Investissez chez Veolia et Suez !
C’est parti mon kiki, et les villes vont douiller. Les villes, c’est-à-dire le pékin. Il y a quelques semaines, Veolia, transnationale « française » de l’eau organisait un gentil voyage de presse – c’est la boîte qui paie, pas le journal – à Bergerac, en Dordogne. L’occasion était trop belle, car pour une des premières fois en France, un camion-citerne nettoyait les rues avec de l’eau « usée », au lieu d’utiliser l’eau potable habituelle.
À Bergerac, le projet reste modeste, mais l’idée est en train de flamber partout. À Sainte-Maxime (Var), à Deauville (Calvados), en Vendée, où Veolia a vendu à l’agglomération des Sables d’Olonne et à Vendée Eau – distributeur public – le programme Jourdain (1). Jourdain comme le fleuve martyrisé d’Israël, comme ils sont drôles. Les choses sont loin d’être simples, mais enfin, il s’agit de développer un système dont on parle chaque jour un peu plus, le REUT, pour Réutilisation des eaux usées traitées. La promesse Jourdain – on en reparlera à l’arrivée, au mieux en 2027 – consiste à récupérer dans une station d’épuration une fraction de l’eau et de la réinjecter en amont du barrage du Jaunay par une canalisation de 27 km. Les subventions publiques atteignent déjà 7,7 millions d’euros, mais ce n’est, on l’espère pour Veolia, qu’un tout petit début. Pour la transnationale, mais on l’avait compris, le système REUT est, comme l’indique son site, « une nouvelle réglementation, de nouvelles opportunités ». Sur fond de sécheresse chronique, l’argent public ne peut que couler à flots.
À Nice, Christian Estrosi, maire désormais macroniste, vient d’annoncer un plan de 700 millions d’euros pour la station d’épuration d’Haliotis 2, dont une bonne part pour l’utilisation des eaux usées. Cette fois, ce n’est pas Veolia qui profitera de l’aubaine publique, mais sa sœur jumelle et concurrente, Suez. La version officielle annonce : « La Métropole de Nice disposera dès 2028 d’une unité industrielle de Réutilisation des Eaux Usées Traitées capable de recycler 5 millions de mètres cubes d’eau par an sur le territoire ».
Pour mieux comprendre les enjeux de ce énième putsch sur les ressources publiques, garder dans un coin de la tête que la France « produit » 8,4 milliards de m3 d’eaux usées chaque année, dont moins de 1% est à nouveau utilisé. Or le plan Macron annoncé ce printemps (3) prévoit de multiplier par 15 ce pourcentage d’ici 2030. Miam Veolia. Miam Suez. La manne servira massivement pour les besoins de l’agriculture industrielle : arrosage des grandes cultures et arboriculture notamment.
Mais voici l’heure d’une explication de base. Il y a plus d’un traitement de l’eau, on s’en doute. Rappelons à ce stade que l’eau du robinet est déclarée potable sur simple décision politique. L’exemple le plus récent est celui du chlorothalonil, pesticide cancérogène probable, interdit en Europe depuis 2019. Tous les pesticides créent des produits de dégradation par milliers, dont très peu sont recherchés dans l’eau dite potable. Ces métabolites peuvent être, et sont souvent plus toxiques que les molécules de départ. Dans le cas du chlorothalonil, un seul de ces métabolites – le R471811 – rend la consommation d’eau non conforme dans le tiers de la France. Que fait-on ? Rien.
Et tout est à l’avenant à la sortie des stations d’épuration. Il reste dans l’eau du robinet des quantités faibles mais réelles de joyeusetés comme les microplastiques – mais oui -, des résidus de médicaments, de métaux lourds, de pesticides bien sûr, de cosmétiques, de sous-produits du chlore. Tous sont potentiellement dangereux, et nulle autorité n’est capable de seulement penser leur synergie – l’effet cocktail – quand ils sont avalés par un consommateur quotidien.
Mais ce n’est rien encore avec le système REUT, dont les eaux seront bien plus farcies de polluants non traités. Qui se retrouveront dans les nappes, dans les sols, dans les goûteuses cerises. Il y aurait bien une autre voie, celle d’une nouvelle culture de l’eau, entraînant la société sur des chemins nouveaux. Mais que diraient Veolia et Suez ?
(2)https://www.actu-environnement.com/ae/news/reutilisation-eaux-usees-traitees-bergerac-41679.php4
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