Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan. Mais pas que. Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...
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Lutter contre le chômage ou lutter contre le chômeur ?
#BalanceTonChomdu
Le
Fainéants, fraudeurs, parasites sociaux, ça suffit ! Il est urgent de dénoncer et de mieux punir tous ces chômeurs qui, selon Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement, « bénéficient des allocations chômages pour partir deux ans en vacances » [1].
C’est contre ces suspects que s’engage courageusement Emmanuel Macron
en prévoyant de supprimer plus durement les allocations en cas de
recherche insuffisante, de refus de formation ou de refus d’une offre
d’emploi « raisonnable ». Ces mesures existent déjà mais elles
seront durcies et renforcées. Le chômeur devra également fournir un
rapport d’activité régulièrement. Un gentil cadeau de Noël au président
du Medef, Pierre Gattaz, qui exigeait que tout chômeur subisse « un contrôle journalier ou hebdomadaire » [2].
Ainsi, à l’exclusion et à l’humiliation que subit déjà toute personne
privée d’emploi, Emmanuel Macron ajoute la suspicion contre les
6 300 000 inscrits à Pôle Emploi. Mesures d’autant plus cyniques qu’en
réalité, Emmanuel Macron et son gouvernement savent parfaitement que
86 % des « bénéficiaires » remplissent leurs obligations. Un contrôle mené par Pôle Emploi depuis 2015 et publié en novembre 2017 montre que seulement 14% ont été radiés et que parmi ces radiés, 60 % ne touchaient déjà plus d’allocation chômage ![3]
La fraude à l’allocation chômage était estimée à 58 millions
en 2013 sur les 33 milliards d’allocations versées, soit moins de 0,6 %[4].
Ne doutons pas que le justicier Macron va « en même temps »
durcir les mesures contre les fraudeurs fiscaux (soit 3,4 milliards
d’euros) et les évadés fiscaux (60 milliards d’euros) car sinon, de
mauvais esprits pourraient l’accuser de faire la chasse aux pauvres et
d’épargner les riches, ce qui serait fort calomnieux.
Bien souvent, ceux qui dénoncent l’assistanat bénéficient eux-mêmes
de confortables allocations. Ainsi Laurent Wauquiez dénonce sur toutes
les tribunes « le cancer de l’assistanat », alors qu’il bénéficie lui-même de treize années de droits à la retraite pour avoir passé deux mois au Conseil d’État en 2004 [5] !
La chasse au mauvais pauvre est une vieille coutume. Lors de la
campagne pour les primaires de 1976, Ronald Reagan racontait l’histoire
de la Welfare Queen à chacun de ses meetings. Une chômeuse de
Chicago qui avait 80 noms d’emprunt, trente adresses postales, 12 cartes
d’assurance maladie, qui touchait les pensions de réversion de ses
quatre anciens maris, qui touchait au total 150 000 dollars de revenus
(non fiscalisés) et qui roulait en Cadillac. Un énorme bobard, mais qui a
très bien marché pour stigmatiser les assistés (chômeurs, immigrés,
malades), parasites responsables de tout les maux.
Opposer « ceux qui travaillent » contre « ceux qui profitent » est
une vieille recette qui permet de détourner le ressentiment populaire
contre les « mauvais pauvres » et qui désamorce la lutte contre
l’oligarchie. Le terme de Welfare Queen (« la reine des allocs ») est resté dans le langage courant avec une connotation raciste. Comme Reagan la situait dans le South Side de Chicago, le quartier noir, chacun comprenait que la Welfare Queen était une mère de famille noire.
Nos chasseurs de chômeurs n’en sont pas encore là, leur com’ est
moins énorme mais les principes et les buts sont les mêmes : en finir
avec l’État-providence, diviser la classe populaire, affaiblir les
luttes et les solidarités…
À ceux qui dénoncent les « assistés », on peut aussi utilement rappeler le montant du « non-recours »,
c’est à dire les allocations qui ne sont pas réclamées par les ayants
droit et dont le total est estimé à 12 milliards d’euros ! Non réclamés
par manque d’information, par découragement ou par honte de demander des
aides.
Mais ce que vise Macron en la matière, c’est le modèle allemand. Il le répète avec enthousiasme, « l’Allemagne a formidablement réformé » [6].
En effet, en dix ans, grâce au plan HARTZ, le chiffre du chômage en
Allemagne a été réduit de moitié. Une grossière astuce qui consiste à
transformer les chômeurs en travailleurs pauvres. Surveillance
constante, renforcement des contrôles, réduction et suppression des
allocations ; des millions de chômeurs allemands ont été réduits à
accepter n’importe quel boulot minable et sous-payé, sortant ainsi des
statistiques du chômage.Car si le taux de chômage en Allemagne
est d’environ 5 %, le taux de travailleurs pauvres est de 22 %, alors
qu’il est de 8,8 % en France pour un chômage voisin de 10 %.
Mais c’est LE CHIFFRE du chômage qui compte, non pas les travailleurs
pauvres, pas plus que les chômeurs d’ailleurs, pas plus que le chômage.
