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vendredi 31 décembre 2021

(1) Allaitement prolongé et cododo : une maternité plus « naturelle » qui questionne

Allaitement prolongé 

et cododo : 

une maternité plus « naturelle » 

qui questionne

 

25 juin 2021

 


Cododo, écharpe de portage, allaitement à la demande le plus longtemps possible... Ce que l’on appelle le « maternage proximal » est de plus en plus en vogue, notamment chez les écologistes. Des mères et des expertes nous en racontent les joies et les limites.

[1/2 Maternage proximal] L’allaitement long à la demande, le « cododo » et le portage font de plus en plus d’adeptes chez les jeunes parents, notamment dans les milieux écologistes. Dans une enquête en deux volets, Reporterre s’intéresse aux origines de ces pratiques, à leurs avantages et leurs limites.
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« Mon fils James, bientôt deux ans et demi, est toujours allaité à la demande. Il passe ses siestes en portage et ses nuits en cododo dans notre lit. Pour les promenades, soit il marche, soit nous le portons à bras ou sur les épaules. » Julie, 33 ans, professeure des écoles à Avranches (Manche), et son compagnon Guillaume, père au foyer, pratiquent le parentage proximal. « Nous avons des motivations écologiques. Le rôle d’une mère, selon moi, est d’être le plus longtemps possible auprès de son enfant », dit Julie. Les nuits entrecoupées de réveils et de tétées, le régime alimentaire strict pour poursuivre l’allaitement malgré les allergies de son fils, l’incompréhension parfois de l’entourage ? « Nous ressentons beaucoup de satisfaction. La fatigue est présente, de même que la frustration. Mais c’est tout à fait normal ! Si l’on ne veut pas être fatigué, il ne faut pas faire d’enfant. »

Comme Julie et Guillaume, un nombre croissant de parents, et surtout de mères, se tournent vers le « maternage proximal » ou « intensif » : cododo (lorsque le bébé dort dans la chambre de ses parents voire dans leur lit), portage « physiologique » en écharpe ou en porte-bébé et allaitement à la demande le plus longtemps possible, parfois jusqu’au sevrage naturel de l’enfant entre deux et six ans.

Ce mouvement a émergé en France dans les années 1970 dans les milieux écologistes. Claude Didierjean-Jouveau, présidente de La Leche League (une association internationale de soutien et d’information à l’allaitement) de 1989 à 1997, se souvient : « À rebours des féministes matérialistes qui considèrent que la maternité est une aliénation, nous portions un féminisme plus écologique, plus tourné vers la découverte du corps, à travers le manuel Notre corps, nous-mêmes [1] et les groupes de self-help [2]. »

À sa racine, la théorie de l’attachement du psychiatre anglais John Bowlby, ébauchée en 1958. « Selon cette théorie, l’enfant vient au monde avec des compétences innées pour s’attacher aux adultes — agripper le doigt, accrocher le regard — car il est dépendant d’eux pour sa survie, et ce lien d’attachement joue un rôle important dans son développement », explique la journaliste Béatrice Kammerer, autrice du livre L’éducation vraiment positive (éd. Larousse, 2019). Si le bébé est totalement privé de ce lien avec un adulte de référence, il peut régresser de manière très grave jusqu’à se laisser mourir.

L’un des principes du maternage proximal : l’allaitement à la demande le plus longtemps possible, parfois jusqu’au sevrage naturel de l’enfant. Photostockeditor/CC

 

Depuis, les neurosciences, popularisées notamment par la pédiatre Catherine Gueguen, ont pris le relais de la psychologie. « Toutes les expériences relationnelles vécues par l’enfant durant ses premières années vont s’imprégner au plus profond de lui, dans son cerveau, modifiant les neurones, leur myélinisation, leurs synapses, les molécules cérébrales, les structures et les circuits cérébraux et même l’expression de certains gènes. L’empathie, le maternage (prendre soin, rassurer, consoler), et également le stress ont des effets extrêmement importants sur le cerveau de l’enfant », écrivait-elle dans la revue de Santé publique France en 2019.

« On se retrouve avec des situations où des mères ne s’octroient même plus le droit de prendre une douche »

Les adeptes du maternage proximal se sont approprié ces travaux, non sans quelques exagérations, remarque Béatrice Kammerer. « La conclusion du pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott était que pour qu’un enfant soit “sécure”, il suffisait que la personne qui s’occupe de lui au quotidien — sa mère, souvent — réponde juste suffisamment bien et souvent à ses besoins, rappelle-t-elle. Dans le maternage, cela s’est transformé en l’idée qu’il faut absolument répondre dans la minute à la moindre sollicitation du bébé. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des situations où des mères qui allaitent au sein ne s’octroient même plus le droit de prendre une douche ou confier leur bébé à un tiers ! Idem pour les effets néfastes du cortisol, l’hormone du stress, sur le cerveau : certains militants n’hésitent pas à affirmer que laisser pleurer un enfant cinq minutes peut lui détruire le cerveau en extrapolant des études de neurosciences qui concernent en réalité des rats qu’on a torturés en les plongeant dans de l’eau froide ou en les privant de nourriture. »

Ces approximations n’ont pas empêché les idées du maternage proximal d’infuser lentement mais sûrement. Claude Didierjean-Jouveau situe le point de bascule à l’année 2000 : « L’essor d’Internet, des blogs et des groupes de discussion a favorisé et accéléré la diffusion de ces idées. Après cette date, on est passé à plus de 50 % d’allaitement à la naissance et ce taux a augmenté de 2 % tous les ans. En 2001, l’allaitement a été inscrit pour la première fois dans un document officiel de santé publique — le premier plan national nutrition-santé. Vers 2005, tous les éditeurs voulaient leur livre sur l’allaitement ! » La sociologue Maya-Merida Paltineau, qui a soutenu sa thèse sur le maternage proximal en 2016, l’a également constaté : « Quand j’ai commencé ma thèse en 2008, les mères ne m’avouaient qu’elles faisaient du cododo qu’à la fin de l’entretien, une fois l’enregistreur éteint. Aujourd’hui, certaines maternités proposent des lits de cododo. »

Ces pratiques séduisent pour leur apparente simplicité. Avant même de connaître le concept de maternage proximal, Claude Didierjean-Jouveau se souvient s’être bricolé un porte-bébé avec un vieux jean découpé et une ceinture en cuir pour emmener partout avec elle son premier bébé, né en 1976. « Adèle a dormi dans notre chambre jusqu’à ses dix mois et de temps en temps dans notre lit. Je pense que ça m’a sauvée d’une fatigue extrême, parce que je m’endormais pendant l’allaitement », raconte aussi Julia, psychologue à Rennes (Ille-et-Vilaine). « On porte encore notre fils Sélim parce qu’à la campagne la poussette n’est pas du tout pratique ; je l’ai aussi porté très vite parce que j’avais envie de reprendre ma vie : travailler dans le jardin, aller voir les copains... », témoigne Doriane, étiopathe dans un petit village près de Toulouse (Haute-Garonne). Mathilde Blézat, journaliste indépendante [3], coautrice de la réédition du manuel Notre corps, nous-mêmes (Hors d’atteinte, 2020) et mère de deux filles de deux et six ans, allaitait encore récemment sa cadette : « J’aime ce côté besoin de rien : pas de stress d’intoxication, d’accès au lait en poudre… Bien que cela puisse être perçu comme esclavagisant par une autre génération qui paradoxalement se levait la nuit pour préparer des biberons ! »

Les militantes du maternage proximal défendent un féminisme différentialiste voire essentialiste

De la simplicité à la sobriété écologique, il n’y a qu’un pas souvent franchi par les maternantes. Doriane et son compagnon Émile réduisent leurs déchets et s’approvisionnent chez un maraîcher voisin ; Lorène, journaliste basée à Montpellier et mère d’une petite Mona âgée de cinq mois, n’a acheté ni meubles ni vêtements, tous récupérés de seconde main. « La naissance de mes enfants a été un tournant, raconte Éléonore [4], cadre supérieure dans un grand groupe immobilier et habitante d’un petit village de Savoie, mère d’une fillette de trois ans et d’un garçon d’un an tous deux allaités durant plus d’un an ; elle est enceinte d’un troisième enfant. J’ai basculé du discours sur l’écologie comme problème de société à une réflexion sur ce que je pouvais faire, moi. Plein de choses ont changé à la maison : plus de lingettes ni de cotons jetables, quasiment plus de produits ménagers, adoption de couches lavables. »

 

« La fatigue est présente, de même que la frustration. Mais c’est tout à fait normal ! » Unsplash/CC/kevin liang

 

Il ne s’agit pas seulement d’additionner les pratiques vertueuses pour ses enfants et l’environnement, mais plus largement de se recentrer sur les intuitions, le rythme des enfants et les émotions de chacun. Exemple avec les pleurs : « Il est physiquement très difficile de laisser pleurer Sélim plus de cinq minutes, ça me donne des frissons partout et me laisse très nerveuse », dit Doriane.

Certaines poussent cette idée très loin, allant jusqu’à parler d’instinct et de retour à une forme d’animalité. C’est ce qu’a connu Soleyne, entrepreneuse dans le numérique à Bordeaux, avec son fils Hector : « Quand il est né, j’ai eu l’impression de devenir un animal. J’aurais pu mordre. Pour moi, il est évident que cela ne relève pas d’une construction sociale mais que c’est physiologique. » Daliborka Milovanovic, militante du maternage proximal, animatrice à La Leche League et directrice de la maison d’édition Le Hêtre Myriadis, éditeur de l’écoparentalité et de l’écologie des relations, a partagé cette expérience. « Quand mes tentatives d’allaiter mon premier enfant n’ont pas abouti, j’ai traversé une dépression. Mon corps était en manque de cette expérience physique, biologique de l’allaitement », se souvient-elle. Elle a développé depuis une vision de la maternité comme expérience physiologique, biologique, traversée d’« instincts maternels » : « Je vois la dyade mère-enfant comme un écosystème très sensible aux variations de l’un et de l’autre. Cela implique que l’enfant vive sur le corps de sa mère, qui est son habitat naturel, pendant quelque temps. La séparation doit se faire progressivement, en portant attention aux indices qui montrent qu’elle est possible : quand un enfant crie quand on le pose, c’est explicitement non ! »

Ces idées étaient déjà présentes dans l’essai Le concept du continuum : à la recherche du bonheur perdu, paru en 1975 [5]. L’américaine Jean Liedloff y promeut la manière dont les Yecuana, un peuple autochtone de la forêt vénézuélienne, s’occupent de leurs tout-petits, dénonçant au passage les pratiques occidentales consistant à séparer très vite le nourrisson de sa mère. « Ceci, avec tout ce qu’on peut imaginer du mythe raciste du bon sauvage, ironise Béatrice Kammerer. D’autres approches plus contemporaines décrivent les nouveaux-nés comme des mammifères, nés très immatures et dépendants, qu’ils comparent aux primates. Elles préconisent que l’enfant soit maintenu dans un environnement proche de celui qu’il a quitté in utero en étant collé à sa mère. Que le portage apporte du réconfort à l’enfant n’est pas un scoop. Mais certains adeptes du maternage vont très loin en considérant que le bébé ne doit pas être pris dans d’autres bras que ceux de sa mère. »

Les maternantes sont adeptes du portage « physiologique » en écharpe ou en porte-bébé. Pixabay/CC 
  

Dans la suite logique de cette vision « naturelle » de la maternité, les militantes du maternage proximal défendent un féminisme différentialiste voire essentialiste qui célèbre le corps féminin et ses spécificités. Évidemment, toutes les mères allaitantes ou maternantes n’épousent pas ces convictions ; mais nombre d’entre elles racontent avoir expérimenté les capacités de leur corps dans la maternité. C’est le cas de Mathilde Blézat : « Il y a dans la maternité quelque chose de la puissance — mon corps est capable d’accoucher et de produire du lait — et du charnel. Je ne vois pas pourquoi on nous l’enlèverait. » « Je connais des femmes que le maternage a émancipées parce qu’elles se sont enfin senties compétentes et qu’elles n’avaient pas besoin de s’en remettre à un expert extérieur, souvent un homme d’ailleurs, pour s’occuper de leurs enfants », rapporte pour sa part Claude Didierjean-Jouveau.

Dès lors, plusieurs des mères interrogées vivent avec une relative sérénité une répartition pourtant inégale des tâches entre le père et la mère pendant les tous premiers mois de l’enfant. « Beaucoup de courants de réflexion sur le genre et les inégalités femmes-hommes postulent que ce sont des construits sociaux. Évidemment qu’il y a du construit social ; mais ce sont les femmes qui portent les enfants, accouchent et allaitent, objecte Éléonore. En revanche, la période de l’allaitement où le bébé est vraiment collé à sa mère et a besoin d’être allaité tout le temps est assez courte. La situation peut ensuite évoluer. »

Même combat pour les inégalités femmes-hommes au travail. Éléonore considère ainsi que le maternage pourrait faire évoluer la société en la rendant moins patriarcale : « On a été élevées pour avoir les mêmes ambitions que les mecs, dans un monde du travail inadapté à la parentalité et une société du ‘marche ou crève’. Ma cheffe s’est vantée d’être revenue bosser quand son bébé avait quinze jours ! Cela entretient un monde du travail où réussissent celles qui nient leur féminité et leur maternité, et s’auto-excluent celles qui donnent un sens existentiel à leur maternité. Un combat pour les mères de notre génération serait d’obliger le monde du travail à fonctionner différemment pour tous, femmes et hommes. »

Lire la suite de l’enquête : Une maternité plus « naturelle »... mais mamans sous pression

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Notes

[1Publié en France en 1977 et réédité en 2020 aux éditions Hors d’atteinte.

[2Le self-help est un mouvement d’auto-exploration de l’anatomie féminine né aux États-Unis dans les années 1970.

[3Elle écrit entre autres pour Reporterre.

[4Le prénom a été changé.

[5Publié en français aux éditions Ambre en 2014.

 

Source : https://reporterre.net/Allaitement-prolonge-et-cododo-une-maternite-plus-naturelle-qui-questionne

jeudi 30 décembre 2021

« Il bouffe des randonneurs ! » : en Ariège, le mauvais procès de l’ours


« Il bouffe des randonneurs ! » : 

en Ariège, 

le mauvais procès de l’ours

 

 
20 décembre 2021

 

Le village de Seix (Ariège), 600 âmes.

 

D’un côté, il y a les chasseurs et les élus ariégeois, peu intéressés par la cohabitation avec l’ours. De l’autre, ses défenseurs, qui rappellent que l’animal est proche de l’extinction. L’État, lui, est tétanisé.

Seix (Ariège), reportage

Englouties par la brume se dessinent au loin des bâtisses noircies par le temps. Perché dans le Couserans ariégeois, le village de Seix contemple la neige saupoudrer d’un voile blanc les forêts environnantes. Sur le panneau d’entrée de la commune, un autocollant invite à pénétrer dans le « Pays de l’ours », symbolisé avec sarcasme par une brebis égorgée.

C’est ici, samedi 20 novembre, qu’un chasseur a été blessé par une ourse, qu’il a ensuite abattue. Ses proches, qui n’ont pas assisté à la scène, racontent qu’il aurait aperçu gambader devant lui deux oursons, avant d’être attaqué par derrière par la mère. « J’ai entendu l’appel radio, raconte Andreu Léopold, qui chassait avec lui. La mère lui a chopé la jambe et lui a arraché le mollet. » À l’arrivée des secours, le septuagénaire seixois a été héliporté vers l’hôpital de Toulouse. L’animal, lui, gisait en contrebas.

Depuis 1996 et la réintroduction d’une première femelle slovène dans les Pyrénées, jamais aucun humain n’avait été blessé par l’imposant mammifère. Malgré cela, ce face-à-face tragique a immédiatement attisé l’ire des opposants à l’ours brun. En Ariège, de nombreux chasseurs et élus ont saisi l’occasion et réclament une régulation de l’espèce, pourtant en danger critique d’extinction.

 

Deux autocollants représentent des brebis égorgées. © Emmanuel Clévenot/Reporterre

 

L’homme n’était pas autorisé à chasser dans cette zone

Six jours après les événements, la colère a soudainement changé de camp. Le 26 novembre, la substitut du procureur, Léa Filippi, a annoncé l’ouverture par le parquet de Foix d’une information judiciaire à la suite de la mort de l’ourse. En effet, la chasse s’est déroulée, au moins pour partie, dans la réserve domaniale du Mont Valier, soumise à des restrictions.

L’article 5 de l’arrêté préfectoral relatif à l’ouverture de la chasse en Ariège énonce en effet que les battues au sanglier doivent y être organisées par l’Office national des forêts. Président de la fédération de chasse du département, Jean-Luc Fernandez se défend en assurant qu’un accord tacite existe entre les deux organisations : « Depuis 2019, l’ONF ne nous a jamais rien reproché et n’a procédé à aucun contrôle. Pourtant, ils croisent les chasseurs tous les jours. »

Contacté par Reporterre, un membre de l’établissement public dément ces propos : « Nous ne pouvons rien dire pour l’instant, mais la vérité va bientôt exploser. Une chose est sûre, nous ne leur avons pas donné l’autorisation. » Du côté des principaux intéressés, l’un des chasseurs présent le jour du drame expose une toute autre version : « Nous ne chassions pas sur la réserve ! C’est juste lui qui s’est perdu. Il est allé à gauche à droite et s’est retrouvé là-bas sans le savoir. » Un juge d’instruction a été nommé pour tenter d’élucider l’affaire.

La question se pose désormais de la formation dispensée aux chasseurs évoluant en zone à ours. D’après un arrêté préfectoral pris le 20 août 2019, la fédération départementale de chasse est tenue d’organiser des réunions d’information sur le comportement à tenir en cas de rencontre fortuite avec l’ursidé. Établi par la préfecture d’Ariège, le dernier rapport d’évaluation de ces mesures de protection révèle cependant qu’aucune séance n’a été organisée pendant la campagne 2020-2021. La raison invoquée ? « Le contexte sanitaire lié à la gestion de la pandémie du Covid-19 ».

 

La femelle tuée était probablement Caramelle. Née en 1997, elle était l’ours le plus âgé des Pyrénées. L’année de sa naissance, sa mère avait été tuée par un chasseur, lors d’une battue. OFB / Réseau ours

 

Pour Alain Reynes, directeur de l’association Pays de l’Ours-Adet (qui promeut le retour du plantigrade dans le massif), il s’agit avant tout d’un manque de volonté récurrent. « En 2008, un chasseur avait tiré sur un ours appelé Balou, lors d’une battue. À la suite de cet accident, nous avions initié un travail de groupe, avec les services de l’État et les chasseurs locaux, pour tenter d’améliorer la cohabitation. » Dès la fin de la première réunion, la fédération de chasse avait décidé de mettre fin à cette initiative : « J’ai reçu un simple mel qui expliquait en deux lignes qu’elle refusait tout changement de leurs pratiques. »

« Il n’y a pas besoin de formation pour se faire déchiqueter par un ours, s’insurge Jean-Luc Fernandez, aux manettes de la fédération. En Ariège, cette année, cinq personnes sont parties en randonnée et ne sont jamais revenues. Vous croyez qu’il n’y a que les chasseurs qui se font bouffer ? » Une affirmation fausse : aucun de ces décès n’est lié à l’ours. Le représentant des chasseurs ariégeois poursuit : « J’espère simplement que la prochaine fois, c’est un mec de Férus [une association pro-ours] qui se fera bouffer. »

 

La chasse était illégale : elle s’est déroulée, au moins pour partie, dans la réserve domaniale du Mont Valier. © Emmanuel Clévenot/Reporterre

Derrière le mythe du féroce prédateur, un manque de connaissances

Le régime de l’espèce est certes constitué à près de 80 % de végétaux et d’insectes, mais les prédations sur le bétail ne sont pas négligeables. Entre le 1er janvier et le 31 octobre 2021, les ours auraient causé la mort de 625 ovins en Ariège [1]. Toutefois, depuis les événements survenus à Seix, de nombreux anti-ours tentent d’attribuer à l’animal la fausse image d’un féroce prédateur qui n’aurait plus peur de l’humain. Mais aussi massifs soient-ils, les ours bruns sont farouches et les chiffres le prouvent. Entre 1993 et 2020, 255 rencontres avec des humains ont été recensées dans les Pyrénées. Dans une très grande majorité des cas, le mammifère s’est enfui immédiatement. Seules six femelles suitées (c’est-à-dire suivies, accompagnées par leur petit), sentant leurs petits en danger, ont présenté une attitude menaçante.

 

© Emmanuel Clévenot/Reporterre

Ces propos visant à faire de l’ours une menace sont largement repris par les élus locaux. À commencer par la présidente du département, Christine Téqui. « Cette année, des bergers m’ont raconté qu’ils avaient été encerclés par des ours pendant toute une nuit et qu’ils ne pouvaient pas rejoindre leur cabane, dit-elle, au téléphone, à Reporterre. Je n’exagère pas, ils sont dangereux ! » Ces anecdotes, largement relayées, mettent en évidence l’ignorance des humains quant au comportement de l’ours : ses charges d’intimidation sont impressionnantes mais inoffensives et s’il se dresse sur ses pattes arrière, c’est avant tout pour identifier l’inconnu qui se présente devant lui...

Quatre jours après l’épisode de Seix, le département a officialisé la création d’une instance de gouvernance locale, appelée Parlement avenir montagne. « Nous avons adopté une motion demandant la régulation immédiate du nombre d’ours », se félicite Christine Téqui. Les élus locaux, la fédération de chasse, les syndicats agricoles et d’autres membres de cette assemblée ont également réclamé la reconnaissance immédiate de la responsabilité de l’État. « Ni les maires, ni les chasseurs, ni le département n’ont à répondre des accidents liés à l’ours, poursuit la présidente de l’Ariège. L’État a signé un chèque à la Slovénie pour acheter ces animaux, il en est donc le propriétaire et l’unique responsable. » Grandes absentes de la liste des invités, les associations environnementales favorables à la présence de l’ours ont dénoncé des « gesticulations médiatiques » n’ayant « rien de sérieux sur le plan juridique ».

La Commission européenne : une épée de Damoclès

À l’hôtel Roquelaure, ce conflit tétanise. Il y a quatre ans, sous la direction de Nicolas Hulot, le ministère de l’Écologie publiait son plan d’actions ours brun 2018-2028. De ces quatre-vingt-quatre pages ressortaient alors deux mesures phares : le lâcher de deux femelles dans le Béarn, qui a été réalisé en octobre 2018, et l’engagement de remplacer tous les ours morts du fait des humains. Bien que renouvelée tous les ans, cette seconde mesure n’est pas appliquée : « Ces deux dernières années, quatre ours ont été abattus par balles ou empoisonnés dans les Pyrénées. Pourtant, toujours aucune annonce de réintroduction. L’État est complètement figé entre ses obligations légales et l’opposition locale, souvent violente », analyse Alain Reynes. Selon lui, ce plan d’actions n’est en réalité qu’une stratégie gouvernementale pour échapper à la Cour de justice européenne. En novembre 2012, la Commission européenne avait d’ailleurs envoyé à la France une lettre de mise en demeure pour manquement à ses obligations de protection de l’espèce.

Le 8 décembre, pour arbitrer cet épineux débat, les services de l’État ont nommé un préfet saisi explicitement de la question. À l’occasion de sa prise de fonctions, il a rencontré partisans et opposants à l’ours, au cours d’une réunion à huis clos. Vice-président de l’association Férus qui milite pour la préservation des grands prédateurs, Patrick Leyrissoux s’est réjoui d’apprendre que le nombre annuel d’animaux attaqués n’avait jamais été aussi bas depuis 2017 : « On progresse ! Les parcs électrifiés de regroupement nocturne permettent de diviser par cinq le taux de prédation et ce matériel est subventionné à 80 % par l’État », déclare-t-il à Reporterre, avant d’ajouter qu’encore trop peu de bergers les utilisent. Représentant ariégeois des éleveurs, Yann de Kérimel a réagi en déclarant que les brebis n’ont pas pour vocation d’être regroupées tous les soirs. Ces mesures de protection sont pourtant largement pratiquées dans les Pyrénées-Atlantiques et dans les Alpes (face aux loups). « Les anti-ours préfèrent multiplier les effarouchements pyrotechniques. Cela encourage la prolifération des armes à feu dans les estives, avec les conséquences qu’on connaît, se désole Patrick Leyrissoux. Quoiqu’on en pense, les humains et les ours sont voués à rester dans les Pyrénées. Alors entamons ensemble la cohabitation. »

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Notes

[1Il ne s’agit pas du nombre de brebis consommées par l’ours car sont comptabilisés également les bêtes mortes en raison des dérochements (terme employé par les éleveurs pour décrire des chutes mortelles depuis une falaise des brebis paniquées par la présence d’un ours).

 

Source : https://reporterre.net/Il-bouffe-des-randonneurs-en-Ariege-le-mauvais-proces-de-l-ours?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_hebdo&utm_campaign=337%20hebdomadaire&utm_medium=email&utm_source=emailing

mercredi 29 décembre 2021

PAC : la France a raté l’occasion de soutenir l’agriculture écologique

PAC : 

la France a raté l’occasion 

de soutenir 

l’agriculture écologique

 

22 décembre 2021

Manifestation de la Confédération paysanne le 13 avril 2021 à Rennes, en Bretagne.

 

C’est fait : la France a déposé sa déclinaison locale des objectifs de la politique agricole commune. Aides environnementales insuffisantes, néopaysans peu soutenus... « Une PAC de la continuité », résume un paysan.

 

PAC, PSN [1], Maec [2], écorégimes… C’est un monde d’acronymes, mais derrière ces termes obscurs et ces débats techniques se cache un enjeu crucial : celui de l’avenir de notre agriculture. Un avenir en grande partie décidé par la politique agricole commune (PAC). Cette politique européenne distribue 60 milliards d’euros chaque année aux agriculteurs d’Europe, dont 9 milliards en France. De quoi déterminer qui cultive quoi et comment. En l’occurrence, la PAC a largement contribué à l’avènement d’une agriculture à base de pesticides et d’engrais industriels, dénoncent les écologistes et organisations paysannes.

Elle est révisée tous les cinq ans : quelles seront les nouvelles règles pour la période 2023-2027 ? Et notamment en France ? Car si un cadre est décidé au niveau de l’Union européenne, chaque pays décline ensuite ces principes chez lui, avec une certaine marge de manœuvre. C’est à cette étape que nous en sommes aujourd’hui. Le gouvernement a donné la dernière touche, lundi 20 décembre, à son plan stratégique national (PSN). Il le dépose à Bruxelles mercredi 22 décembre.

De nouvelles règles du jeu qui ne changeront pas la donne, estime la plateforme Pour une autre PAC, coalition d’ONG et de syndicats paysans. Elles n’apporteront « aucune amélioration de l’impact de l’agriculture sur le climat, la gestion des ressources naturelles ou la biodiversité », dénonçait le président de la coalition, Mathieu Courgeau, dans une lettre ouverte à Jean Castex publiée par La Tribune en novembre.

Pour le prouver, il brandissait deux avis d’instances très sérieuses :

  • Un rapport de la Cour des comptes, paru en octobre, expliquait que les règles actuelles avaient abouti à concentrer les aides environnementales sur une toute petite partie (9 %) des terres agricoles. Insuffisant pour rendre l’agriculture plus écolo selon la Cour. Elle invitait à ne pas « reproduire les écueils » dans la nouvelle mouture. Et demandait aussi des critères environnementaux « ambitieux » pour l’attribution des subventions.
  • L’avis de l’Autorité environnementale, aussi publié en octobre. Elle remarquait que le gouvernement n’avait pas saisi l’occasion de « renforcer les aides conditionnées à des pratiques plus favorables à l’environnement ». Autre regret de l’autorité : une « conviction » que la trajectoire choisie ne permet pas de remplir les engagements en terme de climat, biodiversité et qualité de l’eau de la France.

Las : deux mois après ces alertes, le gouvernement n’a pas rectifié le tir. « C’est une PAC de la continuité, le ministre l’a dit lui-même, constate Mathieu Courgeau auprès de Reporterre. Or, vu les résultats depuis 2015, la continuité ne permet pas de relever les défis des années à venir ! »

« C’est une PAC de la continuité »
Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a annoncé les derniers arbitrages lors d’une large réunion lundi 20 décembre. Parmi les annonces, un « consensus sur l’interdiction de cumuler retraite et aide de la PAC » pour les agriculteurs de plus de 67 ans. En effet, de nombreux agriculteurs continuent de travailler après l’âge légal de la retraite. Insuffisant selon Mathieu Courgeau, car ce n’est pas s’attaquer au problème de fond : « Certains agriculteurs préfèrent continuer de faire cultiver leur ferme par des entreprises pour toucher les aides de la PAC et le revenu de la production. Ils continueront, car cela rapportera toujours plus qu’une retraite agricole en général très faible. » C’est donc autant de fermes où de jeunes agriculteurs ne pourront pas s’installer. Le ministère signale des exceptions possibles, qui seront discutées à partir de janvier.

De nombreux obstacles pour les néopaysans

Autre obstacle pour les néopaysans, le ministre a également arbitré sur le diplôme et l’âge nécessaires pour recevoir l’aide « Jeune agriculteur », quand un agriculteur s’installe. « C’est 20 000 à 40 000 euros selon les régions », souligne Mathieu Courgeau. Un coup de pouce non négligeable, qui restera réservé aux moins de 40 ans et aux détenteurs d’un diplôme agricole niveau bac. Les détenteurs d’autres diplômes ou plus âgés, de plus en plus nombreux à s’installer, ne pourront pas demander cette aide précieuse.

« L’objectif partagé est le renouvellement des générations », maintient pourtant le ministère. L’agriculture a du mal à attirer les jeunes : la France a perdu 100 000 fermes en dix ans, notamment à cause des difficultés à s’installer. « Le gouvernement avait des outils et a décidé de ne pas les utiliser », déplore Mathieu Courgeau. Proposer une aide adaptée aux fermes avec peu d’hectares, augmenter la prime aux cinquante premiers hectares, limiter les aides données aux plus grosses fermes, le tout pour mieux redistribuer l’argent public : autant de mesures qui n’ont pas été retenues. Rappelons qu’à l’échelle de l’Union européenne, 80 % des subventions vont à seulement 20 % des fermes.

Du point de vue environnemental, les déceptions sont aussi nombreuses pour les organisations écolos et paysannes. Par exemple, le budget des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) « va probablement un peu diminuer, déplore Mathieu Courgeau. Ce sont des contrats sur cinq ans pour faire évoluer la ferme vers moins de pesticides et d’engrais chimiques. Le faible budget fait que beaucoup d’agriculteurs qui le voudraient ne peuvent pas y avoir accès. »


L’agriculture a du mal à attirer les jeunes : la France a perdu 100 000 fermes en dix ans. © Estelle Pereira/Reporterre

 

Autre terme barbare, les « écorégimes », eux, manquent d’ambition. Cela soumet une partie des aides que reçoit un agriculteur à des conditions environnementales. Mais les critères choisis font que la grande majorité des agriculteurs y auront déjà accès. « L’objectif du ministère était de faire entrer un maximum d’agriculteurs sans qu’ils aient à changer les pratiques actuelles », déplore encore M. Courgeau.

Trop de contraintes pourraient mettre les agriculteurs français « dans une situation de concurrence déloyale » a rappelé, lundi soir, le ministère de l’Agriculture. Pour lui, la priorité est d’harmoniser les règles européennes, « pour que l’on n’aboutisse pas à diminuer la production en France, augmenter les importations, et donc délocaliser nos impacts environnementaux ».

Le cabinet de M. Denormandie s’est félicité des nombreux « échanges constructifs » lors de l’élaboration de ce plan, et le fait qu’il soit rendu dans les délais à la Commission européenne. Celle-ci doit donner son avis dans les trois mois. La plateforme Pour une autre PAC appelle l’instance à exiger plus d’ambition environnementale. Car de son côté, M. Courgeau a eu « l’impression que M. Denormandie était sourd à tout ce que l’on disait ».

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C’est maintenant que tout se joue…

La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur le désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale et quotidienne dans le traitement de l’actualité.

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Notes

[1Plan stratégique national.

[2Mesures agroenvironnementales et climatiques.

 

Source : https://reporterre.net/PAC-la-France-a-rate-l-occasion-de-soutenir-l-agriculture-ecologique

mardi 28 décembre 2021

Cyberaction : Bio-local versus Prosulfocarbe

Cyberaction

Bio-local versus Prosulfocarbe 


Les pesticides de synthèse sont omniprésents dans l'eau, l'air, les sols, et contaminent l'ensemble des milieux.

 

Cyberaction mise en ligne le 19 décembre 2021

Proposée par Cyberacteurs

Elle sera envoyée à Ministre de la transition écologique | à votre député
En soutien à eaux et rivières de Bretagne, GAB 29
| à votre maire

Elle prendra fin le : 19 mars 2022

 

Pesticides au menu de Noël en Bretagne !

Fin d’année 2021, le moment est venu de dresser un bilan de l'évolution de l'utilisation des pesticides en Bretagne. Et ce bilan reste mauvais. Les pesticides de synthèse sont omniprésents dans l'eau, l'air, les sols, et contaminent l'ensemble des milieux. Pour l'eau, la situation est au mieux digne des Shadocks obligeant à pomper, diluer, filtrer afin que l’eau soit à peu près potable ; au pire à fermer toujours plus de captages.

Les quantités de produits phytosanitaires vendues ne diminuent pas ou si peu et les usages progressent*. Résultat : 21% des Bretons, soit près de 700 000 personnes, boivent une eau polluée, dépassant la limite réglementaire en pesticides.

Omniprésence des pesticides dans l’eau, l’air et les sols... et l’alimentation ?

 
Si tous les pesticides sont problématiques, certains dépassent largement les bornes. C'est le cas de deux désherbants utilisés sur maïs, céréales et légumes, le S-métolachlore et le Prosulfocarbe. Une fois épandus, ces produits, comme leurs résidus, se dispersent très largement et durablement. Ils contaminent tout sur leur passage : eau superficielle comme souterraine, air, sol.

En Bretagne, en 2019, l’ESA-métolachlore, a été quantifié dans toutes les stations d’eau superficielle échantillonnées. Il dépassait la limite de réglementation « eau potable » dans plus de 92 % des cas !

Le Prosulfocarbe, qui est une des molécules les plus volatiles, occasionne pollution et contamination des parcelles avoisinantes (cultures non cibles, potagers, habitations, écoles...), allant même jusqu’au déclassement de certaines récoltes.

Des cadeaux empoisonnés ?

 
Aujourd’hui, beaucoup de collectivités vont devoir faire des choix lourds de sens : fermetures de captages, investissements coûteux en traitements d’eau potable ; une fuite en avant qui trouve aujourd’hui ses limites dans un contexte de changement climatique.

Côté alimentation, peut-on admettre que des résidus de molécules envahissent nos potagers et nos étals ?

L’heure des bonnes résolutions.

 
Compte tenu de ces contaminations, nos organisations demandent l'interdiction immédiate de ces deux pesticides. Pour ne pas tomber dans le travers de la substitution et voir ces toxiques remplacés par d'autres, nous réclamons en parallèle un véritable soutien au développement de l’agriculture biologique certifiée, seul mode de production agricole encadré par un cahier des charges réglementaire interdisant l’utilisation des pesticides de synthèse.

Par les externalités positives qu'elle induit, l'agriculture biologique démontre son efficacité à répondre aux enjeux bretons de qualité de l'eau et de milieux comme à ceux de santé publique.
* augmentation du NODU de 2,6% entre les moyennes triennales 2015-16-17 et 2018-19-20 (source DRAAF)

Eau et Rivière de Bretagne, GAB 29


Contacts presse : 


Dominique Le Goux, chargée de mission santé et environnement à Eau et Rivières de Bretagne dominique.legoux@eau-et-rivieres.org.   ou 02 96 21 14 70 Jérôme Le Pape, chargé de mission eau et territoire au GAB29 j.lepape@agrobio-bretagne.org.   ou 02 98 25 58 19

https://mcusercontent.com/3afdd171801d5f6cecc32b0a5/files/7dafac17-a868-06a9-cffb-d7a5c42db888/CP_Phyto_Noël_ERB_GAB_MAB.pdf  

Dans le pays de L'Aigle, des agriculteurs sont dans une impasse financière à cause du prosulfocarbe
https://actu.fr/normandie/vitrai-sous-laigle_61510/dans-le-pays-de-l-aigle-des-agriculteurs-sont-dans-une-impasse-financiere-a-cause-du-prosulfocarbe_46887761.html  

Même dans les zones protégées, les insectes sont exposés aux pesticides
https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/12/19/meme-dans-les-zones-protegees-les-insectes-sont-exposes-aux-pesticides_6106674_3244.html  

Picardie: la filière bio perd gros à cause de contaminations par des produits phytosanitaires
https://abonne.lunion.fr/id323131/article/2021-12-14/picardie-la-filiere-bio-perd-gros-cause-de-contaminations-par-des-produits  

Nous vous proposons d'interpeller la Ministre de la Transition, votre député et votre Maire

et surtout Consommons Bio et Local : notre porte-monnaie a du pouvoir !

 

Pour voir la vidéo cliquez sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=q_srj2LeDWU

 

Texte de la cyberaction proposé

Madame, Monsieur

Ne pouvant admettre que des résidus de molécules empoisonnent nos potagers et nos étals, je demande l'interdiction immédiate du S-métolachlore et du Prosulfocarbe.

Pour ne pas tomber dans le travers de la substitution et voir ces toxiques remplacés par d'autres, je réclame en parallèle un véritable soutien au développement de l’agriculture biologique certifiée, seul mode de production agricole encadré par un cahier des charges réglementaire interdisant l’utilisation des pesticides de synthèse.

 

 Source : https://www.cyberacteurs.org/cyberactions/bio-localversusprosulfocarbe-5125.html


lundi 27 décembre 2021

(3) 5G - Contre les saboteurs, l’État sort l’artillerie lourde


Contre les saboteurs, 

l’État sort l’artillerie lourde

 
17 décembre 2021

 

Incendie d'une antenne-relais près de Grenoble, le 17 mai 2020. - © MaxPPP/Photo PQR/Le Dauphiné/Denis Masliah


 

Prison ferme, surveillance, téléphones sur écoute... La répression s’accentue contre les saboteurs d’antennes relais. Pour les stopper, les autorités sont passées à la vitesse supérieure. Quitte à faire un parallèle avec le terrorisme et à museler le débat sur la 5G.

[3/3 Antennes 5G sabotées, l’enquête] Où les sabotages ont-ils eu lieu ? Quel sens politique les saboteurs donnent-ils à leur action ? L’État prend-il la menace au sérieux ? Après la carte des sabotages en France, un entretien avec trois saboteurs, retour sur la répression en cours.



Des peines de prison ferme, des gardes à vue « anti-terroristes » qui peuvent durer 96 heures, la cellule de gendarmerie Oracle spécialement dédiée aux sabotages... Les centaines d’attaques contre les infrastructures de télécommunication opérées ces dernières années donnent des sueurs froides aux autorités. Elles déploient un arsenal répressif pour y faire face. Au sommet de l’État, la menace est prise très au sérieux.

Laurent Nuñez, l’ancien bras droit de Christophe Castaner, devenu coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, en a fait l’une de ses priorités. Dès janvier 2021, il dénonçait « une succession d’actions de basse intensité » et « une montée en gamme de la violence ». Contre ces sabotages, il insistait sur « l’importance d’un échange très étroit entre services de police et de gendarmerie, services de renseignement et services judiciaires ». À plusieurs reprises, les membres du gouvernement ont dénoncé ces attaques « criminelles », qui « coupent les populations de services vitaux ». « Ces actes doivent être punis sévèrement », insistait le secrétaire d’État au numérique Cédric O.

Au total, pas moins de quatorze enquêtes judiciaires ont été menées, aboutissant à une trentaine d’interpellations. Des moyens importants ont été mis en place. Dans le Nord, deux hommes de 21 et 29 ans ont été condamnés respectivement à neuf mois et un an de prison ferme pour avoir incendié une antenne-relais à Douai. À Nancy, un jeune anarchiste a également été condamné à quatre ans de prison, dont la moitié derrière les barreaux, pour l’incendie de deux antennes. Dans le Jura, deux hommes ont aussi été condamnés à trois et quatre ans de prison ferme.

Télécharger les affaires judiciaires répertoriées par Reporterre :

  Sabotages : les affaires judiciaires. 

https://reporterre.net/IMG/pdf/sabotages_affaires_judiciaires_reporterre.pdf

 

Les peines sont lourdes, mais la plupart des affaires de sabotages restent encore irrésolues et leurs auteurs courent toujours. Pour y mettre un coup d’arrêt définitif, les autorités ont donc décidé de passer à la vitesse supérieure.

Des suspects surveillés

Depuis le mois de mars, une convention nationale a été signée entre l’État, les opérateurs et les forces de l’ordre afin de lutter contre « les actes de malveillance sur les réseaux de télécommunication ». La convention prévoit d’améliorer les échanges d’informations et de faciliter le dépôt de plainte. « L’enjeu est de pouvoir travailler en amont pour prévenir les actes de vandalisme et en aval pour relever les preuves afin de pouvoir rétablir rapidement le service », explique à Reporterre Michel Combot, directeur général de la Fédération française des télécoms.

Pour l’instant, une dizaine de départements ont mis en place cette convention (Oise, Morbihan, Meuse, Hautes-Alpes, Eure, Vaucluse, Drôme, Ille-et-Vilaine, Ardèche). Concrètement, elle prévoit d’améliorer la sûreté des installations les plus sensibles en durcissant leur accessibilité et en installant par exemple des systèmes de vidéoprotection et de Lapi (lecture automatisée des plaques d’immatriculation). Des patrouilles plus fréquentes de gendarmes sont également attendues. Mais la tâche paraît démesurée au regard du nombre et de la dispersion des antennes-relais.

 La carte des sabotages répertoriés par Reporterre :

 

 

Du côté des opérateurs de téléphonie, l’inquiétude gagne. La direction d’Orange est allée jusqu’à traquer les membres d’un groupe intranet baptisé « Je suis vert », qui avaient eu des débats internes sur les avantages et les inconvénients de la 5G. Des investigations ont été menées afin de savoir si les membres de ce groupe auraient pu avoir des liens avec les saboteurs. « Ils ont malmené nos adhérents pour savoir s’ils étaient connectés à des personnes prises en flagrant délit ou soupçonnées d’avoir détruit des infrastructures 5G », assure Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC d’Orange.

 


Les autorités misent donc, en priorité, sur la surveillance. Une nouvelle cellule d’enquête spécialisée de la gendarmerie a été créée — la cellule Oracle —, qui vise à prévenir les dégradations contre ces infrastructures. Peu de données circulent publiquement à propos de cette cellule, de ses financements et de ses moyens humains, mais en octobre 2020, Christian Rodriguez, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), a tout de même vanté son bilan auprès des députés. Il l’a comparé à la cellule Déméter, qui surveille les opposants à l’agriculture industrielle. Sollicitée à plusieurs reprises sur ce sujet reconnu comme « sensible », la gendarmerie n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Caméras, téléphones sur écoute, traceurs GPS...

Des articles de presse relatent toutefois déjà les premiers succès de cette cellule. À plusieurs reprises, ses membres ont pu retrouver l’ADN de certains saboteurs, des gendarmes ont également mis sous écoute de nombreux suspects.

À Besançon, dans l’affaire de Boris — un jeune homme se déclarant anarchiste et ayant incendié deux antennes-relais sur le mont Poupet —, les gendarmes auraient placé des caméras de surveillance devant son domicile et des GPS sous les voitures de ses proches. Ils auraient également pris en filature plusieurs personnes au cours de l’été 2020. Une fois Boris condamné, les militaires auraient même convoqué certains de ses amis à la gendarmerie pour récupérer les balises GPS accrochées sous leur voiture. Dans une lettre, Boris est revenu en détail sur ces éléments de l’enquête et explique les raisons politiques qui l’ont mené au sabotage. Deux mois plus tard, suite à un incendie dans sa cellule, le jeune anarchiste a été gravement brûlé et placé en coma artificiel, sous soin intensif. Il vient à peine d’en sortir, en octobre.

 

Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Fabian Horst

 En Haute-Vienne, suite à la dégradation de l’antenne des Cars, les autorités ont aussi mis en place des moyens très importants. Des écoutes téléphoniques ont touché de nombreuses personnes de réseaux militants sur le plateau des Millevaches. Le 15 juin 2021, quatorze personnes ont été interrogées et perquisitionnées, six d’entre elles ont été placées en garde à vue. Certaines sont poursuivies pour destruction par l’effet d’une substance d’explosive d’un engin dangereux en bande organisée, destruction qui est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation et association de malfaiteurs. Les gendarmes sont remontés jusqu’à eux en écoutant les réunions d’un groupement forestier auquel les suspects participaient. Cette association rachète des parcelles de forêts pour les gérer hors des pratiques agro-industrielles. D’autres associations, comme le groupe de réflexion Gramsci à Limoges ou encore une chorale militante, ont été particulièrement surveillées.

Vers des peines plus lourdes ?

Pour mener les interpellations, les autorités ont mobilisé la sous-direction antiterroriste de la police nationale qui s’était déjà illustrée en Haute-Vienne lors de l’affaire Tarnac. Cette référence au terrorisme n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs mois, élus, politiques et magistrats tentent de faire le parallèle entre ces actions et « des attentats terroristes ». À chaque sabotage, le procureur de Grenoble, Éric Vaillant, tente de saisir le parquet antiterroriste de Paris. « L’article 421-1 du Code pénal qualifie de terroristes certaines infractions commises dans le but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. J’estime que cela a pu concerner les dégradations d’antennes-relais », déclare-t-il à Reporterre. Pour l’instant, le parquet antiterroriste de Paris a décliné ses demandes. Au grand regret du procureur : « Il y a une augmentation permanente du nombre de faits attribués à la mouvance d’ultra gauche, il y a un mouvement national et il y a beaucoup de faits sur le ressort de Grenoble : cela justifierait cette qualification terroriste », affirme-t-il.

À défaut, des parlementaires envisagent de durcir les peines de prison pour mettre un coup d’arrêt définitif à ces sabotages. Actuellement, la dégradation d’une infrastructure de télécommunication est sanctionnée de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende [1]. Des sanctions sont également prévues par le Code des postes et des communications électroniques (CPCE) : 1 500 euros pour dégradation du réseau (article 65), ainsi que deux ans de prison et 3 750 euros d’amende en cas d’interruption volontaire des communications électroniques (article 66).

Une proposition de loi du groupe Les Républicains (LR) a été déposée en juin 2020 pour introduire une circonstance aggravante au délit de vandalisme, en portant à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende les sanctions encourues. Un sénateur, Patrick Chaize (LR), est particulièrement engagé dans cette bataille. Il est aussi le président de l’Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel). Il a déposé un amendement au texte de la loi sécuritaire du gouvernement qui a été déclaré irrecevable.

 

Une antenne-relais 5G. Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Fabian Horst

 « La faiblesse des peines encourues et de leur aménagement ne sont pas dissuasives et donc pas de nature à freiner les appels à la désobéissance civile sur les nouvelles implantations d’antennes, explique-t-il à Reporterre. Quand il y a des actes de vandalisme en dehors du droit et de la loi, il me semble normal qu’on les punisse lourdement pour dissuader. Cela me met hors de moi que le monde économique et les administrés qui n’ont rien demandé soient pris en otage par une action individuelle qui n’a pas de sens. »

Le complotisme, pour discréditer les saboteurs

La référence à l’irrationalité de ces gestes est d’ailleurs très courante. Les médias mainstream et les autorités s’engouffrent allégrement dans la piste du complotisme pour dépolitiser les raisons qui poussent des dizaines de personnes à s’attaquer aux antennes-relais. C’est un autre aspect de la répression en cours, tout est fait pour isoler et discréditer ces luttes contre la numérisation du monde.

Certains profils de saboteurs ne leur donnent pas tout à fait tort : en septembre dernier, deux moines intégristes ont été arrêtés ; à Paris un illuminé a aussi été interpellé après avoir saboté vingt-six antennes sur les toits de la capitale. Mais ces individus ne peuvent résumer à eux seuls la dynamique en cours. De nombreux sabotages sont revendiqués et réfléchis politiquement comme en témoignent plusieurs textes ici ou .

« Nous ne sommes ni des ignares ni des enfants à rééduquer »

Taxer de complotistes ses opposants est une manœuvre de communication qui permet « d’isoler l’ennemi en révolte et de dépolitiser sa lutte », estiment certains militants proches des saboteurs. « Nous ne sommes ni des ignares ni des enfants à rééduquer. Nous ne sommes pas des bouseux opposés aux lumières de nos chefs d’État, nous incarnons un pôle antagoniste aux intérêts marchands, que l’autre camp n’aura de cesse de vouloir discréditer », écrivent-ils.

Pour l’historien des sciences François Jarrige, l’utilisation du concept de complotisme sert « à faire disparaître une certaine parole populaire » : « Avant c’était plus simple, le pouvoir pouvait dénoncer l’ignorance crasse du peuple qui n’avait pas compris le sens du progrès. Aujourd’hui, on n’ose plus le dire aussi frontalement, on exprime cette idée de manière plus métaphorique, plus subtile », précise-t-il à Reporterre.

En creux, c’est le débat public qui est empêché, toute marque de soutien à l’action directe devant être poursuivie afin d’invisibiliser ces actes de sabotage. Plusieurs médias indépendants en ont fait les frais. Reporterre le racontait en mars avec l’affaire Ricochets. Ce média local passera le 25 janvier prochain au tribunal pour « apologie publique de crime ou délit ». Il avait publié un texte en solidarité avec les incendiaires d’un poste répartiteur d’Orange en périphérie de Crest, dans la Drôme. « Les auteurs du texte évoquaient les conséquences écologiques de l’économie numérique, raconte un administrateur du site. Ils parlaient des manières d’y faire face, dans une époque où nous sommes tous confinés et où l’État et les industriels avancent à marche forcée. À Ricochets, nous pensions que cet article ouvrait une discussion légitime. »

Une élue d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), Sylvie Bonaldi, a aussi fait l’expérience de cette omerta. En septembre 2020, elle avait déclaré à la presse approuver l’incendie de l’antenne-relais 5G de Contes, à proximité de Nice. Le soir même, face à la pression, Sylvie Bonaldi avait dû revenir sur ses propos et s’était déclarée contre toute forme de violence. « C’est une forme d’autocensure, reconnaît-elle aujourd’hui à Reporterre. Je voulais éviter que la polémique enfle et me retrouver ainsi sous le coup de poursuites judiciaires. L’absence de débat instaure un régime de contrôle de la parole, c’est très difficile de sortir de la doxa. » Elle nous confie cependant continuer à approuver à 100 % ces sabotages, sans pouvoir le dire partout « sous peine d’être calomniée ».

Malgré la répression juridique, le dénigrement politique et médiatique, les sabotages se poursuivent. Sur notre carte des sabotages en France, nous en avons recensé neuf en novembre dernier. Cela n’étonne pas l’historien François Jarrige : « Les enjeux climatiques et écologiques vont aider à repolitiser ces infrastructures techniques, qui depuis deux siècles, à l’ère du capitalisme industriel, n’ont cessé d’être dépolitisées. »

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C’est maintenant que tout se joue…

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Notes

[1Selon l’article 322-1 du Code pénal.

 

Source : https://reporterre.net/Contre-les-saboteurs-l-Etat-sort-l-artillerie-lourde?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne