Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

vendredi 30 novembre 2018

François Ruffin - VOUS DÉCHIREZ LA FRANCE !


 
Sortie le 26 nov. 2018

Vous avez déchiré le contrat social. 
Vous vous êtes assis dessus. 
Vous l'avez piétiné. 
Et c'est la France que, aujourd'hui, vous déchirez. 

Rejoignez nous sur : http://www.francoisruffin.fr 
Sur Télégram : https://t.me/francoisruffin 

mercredi 28 novembre 2018

Carburants : pour une écologie populaire

Carburants : 

pour une écologie populaire

 

 

 

 

Au nom de l’écologie, le gouvernement augmente fortement les taxes sur le carburant. Cette décision est irresponsable.
Elle ne s’inscrit pas dans une stratégie globale de transition écologique.

 

Le soupçon selon lequel ces taxes financent les cadeaux fiscaux aux plus riches et aux entreprises (sans effet sur l’emploi) est fondé, puisque les dépenses pour l’écologie n’augmentent pas par ailleurs. Le bâtiment (chauffage des habitations et bureaux) représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Or le gouvernement a réduit les subventions pour la rénovation thermique du bâti ancien. De même, il freine la construction de logements neufs (peu énergivores) à la fois privés (réduction des aides aux primo-accédants) et plus encore de HLM. Le transport est responsable de près de 30 % des émissions de GES. Rien n’est prévu pour réduire le transport routier de marchandises, lequel est pourtant responsable d’un tiers de ces émissions. La part du fret ferroviaire dans le transport des marchandises a chuté de 24 % en 1990 à 10 %  aujourd’hui. Le ferroviaire subit la concurrence déloyale de la route puisque, à l’inverse des camions, il paie ses infrastructures. Rien n’est prévu pour le relancer. Rien n’est prévu pour re-réglementer le transport routier de marchandises, en le taxant pour le désavantager, en soutenant (contre le principe de « libre concurrence ») les compagnies nationales face à des concurrentes qui s’adonnent au dumping social et environnemental. L’ouverture à la concurrence a été délétère pour le fret ferroviaire : le gouvernement a décidé de l’étendre au transport de passagers. De nouvelles « petites lignes » fermeront donc. De même, aucune taxe sur le kérosène n’est prévue (alors que certains pays le taxent pour les vols intérieurs).

LE SIGNAL-PRIX EST DÉJÀ LÀ 

Et la voiture ? Dans une trentaine d’années, la voiture électrique devra être généralisée. Mais comment assurer cette transition ? La hausse du prix du carburant est nécessaire sur une longue période pour dissuader son usage. Mais cette hausse doit être planifiée et annoncée. Le prix du pétrole variant fortement (40 dollars en 2004, 100 en 2008, 60 en 2009, 100 entre 2011 et 2014, 30 début 2016), les taxes devraient être ajustées en conséquence. Depuis début 2016, le prix du baril a plus que doublé. Le signal-prix est déjà là, le supplément de taxes ne se justifie donc pas. Surtout, la hausse du prix du carburant est à compenser par des mesures fortes pour les moins aisés, bien au-delà des mesurettes annoncées. Le chèque énergie pour les ménages modestes, par exemple, devrait être beaucoup plus revalorisé que prévu (+50 euros seulement). Il en va de même pour les primes à la conversion qui devraient être à la fois bien plus amples pour les moins aisés, mieux ciblées (50 % des véhicules neufs vendus aujourd’hui sont des SUV(1)) et plus réfléchies (on oublie souvent que la construction d’un véhicule neuf requiert beaucoup d’« énergie grise »). L’écologie doit être populaire. On en est loin avec Macron.

Christophe Ramaux, économiste atterré

1- Véhicule utilitaire de sport.


 

lundi 26 novembre 2018

Mardi 27 novembre à 21 h : ''Le temps des forêts'' au Lido à Prades (66500)

 
 Mardi 27 novembre à 21h au Lido

les Ciné-Rencontres vous proposent


 Lien vers la bande annonce : 

Synopsis
Symbole aux yeux des urbains d'une nature authentique, la forêt française vit une phase d'industrialisation sans précédent. Mécanisation lourde, monocultures, engrais et pesticides, la gestion forestière suit à vitesse accélérée le modèle agricole intensif. Du Limousin aux Landes, du Morvan aux Vosges, Le Temps des forêts propose un voyage au cœur de la sylviculture industrielle et de ses alternatives. Forêt vivante ou désert boisé, les choix d'aujourd'hui dessineront le paysage de demain...

Critique Libération
Avec subtilité, ce documentaire édifiant se penche sur l’essor destructeur de la filière du bois en France...
Subtilement engagé (et dédicacé « aux forestiers militants »), le documentaire de François-Xavier Drouet suit et interroge in situ une vingtaine de professionnels et activistes - bûcherons, entrepreneurs de travaux forestiers, agents de l’Office national des forêts, propriétaires de scierie… - de la Corrèze à l’Alsace, qui racontent l’étonnant cercle vicieux qu’est devenue la filière du bois en France, une « malforestation » qui transforme les sols en sable infécond, force l’usage des pesticides, détruit les paysages et inféode les entrepreneurs aux banquiers qui leur ont permis de se « développer ».
« Qu’est-ce qu’une forêt ? » n’a de cesse de se demander le film, par ses regards jetés sèchement, sans mouvement de caméra ni romantisme, sur les paysages et ceux qui vivent ou survivent de leur exploitation, et le fait le plus vertigineux est sans doute qu’il existe autant de réponses à cette interrogation que de variations idéologiques du capitalisme.
Pendant qu’un propriétaire d’exploitation de pins maritimes confie son plaisir de se prendre pour « un général d’armée avec son monde parfaitement en ligne » et défend la nécessité économique de ses plantations très denses, d’autres (largement majoritaires dans le film) décrivent des environnements de plus en plus exsangues, qui ont de moins en moins à voir avec l’écosystème fabuleusement complexe qu’est la forêt à l’état naturel, et rappellent qu’aucune exploitation sylvestre n’est durable si elle ne s’apparente pas à un « prélèvement ».
Au-delà des prises de paroles, paisiblement alarmantes, les moments les plus impressionnants du film sont ceux où la caméra s’attarde sur les « abatteuses », ces transformers qui transmutent un arbre vivant en bois prêt à l’usage en un instant, et dont l’efficacité terrifiante suffirait presque à défendre la cause de l’environnement forestier face au capitalisme dévorant - cette folie, notre folie.
Olivier Lamm

Site                :   www.cine-rencontres.org
Facebook      :   https://www.facebook.com/cinerencontresprades


dimanche 25 novembre 2018

L'agroécologie peut nourrir l'Europe en 2050


L'agroécologie peut nourrir 

l'Europe en 2050



L'agriculture européenne peut se passer de pesticides tout en garantissant la sécurité alimentaire des Européens, selon l'Iddri. Cela passe par un changement de régime alimentaire et une reterritorialisation du modèle agricole.


 Agroécologie  |    |  Sophie Fabrégat


L'agriculture européenne peut sortir des pesticides, réduire ses impacts sur le climat et la biodiversité tout en assurant la sécurité alimentaire des Européens. Telle est la conclusion d'une étude publiée par l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) ce jeudi 13 septembre.

Alors que l'Europe est en train de plancher sur sa politique agricole de demain et que les parlementaires français réexaminent le projet de loi sur l'agriculture, le scénario Tyfa (Ten years for agroecology), développé dans l'étude, montre comment une généralisation de l'agroécologie est possible et souhaitable.

"Le débat actuel sur le futur de l'agriculture s'est enlisé, face à l'impossibilité de tenir ensemble l'objectif de produire autant ou plus qu'aujourd'hui et la nécessaire réduction des impacts sur le climat et la biodiversité, explique Pierre-Marie Aubert, coordinateur de l'initiative Agriculture européenne à l'Iddri. Pour dépasser cette opposition apparente, nous avons renversé la question : quels sont les besoins des Européens pour une alimentation saine et durable et quels sont les modèles agricoles pour y répondre en respectant les enjeux environnementaux".

L'étude part du constat que les comportements alimentaires actuels ne sont ni sains, ni durables : "Si l'on se base sur les directives de l'OMS et de l'autorité européenne de la santé, nos régimes alimentaires sont trop riches en calories (légèrement), en protéines (deux fois trop) et en sucre (trois fois trop). En revanche, ils sont déficitaires en fruits et légumes et en fibres, poursuit l'expert. On peut donc faire évoluer ces régimes alimentaires pour faire évoluer la matrice agriculture".

Des baisses de rendement de 10 à 50%

Le scénario démarre donc par un rééquilibrage du régime alimentaire européen : plus de céréales, de féculents, de fruits et légumes, de protéagineux et moins de viande, œufs, poisson et produits laitiers. "A partir de là, notre étude montre qu'une Europe agroécologique est capable de nourrir les Européens en 2050, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% et de reconquérir la biodiversité". Concrètement, il s'agit d'abandonner les pesticides et engrais de synthèse, en s'appuyant sur les fonctionnalités des systèmes agro-écologiques : rotation des cultures, fixation de l'azote par les légumineuses, utilisation du fumier pour fertiliser les sols, redéploiement des infrastructures écologiques (haies, mares, arbres, murets…) à hauteur de 10% des surfaces utilisées, reterritorialisation des prairies naturelles, développement de l'élevage extensif…

Avec ce modèle, les rendements baissent de 10 à 50% selon les cultures. Pourtant, cette production suffit à assurer l'alimentation des Européens et même plus : "Notre modèle conserve également une capacité d'exportation en céréales, produits laitiers et vin. En revanche, il réduit fortement la dépendance de l'agriculture aux importations. Aujourd'hui, l'Union européenne importe l'équivalent de 35 millions d'hectares de terres arables, essentiellement des tourteaux de soja provenant d'Amérique latine pour l'alimentation du bétail", souligne l'expert. Le scénario priorise également les usages alimentaires des terres arables et supprime la production de biocarburants à l'horizon 2050.

La société entière doit être mobilisée

Quid des revenus des agriculteurs ? "Effecivement, il y aura une baisse des rendements. Et avec davantage de travail humain, une partie des coûts de production est susceptible d'augmenter. Cependant, le modèle repose sur une baisse importante des intrants, ce qui induit une baisse de coûts". Le logiciel sociétal devra également être revu. La part de l'alimentation dans le budget des ménages ne cesse de baisser. Les coûts, pour la collectivité, des régimes alimentaires trop riches et de la dépollution (traitement de l'eau…) ne cessent d'augmenter. Une nouvelle équation peut donc être trouvée, avec une revalorisation des prix, une rémunération des coûts évités pour la société…

"Notre scénario est éminemment moderne, nous ne prévoyons pas un retour vers le passé. Il répond à des enjeux criants, auxquels il faut répondre rapidement. Mais si on veut qu'un tel modèle se déploie, le niveau de technicité, d'inventivité des opérateurs agricoles doit augmenter car la chimie a simplifié de manière drastique les systèmes". La recherche devra être mobilisée et les pouvoirs publics impliqués pour fixer les objectifs, reconstruire les filières, éviter une concurrence déloyale à l'échelle internationale…

Dix ans pour prendre les bonnes décisions

Pour mener cette révolution, l'étude prend pour horizon 2050, "le temps qu'il a fallu pour que le projet transformateur de l'agriculture d'après guerre aboutisse". Mais, prévient Pierre-Marie Aubert, "les décideurs ont dix ans pour prendre les bonnes décisions en termes de politique agricole". Aujourd'hui, les travaux sur la future politique agricole commune (PAC) font le choix de "produire plus, avec moins". "Ces réflexions font l'impasse sur la qualité des aliments. Elles donnent également la priorité aux questions climatiques, qui conduisent à un biais terrible : la disparition des prairies permanentes qui sont la matrice de la biodiversité dans les espaces ruraux". 

En France, les Etats généraux de l'alimentation posaient le même postulat que l'étude de l'Iddri : celui d'une transformation globale de l'assiette au champ. Mais le projet de loi qui en a découlé est bien en deçà des espoirs suscités… "Aujourd'hui, l'enjeu économique est priorisé au détriment des apports sociétaux et des besoins des agriculteurs, analyse Pierre-Marie Aubert. L'industrie agroalimentaire est le premier pourvoyeur d'emploi en Europe. Si la part des aliments transformés diminue, se pose la question des emplois dans ce secteur. De même, si l'agriculture fournit des produits de meilleure qualité et moins standardisés, les coûts pour l'industrie agroalimentaire augmenteront".

Malgré tout, les travaux ont été initiés avec le monde agricole depuis quelques années pour entamer cette transition. "Les premières briques du projet agroécologique ont été posées", estime l'expert.




 Source : http://www.informaction.info/iframe-lagroecologie-peut-nourrir-leurope-en-2050?fbclid=IwAR2UDPkS_G1A42PejRY7WDjwj1Dt6FIbGKxiZnPx0z-sgiQTMRCT1ABMzpc


samedi 24 novembre 2018

Et qu'en est il de l'environnement à Prades ? + Rendez-vous des coquelicots le vendredi 7 décembre 18h30

On a reçu ça

Expression libre à paraître 
dans le Pradesmag de décembre 2018 :


Et qu'en est-il de l'environnement à Prades ?



La municipalité s’enorgueillit d'avoir aménagé de nombreux parkings dans la ville. S'ils répondent à un besoin immédiat pour certains habitants, c'est aussi un appel d'air pour faire venir de nouveaux véhicules qui vont encombrer et polluer notre ville.
Elle est fière des aménagements publics « proprement » bétonnés et des rues bitumées.


Au PLUI en cours d'élaboration, les parcelles en végétation en ville sont considérées comme des « dents creuses » à urbaniser.


Mais pour cela, combien d'arbres sacrifiés ! Combien d'espaces de nature artificialisés !


Monsieur le maire me répondrait sans doute comme le businessman dans Le petit prince de Saint Exupéry : « Mais je suis sérieux, moi, je n'ai pas le temps de rêvasser ».


En ces temps de multiplication des catastrophes dues au dérèglement climatique, canicules, inondations, … ne serait -il pas sérieux de penser à l'avenir et d’arrêter d'imperméabiliser les sols et de supprimer les végétaux stabilisateurs de température. Ne serait-il pas temps de repenser la mobilité et de sécuriser le centre ville en y arrêtant la circulation traversante des automobiles ? Les clients de nos commerçants sont des piétons qui ont laissé leur voiture au parking.


Si nos dirigeants ont une gestion à court terme, leur mandat, et semblent atteints de « la peur de la nature » de plus en plus de nos concitoyens voient les choses autrement.
Ils se soucient de l'avenir de Prades et de celui de la planète, de leur vie et de celle de leurs enfants.



Devant la destruction de notre environnement le mouvement 


« Nous voulons des coquelicots » 


appelle à des rassemblements le premier vendredi de chaque mois 
à 18h30 devant les mairies dans toutes les villes 
pour réclamer 
une autre politique environnementale. 


A Prades,c'est place de la République que ce rassemblement a lieu depuis octobre et se renouvellera les 7/12, 4/1, 1/2, 1/3, etc.

S'il se trouve des élus souhaitant une prise en compte de la nature, leur présence serait bienvenue.

François Picq 
Liste Prades Conflent Solidaires

 
A l'occasion du prochain rendez-vous de l'opération


 "nous voulons des coquelicots" 




nous vous proposons de vous réchauffer avec une petite vélorution.


Rendez-vous le vendredi 7 décembre prochain à 18h00 place de la république à Prades pour un petit tour de ville à vélo.

Selon la météo, prévoyez : doudoune, bonnets, gants, gilets jaunes, c'est tendance en ce moment, lumières, gyrophares, perruques, klaxons et autres cornes de brume...

A bientôt.

Velorution PRADES < pradavelo@gmail.com >


vendredi 23 novembre 2018

Médias génétiquement manipulés


Risques biotechnologiques, accès et partages des avantages de la biodiversité, tels sont les enjeux de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité  (COP14, COPMOP3 et COPMOP9 ) qui se tient en Egypte à Charm el-Cheikh, du 17 au 29 novembre 2018. Les décideurs de plus de 190 pays sont censés travailler à régler les modalités d’usage des organismes vivants dans un contexte d’effondrement dramatique des écosystèmes. C’est un enjeu de sécurité alimentaire, de cadrage stratégique de la bioéconomie mais aussi d’habitabilité de la terre. Mais pour empêcher toute remise en cause de la fuite en avant biotechnologique, les manœuvres sur les médias témoignent d’une parfaite orchestration de ceux qui voient le vivant comme simple matière à profit. La dématérialisation du vivant nous guette. Entre gènes devenus codes et brevets.
Un slogan, un gourou, une autorité, et un chic type. La recette est aussi simple qu’éculée. Ce 20 novembre, les médias ont été invités au lancement d’un projet somme toute bien attractif, « Oui à l’innovation ». Dans le rôle du gourou, Pascal Perri, ancien animateur des Grandes gueules sur RMC, Catherine Regnault-Roger pour assurer la référence académique, et Benoit Lacombe pour dynamiser le propos. Il s’agit de promouvoir le « principe d’innovation », pour en finir avec… le principe de précaution ! La démonstration passe par un sujet brûlant et clivant, celui des nouveaux OGM (organismes génétiquement modifiés). A un moment bien choisi : ces plantes dites « éditées » issues de mutations ciblées réalisées notamment par les techniques CRISPR-Cas9 – appelées « OGM cachés » par les activistes - sont au cœur de la Conférences des parties de la Convention sur la diversité biologique (COP14) qui se tient justement en ce moment à Charm el-Cheikh. Il sera question aussi de mettre à jour le protocole de Nagoya (sur l’accès et le partage des avantages (COPMOP3) et du Protocole de Carthagène (sur la prévention des risques biotechnologiques (COPMOP9). En clair, ces rendez-vous vont orienter les « choix en matière d’usages et de manipulations du vivant ».

Contre-offensive sur les « OGM cachés »

Ainsi l’invitation faite aux médias ne semble pas tout à fait anodine. Certes, on peut la voir comme une opération banale de lobbying dans un restaurant situé à deux pas du Palais Bourbon.

Cependant, elle n’est que la partie émergée d’une orchestration de grande ampleur. Car le monde des semenciers, inféodés aux biotechs vertes, organise sa riposte depuis la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 juillet dernier.
Passée sous le radar de la plupart des médias, celle-ci a reconnu le statut d’OGM aux plantes éditées que les semenciers voulaient mettre sur le marché sans contrainte. « Les organismes obtenus par mutagenèse constituent des OGM et sont, en principe, soumis aux obligations prévues par la directive sur les OGM » a statué la CJUE. Dès lors, tout organisme fabriqué par les méthodes CRISPR-Cas9 (et affiliées) est considéré juridiquement comme un OGM.
C’est le Conseil d’État français qui avait mis sur la table des juges européens ce dossier, à la suite d’un recours formulé par la Confédération paysanne et huit autres associations en 2015. Ces derniers estimaient que les nouvelles techniques d’édition entraînaient des risques semblables pour l’environnement, la santé humaine et animale, que les OGM obtenus par transgénèse. D’où le terme d’ »OGM cachés » utilisé par ces réseaux militants.
En juillet, la décision de la CJUE est un signal dramatique pour les firmes semencières. En obligeant des coûts de procédures d’autorisation et de suivi spécifiques aux OGM, cet arrêt empêche la généralisation du recours aux techniques d’édition pour faire des mutations choisies, précises et faciles.
D’ailleurs dès le 28 juillet, le gouvernement américain avait réagi. « Les politiques gouvernementales devraient encourager l’innovation scientifique sans créer de barrières non nécessaires ou stigmatiser les nouvelles technologies. Malheureusement, le jugement de la Cour de justice de l’UE est un pas en arrière à cet égard », a estimé Sonny Perdue, Secrétaire d’État américain à l’Agriculture.

Donner l’illusion d’un consensus aux décideurs de la COP14

Alors les lobbys se sont attelés à noyer le poisson. Un argumentaire a été construit pour perturber et inquiéter. « Des variétés bio pourraient être qualifiées d’OGM ».  Telle est l’argument que doit mettre en scène mardi devant la presse, notre trio. Le même que celui défendu sur divers sites : Agriculture et environnement coordonné par Gil Rivière-Wekstein (qui se présente comme journaliste) ou à l’international Genetic literacy Project, financé par le lobby semencier. Cet argumentaire est étayé par la publication d’un ouvrage collectif « Au-delà des OGM » coordonné par Catherine Regnault-Roger et Agnès Ricroh, toutes deux membres de l’Académie d’agriculture de France et connues pour soutenir le développement des biotechs vertes comme leurs co-auteurs, Louis-Marie Houdebine, Marcel Kuntz, et les ex-députés Jean-Yves Le Déaut, Catherine Procaccia (qui ont conduit un rapport sur les nouvelles techniques d’édition du génome publié en avril 2017).
Décomplexés, les scientifiques sont offensifs. Ils déplorent « l’opposition d’une société d’urbains, profanes en matière agricole, vis-à-vis d’une agriculture perçue comme ’inutilement productiviste’ ». Ils fustigent des « réglementations irrationnelles ».  Ainsi peut-on lire : « Les choix traditionnels sont incapables de guider les décisions indispensables qui relèvent souvent de dilemmes mal éclairés par des raisonnements simplificateurs. C’est tout particulièrement le cas des rapports au monde vivant influencés par la nouvelle conscience de notre appartenance à un continuum génétique qui suscite une plus grande solidarité de l’espèce humaine avec les différents règnes, discréditant un ordre séculaire ». Quel est donc cet ordre immuable qui serait vital ? A l’heure de tous les dérèglements – et des effondrements menaçants pour notre survie – comment peut-on rester ainsi fidèle à un système qui exhibe ses excès mortifères ?
Les académies scientifiques européennes sont aussi très présentes dans l’expertise de ces sujets à travers le SAM (Scientific Advice Mechanism, mécanisme de conseil scientifique) qui vient de demander la révision de la législation des OGM, insistant sur le potentiel des techniques d’édition pour assurer la sécurité alimentaire, qui est essentielle face à la croissance de la population mondiale et au changement climatique » se prononcer sur les nouveaux OGMs.

Un savoir inopérant et anti-scientifique

Ces positions centrées sur l’efficience coordonnée des techniques et des marchés – qui accusent le camp adverse d’obscurantisme - tentent de « sauver un savoir devenu inopérant tant il est devenu anti-scientifique », comme le souligne Bernard Stiegler dans une longue interview publiée par Le Media. Car que reste-t-il dans les biosciences en dehors du calculable ? Quels sont les travaux qui considèrent les causalités matérielles (les effets collatéraux des mutations, par exemple), les causalités formelles (les effets topologiques de la traduction des gènes), ou celles dites « finales » (du maintien d’un organisme) ? L’arrogance semble ici déplacée tant elle paraît sourde à une société qui cherche un autre progrès que celui d’organismes standardisés, dopés et couplés à des dépendances chimiques (le modèle Monsanto du Round-Up ready).  
De plus, la confusion latente entre la précision de la technique CRISPRCas9 et le fait de maîtriser perdure dans tous les argumentaires des pro-OGM.  Pourtant on peut tout à fait contrôler le lieu d’insertion de bases génétiques sans pour autant maîtriser les effets. Car le contexte n’est jamais maîtrisable ! C’est bien sur ce terrain que des questions de responsabilité sont posées. La démission de Christine Noiville qui présidait le Haut-Conseil des biotechnologies témoigne de l’impasse du dialogue social sur ces responsabilités. 

Eviter toute prise sur les nouveaux OGM

Avec la décision de la CJUE, tous les produits issus des techniques d’édition doivent être évalués avant autorisation et être étiquetés. Mais encore faut-il qu’on puisse les repérer !
L’Union européenne doit donc se doter des moyens de contrôle de l’étiquetage des produits présents sur son territoire pour détecter d’éventuelles fraudes et pouvoir ainsi faire appliquer par les industriels la déclaration de la technique de modification génétique. Or, aujourd’hui, rien n’a encore été fait sur les méthodes de détection et de traçabilité des nouveaux OGM. Pourtant, le réseau européen de laboratoires nationaux sur les OGM (ENGL) créé en 2000 s’occupe de valider les « amorces ou signatures » des transgènes introduits dans les OGM classiques. Ce même réseau a proposé dès 2017 à la Commission Européenne de travailler à la détection et à la traçabilité des nouveaux OGM. Mais aucun mandat n’a été donné à ce sujet à l’ENGL. Eric Meunier, responsable de la plateforme d’informations Inf’OGM s’étonne : « Les acteurs privés estiment ne pas pouvoir détecter leurs variétés mais si tel est le cas, il sera impossible alors pour elles de faire valoir leurs brevets ! »
Aujourd’hui, l’Europe se trouve isolée. Dans le monde, elle est la seule à appliquer le « principe de précaution » concernant les OGMs. Sa directive 2001/18 permet de contrôler l’autorisation - au cas par cas - de mise en champ des OGM et d’assurer leur traçabilité. C’est pourquoi, les manœuvres se focalisent désormais pour faire modifier cette directive et changer la définition des OGM. Une technique classique pour changer le thermomètre pour ne plus percevoir la fièvre… Et c’est en passant par l’échelle internationale, que ce cadre peut être remis en cause. Ainsi les débats qui se tiennent dans le cadre du protocole de Carthagène sont déterminants. Ils peuvent déboucher sur des protocoles d’encadrement de la biologie de synthèse – qui concerne toute manipulation du vivant – moins exigeants que les procédures européennes. Ce scénario pourrait remettre en cause la législation européenne, forcée de s’aligner.
En attendant les Faucheurs volontaires qui ont détruits des colzas issus de mutagenèse in vitro fin 2016 ont été jugées à Dijon ce 16 novembre. Délibéré prévu le 17 janvier 2019. La guerre d’usure n’est pas finie…
Nathalie de Geyter, journaliste d’investigation

Source : http://www.up-magazine.info/index.php/bio-innovations/bio-innovations/8181-medias-genetiquement-manipules

mercredi 21 novembre 2018

Comité Invisible - Le pouvoir est logistique. Bloquons tout !





Comité Invisible - 

Le pouvoir est logistique. 

Bloquons tout !


« Bloquons tout, donc. Nous n’avons rien à craindre. Rien ne nous manquera. Nous trouverons les façons de faire ; et elles seront belles. Elles seront, en tout cas, moins insensées que le monde dans lequel on nous fait vivre. »


Paru dans lundimatin#63, le 30 mai 2016



Routiers, dépôts d’essence et raffineries, zones logistiques, envahissement des voies ferrées, « baisse de charge » du côté de l’électricité, c’est d’une attaque tous azimuts contre les flux qui font tenir cette société que nous sommes témoins. Alors qu’une nouvelle fois la stratégie du blocage s’impose comme la pratique la plus immédiate, la plus évidente et la plus efficace dans un conflit politique, il est impossible de ne pas penser au chapitre que le Comité Invisible lui consacrait dans son dernier opus, À nos amis. À la lecture de « Le pouvoir est logistique. Bloquons tout ! », les échos avec la situation présente sautent aux yeux. C’est pourquoi lundimatin a décidé de mettre en accès libre ce chapitre. S’il recèle des considérations utiles à penser le conflit en cours, ce passage d’À nos amis ne nous dit rien, bien évidemment, du moment présent.


La rédaction de lundimatin ne peut donc qu’imaginer ce que le Comité Invisible en dirait. Certainement dirait-il ceci :

« L’économie n’est pas seulement ce que grévistes et manifestants tentent de bloquer, elle est surtout ce qu’entend éveiller en chacun le gouvernement en agitant le « spectre de la pénurie ». La peur du manque, voilà le fondement même de l’économie, en chacun de nous. Voilà ce qui motive l’ensemble des comportements économiques, qui règlent, bien au-delà de la sphère du travail, la vie normale avec sa mesquinerie de bon aloi : n’est-il pas « normal », de nos jours, de calculer en toutes choses, en amour comme en vacances, en famille comme entre amis ? Or voilà, si, du fond de son isolement glacé, il est bien compréhensible que l’individu craigne de manquer et calcule, cela n’a aucun sens pour des millions de gens en révolte, ni a fortiori pour un pays entier : on n’a jamais vu cinquante millions de personnes se laisser mourir de faim. Dès lors que nous sommes ensemble, dès lors que nous sommes liés, dès lors que nous nous faisons confiance, la peur du manque n’a aucun sens. Elle n’existe que pour les rats. Bloquer l’économie véritablement, bloquer l’économie aussi en nous, c’est laisser derrière soi la peur de manquer, et ne pas craindre, en conséquence, que vole en éclat l’organisation présente de la vie. Nous n’avons jusqu’ici connu que la vie organisée, nous allons connaître la vie vivante. Celle où les inconnus se parlent dans la rue et trouvent une façon de faire quand l’un ou l’autre rencontre un problème ; celle où les voisins ne se détestent pas nécessairement et cessent de s’épier ; celle où l’on n’est plus jamais pressé ; celle d’où la bagnole, les supermarchés ou les Iphone vont disparaître sans même que nous nous en apercevions ; celle où se goûte la richesse véritable, dont nul n’est glouton ou jaloux ; celle, enfin, qui a une forme et un sens. Bloquons tout, donc. Nous n’avons rien à craindre. Rien ne nous manquera. Nous trouverons les façons de faire ; et elles seront belles. Elles seront, en tout cas, moins insensées que le monde dans lequel on nous fait vivre. Aucun obstacle ne peut nous résister : nous sommes nombreux et intelligents, et nous sommes ceux qui font fonctionner ce monde. Aucun gouvernement ne peut rien contre nous, dès lors que nous n’avons plus peur - de manquer. Tout va aller pour le mieux. Immense sérénité. Fin de l’économie. »

Voilà, peut-être, ce que dirait le Comité Invisible du moment présent. Puisque nous en sommes réduits à l’imaginer.

Le pouvoir est logistique. Bloquons tout !





1. Que le pouvoir réside désormais dans les infrastructures. 

2. De la différence entre organiser et s’organiser. 

3. Du blocage. 

4. De l’enquête.
 
1. Occupation de la Kasbah à Tunis, de la place Syntagma à Athènes, siège de Westminster à Londres lors du mouvement étudiant de 2011, encerclement du parlement à Madrid le 25 septembre 2012 ou à Barcelone le 15 juin 2011, émeutes tout autour de la Chambre des députés à Rome le 14 décembre 2010, tentative le 15 octobre 2011 à Lisbonne d’envahir l’Assembleia da República, incendie du siège de la présidence bosniaque en février 2014 : les lieux du pouvoir institutionnel exercent sur les révolutionnaires une attraction magnétique. Mais lorsque les insurgés parviennent à investir les parlements, les palais présidentiels et autres sièges des institutions, comme en Ukraine, en Libye ou dans le Wisconsin, c’est pour découvrir des lieux vides, vides de pouvoir, et ameublés sans goût. Ce n’est pas pour empêcher le « peuple » de « prendre le pouvoir » qu’on lui défend si férocement de les envahir, mais pour l’empêcher de réaliser que le pouvoir ne réside plus dans les institutions. Il n’y a là que temples désertés, forteresses désaffectées, simples décors – mais véritables leurres à révolutionnaires. L’impulsion populaire d’envahir la scène pour découvrir ce qu’il se passe en coulisse a vocation à être déçue. Même les plus fervents complotistes, s’ils y avaient accès, n’y découvriraient aucun arcane ; la vérité, c’est que le pouvoir n’est tout simplement plus cette réalité théâtrale à quoi la modernité nous a accoutumés.

La vérité quant à la localisation effective du pouvoir n’est pourtant en rien cachée ; c’est seulement nous qui refusons de la voir tant cela viendrait doucher nos si confortables certitudes. Cette vérité, il suffit de se pencher sur les billets émis par l’Union européenne pour s’en aviser. Ni les marxistes ni les économistes néo-classiques n’ont jamais pu l’admettre, mais c’est un fait archéologiquement établi : la monnaie n’est pas un instrument économique, mais une réalité essentiellement politique. On n’a jamais vu de monnaie qu’adossée à un ordre politique à même de la garantir. C’est pourquoi, aussi, les devises des différents pays portent traditionnellement la figure personnelle des empereurs, des grands hommes d’état, des pères fondateurs ou les allégories en chair et en os de la nation. Or qu’est-ce qui figure sur les billets en euros ? Non pas des figures humaines, non pas des insignes d’une souveraineté personnelle, mais des ponts, des aqueducs, des arches – des architectures impersonnelles dont le cœur est vide. La vérité quant à la nature présente du pouvoir, chaque Européen en a un exemplaire imprimé dans sa poche. Elle se formule ainsi : le pouvoir réside désormais dans les infrastructures de ce monde. Le pouvoir contemporain est de nature architecturale et impersonnelle, et non représentative et personnelle. Le pouvoir traditionnel était de nature représentative : le pape était la représentation du Christ sur Terre, le roi, de Dieu, le Président, du peuple, et le Secrétaire Général du Parti, du prolétariat. Toute cette politique personnelle est morte, et c’est pourquoi les quelques tribuns qui survivent à la surface du globe amusent plus qu’ils ne gouvernent. Le personnel politique est effectivement composé de clowns de plus ou moins grand talent ; d’où la réussite foudroyante du misérable Beppe Grillo en Italie ou du sinistre Dieudonné en France, à tout prendre, eux au moins savent vous divertir, c’est même leur métier. Aussi, reprocher aux politiciens de « ne pas nous représenter » ne fait qu’entretenir une nostalgie, en plus d’enfoncer une porte ouverte. Les politiciens ne sont pas là pour ça, ils sont là pour nous distraire, puisque le pouvoir est ailleurs. Et c’est cette intuition juste qui devient folle dans tous les conspirationnismes contemporains. Le pouvoir est bien ailleurs, ailleurs que dans les institutions, mais il n’est pas pour autant caché. Ou s’il l’est, il l’est comme la Lettre volée de Poe. Nul ne le voit parce que chacun l’a, à tout moment, sous les yeux – sous la forme d’une ligne haute tension, d’une autoroute, d’un sens giratoire, d’un supermarché ou d’un programme informatique. Et s’il est caché, c’est comme un réseau d’égouts, un câble sous-marin, de la fibre optique courant le long d’une ligne de train ou un data center en pleine forêt. Le pouvoir, c’est l’organisation même de ce monde, ce monde ingénié, configuré, designé. Là est le secret, et c’est qu’il n’y en a pas.

Le pouvoir est désormais immanent à la vie telle qu’elle est organisée technologiquement et mercantilement. Il a l’apparence neutre des équipements ou de la page blanche de Google. Qui détermine l’agencement de l’espace, qui gouverne les milieux et les ambiances, qui administre les choses, qui gère les accès – gouverne les hommes. Le pouvoir contemporain s’est fait l’héritier, d’un côté de la vieille science de la police, qui consiste à veiller « au bien-être et à la sécurité des citoyens », de l’autre de la science logistique des militaires, l’« art de mouvoir les armées » étant devenu art d’assurer la continuité des réseaux de communication, la mobilité stratégique. Tout à notre conception langagière de la chose publique, de la politique, nous avons continué à débattre tandis que les véritables décisions étaient exécutées sous nos yeux. C’est en structures d’acier que s’écrivent les lois contemporaines, et non avec des mots. Toute l’indignation des citoyens ne peut que venir heurter son front hébété contre le béton armé de ce monde. Le grand mérite de la lutte contre le TAV en Italie est d’avoir saisi avec tant de netteté tout ce qu’il se jouait de politique dans un simple chantier public. C’est, symétriquement, ce que ne peut admettre aucun politicien. Comme ce Bersani qui rétorquait un jour aux No TAV : « Après tout, il ne s’agit que d’une ligne de train, pas d’un bombardier. » « Un chantier vaut un bataillon », évaluait pourtant le maréchal Lyautey, qui n’avait pas son pareil pour « pacifier » les colonies. Si partout dans le monde, de la Roumanie au Brésil, se multiplient les luttes contre de grands projets d’équipement, c’est que cette intuition est elle-même en train de s’imposer.

Qui veut entreprendre quoi que ce soit contre le monde existant doit partir de là : la véritable structure du pouvoir, c’est l’organisation matérielle, technologique, physique de ce monde. Le gouvernement n’est plus dans le gouvernement. La « vacance du pouvoir » qui a duré plus d’un an en Belgique en atteste sans équivoque : le pays a pu se passer de gouvernement, de représentant élu, de parlement, de débat politique, d’enjeu électoral, sans que rien de son fonctionnement normal n’en soit affecté. Identiquement, l’Italie va depuis des années maintenant, de « gouvernement technique » en « gouvernement technique », et nul ne s’émeut que cette expression remonte au Manifeste-programme du Parti politique futuriste de 1918, qui incuba les premiers fascistes.

Le pouvoir, désormais, est l’ordre des choses même, et la police chargée de le défendre. Il n’est pas simple de penser un pouvoir qui consiste dans des infrastructures, dans les moyens de les faire fonctionner, de les contrôler et de les bâtir. Comment contester un ordre qui ne se formule pas, qui se construit pas à pas et sans phrase. Un ordre qui s’est incorporé aux objets mêmes de la vie quotidienne. Un ordre dont la constitution politique est sa constitution matérielle. Un ordre qui se donne moins dans les paroles du président que dans le silence du fonctionnement optimal. Du temps où le pouvoir se manifestait par édits, lois et règlements, il laissait prise à la critique. Mais on ne critique pas un mur, on le détruit ou on le tague. Un gouvernement qui dispose la vie par ses instruments et ses aménagements, dont les énoncés prennent la forme d’une rue bordée de plots et surplombée de caméras, n’appelle, le plus souvent, qu’une destruction elle-même sans phrases. S’attaquer au cadre de la vie quotidienne est de ce fait devenu sacrilège : c’est quelque chose comme violer sa constitution. Le recours indiscriminé à la casse dans les émeutes urbaines dit à la fois la conscience de cet état de choses, et une relative impuissance face à lui. L’ordre mutique et inquestionnable que matérialise l’existence d’un abribus ne gît malheureusement pas en morceaux une fois celui-ci fracassé. La théorie de la vitre brisée est encore debout quand on a brisé toutes les vitrines. Toutes les proclamations hypocrites sur le caractère sacré de l’« environnement », toute la sainte croisade pour sa défense, ne s’éclairent qu’à la lueur de cette nouveauté : le pouvoir est lui­ même devenu environnemental, il s’est fondu dans le décor. C’est lui que l’on appelle à défendre dans tous les appels officiels à « préserver l’environnement », et non les petits poissons.

2. La vie quotidienne n’a pas toujours été organisée. Il a fallu pour cela, d’abord, démanteler la vie, en commençant par la ville. On a décomposé la vie et la ville en fonctions, selon les « besoins sociaux ». Le quartier de bureaux, le quartier d’usines, le quartier résidentiel, les espaces de détente, le quartier tendance où l’on se divertit, l’endroit où l’on bouffe, l’endroit où l’on bosse, l’endroit où l’on drague, et la bagnole ou le bus pour relier tout cela, sont le résultat d’un travail de mise en forme de la vie qui est le ravage de toute forme de vie. Il a été mené avec méthode, plus d’un siècle durant, par toute une caste d’organisateurs, toute une grise armada de managers. On a disséqué la vie et l’homme en un ensemble de besoins, puis on en a organisé la synthèse. Il importe peu que cette synthèse ait pris le nom de « planification socialiste » ou de « marché ». Il importe peu que cela ait abouti à l’échec des villes nouvelles ou au succès des quartiers branchés. Le résultat est le même : désert et anémie existentielle. Il ne reste rien d’une forme de vie une fois qu’on l’a décomposée en organes. De là provient, à l’inverse, la joie palpable qui débordait des places occupées de la Puerta del Sol, de Tahrir, de Gezi ou l’attraction exercée, malgré les infernales boues du bocage nantais, par l’occupation des terres à Notre-Dame-des-Landes. De là la joie qui s’attache à toute commune.
Soudain, la vie cesse d’être découpée en tronçons connectés. Dormir, se battre, manger, se soigner, faire la fête, conspirer, débattre, relèvent d’un seul mouvement vital. Tout n’est pas organisé, tout s’organise. La différence est notable. L’un appelle la gestion, l’autre l’attention – dispositions en tout point incompatibles.
Rapportant les soulèvements aymara du début des années 2000 en Bolivie, Raul Zibechi, un activiste uruguayen, écrit : « Dans ces mouvements, l’organisation n’est pas détachée de la vie quotidienne, c’est la vie quotidienne elle-même qui est déployée dans l’action insurrectionnelle. » Il constate que dans les quartiers d’El Alto, en 2003, « un éthos communal a remplacé l’ancien éthos syndical ».
Voilà qui éclaire en quoi consiste la lutte contre le pouvoir infrastructurel. Qui dit infrastructure dit que la vie a été détachée de ses conditions. Que l’on a mis des conditions à la vie. Que celle-ci dépend de facteurs sur quoi elle n’a plus de prise. Qu’elle a perdu pied. Les infrastructures organisent une vie sans monde, suspendue, sacrifiable, à la merci de qui les gère. Le nihilisme métropolitain n’est qu’une façon bravache de ne pas se l’avouer. à l’inverse, voilà qui éclaire ce qui se cherche dans les expérimentations en cours dans tant de quartiers et de villages du monde entier, et les écueils inévitables. Non un retour à la terre, mais un retour sur terre. Ce qui fait la force de frappe des insurrections, leur capacité à durablement ravager l’infrastructure de l’adversaire, c’est justement leur niveau d’auto-organisation de la vie commune. Que l’un des premiers réflexes d’Occupy Wall Street ait été d’aller bloquer le pont de Brooklyn ou que la Commune d’Oakland ait entrepris d’aller paralyser à plusieurs milliers le port de la ville lors de la grève générale du 12 décembre 2011 témoignent du lien intuitif entre auto-organisation et blocage. La fragilité de l’auto-organisation qui s’esquissait à peine dans ces occupations ne devait pas permettre de pousser ces tentatives plus loin. Inversement, les places Tahrir et Taksim sont des nœuds centraux de la circulation automobile du Caire et d’Istanbul. Bloquer ces flux, c’était ouvrir la situation. L’occupation était immédiatement blocage. D’où sa capacité à désarticuler le règne de la normalité dans une métropole tout entière ; à un tout autre niveau, il est difficile de ne pas faire le lien entre le fait que les zapatistes se proposent à présent de lier entre elles 29 luttes de défense contre des projets de mines, de routes, de centrales électriques, de barrages impliquant différents peuples indigènes de tout le Mexique, et qu’ils aient eux-mêmes passé les dix dernières années à se doter de tous les moyens possibles de leur autonomie par rapport aux pouvoirs fédéraux comme économiques.

3. Une affiche du mouvement contre le CPE en 2006, en France, disait « C’est par les flux que ce monde se maintient. Bloquons tout ! ». Ce mot d’ordre porté, à l’époque, par une minorité d’un mouvement lui-même minoritaire, même s’il fut « victorieux », a depuis lors connu une fortune notable. En 2009, le mouvement contre la « pwofitasyon » qui a paralysé toute la Guadeloupe l’a appliqué en grand. Puis on a vu la pratique du blocage, lors du mouvement français contre la réforme des retraites à l’automne 2010, devenir la pratique de lutte élémentaire, s’appliquant pareillement à un dépôt de carburant, un centre commercial, une gare ou un site de production. Voilà qui révèle un certain état du monde.

Que le mouvement français contre la réforme des retraites ait eu pour cœur le blocage des raffineries n’est pas un fait politiquement négligeable. Les raffineries furent dès la fin des années 1970 l’avant-garde de ce que l’on appelait alors les « industries de process », les industries « de flux ». On peut dire que le fonctionnement de la raffinerie a servi de modèle à la restructuration de la plupart des usines depuis lors. Au reste, il ne faut plus parler d’usines, mais de sites, de sites de production. La différence entre l’usine et le site, c’est qu’une usine est une concentration d’ouvriers, de savoir-faire, de matières premières, de stocks ; un site n’est qu’un nœud sur une carte de flux productifs. Leur seul trait commun étant que ce qui sort de l’une comme de l’autre a subi, au regard de ce qui y est entré, une certaine transformation. La raffinerie est le lieu où s’est renversé en premier le rapport entre travail et production. L’ouvrier, ou plutôt l’opérateur, n’y a pas même pour tâche l’entretien et la réparation des machines, qui sont généralement confiés à des intérimaires, mais simplement de déployer une certaine vigilance autour d’un processus de production totalement automatisé. C’est un voyant qui s’allume et qui ne le devrait pas. C’est un glou-glou anormal dans une canalisation. C’est une fumée qui s’échappe bizarrement, ou qui n’a pas l’allure qu’il faudrait. L’ouvrier de raffinerie est une sorte de vigile des machines, une figure désœuvrée de la concentration nerveuse. Et il en va ainsi, en tendance, de bon nombre des secteurs de l’industrie en Occident désormais. L’ouvrier classique s’assimilait glorieusement au Producteur : ici le rapport entre travail et production est tout simplement inversé. Il n’y a de travail que lorsque la production s’arrête, lorsqu’un dysfonctionnement l’entrave et qu’il faut y remédier. Les marxistes peuvent se rhabiller : le processus de valorisation de la marchandise, de l’extraction à la pompe, coïncide avec le processus de circulation, qui lui-même coïncide avec le processus de production, qui dépend d’ailleurs en temps réel des fluctuations finales du marché. Dire que la valeur de la marchandise cristallise le temps de travail de l’ouvrier fut une opération politique aussi fructueuse que fallacieuse. Dans une raffinerie comme dans toute usine parfaitement automatisée, c’est devenu une marque d’ironie blessante.
Donnez encore dix ans à la Chine, dix ans de grèves et de revendications ouvrières, et il en ira de même. On ne tiendra évidemment pas pour négligeable le fait que les ouvriers des raffineries soient de longtemps parmi les mieux payés de l’industrie, et que ce soit dans ce secteur que fut d’abord expérimenté, en France tout au moins, ce que l’on appelle par euphémisme la « fluidification des rapports sociaux », notamment syndicaux.

Lors du mouvement contre la réforme des retraites, la plupart des dépôts de carburant de France ont été bloqués non par leurs quelques ouvriers, mais par des professeurs, des étudiants, des chauffeurs, des cheminots, des postiers, des chômeurs, des lycéens. Cela ne tient pas à ce que ces ouvriers n’en avaient pas le droit. C’est seulement que dans un monde où l’organisation de la production est décentralisée, circulante et largement automatisée, où chaque machine n’est plus qu’un maillon dans un système intégré de machines qui la subsume, où ce système-monde de machines, de machines qui produisent des machines, tend à s’unifier cybernétiquement, chaque flux particulier est un moment de la reproduction d’ensemble de la société du capital. Il n’y a plus de « sphère de la reproduction », de la force de travail ou des rapports sociaux, qui serait distincte de la « sphère de la production ». Cette dernière n’est d’ailleurs plus une sphère, mais plutôt la trame du monde et de tous les rapports. Attaquer physiquement ces flux, en n’importe quel point, c’est donc attaquer politiquement le système dans sa totalité. Si le sujet de la grève était la classe ouvrière, celui du blocage est parfaitement quelconque. C’est n’importe qui, n’importe qui décide de bloquer – et prend ainsi parti contre la présente organisation du monde.

C’est souvent au moment où elles atteignent leur degré de sophistication maximal que les civilisations s’effondrent. Chaque chaîne de production s’allonge jusqu’à un tel niveau de spécialisation pour un tel nombre d’intermédiaires qu’il suffit qu’un seul disparaisse et l’ensemble de la chaîne s’en trouve paralysée, voire détruite. Les usines Honda au Japon ont connu il y a trois ans les plus longues périodes de chômage technique depuis les années 1960, simplement parce que le fournisseur d’une puce particulière avait disparu dans le tremblement de terre de mars 2011, et que nul autre n’était susceptible de la produire.

Dans cette manie de tout bloquer qui accompagne désormais chaque mouvement d’ampleur, il faut lire un retournement net du rapport au temps. Nous regardons l’avenir comme l’Ange de l’Histoire de Walter Benjamin regardait le passé. « Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds.  » Le temps qui passe n’est plus perçu que comme une lente progression vers une fin probablement épouvantable. Chaque décennie à venir est appréhendée comme un pas de plus vers le chaos climatique dont chacun a bien compris qu’il était la vérité du mièvre « réchauffement climatique ». Les métaux lourds continueront, chaque jour, de s’accumuler dans la chaîne alimentaire, comme s’accumulent les nucléides radioactifs et tant d’autres polluants invisibles mais fatals. Aussi faut-il voir chaque tentative de bloquer le système global, chaque mouvement, chaque révolte, chaque soulèvement, comme une tentative verticale d’arrêter le temps, et de bifurquer dans une direction moins fatale.

4. Ce n’est pas la faiblesse des luttes qui explique l’évanouissement de toute perspective révolutionnaire ; c’est l’absence de perspective révolutionnaire crédible qui explique la faiblesse des luttes. Obsédés que nous sommes par une idée politique de la révolution, nous avons négligé sa dimension technique. Une perspective révolutionnaire ne porte plus sur la réorganisation institutionnelle de la société, mais sur la configuration technique des mondes. En tant que telle, c’est une ligne tracée dans le présent, non une image flottant dans l’avenir. Si nous voulons recouvrer une perspective, il nous faudra coupler le constat diffus que ce monde ne peut plus durer avec le désir d’en bâtir un meilleur. Car si ce monde se maintient, c’est d’abord par la dépendance matérielle où chacun est, pour sa simple survie, vis-à-vis du bon fonctionnement général de la machine sociale. Il nous faut disposer d’une connaissance technique approfondie de l’organisation de ce monde ; une connaissance qui permette à la fois de mettre hors d’usage les structures dominantes et de nous réserver le temps nécessaire à l’organisation d’un décrochage matériel et politique par rapport au cours général de la catastrophe, décrochage qui ne soit pas hanté par le spectre de la pénurie, par l’urgence de la survie. Pour dire cela platement : tant que nous ne saurons pas comment nous passer des centrales nucléaires et que les démanteler sera un business pour ceux qui les veulent éternelles, aspirer à l’abolition de l’état continuera de faire sourire ; tant que la perspective d’un soulèvement populaire signifiera pénurie certaine de soins, de nourriture ou d’énergie, il n’y aura pas de mouvement de masse décidé. En d’autres termes : il nous faut reprendre un travail méticuleux d’enquête. Il nous faut aller à la rencontre, dans tous les secteurs, sur tous les territoires où nous habitons, de ceux qui disposent des savoirs techniques stratégiques. C’est seulement à partir de là que des mouvements oseront véritablement « tout bloquer ». C’est seulement à partir de là que se libérera la passion de l’expérimentation d’une autre vie, passion technique dans une large mesure qui est comme le retournement de la mise sous dépendance technologique de tous. Ce processus d’accumulation de savoir, d’établissement de complicités en tous domaines, est la condition d’un retour sérieux et massif de la question révolutionnaire.

« Le mouvement ouvrier n’a pas été vaincu par le capitalisme, mais par la démocratie », disait Mario Tronti. Il a aussi été vaincu pour n’avoir pas réussi à s’approprier l’essentiel de la puissance ouvrière. Ce qui fait l’ouvrier, ce n’est pas son exploitation par un patron, qu’il partage avec n’importe quel autre salarié. Ce qui fait positivement l’ouvrier, c’est sa maîtrise technique, incarnée, d’un monde de production particulier. Il y a là une inclination à la fois savante et populaire, une connaissance passionnée qui faisait la richesse propre du monde ouvrier avant que le capital, s’avisant du danger contenu là et non sans avoir préalablement sucé toute cette connaissance, ne décide de faire des ouvriers des opérateurs, des surveillants et des agents d’entretien des machines. Mais même là, la puissance ouvrière demeure : qui sait faire fonctionner un système sait aussi le saboter efficacement. Or nul ne peut individuellement maîtriser l’ensemble des techniques qui permettent au système actuel de se reproduire. Cela, seule une force collective le peut. Construire une force révolutionnaire, aujourd’hui, c’est justement cela : articuler tous les mondes et toutes les techniques révolutionnairement nécessaires, agréger toute l’intelligence technique en une force historique et non en un système de gouvernement.

L’échec du mouvement français de lutte contre la réforme des retraites de l’automne 2010 nous en aura administré l’âpre leçon : si la CGT a eu la haute main sur toute la lutte, c’est en vertu de notre insuffisance sur ce plan-là. Il lui aura suffi de faire du blocage des raffineries, secteur où elle est hégémonique, le centre de gravité du mouvement. Il lui était par la suite loisible à tout moment de siffler la fin de partie, en rouvrant les vannes des raffineries et en desserrant ainsi toute pression sur le pays. Ce qui alors a manqué au mouvement, c’est justement une connaissance minimale du fonctionnement matériel de ce monde, connaissance qui se trouve dispersée entre les mains des ouvriers, concentrée dans le crâne d’œuf de quelques ingénieurs et certainement mise en commun, du côté adverse, dans quelque obscure instance militaire. Si l’on avait su briser l’approvisionnement en lacrymogènes de la police, ou si l’on avait su interrompre une journée la propagande télévisuelle, si l’on avait su priver les autorités d’électricité, on peut être sûr que les choses n’auraient pas fini si piteusement. Il faut au reste considérer que la principale défaite politique du mouvement aura été d’abandonner à l’état, sous la forme de réquisitions préfectorales, la prérogative stratégique de déterminer qui aurait de l’essence et qui en serait privé.

« Si aujourd’hui vous voulez vous débarrasser de quelqu’un, il faut vous en prendre à ses infrastructures », écrit fort justement un universitaire américain. Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’armée de l’air américaine n’a cessé de développer l’idée de « guerre infrastructurelle », voyant dans les équipements civils les plus banals les meilleures cibles pour mettre à genoux ses adversaires. Cela explique d’ailleurs que les infrastructures stratégiques de ce monde soient entourées d’un secret grandissant. Pour une force révolutionnaire, il n’y a pas de sens à savoir bloquer l’infrastructure de l’adversaire si elle ne sait pas la faire fonctionner, le cas échéant, à son profit. Savoir détruire le système technologique suppose d’expérimenter et de mettre en œuvre dans le même temps les techniques qui le rendent superflu. Revenir sur terre, c’est, pour commencer, ne plus vivre dans l’ignorance des conditions de notre existence.






 Source : https://lundi.am/Comite-Invisible-Le-pouvoir-est-logistique-Bloquons-tout-474?fbclid=IwAR3G6ISpvl-sEWQkWl3LIKWUNMqVbIGrQXhP4LjucukMVPuzoYUkbjt7d7g