Seul compte LE CHIFFRE. Peu importe les moyens employés pour le faire
baisser. Les médias ne diffuseront que LE CHIFFRE et l’opinion ne
retiendra que LE CHIFFRE.
Faut-il rappeler que chaque année en France, le chômage tue cent fois plus que le terrorisme ?En novembre 2014, au terme d’une longue étude auprès de 6 000 chômeurs
de 35 à 64 ans, l’Institut National de la Santé et de la Recherche
Médicale (INSERM) indiquait que le chômage tue 14 000 personnes chaque
année [7] .
François Ruffin en maillot à l'Assemblée, le 7 décembre.Capture d'écran. DR
Pour avoir revêtu le
maillot d'un petit club de football, François Ruffin s'est vu infliger
une amende par le président de l'Assemblée nationale. A la veille du
bureau de l'Assemblée, Clémentine Autain pointe le ridicule de la
situation et la disproportion d'une telle décision.
La sanction fut inédite, sévère, immédiate. Sans peur du ridicule, le
président de l’Assemblée nationale a exigé 1 378 euros d’amende à un
député, sine die. Une première. Monsieur de Rugy s’est emporté,
il a énoncé cette décision avant même toute consultation du bureau,
instance pourtant légitime pour ce type de sanction. Il n’aura échappé à
personne que le député mis en cause, François Ruffin, appartient à un
groupe d’opposition, et pas n’importe lequel, celui qui tient
particulièrement la dragée haute à la macronie.
Qu’a bien pu faire le député de la Somme ? Aurait-il proféré des cris
de chèvre alors qu’une députée intervenait dans l’hémicycle ? A-t-il
omis de déclarer des comptes offshore à la Haute autorité pour la
transparence de la vie publique ? Injurié violemment un collègue ?
Improvisé un meeting à la buvette de l’Assemblée ? Envoyé à l’hôpital
son rival aux législatives en lui donnant des coups ? Rien de tout cela.
Mais, aux yeux du Monsieur de Rugy, François Ruffin a commis un crime
de lèse-majesté : jeudi 7 décembre, il a porté dans l’hémicycle le
maillot d’un petit club de football pour soutenir la proposition de
loi UDI-Agir de taxer les gros transferts pour financer le sport
amateur. Notre collègue Ruffin est monté à la tribune de l’Assemblée et,
dévoilant le maillot vert de l’Olympique Eaucourt, a dénoncé la folie
du sport business et énoncé la réalité des bénévoles «qui lavent, plient et rangent les maillots pour pas un rond», révélant «le don de soi dans une société où tout se marchande».
Une belle démonstration au service d’une proposition simple : prendre
une partie de l’argent généré en haut pour l’affecter aux petits clubs
qui en ont besoin, et donc mieux répondre aux besoins de la population.
Digne.
C’en fut trop pour monsieur de Rugy qui a crié à l’indignité
vestimentaire, au non-respect de l’institution. Il serait assez
ahurissant qu’une assemblée qui prétend se mettre à l’heure de la
modernité, celle où les réseaux sociaux permettent une diffusion grand
public des interventions parlementaires, se braque contre le port d’un
simple tee-shirt qui fait sens avec le propos, qui offre une
performativité au discours. On peut politiquement discuter de ce choix
et du fond de la proposition. Mais que le président de l’Assemblée ait
vu rouge au point de sanctionner financièrement François Ruffin est
stupéfiant.
Surtout au moment même où le président de la République, Emmanuel
Macron, n’a pas hésité à porter une tenue de pompiers ou de l’armée de
l’air pour rendre hommage à certains corps de métiers ! Personne n’a
décelé là une extravagance vestimentaire. Personne n’a hurlé pour
rappeler la dignité due à la fonction. Cherchez l’erreur…
La réglementation, l’indignation, la sanction ne peuvent être à
géométrie variable. Le pouvoir du président de l’Assemblée ne saurait
être exercé au mépris des règles ou en vue de combattre l’opposition. Or
aucune précision sur la tenue vestimentaire exigée n’est contenue dans
le règlement de l’Assemblée. Pour mémoire, suite aux plaintes exprimées
par certains groupes parlementaires attachés à une certaine forme de
tradition dans l’hémicycle, François de Rugy, interrogé par les
journalistes du Lab (Europe 1), avait défendu une «liberté vestimentaire».
Celle-ci a vite trouvé sa limite… De façon unilatérale, contre La
France insoumise. La ficelle est trop grosse pour ne pas être ridicule.
Elle ne serait que ridicule si le respect dû à notre groupe et au
règlement de l’assemblée n’était pas bafoué par un usage totalement
disproportionné de la police des débats. Gageons que le bureau de
l’Assemblée, mercredi 20 décembre, remettra à l’endroit ce que De Rugy a
mis à l’envers.
Une concertation
« avec garant » a démarré fin novembre autour du projet de gazoduc
Step, entre le Perthus et Barbaira. Ce gazoduc renforce la connexion
franco-espagnole des réseaux et, au-delà, s’insère dans la politique
européenne de grand marché de l’énergie.
Pose de conduite dans le Bordelais (photo TIGF).
Avec
le feu vert du président Macron, TIGF se prépare à lancer le projet
Step, nouvelle interconnexion, prévue pour 2022, des réseaux de
transport de gaz français et espagnol avec la réalisation du tronçon
Hostalric (province de Girona)-Barbaira (Aude).
Au préalable a lieu une concertation
« avec garant » agréé par la Commission nationale du débat public
(CNDP) (1). La concertation est menée par TIGF depuis le 21/11/2017
jusqu’au 23/01/2018 (voir les dates en fin d’article). L’enquête
publique devrait suivre en 2020.
Dans
sa partie française, STEP (South Transit East Pyrenees, Trajet Sud par
l’Est des Pyrénées) donnera lieu à la construction, à partir de 2021,
d’une canalisation enterrée (1 m de profondeur minimum) d’un diamètre de
90 cm pour relier la station de compression existante de Barbaira
(Aude) à la frontière espagnole, soit 120 km environ jalonnés par sept à
huit « postes de sectionnement« , qui servent à la surveillance
et à la maintenance du réseau (ils peuvent aussi permettre la connexion à
une nouvelle conduite).
TIGF
note que si Step (et l’interconnexion avec l’Espagne) n’aboutissait
pas, des travaux seraient nécessaires pour renforcer le réseau régional
Aude/Pyrénées-Orientales, qui à terme aura du mal à répondre aux
besoins.
L’un
des objets de la concertation portera sur le tracé. Une aire d’étude de
2 800 km² a été pré-établie ; elle va de la région du Perthus à
Barbaira par la région de Thuir et de Baixas, Tautavel-Opoul, les Basses
Corbières (entre Durban, Fitou, Portel, Saint-André-de-Roquelongue,
Boutenac et Ferrals) et le nord de l’Alaric. Avant d’établir cette aire
d’étude, sept zones d’exclusion ont été identifiées : la partie la plus
accidentée du massif des Corbières, la montagne d’Alaric, le massif de
Fontfroide, la zone littorale incluant l’agglomération narbonnaise,
l’agglomération perpignanaise, la partie la plus accidentée du massif
pyrénéen et le Haut-Vallespir.
L’aire d’étude de Step (Illustration TIGF).
A
partir de l’aire d’étude seront définies successivement des zones de
plus en plus précises, jusqu’à la sélection d’un ou plusieurs fuseaux de
1 km de large. La concertation publique commence à partir de ce niveau.
TIGF
assure prendre en compte au maximum la protection de l’environnement
naturel et de la biodiversité. La phase des travaux est celle
susceptible d’apporter le plus de dérangements. Les préjudices causés
aux agriculteurs seront indemnisés selon un barème « établi avec les chambres d’agriculture« . Après travaux, le sol est remis en place et « la nature et les cultures reprennent leurs droits« . Il reste une bande de servitude de 10 m sur laquelle ne peuvent pas être replantés des arbres de haute futaie.
L’investissement
de TIGF est estimé à 290 M€. A la suite de la concertation, TIGF
ouvrira un dossier de demande de subvention à l’Union européenne (la
sélection du projet comme Projet d’Intérêt Commun européen ouvre droit à
ce financement) et à l’Etat. Les collectivités locales ne participent pas au financement.
Au nom de la sécurité d’approvisionnement et de la concurrence
Dans
sa présentation du projet, TIGF note que, selon la Programmation
Pluriannuelle de l’Énergie, la consommation de gaz naturel devrait
baisser en France métropolitaine de 16 % entre 2012 et 2013. Mais,
poursuit-il, « le gaz naturel reste l’énergie fossile la moins émettrice de CO2 » et devrait donc avoir « un rôle important à jouer dans la transition énergétique« . Il cite l’exemple de l’hiver 2016-2017, au cours duquel « la
production d’électricité grâce au gaz naturel est venue compenser
l’arrêt simultané de plusieurs centrales nucléaires françaises.«
Il ajoute : « La production d’électricité grâce au gaz naturel« , plus souple, « permet
aussi d’accompagner le développement des énergies renouvelables : les
centrales électriques fonctionnant au gaz naturel peuvent prendre le
relais des installations éoliennes ou photovoltaïques lorsqu’il n’y a
pas de vent ou de soleil.«
TIGF souligne aussi que « à
l’avenir, le réseau de transport de gaz accueillera de plus en plus de
gaz d’origine renouvelable. La loi de transition énergétique pour une
croissance verte fixe un objectif d’injection de biométhane dans les
réseaux de gaz de 8 térawatt-heure en 2023. Notre pays souhaite
également atteindre une part de 10 % de la consommation de gaz couverte
par une production de gaz renouvelable à l’horizon 2030. Le gaz
participera de la même façon au développement d’une mobilité durable
avec l’apparition du bio-GNV (gaz naturel véhicule) en tant que nouveau
carburant écologique.«
Les
arguments de TIGF reprennent le discours officiel. Les objectifs de
Step s’inscrivent dans la politique européenne visant à construire un
marché intérieur de l’énergie et c’est à ce titre que Step a obtenu le
statut PIC (Projet d’Intérêt Commun) auprès de la Commission européenne.
Cette
politique européenne s’appuie officiellement sur la sécurité
d’approvisionnement, sur la mise en compétition des expéditeurs gaziers
censée assurer de meilleurs prix aux consommateurs (entreprises et
particuliers) et sur l’intégration des énergies renouvelables.
Step,
concrètement, reliera la France au réseau espagnol et donc
potentiellement au gaz algérien qui arrive par le gazoduc sous-marin
MedGaz à Almeria (en provenant de Beni Saf), mais aussi aux terminaux
portuaires espagnols (Barcelona, Sagunt et Cartagena), où arrive du GNL
(gaz naturel liquéfié) provenant du Qatar, du Nigeria et de Trinidad et
Tobago.
Carte des réseaux TIGF/Enagas (illustration TIGF).
L’Espagne
est également reliée au Maroc par le gazoduc sous-marin Tanger-Tarifa,
qui traverse le nord du Maroc et est également connecté aux champs
gaziers algériens.
Mais
jusqu’à présent l’actuelle connexion inter-frontalière par l’Ouest des
Pyrénées a été utilisée uniquement dans le sens France-Espagne, pour les
importations espagnoles.
Comme
la connexion THT (très haute tension) entre la France et l’Espagne par
le Perthus, la connexion gazière participe de la mise en place du grand
marché européen de l’énergie impulsé par l’Union européenne. Elle a
commencé, à partir de 2004, par l’ouverture du marché de l’électricité
et du gaz aux entreprises puis aux particuliers, c’est-à-dire par le
début de la fin du service public.
L’UE met en avant l’intérêt de la « mutualisation » de l’énergie entre ses États membres. En réalité, le « marché européen de l’énergie »
n’est autre que l’ouverture au marché mondial, qui facilite
l’approvisionnement en énergies fossiles venant de Russie, du Proche et
du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et au-delà. Un marché qui n’est plus
contrôlé par les grandes entreprises d’État mais par des opérateurs
privés (producteurs, fournisseurs, courtiers, transporteurs,
distributeurs).
Dans un article du Monde Diplomatique d’octobre 2011, « Enquête sur une industrie contestée. L’ouverture du marché de l’électricité ou l’impossible victoire du dogme libéral« ,
le journaliste Tristan Coloma dresse un constat qui peut aussi
s’appliquer au marché du gaz. Il estime que la libéralisation du marché
européen de l’électricité, contrairement à ses promesses, n’a pas fait
baisser les prix à la consommation, au contraire. Certes, elle a
favorisé la concurrence entre les sociétés de production mais avec un
effet pervers, qui est la forte concentration de ces entreprises, par
fusion et acquisition, ce qui tend à créer une situation de monopole.
Ainsi,
tout en participant par ses États membres aux objectifs de l’Accord de
Paris Cop21, sur un discours de transition énergétique, l’Europe
poursuit dans les faits le développement du marché des énergies
fossiles. Step, qui est présenté comme indépendant du grand projet
MidCat (lire ci-dessous), se situe pourtant dans la logique de l’Union
européenne qui est de perpétuer l’exploitation des énergies fossiles
parce que c’est elle, pour l’heure, qui représente la plus grande
opportunité de profit pour les multinationales de l’énergie.
Ph.C.
1)
Cette concertation préalable, non obligatoire, répond à la nouvelle
ordonnance de 2017. TIGF a choisi de saisir la CNDP pour qu’elle lui
permettre d’organiser cette concertation avec garant. Ce garant remettra
un rapport à la CNDP. Comme pour le débat public ses conclusions ne
sont pas contraignantes en matière de validation du projet mais elles
peuvent comporter des engagements de la part du maître d’ouvrage.
Elles
ont lieu, chaque fois à 18 h, à Thuir (MJC, 27/11), Rivesaltes (Salle
des Dômes, 28/11), La Palme (Salle Jean Moulin, 29/11),
Saint-Jean-Pla-de-Corts (salle socio-culturelle, 30/11), Estagel (Salle
Arago, 12/12), Fabrezan (salle des fêtes, 13/12), Tuchan (Foyer Jean
Jaurès, 14/12).
Réunions
de clôture à Perpignan le 22 janvier à 18 h (Palais des Congrès) et à
Narbonne le 23 janvier à 18 h (Montplaisir, salle des foudres).
La concertation en ligne est ouverte sur http://www.step-tigf.fr, rubrique « concertation ».
* * * * *
TIGF et Enagas
Le projet de connexion franco-espagnole est porté par deux maîtres d’ouvrages, l’un côté français, TIGF, l’autre côté espagnol, Enagas, première société espagnole de transport de gaz naturel, responsable de la gestion du réseau gazier.
TIGF
(Transport et Infrastructures Gaz de France), gestionnaire
d’infrastructures de transport et de stockage de gaz dans le grand
Sud-Ouest et sur l’ensemble du massif pyrénéen, est une ancienne filiale
de Total, créée en 2005 par ce groupe pour reprendre les activités
précédemment assurées par le service transport de Gaz de France. Total
l’a cédée en 2013 à un consortium constitué par l’opérateur italien Snam
(45 %), le fonds de l’État de Singapour GIC (35 %) et EDF (20 %).
* * * * *
Mobilisation des opposants en Espagne…
En
Espagne, la construction en 2011 du gazoduc MidCat (avec lequel Step va
se connecter) entre Martorell, près de Barcelona, et Hostalric (au sud
de Girona), a soulevé l’opposition d’associations locales. Elles se sont
récemment fédérées dans la Plateforme de Riposte au MidCat (Plataforma Resposta al MidCat). Elles font valoir que, dans le Vallés (à l’ouest de Barcelona), les travaux du gazoduc ont créé « de sévères dégâts à l’environnement » et que le plan de revégétalisation prévu n’est pas appliqué.
Une mobilisation coordonnée en Espagne.
Ces
opposants soulignent aussi que la fracturation hydraulique est légale
en Algérie depuis 2013 et que du gaz issu de fracturation hydraulique
arrive des États-Unis en Espagne sous forme de GNL.
Pour leur part, « Ecologistas en acción », membres du Réseau (franco-espagnol)de Soutien Mutuel en Réponse aux Mégaprojets Énergétiques, s’oppose « à l’Union énergétique (européenne)
à cause du modèle énergétique qu’elle défend, hyper-centralisé et
obsolète, et à cause de ses objectifs et conséquences : un marché unique
sans régulation adéquate et aux mains des grands groupes, qui perpétue
le modèle basé sur les combustibles fossiles et nucléaire.«
* * * * *
…et en France
Une
plateforme de vigilance sur le projet MidCat-Step, le « Collectif
contre le gazoduc transfrontalier », vient de se constituer le 11
décembre à Perpignan ; il regroupe les associations de l’Aude et des
Pyrénées-Orientales, opposées au projet (Alternatiba, Amis de la Terre,
Attac). Contact : vigilance.midcatstep@gmail.com
Le
collectif demande à la garante de la concertation d’organiser le débat
sur l’intérêt même de Step du point de vue de la politique énergétique.
Par
ailleurs, les opposants au projet soulignent l’importance des fuites
lors de l’extraction du gaz et sa forte nocivité en matière d’effet de
serre.
Michel Boche (TIGF) : « Step est individualisé par rapport à MidCat«
Pour Michel Boche, responsable à TIGF du projet Step, ce projet a été « individualisé »
par rapport à MidCat : en 2015 avait eu lieu une rencontre entre les
gouvernements français et espagnol pour renforcer la sécurité
énergétique de l’Europe, faciliter la fluidité des échanges et la
compétitivité sur le marché de l’énergie. Un programme global, dénommé
MidCat, d’un montant de 3 milliards d’euros dont 2 pour la France et 1
pour l’Espagne, avait été évoqué. Il prévoyait un ensemble de projets
comme la nouvelle interconnexion entre l’Espagne et la France par l’est
des Pyrénées, le renforcement de la compression en France, le projet
Eridans dans la Vallée du Rhône…
En
France, la Commission de Régulation de l’Énergie, dans son rapport de
juin 2016, estimait que le bien fondé du projet de connexion gazière
restait à démontrer, au regard de son coût élevé ; elle soulignait la
surcapacité existant sur le marché du gaz et craignait un surcoût pour
le consommateur du fait de la construction de ces infrastructures.
Pour Michel Boche, à ce jour « il n’y a pas de lien automatique entre MidCat et Step « .
Eridans, notamment, a été pour l’heure repoussé, du fait de
l’opposition des élus de la Vallée du Rhône. Step (South Transit East
Pyrenees, Trajet Sud par l’Est des Pyrénées) vit donc sa vie de son
côté, avec l’aval de la Commission européenne. Son budget s’élève à 442
M€, dont 290 pour la partie française et 152 pour la partie espagnole.
TIGF,
pour la partie française, a lancé fin novembre le long processus qui
doit aboutir en 2020 à l’enquête publique : concertation préalable,
bilan du garant (qui sera rendu public), prise en compte des éléments de
la concertation par TIGF pour faire évoluer le projet, poursuite du
dialogue et recherche d’accords amiables avec les personnes impactées
(comme les agriculteurs), puis ouverture de l’enquête publique.
Les travaux en zone agricole, ici en Guyenne (Photo TIGF).
Michel Boche insiste par ailleurs sur l’aspect volontaire de la concertation : « elle
serait obligatoire à partir de 200 km de réseau, on en est très loin.
Nous avons saisi la CNDP pour donner du crédit à l’information sur le
projet ; c’est vraiment une saisine volontaire (…) Nous avons une
volonté de discuter très en amont du projet avec les parties prenantes,
les gens concernés du territoire pour recueillir toutes les demandes
d’information, les inquiétudes, et y répondre (…) Nous le faisons
toujours. Nous obtenons toujours 90 % d’accords de servitude à l’amiable
avant le dépôt du dossier. Nous sommes dans une méthode de concertation
pour identifier tous les enjeux et les éviter.«
La concertation, poursuit-il, « retiendra
l’option de passage la moins impactante puis sera suivie d’études très
détaillées, faunistiques, floristiques pendant quatre saisons, études
domaniales, géotechniques, sur la problématique de l’eau…«
Les principaux critères d’évitement (des effets impactants du passage du gazoduc) sont, pour TIGF, « l’environnement,
les facteurs humains et sociétaux, la sécurité, l’urbanisation, les
paysages, les facteurs techniques (dévers, types de roche), mais il n’y a
pas de critère économique.«
Concernant
la construction, elle est interdite sur la bande de servitude de 10
mètres (5 m de chaque côté de la canalisation) mais il n’y a aucune
contrainte au-delà de ces 10 mètres. Les cultures peuvent être
replantées après la fermeture de la tranchée ; pour les vignes et les
vergers, on évite que des pieds se situent à la verticale de la
canalisation, celle-ci passera plutôt au milieu du rang ; le tuyau est
de toutes façons protégé par un revêtement polypropylène ou polyéthylène
de 8 mm et l’épaisseur de la canalisation, en acier, est comprise entre
9 et 20 mm.
Pour le passage des ruisseaux, « selon
leur taille, leur débit et le risque de crues, la canalisation passe en
forage dirigé sous le lit du ruisseau, assez profondément pour ne pas
créer d’impact sur les berges.«
Nous avons par ailleurs demandé à Michel Boche si Step sera susceptible de transporter du gaz de schiste algérien : « La prospection de gaz de schiste en Algérie », dit-il,
« est à peine en cours de lancement. Quoi qu’il en soit, la
consommation de l’Algérie en gaz est très forte et réduit sa capacité
d’exportation. Step n’a pas vocation à faire remonter du gaz algérien
vers la France, ni du gaz de schiste : l’Espagne a besoin de gaz et le
gaz algérien ne suffit pas ; par ailleurs, le GNL est cher en Europe,
les bateaux préfèrent livrer l’Asie, qui a une grosse demande. Que se
passera-t-il dans 30 ans je ne le sais pas et je n’ai aucune idée de ce
que sera alors la réglementation. »
Autre question sur le biométhane :
TIGF met en avant la compatibilité de Step avec le développement de
cette source d’énergie et se dit prêt à l’encourager. Nous avons demandé
des précisions à Michel Boche : « Nous avons lancé« , dit-il, « au printemps 2017 une étude sur la méthanisation avec l’association Solagro.
Il s’agit d’identifier, dans l’Aude et les PO, les potentiels de
gisements de méthanisation pour injecter du biométhane dans le réseau.
Quand l’option de passage (la validation du projet Step) sera
choisie, on pourra se rapprocher des agriculteurs pour voir s’ils sont
favorables à créer des unités de méthanisation. Nous pourrons alors
intervenir, comme nous l’avons fait par exemple dans les
Pyrénées-Atlantiques avec le collectif d’agriculteurs Methalayou,
pour faciliter le montage financier du dossier et la réalisation de
l’unité d’injection. Et de manière générale nous faciliterons les
possibilités de raccordement.«
* * * * *
Réaction : Miser sur les ressources locales
Nous publions intégralement cette réaction d’Albert Cormary, qui apporte un bon complément d’analyse :
« Décidément,
nous vivons une époque où se télescopent les contradictions ! D’un
côté, nous apprenons que le projet d’interconnexion des réseaux gaziers
européens suit son cours avec le volet franchissement des Pyrénées, à
travers le massif des Corbières. De l’autre, les projets locaux de
méthanisation émergent et nous commençons à entrevoir la production
locale d’hydrogène susceptible d’être injectée dans le réseau de gaz.
L’interconnexion
est une idée séduisante à première vue puisqu’elle permet une certaine
sécurisation des approvisionnements. Cependant, elle repose sur le
postulat que les approvisionnements sont issus de grands pays
producteurs. Pays producteurs exploitant des ressources conventionnelles
ou non (par exemple gaz de schistes en Algérie) ayant le caractère
rédhibitoire d’être fossiles.
De
l’autre côté, la méthanisation des ressources locales : déchets
ménagers, distilleries, stations d’épuration, etc. est une réalité dans
de nombreux pays avancés et peine à émerger chez nous. Un projet de
centre de recherche sur le site Lambert à Narbonne doit être regardé
comme un encouragement sur la voie à suivre.
Autre
ressource locale potentielle : l’hydrogène. La conversion de l’énergie
éolienne en gaz est un procédé industriel qui arrive à maturité et est
très prometteur pour l’avenir. Cela sur plusieurs voies dont la dilution
dans le gaz « de ville » à hauteur de 10 %.
Ces deux ressources sont décentralisées et donc à l’opposé du postulat énoncé au début.
Dans
sa plaquette de présentation, TIGF ne s’y est pas trompé et affirme que
son projet va faciliter ceux sur les énergies renouvelables promettant
même à travers lui de participer au financement de leur raccordement
(chantage ?).
La filière gaz est importante pour préparer la transition énergétique.
L’énergie fossile la moins émettrice de gaz à effet de serre aura un
avenir pour le XXIe siècle comme le montre le scénario Negawatt, à
condition que sa production décarbonée progresse significativement.
Ainsi, les probablement 300 millions qui seront consacrés au projet
d’interconnexion seraient assurément plus utiles, investis dans la
recherche sur la méthanisation sèche ou les procédés d’électrolyse par
exemple. Quant aux coûts actuels de ces énergies renouvelables, qui
aurait parié, il y a 20 ans, que le coût de production de l’éolien
serait comparable à celui (officiel) du nucléaire ?
Les
promoteurs d’une Europe de l’énergie ont libéralisé le marché de
l’électricité en misant sur les interconnexions et ses fantasmes :
L’Espagne manque d’électricité, la Suède va lui en vendre proclamait
leur slogan. Sauf qu’un MW injecté dans le réseau par la Suède a peu de
chances d’arriver en Espagne. Moralité, c’est à l’Espagne de définir ses
besoins et adapter sa production avant d’aller acheter ailleurs ce qui
passe par les THT honnies.
Ici, c’est un peu la même chose. Nous avons besoin de gaz ? C’est à nous
à définir ce que nous voulons et adapter notre production sans aller
chercher du gaz de schiste en Algérie !
Cet
article a abordé la dépendance aux grands groupes mais il faut y
ajouter les enjeux géopolitiques. C’est la dépendance et le coup de main
que nous donnons à de riants pays comme l’Azerbaïdjan, le Qatar, etc.
Sur
le volet impact environnemental, le gazoduc actuel est une balafre dans
le paysage des garrigues. Ce sont des centaines d’ha de pelouses sèches
qui ont disparu. Vous en avez un aperçu au nord de Salses. Parfaitement
visible depuis l’autoroute ou l’ex RN9. Donc, le maître d’ouvrage a peu
de crédibilité là dessus quand il dit que c’est sans incidence… »
À peine les médiateurs avaient-ils remis leur rapport sur le projet de Notre-Dame-des-Landes que les médias s’obsédaient de l’« évacuation de la Zad », explique l’auteure de cette tribune. Qui juge cette prise de position malhonnête et simpliste. D’autant qu’une évacuation immédiate serait, selon elle, illégale.
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Françoise Verchère est membre du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CéDpa).
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« Évacuer la Zad » :
trois petits mots répétés sur tous les tons pour ajouter à la confusion
et empêcher une sortie non violente de l’impasse de
Notre-Dame-des-Landes. À peine le rapport des médiateurs sur le projet
de nouvel aéroport était-il rendu et analysé
— et parfois déformé — que beaucoup de médias sont passés au seul sujet
qui leur semble d’importance : l’évacuation de la Zad, quel que soit le
choix du gouvernement.
Balayé le fond même du dossier, c’est-à-dire la preuve enfin faite
que le processus de décision a été pipé dès 2003. Que l’on n’avait pas
étudié l’alternative de l’optimisation de Nantes-Atlantique, et que des
mensonges (pardon, des « constats erronés », page 19 du rapport des médiateurs), sont à la base de la déclaration d’utilité publique.
Oubliée aussi la proposition des médiateurs de donner du temps à la
négociation pour permettre que se continuent les expériences les plus
intéressantes sur un territoire qui serait rendu à sa vocation agricole
et naturelle. Sujet trop technique ? Ou trop
politique, qui obligerait à s’interroger enfin sur le pouvoir qui
décide pour les citoyens mais enrobe ses décisions du voile de la
merveilleuse « démocratie participative », avec force débat public, enquêtes publiques et autres garants et commissaires ? Sujet pas assez croustillant, en tout cas. Car, ce qui ferait de belles photos, de beaux reportages à l’heure du JT,
et de beaux discours sur l’ordre et l’État de droit, ce serait
l’affrontement entre les forces de l’ordre et les gueux, les voyous, les
ultraviolents, les ZADISTES.
En France, il y a partout des zones de non-droit
On parle donc d’« évacuation, quelle que soit la décision prise sur l’aéroport ». Comme on a parlé de « référendum » en juin 2016 alors qu’il s’agissait d’une « consultation pour avis », on utilise le même mot pour deux cas de figure différents, ajoutant ainsi au malheur du monde en nommant mal les choses.
Il y aurait bien évacuation si le gouvernement décidait malgré tout
de construire le nouvel aéroport, évacuation de tous, agriculteurs,
habitants anciens et nouveaux, vaches et tritons sans compter les
milliers de soutiens qui viendront avec d’autant plus d’incompréhension
et de colère qu’aujourd’hui on sait inutile la destruction de ce bocage
si précieux. Évacuation, donc, avec un lourd tribut à payer, destruction
de toutes les habitations et bétonnage.
Mais, si le gouvernement décide d’arrêter ce mauvais projet, la Zone à
défendre change immédiatement de statut. Plus besoin de défendre 1.600
ha de la destruction. Plus besoin de barrages.
Les chemins sont déjà
ouverts à tous, la seule route qui ne le soit pas à ce jour, vestige de
l’épisode « opération César »,
s’ouvrira de nouveau, car c’est la logique. La libre circulation fait
partie des droits de tous, zadistes ou pas. Mais les cabanes illégales,
les voyous qui occupent illégalement des terrains qui ne leur
appartiennent pas, diront les tenants de l’ordre ?
Eh bien, oui, ils sont de fait dans l’illégalité, comme tant d’autres
en France et en Navarre. Quel maire — je l’ai été — n’a pas à faire
face à ces difficultés de stationnement et/ou de constructions illégales ? Le bocage serait-il la seule zone de non-droit ? Le seul où il faille intervenir ?
Vaste programme que de rétablir l’ordre et la loi partout… Chacun
s’accordera, je l’espère, pour admettre d’abord que, dans un État de
droit, seule la justice peut autoriser une intervention.
Il n’est donc pas possible en janvier, toutes affaires cessantes,
d’envoyer la troupe nettoyer la Zad parce que ce ne serait pas légal.
Pour admettre ensuite que la même sévérité doit valoir pour tous les
squatteurs, et toutes les infractions, caravanes et autres yourtes sans
autorisation, belles résidences agrandies sans permis, propriétaires des
bords de l’Erdre — la plus belle rivière de France coulant à Nantes —
qui refusent, malgré la loi, le droit de passage sur leurs terrains
(mais il faut dire que ceux-là sont des gens bien, qui peuvent payer les
astreintes de la justice qui les a condamnés…).
Ces expériences ont leur place dans un futur apaisé
Ancienne élue, je sais la difficulté de l’équilibre à respecter pour
vivre ensemble, j’ai passé des décennies à expliquer la nécessité des
règles et à faire face « en même temps »,
comme on dit aujourd’hui, à la réalité qui oblige à trouver des
solutions acceptables. La Zad est née de la volonté de défendre un
territoire face aux mensonges et à l’obstination coupable des partisans
du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ;
elle a vu naître et croître de belles expériences, n’en déplaise à ceux
qui en parlent sans rien connaître réellement de cet espace de vie. Ces
expériences-là, de production, de solidarité, de rapports différents à
la nature et aux autres ont leur place dans un futur apaisé.
Parce que je ne suis ni naïve ni angélique, je dis aussi qu’il y a
sur la Zad des gens avec qui je ne passerais pas une journée ni même une
heure, de même que je ne passerais pas une heure avec des tas de gens
apparemment bien sous tous rapports (je ne donnerai pas de noms…), mais
je dis qu’il y a aussi d’autres habitants, beaucoup d’autres dont je
serais fière qu’ils soient mes enfants pour les plus jeunes, parce que
je suis admirative de leur créativité et de leurs valeurs. Je constate
aussi que chaque jour nous apporte son lot de faits divers, parfois très
glauques, sur Nantes et l’agglomération, que je vois dans les rues
toujours plus de mendiants, de gens visiblement malades, de pauvres.
Dans une indifférence générale. Notre vie collective me semble pourtant
plus menacée par cette réalité et notre impuissance collective que par
ce qui se passe sur la Zad.
Le verbe est créateur : à force de parler des « armes de destruction massive » que l’Irak était censé avoir (on le savait, on le répétait de source sûre, on y croyait, donc c’était vrai, n’est-ce pas ?),
on a eu la guerre. La vérité a fini par être révélée, il n’y avait pas
d’armes de destruction massive. Ceux qui présentent la Zad comme un
repaire de quasi-terroristes, ne devraient-ils pas s’en souvenir ?
Avec un peu d’avance sur le calendrier, je forme le vœu que le
gouvernement abandonne ce projet destructeur et inutile, et qu’il fasse
preuve de lucidité et de réalisme en donnant du temps au temps pour
trouver les meilleures solutions locales. Qui peut honnêtement penser
que cela mettrait en péril la République, à part des fous, des pyromanes
ou des journaux comme Le Journal du dimanche et Valeurs actuelles ?
Photos :
. chapô : Une des voies d’accès de la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Flickr (Non à l’aéroport de NDDL/CCBY-NC-ND 2.0)
. portrait : DR
- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de la rédaction.
- Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.
Quand il s’agit de ramener
des cliques et des lecteurs, ou d’aller dans le sens d’un certain vent,
il peut arriver à certains de nos confrères de prendre leurs aises avec
la déontologie. C’est bien ce qu’il semble s’être passé pour le Journal
du Dimanche ce 17 décembre avec la publication d’un article intitulé « Notre-Dame-des-Landes : les photos secrètes de la ZAD » (le titre a été modifié depuis).
Le tweet original
Malheureusement pour eux, une photographe indépendante
a reconnu dans l’article l’une de ses photos qui n’était pas secrète
mais recadrée, altérée, et accessoirement utilisée sans son accord. Elle
s’est donc intéressée à l’origine de ces photos présentées au lecteurs
du JDD comme « secrètes ». Ce qu’elle a
découvert est aussi comique que compromettant pour le journal du
dimanche. Nous publions ci-dessous sa contre-enquête publiée sur
twitter.
Gageons que ce genre de manipulations risque de se multiplier à mesure
que le gouvernement annonce son intention d’expulser les occupants de
Notre-Dame-des-Landes. [1]