Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

dimanche 20 août 2023

XR contre BNP Paribas : à Dijon, un procès hautement politique

XR contre BNP Paribas : 

à Dijon, un procès 

hautement politique

 
17 août 2023

Quatre artistes ont offert un spectacle silencieux aux militants venus soutenir les sept activistes d'Extinction Rebellion à Dijon, le 16 août 2023.

Sept militants d’Extinction Rebellion ont été condamnés le 16 août à une amende avec sursis, pour avoir mis de la peinture sur des banques de la BNP Paribas. À Dijon, de nombreux soutiens étaient présents.

Dijon (Côte-d’Or), reportage

« Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes. Alors, merci d’avoir bougé ! » La citation de la révolutionnaire marxiste Rosa Luxemburg crépite dans les enceintes. Une main encerclant le micro, Julia Steinberger poursuit : « Mes collègues et moi-même l’écrivons noir sur blanc. L’action des financeurs de Total et des énergies fossiles, tels que BNP Paribas, est incompatible avec la survavibilité de la planète. » Professeure à l’université de Lausanne, la coautrice du rapport du Giec [1] a traversé la frontière franco-suisse, le 16 août, pour défendre les sept activistes d’Extinction Rebellion jugés à Dijon.

« Qu’ont fait ces dangereuses et dangereux écoterroristes ? » interroge Minelia, une amie, le ton narquois. Âgés de 19 à 36 ans, les interpellés étaient accusés de dégradations de biens commis en réunion. Le 10 mai, ces Côtes-d’Oriens avaient maculé de peinture noire, orange et verte les façades de trois agences de la banque BNP Paribas, et bloqué temporairement des distributeurs de billets à l’aide de colle. Au terme d’une audience hautement politisée, les prévenus ont été condamnés à 1 500 euros d’amende avec sursis, et près de 7 000 euros d’intérêts et frais d’avocats pour trois d’entre eux.

Attac, Les Soulèvements de la Terre, ANV-COP21... De nombreuses associations et collectifs ont exprimé leur soutien. © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Étudiants en maïeutique, philosophie ou agronomie, directrice de crèche, psychomotricienne ou personnel hospitalier… Aucun des activistes présentés à la barre du tribunal correctionnel n’avait d’antécédent judiciaire. Alors pourquoi s’en prendre ainsi à une banque, s’est questionnée la présidente. « En Ouganda, un projet révoltant de TotalÉnergies menace le climat, la biodiversité et les humains, a murmuré Mathilde, intimidée. Sans le financement de la BNP Paribas, celui-ci n’aurait sûrement jamais vu le jour. »

« Outre la détention de 42 heures, leurs domiciles ont été perquisitionnés », insiste Minelia, de XR Dijon. © Emmanuel Clévenot / Reporterre

BNP Paribas, le portefeuille de TotalÉnergies

En 2006, la quatrième réserve de pétrole la plus vaste d’Afrique subsaharienne, estimée à près de 6,5 milliards de barils de brut, a été décelée sur la rive ougandaise du lac Albert. Pour extraire et exporter cet or noir, le géant français des énergies fossiles s’est lancé dans un chantier titanesque : le forage de trente-quatre plateformes pétrolières, dont une dizaine empiètent sur la plus ancienne et vaste aire naturelle protégée du pays, ainsi que la construction d’un oléoduc de 1 143 km, qui traversera 401 villages d’Ouganda et de Tanzanie. Surnommé Eacop, ce projet menacera l’accès à l’eau et à la nourriture de millions de personnes, et ravagera l’écosystème, d’après Extinction Rebellion.

N’y avait-il pas d’autres outils pour alerter la population ? Les mains jointes sur le ventre, Solène rétorque à la présidente que les premiers avertissements, lancés par les scientifiques, remontent aux années 1970 : « La voie légale est inefficace. J’ai voté, signé des pétitions, manifesté, fait des dons… » Bondissant du banc en bois depuis lequel elle observait l’interrogatoire, l’avocate de la défense, Me Laure Abramowitch, interrompt sa cliente pour lui demander le métier de sa mère : « Elle a longtemps été directrice de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Elle avait beau s’acharner, elle ne parvenait qu’à accomplir de petits pas… Bien peu utiles face aux géants pollueurs de ce monde. »

Depuis 2015, les banques françaises ont investi 406 milliards de dollars pour soutenir les énergies fossiles, selon XR. © Emmanuel Clévenot / Reporterre


L’Accord de Paris, lui non plus, ne semble pas avoir changé la donne. Depuis son adoption, en 2015, les banques françaises ont investi 406 milliards de dollars pour soutenir les énergies fossiles. « Elles ont le pouvoir de décider de quoi le monde de demain sera fait… et BNP Paribas se place comme le chef de file dans cette fuite en avant », se désole Stéphane Dupas, des Amis de la Terre. Autre chiffre vertigineux : depuis la COP21, la banque au logo vert a accordé 165 milliards de dollars au charbon, au pétrole et au gaz. « Autrement dit, quatre fois le montant nécessaire pour rénover toutes les passoires thermiques de France », ajoute le militant.

« Pouvez-vous me dire comment, du jour au lendemain, notre monde peut-il survivre sans gaz ni pétrole ? » Prononcée avec mépris, la question de l’avocate de la partie civile, Me Anne Geslain, ne déstabilise pas Julia Steinberger, appelée à la barre des témoins : « Nous avons déjà toutes les technologies nécessaires pour alimenter le monde en énergies renouvelables et diminuer notre consommation, notamment grâce à la rénovation thermique des bâtiments. Reste à le vouloir vraiment ! » Le bec cloué, l’avocate tourne les talons et retourne s’asseoir, bredouille.

Légitimer la désobéissance civile

Tentant de recentrer les débats, la juge énonce à l’assemblée le déroulement des faits survenus le 10 mai. Informées de l’opération à venir, des équipes de la police s’étaient discrètement postées devant chaque agence. À la nuit tombée, les forces de police aperçurent les individus, et les poursuivirent. Si la flagrance laisse peu de doute, les sept prévenus gardent le silence quant à leurs agissements. « Les chiens de la brigade menaçaient de me mordre, dénonce toutefois Clara dans un sanglot. J’ai eu des ecchymoses aux poignets tant les menottes étaient serrées et quand j’ai osé demander pourquoi il y avait du vomi dans ma cellule, on m’a répondu qu’il fallait y penser avant. »

De nombreux militants ont apporté leur soutien aux sept prévenus. © Emmanuel Clévenot / Reporterre





 
Devant le palais de justice, une cantine solidaire, distribuant à prix libre du pain fourré aux algues et des tartes aux mirabelles, tentait de récolter quelques fonds pour financer la procédure. Accrochée aux courbes tortueuses d’une sculpture de 1992, une banderole « Changer ou disparaître » flottait au vent. « Outre la détention de 42 heures, leurs domiciles ont été perquisitionnés, insiste Minelia, d’Extinction Rebellion. Imaginez ! Sept jeunes activistes non violents emmenés chez eux, en plein jour et menottés dans le dos, sous le regard de leur famille et leurs voisins. »

Pour Cécile Ropiteaux, de la Ligue des droits de l’Homme, ces démonstrations de force trahissent une fois de plus l’hostilité du gouvernement à l’encontre du mouvement écologiste : « Cette criminalisation s’étend jusqu’à l’utilisation par le ministre de l’Intérieur du nouveau mot, digne de l’extrême droite, “d’écoterrorisme”. L’ONU elle-même dénonce cette rhétorique. » À ses yeux, la décision du Conseil d’État de surseoir la dissolution des Soulèvements de la Terre apparaît toutefois comme une bouffée d’oxygène.

« Asperger une façade de peinture, c’est violent ! »

« Le débat scientifique est clos. » Déposant son éventail fleuri, le procureur amorce son réquisitoire : « Personne dans cette salle, pas même la partie civile, n’est climatosceptique. En revanche, la question est de savoir si au motif de l’urgence climatique il faut renoncer à l’état de droit et à la démocratie. » Sans surprise, sa réponse est non. Retroussant les manches de sa robe noire, il ajoute que « plaider la liberté d’expression [lui] semble difficile à admettre, dès lors que les prévenus ont opéré de nuit. Comment affirmer qu’on revendique un acte politique si l’on agit dans la clandestinité ? »

Il demande alors à la présidente et ses assesseurs de condamner les militants écologistes à des peines allant de 35 à 70 heures de travaux d’intérêt général. « Ceux-ci peuvent, en Côte-d’Or, consister à nourrir les animaux à la SPA ou nettoyer des cours d’eau… Une belle façon de rendre service à la nature », sourit-il, un brin moqueur. Pour Me Bastien Poix, l’autre avocat de la défense, cette décision n’aurait aucun sens, tant les prévenus travaillent déjà pour l’intérêt commun dans leur quotidien.

« Tous parlent ici d’action non violente, s’exprime à son tour Me Anne Geslain. Seulement, asperger une façade privée de peinture et obstruer des distributeurs, c’est violent ! » Ces mots lui valent aussitôt les railleries du public. Sa demande de préjudice moral sera, elle, rejetée et les magistrats iront jusqu’à requalifier l’infraction en contravention, jugeant les dégradations légères. Dans une ultime tirade, Me Laure Abramowitch rappelle qu’en finançant le projet Eacop, BNP Paribas « méconnaît son devoir de vigilance et commet des infractions ô combien plus graves ».


Notes

[1Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

 

Source :  https://reporterre.net/Sept-militants-d-Extinction-Rebellion-condamnes-pour-avoir-peinturlure-la-BNP?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire