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vendredi 11 août 2023

Comment ne pas rechercher un poison

 



Comment ne pas 

rechercher un poison

Christophe Béchu, ministre de l’Écologie, avec le nez rouge du comique professionnel. L’a pas l’air. Mais la chanson, si. Savourons une décision toute récente : le 27 juin paraît au Journal officiel un arrêté Béchu, qui demande à 5 000 entreprises de rechercher « sous trois mois, la liste des substances PFAS utilisées, produites, traitées ou rejetées par son installation ».

Les PFAS dont il est question sont appelées à un grand avenir, car ces mixtures chimiques ne disparaissent pas dans l’eau, l’air, les sols. Ou les corps. Et c’est pourquoi on les appelle des forever chemicals. Des produits chimiques éternels. Où trouve-t-on des PFAS ? Eh bien, partout, car leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, en font des candidats parfaits pour les usages industriels. Ils sont utilisés aussi bien pour les poêles que pour les pesticides, dans les vêtements, les emballages alimentaires – miam – les mousses anti-incendie, les cosmétiques, et la liste continue jusqu’au bout de la terre.

Inventés dans les années Trente du siècle passé, ils ont vivoté jusqu’au 29 juillet 1967, date d’un grave accident sur le porte-avions USS Forestal, qui tue 134 soldats après un incendie géant. Des petits malins se disent que des mousses contenant des PFAS auraient été bien plus efficaces contre les flammes. Nul ne s’interroge sur rien, et l’aventure continue. Dans les années 70, on trouve dans le sang des personnels exposés des traces de PFAS. Et alors ?

En 2001, Giesy et Kannan montrent une contamination des ours polaires, des poissons, des oiseaux. Et alors ? On découvre dans la foulée, que le sang de toute la population américaine – il doit pouvoir rester deux ou trois épargnés – contient des PFAS. Et pareil en Europe. L’air des cimes en contient. La glace arctique aussi. Est-ce bien embêtant ? Un peu. On relie en effet les PFAS à des cancers des testicules, du sein, du rein. À des maladies thyroïdiennes, de l’intestin, à des lésions du foie, à de nombreux risques pour les fœtus, dont les effets ne se feront sentir qu’à la puberté, ou après.

À ce stade, résumons : on sait ce qu’il faut savoir depuis trente ans, et l’on se demande ce que nos ministres de la Santé et de l’Écologie ont bien pu faire pour contraindre si peu que ce soit l’industrie à la prudence. Oui, qu’ont donc tenté les responsables de la santé Kouchner, Douste-Blazy, Guigou, Mattei, Bertrand, Bachelot, Touraine, Buzyn ? Rien. Et pareil chez les ministres de l’Écologie Bachelot, Lepeltier, Jouanno, Kosciusko-Morizet, Batho, Martin, Royal, Pompili. Zéro plus zéro égale la tête à Toto.

Béchu a l’air bien parti pour suivre cette noble route. Revenons à sa décision historique du 27 juin : il donne trois mois à une petite fraction de l’industrie – 5000 entreprises – de déclarer s’ils utilisent des PFAS. Il connaît bien sûr la réponse, mais ça permet de gagner du temps, ce qui n’est pas rien. Lorsqu’on reparlera des PFAS, qui sait où il aura atterri ? À Angers, son fief électoral ? Au secrétariat d’État aux normes de la charcuterie et de la baguette réunies ? Loin du mistigri en tout cas, qu’il aura refilé à une autre préposé.

Au fait, les amis, savez-vous combien il y a de PFAS différents les uns des autres ? Tous les organismes officiels s’accrochent comme des noyés au chiffre ridicule de 4700 assemblages distincts. L’agence publique en charge de notre protection, l’ANSES, écrit ainsi sur son site calamiteux (2) : « Les substances per- et polyfluoroalkylées, également connues sous le nom de PFAS, sont une large famille de plus de 4000 composés chimiques ».

C’est tellement faux qu’on s’en pince la peau du bras. Le chiffre semble s’inspirer d’un rapport de l’OCDE, en 2007, qui dénombrait exactement 4730 PFAS. L’agence en charge de l’environnement aux États-Unis – l’EPA – en comptait 14 735 il y a trois ans. PubChem, sous la tutelle des National Institutes of Health, fait autorité, et en annonce…6 millions. On parle désormais de 7 millions. Bechu demande à 5000 entreprises d’en rechercher 20 en priorité. Nez rouge, oui. 

(1)https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047739535

(2) https://www.anses.fr/fr/content/pfas-des-substances-chimiques-dans-le-collimateur 

 

Source : http://fabrice-nicolino.com/?p=5698

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