défense de la forêt. Techniquement, il ne s’agit pas d’un « déchet » mais d’un « co-produit ». Encore plus concrètement, il explique sur le site de l’ONG qu’« une fois récoltés, les fruits du palmier à huile se dégradent rapidement : au bout de quelques heures, si les grappes ne sont pas transportées et transformées en raffinerie, une grande partie de l’huile extraite n’est plus utilisable pour l’alimentation. Cette partie est constituée d’acides gras libres qui sont séparés de l’huile de palme brute par distillation lors de l’extraction : ce sont les PFAD (Palm Fatty Acid Distillate) ».

Laura Buffet, directrice énergie de l’ONG Transport & Environment, basée à Bruxelles, ajoute que le PFAD est déjà utilisé pour différentes applications industrielles (oléochimie, savon, cosmétique, aliments pour animaux notamment) et valorisé presque complètement sur ce marché florissant. « Si le PFAD se retrouve utilisé dans les biocarburants, les industries qui s’en servent actuellement vont devoir se tourner vers d’autres sources pour s’approvisionner – principalement de l’huile de palme brute. » Selon l’estimation du cabinet d’expertise Cerulogy, utiliser 1 tonne de PFAD pourrait augmenter la demande en huile de palme brute de 0,64. « En prenant en compte ces impacts, il est probable que le biodiesel produit à partir du PFAD soit pire pour le climat que le diesel fossile. »

Au niveau international, les alertes se multiplient au sujet de ces acides gras de palme. En 2013, l’International Council on Clean Transportation, une ONG d’expert·e·s spécialisée dans les transports décarbonés, a mis en garde contre le soutien au PFAD dans les carburants aux États-Unis dans le cadre de commentaires publics sur les règles américaines concernant les agrocarburants, précise Transport & Environment. L’Allemagne, la Norvège, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont décidé de ne pas classer les PFAD comme des résidus, ce qui leur aurait permis de bénéficier d’un avantage fiscal, poursuit l’experte.

Au niveau européen, les PFAD ne figurent pas dans la liste officielle – dite « Annexe IX » – qui énumère les matières premières éligibles à la classification de biocarburants « avancés », étiquette qui fournit elle aussi un bénéfice économique aux opérateurs économiques. Une position partagée par la France dans sa stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée pour la période 2018-2030.

La raffinerie de Total à La Mède (Bouches-du-Rhône) devenue en juillet 2019 «bioraffinerie» © Reuters

Et pourtant, la position du gouvernement, telle que présentée jeudi après-midi par le ministère de la transition écologique, est de dire que les PFAD « ne sont pas de l’huile de palme, mais des résidus acides produits lors du raffinage de l’huile de palme brute pour produire de l’huile de palme alimentaire ». Pour Sylvain Angerand, « la loi de 2018 supprime l’avantage fiscal des produits à base d’huile de palme. Les PFAD sont à base d’huile de palme. Donc maintenir leur avantage fiscal est illégal ».


Alors pourquoi le gouvernement se lance-t-il dans cette entreprise ? « Le droit européen les reconnaît comme des résidus », explique d’abord le cabinet d’Élisabeth Borne. Ce qui n'est pas le cas. « Les producteurs n’ont aucun intérêt à en produire davantage. » Cette affirmation se discute aussi, le prix de l’huile de palme et du PFAD semblant fortement lié. « Ces produits rentrent dans le cadre de la part de 25 % de l’approvisionnement de la bioraffinerie Total de La Mède issue de l’économie circulaire. » L’exécutif reconnaît ainsi ouvertement son objectif de servir les intérêts du groupe pétrolier. Et qu’à ce titre, il est manifestement prêt à déroger à la loi plutôt que de s’y tenir au nom de la défense de l’intérêt général.

Interrogé par Mediapart, le groupe Total se garde bien de dire si les PFAD sont à leurs yeux de l'huile de palme, ou pas. Mais explique au sujet de l'usine Le Mède que: « Le PFAD rentre dans la catégorie des huiles résiduelles acides , il est une ressource essentielle pour permettre à la bioraffinerie de Total à La Mède de développer l’utilisation de ressources issus de déchets ou de résidus (une obligation fixée par l’Arrêté préfectoral du 16 mai 2018). Du fait de son acidité et des risques de corrosion associés, le PFAD ne peut être traité qu’en quantité très limitée par notre bioraffinerie de La Mède. » 

Au vu de l’émoi suscité dans les cabinets ministériels par ce sujet depuis 48 heures, il semble que ni le ministère de l’écologie, ni Matignon ne soient à la manœuvre. Les liens entre Emmanuel Macron et Patrick Pouyanné sont directs et anciens. En juin 2017, le PDG de Total déclarait que l’élection du nouveau président était « un saut dans la modernité » (à partir de 6 min 07 dans ce lien). « Total a perdu au Conseil constitutionnel et n’a pas réussi à convaincre les députés, réagit Sylvain Angerand pour l’association Canopée-Forêts vivantes. Plutôt que d’accepter les règles de la démocratie, le gouvernement cède à son lobbying éhonté. Nous, nous ne céderons pas et nous irons en justice si le gouvernement s’entête. »


Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr
 

Cet article a été modifié le 20 décembre vers 20 heures pour intégrer une réaction du groupe Total.

Source : https://www.mediapart.fr/journal/france/201219/en-catimini-le-gouvernement-reintroduit-un-cadeau-fiscal-l-huile-de-palme

jeudi 26 décembre 2019

Un carnet de vaccination invisible sous la peau ?






Un carnet de vaccination invisible 

sous la peau ?





Un carnet de vaccination invisible sous la peau ? Le système, décrit mercredi dans la revue Science Translational Medicine, n'a pour l'instant été testé que sur des rats



, publié le mercredi 18 décembre 2019 à 20h01 

Des ingénieurs du MIT ont inventé des nanoparticules injectables sous la peau qui émettent une lumière fluorescente invisible à l'oeil nu mais visible par un smartphone, et qui pourraient un jour servir à confirmer que la personne a bien été vaccinée.

L'idée est d'inscrire sur le corps lui-même la preuve du vaccin, dans des pays en développement où les cartes de vaccination en papier sont souvent erronées ou incomplètes, et où les dossiers médicaux électroniques inexistants.

Le système, décrit mercredi dans la revue Science Translational Medicine, n'a pour l'instant été testé que sur des rats mais les chercheurs, financés par la Fondation Bill et Melinda Gates, espèrent les tester sur des humains en Afrique dans les deux prochaines années, dit à l'AFP la coautrice Ana Jaklenec, ingénieure biomédicale de MIT.

Les ingénieurs ont passé beaucoup de temps à trouver des composants à la fois sûrs pour l'organisme, stables et capables de durer plusieurs années.

La recette finale est composée de nanocristaux à base de cuivre, appelées des boîtes quantiques ("quantum dots" en anglais), de 3,7 nanomètres de diamètre, et encapsulés dans des microparticules de 16 micromètres (1 micromètre égale un millionième de mètre, et 1 nanomètre égale un milliardième). Le tout est injecté par un patch de microaiguilles de 1,5 millimètre de longueur.

Après avoir été appliquées sur la peau pendant deux minutes, les microaiguilles se dissolvent et laissent sous la peau les petits points, répartis par exemple en forme de cercle ou bien d'une croix.
Ces petits points sont excités par une partie du spectre lumineux invisible pour nous, proche de l'infrarouge.

Un smartphone modifié, pointé sur la peau, permet de faire apparaître, fluorescent sur l'écran, le cercle ou la croix. Les chercheurs voudraient qu'on puisse injecter le vaccin contre la rougeole en même temps que ces petits points. Un médecin pourrait des années plus tard pointer un smartphone pour vérifier si la personne a été vaccinée.

La technique est censée être plus durable que le marquage par feutre indélébile -- les chercheurs ont simulé cinq années d'exposition au Soleil. Et elle requiert moins de technologie qu'un scan de l'iris ou que la maintenance de bases de données médicales.

La limite du concept est que la technique ne sera utile pour identifier les enfants non-vaccinés que si elle devient l'outil exclusif. En outre, les gens accepteront-ils de multiples marquages sous la peau, pour chaque vaccin? Et qu'adviendra-t-il des points quand le corps des enfants grandira ?

La Fondation Gates poursuit le projet et finance des enquêtes d'opinion au Kenya, au Malawi et au Bangladesh pour déterminer si les populations seront prêtes à adopter ces microscopiques boîtes quantiques, ou préféreront en rester aux vieilles cartes de vaccination.


 Source : https://actu.orange.fr/societe/high-tech/un-carnet-de-vaccination-invisible-sous-la-peau-CNT000001mcsVN.html?fbclid=IwAR1bcJDGEUdq3FNmp9UkSyzowZgnTNvTPkTpbNAeD_Z79iBVbkCHwU8NUlA

mercredi 25 décembre 2019

Sapins de Noël : excédé par les pesticides, il a tiré au fusil sur une cuve d’épandage



Sapins de Noël : 

excédé par les pesticides, 

il a tiré au fusil 

sur une cuve d’épandage



21 décembre 2019 / Gaspard d’Allens (Reporterre) 


Un sapin de Noël sur quatre provient du Morvan. Ils y poussent sous perfusion d’engrais et aspergés de produits phytosanitaires. Excédé de voir ses abeilles mourir, Roger a tiré au fusil sur une cuve d’épandage de pesticides traitant les parcelles voisines de chez lui. Son acte a révélé le ras-le-bol des habitants de la région face à cette activité industrielle.

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Roger Prigent n’en pouvait plus. Le 14 juin 2019, excédé après des années à ruminer sa colère, il a pris son fusil et tiré dans une cuve d’épandage de pesticide. Cet apiculteur retraité de 67 ans avait déjà subi plusieurs faillites, vu son cheptel mourir et son activité s’écrouler. À cinq reprises en moins de quinze ans. « Là, je suis sorti de mes gonds, dit-il à Reporterre au téléphone. On nous empoisonne. Mes abeilles, c’est ma vie. »

Dans le massif du Morvan, à Marigny-l’Église (Nièvre), ses voisins cultivent des sapins de Noël. Loin de l’image bucolique qu’elles peuvent véhiculer, ces plantations sont devenues intensives. En France, un sapin vendu sur quatre vient de la région. Soit plus de 1,2 million chaque année. Ces champs d’arbres, tracés au cordeau, sont traités comme des parcelles de maïs, arrosés, sous perfusion d’engrais et aspergés de produits phytosanitaires.

« Quand ils épandent des pesticides, le nuage s’étire parfois sur un kilomètre, raconte Roger. Ils utilisent des fongicides, des herbicides, et même du glyphosate. » L’apiculteur habite à quinze mètres de la parcelle. « Ça se passe sous nos fenêtres. On respire tous les résidus toxiques. » Il y a quelques années, Roger a même attrapé un cancer. « Je peux rien prouver mais je suis sûr que c’est lié. À une époque, ils passaient le pulvérisateur toutes les deux semaines. »

 Selon l’apiculteur, les pesticides sont responsables de la mort de nombre de ses abeilles.


Marigny-l’Église se situe dans un coin vallonné de la Nièvre, au cœur du parc naturel régional du Morvan. Un comble pour l’apiculteur. « Comment le Parc naturel a-t-il pu cautionner ces pratiques agro-industrielles ? », s’interroge-t-il. Depuis quelques décennies, le bocage s’est transformé. Les élevages de charolais ont cédé la place au sapin. Une culture devenue aussi rentable que la vigne. Elle rapporte dans les 4.000 euros l’hectare.

« À côté de chez moi, les planteurs ont arraché des haies, canalisé des sources et drainé des zones humides. Ils ont même coupé à ras une parcelle de forêt et labouré les prés pour installer leurs sapins, explique Roger. Le terrain est en pente, alors tous les pesticides s’écoulent dans le lac du Crescent. J’ai alerté les autorités, la gendarmerie, le préfet, le conseil général, le député, les organismes de la protection de l’eau, le Parc… Mais personne ne bouge », regrette-t-il.

L’apiculteur se sent esseulé. Il ne pèse pas grand-chose face à ce secteur économique grandissant. Au mois de novembre, à Planchez-en-Morvan, à quelques kilomètres de Marigny-l’Église, une soixantaine de camions partent chaque jour remplis de sapins pour inonder le marché français, les magasins Truffaut, Carrefour ou Bricorama.

« Je vais pas laisser ma famille se faire contaminer »

 

Au cours d’un énième épandage, l’apiculteur a explosé. « Il était six heures du matin, je me dirigeais vers les ruches et j’ai vu mes voisins dans un tracteur en train de pulvériser des produits phytosanitaires et du soufre. » L’homme a d’abord fait de grands signes, leur a demandé d’arrêter. Sans résultat. « Je voudrais au moins qu’ils me préviennent. Ils ne peuvent pas faire ça impunément. Mes abeilles étaient de sortie. Je ne savais pas si elles reviendraient le soir. »

L’homme est allé chercher son fusil et a tiré dans la cuve remorquée par le tracteur. « Je ne suis pas un illuminé, se défend-il. J’ai tiré simplement sur un morceau de plastique. C’était le seul moyen de me faire entendre, une forme de légitime défense. Je ne vais pas laisser ma famille se faire contaminer. Mon fils vient de s’installer en agriculture biologique juste à côté. »


 « En France peu de gens savent que les sapins de Noël sont cultivés de manière industrielle. »


Le 12 novembre 2019, Roger était entendu au tribunal correctionnel de Nevers. Le Morvandiau de 67 ans a voulu transformer ce procès en diatribe contre les pesticides. Mais le président n’a eu de cesse de lui répéter qu’il était là pour répondre de ses actes. « L’audience ne porte pas sur le bien fondé de l’épandage », a-t-il tranché.

Fragilisé, Roger s’est enfermé. Son avocate, Me Élodie Picard, a affirmé au cours du procès que son client n’avait « pas d’autre choix. Soit il se tirait une balle dans la tête, soit il tirait dans la cuve. Heureusement qu’il a tiré dans la cuve ! »

Un mois plus tard, Roger confie à Reporterre avoir songé au suicide. « J’ai failli sombrer », dit-il pudiquement. L’apiculteur a été condamné à six mois de prison avec sursis. Il a l’interdiction d’entrer en contact avec un membre de la société et de porter une arme pendant cinq ans. Il devra également débourser 6.000 euros au titre des préjudices moral et matériel et pour les frais de justice.

« C’est énorme compte tenu de mes faibles revenus, déplore-t-il. Sur quinze ans, après avoir retiré 20 % de perte due à la mortalité naturelle des abeilles, j’estime à 170.000 euros la perte d’exploitation due aux produits phytosanitaires employés par les planteurs de sapins, calcule-t-il. Moi, je n’ai jamais été indemnisé. »

« Le sapin reçoit entre 80 et 100 traitements chimiques dans sa vie »

 

Localement, cette histoire a fait bouger les lignes. Roger est soutenu par plusieurs dizaines de personnes. Une pétition a été lancée. « On fait circuler une caisse de solidarité. On essaye d’être autour de lui. Je vends ses pains d’épices sur les marchés, raconte Marie-Anne Guillemain, une céramiste membre de l’association locale Adret Morvan.


Des plantations d’arbres de Noël à Anost (Saône-et-Loire).

L’affaire reflète un sentiment de ras-le-bol plus général exprimé par de nombreux habitants de la région. « En France, peu de gens savent que les sapins de Noël sont cultivés de manière industrielle. On croit tous que c’est naturel et respectueux de l’environnement, mais c’est faux », s’exclame Marie-Anne, également animatrice du livret forêt à la France insoumise.

« En moyenne, un sapin en conventionnel reçoit dix traitements par an. Des fongicides, des herbicides, du glyphosate, énumère Hugo Querol, un professionnel du secteur qui s’est lancé dans le sapin de Noël bio. « L’arbre est coupé entre 8 et 10 ans. Il aura donc reçu entre 80 et 100 traitements chimiques au cours de sa vie. C’est considérable. »

Des hormones de croissance sont également utilisées pour donner du volume au sapin et lui assurer sa forme conique. Or, ces produits ont des tendances cancérigènes. Comme nous l’apprend le parc du Morvan :
Afin d’obtenir une croissance apicale contrôlée des arbres de Noël, des régulateurs de croissance chimique sont parfois appliqués en plus des engrais et pesticides divers. Il s’agit la plupart du temps de molécules inhibant la synthèse des gibbérellines, ces hormones végétales favorisant l’élongation cellulaire. Toutefois, ces produits ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes (…) Du point de vue toxicologique, le daminozide est suspecté de cancérogenèse. »
Quelques scandales ont d’ailleurs éclaté. En 2010, une étude de l’Agence régionale de santé a révélé que des traces de pesticides avaient été retrouvées au niveau d’un captage d’eau potable à Champeau-en-Morvan. Le produit incriminé est du « dichlobénil », un puissant herbicide, possible cancérogène, utilisé dans les monocultures de sapins. La substance a été interdite depuis 2012 mais la pollution est toujours présente localement.

« Aucune enquête sanitaire n’a été faite, dit Hugo Querol. Mais on peut imaginer qu’un sapin, après avoir été coupé, peut continuer à exhaler des substances chimiques, d’autant plus dans une zone confinée, à proximité d’un poêle ou d’une source de chaleur. »

De son côté, Roger milite désormais pour que les traitements chimiques soient interdits à proximité des zones d’habitation. « C’est quand même fou d’en arriver là, pour une belle fête comme Noël. »

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Lire aussi : Pour Noël, adoptez votre sapin... et il vivra l’an prochain
 


Source : Gaspard d’Allens pour Reporterre
Photo :
. chapo : Chaponost, région lyonnaise. Jeanne Menjoulet/Flickr
. Des plantations d’arbres de Noël à Anost (Saône-et-Loire), au premier plan. wordoflard/Flickr
. Forêt. Pxhere
. ruche. © Marie Anne Guillemain


Source : https://reporterre.net/Sapins-de-Noel-excede-par-les-pesticides-il-a-tire-au-fusil-sur-une-cuve-d-epandage?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

mardi 24 décembre 2019

Impact de la 5G : A qui profite la 5G ?


Impact de la 5G : 

A qui profite la 5G ?





Où sont les études permettant d’évaluer l’impact sanitaire et environnemental de la 5G ? Quelle infrastructure doit-on privilégier pour limiter les rayonnements de la 5G à un niveau le plus bas possible ? demande l’eurodéputée française Michèle Rivasi (Verts/ALE). Deux rapports officiels parus en Suisse et en Grande-Bretagne, présentés par Michèle Rivasi à l’occasion des tables rondes sur la 5G organisées la semaine passée et cette semaine au Parlement Européen, apportent des éléments de réponse.

L’arrivée annoncée de la 5G est au centre de grandes manœuvres industrielles, financières et technologiques et s’accompagne de promesses mirobolantes, de milliers d’emplois et de nouvelles sources de profit pour les entreprises. Mais le déploiement de la 5G s’accompagne aussi d’un certain nombre de questions encore sans réponses.

QUE SAIT-ON DE L’IMPACT DE LA 5G SUR LE VIVANT ?

Au-delà des seuls bénéfices économiques, nous sommes confrontés à l’inconnue des effets sur l’environnement et la santé. Lorsque j’ai posé la première question écrite sur ce que l’on sait des possibles effets des bandes de fréquences de la 5G sur la santé (1), la Commission m’a répondu qu’une telle étude d’impact n’était « pas considérée comme nécessaire », les avis scientifiques précédents sur la 2G, la 3G ou la 4G n’ayant pas conclu à des risques sanitaires justifiant de réviser les limites d’exposition fixées en 1999. Autrement dit, les nouvelles fréquences de la 5G se développent actuellement sans étude d’impact environnemental ou sanitaire dédié. Sans ces études et sans évaluation de l’impact de la 5G sur le vivant, nous, les politiques, avons le devoir d’appliquer le principe de précaution.

LES SCENARIOS SUISSES POUR LIMITER L’EXPOSITION AUX RAYONNEMENTS 5G

Deux rapports officiels sur la 5G nous donnent pourtant des perspectives de cet impact.

Le premier a été réalisé à la demande des autorités suisses, par un groupe de travail réunissant des médecins, des ingénieurs, des scientifiques pour évaluer l’impact du déploiement de la 5G, en particulier sur l’exposition des populations aux champs électromagnétiques. (2)

La Suisse a ceci d’intéressant qu’elle applique deux limites d’exposition des personnes aux rayonnements électromagnétiques. Vous avez tout d’abord des limites d’immissions, similaires aux recommandations européennes, qui vont de 36 V/m à 61 V/m. Et des limites d’installation de 4 V/m et 6 V/m, pour les populations les plus fragiles, les hôpitaux, les écoles, etc. et qui se fondent sur le principe de précaution. Toute la question est donc de savoir si la 5G est compatible avec les normes suisses les plus exigeantes actuellement.

Le rapport suisse y répond en élaborant plusieurs scénarios. Trois grands scenarios se dessinent pour respecter les normes de 4 V/m et 6 V/m. Il faut investir dans le premier scénario le plus exigeant la somme de 12 milliards € et déployer 46 500 antennes contre 12 000 actuellement en Suisse. Le deuxième scénario du « statu quo » prévoit d’investir 7 milliards € et installer 24 500 antennes supplémentaires, avec 5000 aménagements. Les opérateurs privilégient eux deux scénarios plus rapides et moins couteux, où les normes limites seraient augmentées, passant à 11,5 V/m ou jusqu’à 20 V/m. L’investissement avoisinerait alors les 900 millions €, c’est à dire 13 fois moins que dans l’option garantissant le respect des limites d’exposition les plus protectrices du public.

Pour ce qui est des effets sanitaires, le rapport suisse constate qu’il n’y a pas assez d’études sur les ondes 5G. L’une de ses recommandations est donc de faire réaliser de toute urgence les études manquantes, notamment sur les effets sanitaires ou environnementaux des ondes millimétriques. Les études manquent et le peu qui existent attirent notre attention sur des risques possibles sur les insectes et la biodiversité. Car l’un des impacts de la 5G, dont l’on parle encore peu pour l’instant, concernent les arbres.

LES FEUILLES DES ARBRES ABSORBENT 90 % DES ONDES MILLIMETRIQUES DE LA 5G

Les arbres et la 5G sont l’objet du rapport commandité par le ministère de la culture, des médias et du digital britannique. (3) Ce rapport paru en 2018 passe en revue les effets de la présence de façades d’immeubles, de mobiliers urbains, de la pluie et des arbres sur la diminution et la propagation d’ondes supérieures à 6 GHz (à 26, 32, 39 et 60 GHz en particulier)… Il constate « dans le cas où il y a du feuillage, la perte est systématiquement de 90% sur toute la gamme de fréquences » ! 

Cela suppose que si l’on veut installer dans les villes une 5G qui fonctionne et avoir une ville « connectée », il va falloir couper les arbres. Cela me paraît insensé de privilégier la technologie et l’accès au numérique en abattant des arbres, alors que l’on promet dans le même temps de reverdir et de végétaliser les villes pour lutter contre les canicules notamment.

Attention de ne pas inverser les priorités ! Je rappelle à la Commission qu’il est hors de question de mettre en avant la 5G au nom des intérêts de l’industrie sans regarder les effets sanitaires ni les effets sur la biodiversité. D’autres questions se posent sur la facture énergétique globale de la 5G, ou encore de son impact écologique ou de l’extractivisme des terres rares qu’elle entraine. Mais ces rapports faits en Suisse et en Grande-Bretagne soulignent eux aussi l’urgence et la nécessité de produire des études d’impact biologiques et environnemental de la 5G avant tout déploiement à grande échelle !

(1) Évaluation de l’impact biologique et sanitaire de la 5G,
Question écrite du 27 mars 2019
http://bit.ly/Rivasi_Impact_5G

(2) Téléphonie Mobile et Rayonnement : le rapport du groupe de travail suisse
http://bit.ly/Rivasi_RapportSuisse2019_5G

(3) Arbres et 5G : le rapport britannique de 2018
http://bit.ly/Rivasi_RapportUK2018_Arbres_5G


Articles similaires :


Source : https://www.michele-rivasi.eu/politique/impact-de-la-5g-a-qui-profite-la-5g?fbclid=IwAR1mdaHccgC8RNP96D_pCllC6FYt7Y9D7MiZiQ_7jTtyAMV0zR23-Cj2xLU

lundi 23 décembre 2019

3 janvier - Rassemblement du mouvement des Coquelicots

Bonjour tout le monde

je voulais porter à votre connaissance le nouveau blog de Fabrice Nicolino.



Il y décrypte les dernières nouvelles concernant les pesticides, la "cellule gendarmique" que voudrait mettre en place le ministre de l'Intérieur, la réponse de l'Anses aux SDHI etc......
Bref !
Des éclaircissements bienvenus en ces temps si sombres

Bonnes fêtes de fin d'année à toutes et tous 
et au vendredi 3 janvier !




dimanche 22 décembre 2019

De la Savoie au Maroc, l’absurde exportation des veaux tarins


De la Savoie au Maroc, 

l’absurde exportation 

des veaux tarins



 5 juillet 2019 / Corinne Morel Darleux





Une fois la lactation déclenchée, le veau tarin devient, pour les fabricants de Beaufort, un « boulet » dont il se faut se débarrasser. Au Maroc, par exemple. Une « folie contemporaine » que dénonce l’autrice de cette chronique.

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Corinne Morel Darleux est conseillère régionale Auvergne - Rhône-Alpes.



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Dans les coulisses de la fabrication du Beaufort, fromage savoyard largement apprécié, se reproduit, saison après saison, une situation totalement ubuesque. Parmi les rapports que nous recevons avant le vote à la Région, j’ai ainsi eu la surprise de lire que nous financions la collecte de veaux en zone de montagne. Trois à quatre mille veaux, apparemment abandonnés là chaque année, qu’une coopérative va récupérer à la sortie des alpages l’automne parce que personne ne veut y aller : la valeur marchande de ces veaux ne couvrirait pas les coûts de collecte. Ces veaux sont ensuite expédiés en Tunisie, au Maroc et en Israël pour y être « valorisés », comprenez consommés. Mais que font ces veaux dans les montagnes savoyardes, pourquoi sont-ils expédiés dans ces pays, d’où sort cette absurdité ?

C’est un conte moderne, une de ces folies contemporaines dont j’ai commencé à tenir la liste, à côté des cimetières de vélos en Chine ou de Volkswagen neuves aux États-Unis, des ascenseurs qui parlent ou des courses à pied sur tapis roulant moquetté.

Pour produire du fromage, il faut du lait. Dans le cas du Beaufort, les vaches laitières sont issues de deux espèces : tarine ou abondance. La tarine est originaire de la Tarentaise, d’où son nom. C’est une espèce robuste, adaptée à la montagne et à la vie en alpages. Son lait est aussi utilisé pour le reblochon ou la tomme de Savoie. Mais pour avoir du lait, il faut que la vache ait des veaux. Elle est donc inséminée régulièrement, et donne alors naissance à un petit, qui, une fois la lactation déclenchée, devient un « sous-produit » c’est-à-dire un élément qu’il faut à son tour « valoriser » sous forme de viande.

Pour l’industrie agroalimentaire, le veau tarin est un boulet


Mais le veau tarin présente des spécificités qui, en langage économique, représentent de grosses difficultés : la couleur de sa viande serait inhabituelle, sa carcasse trop petite et sa croissance trop lente. En bref, ce n’est pas un bon sous-produit. Pour l’industrie, c’est un boulet.

Donc personne ne veut investir dans ces veaux mal adaptés au marché, qui restent plantés là. Qu’une coopérative va chercher puis garde cinq mois dans des ateliers de sevrage. Et qu’on expédie enfin dans d’autres pays pour y être mangés. Là où, je cite le rapport de la Région, « la couleur de la viande et le poids sont acceptables pour ce marché », sachant qu’« à l’exportation, c’est leur rusticité qui est intéressante (les veaux supportent les sols en béton, la température) ». Passons le fait que ce qui est bon pour les Marocains ne le serait pas pour les consommateurs français, cette dernière phrase est d’un cynisme affligeant au vu des scandales régulièrement pointés sur les conditions de transport dans ces cargos reconvertis en bétaillères marines...


Une fois la lactation déclenchée, le veau devient un « sous-produit ».

 Donc pour que nous puissions manger du Beaufort et simplement parce qu’on n’aimerait pas la couleur de leur viande (quand on pense qu’on nous a refourgué sans ciller des lasagnes à la viande de cheval et du veau aux hormones…), chaque année plusieurs milliers de veaux sont expédiés de la Tarentaise à l’autre côté de la Méditerranée.

La France importe 40 % du beurre qu’elle consomme

 

Un label de circuit-court est en préparation et une réflexion en cours avec la Région, sur trois ans, pour trouver des solutions à cette histoire de fous.

Et on ne parle pas là d’élevage industriel… Si même sur une production très locale en AOC (appellation d’origine contrôlée) comme le Beaufort, avec 520 fermes pour un total de 11.000 vaches — sur environ 3,5 millions de vaches laitières en France — qui montent en alpages l’été, on se retrouve pris dans ce type d’absurdité, pardon mais le système est vraiment devenu taré.

De fait, il l’est. Pour rester dans le fromage : la France en exporte beaucoup, et elle y consacre une telle part de son lait qu’elle doit en revanche importer 40 % du beurre consommé dans le pays, 34 % pour la crème et 26 % pour le lait en poudre. Depuis la fin des quotas laitiers en 2015, toute la filière est déréglée. De manière générale les paysans ne s’en sortent pas. La politique agricole commune continue à bénéficier aux plus gros, les pesticides à empoisonner, la viande à être servie à chaque repas… Et tandis que la France importe encore quatre millions de tonnes de tourteaux de soja d’Amérique du Sud, dans les rapports de la Région, à chaque session, on trouve des dispositifs d’incitation pour faire manger de l’herbe aux troupeaux. « Aide pour la gestion optimisée des pâturages », ça s’appelle. C’est l’évidence... Comment a-t-on pu à ce point perdre tout bon sens ?



 Lire aussi : L’agriculture paysanne est la voie à suivre
 


Source : Corinne Morel Darleux pour Reporterre
Photos :
. chapô : Vache tarine Flickr/ancoline
. Au col du pré, des vaches tarines Flickr/Prakhar Amba


Source : https://reporterre.net/De-la-Savoie-au-Maroc-l-absurde-exportation-des-veaux-tarins