Tribune -
Convention Citoyenne,
le piège du référendum
Par Quitterie De Villepin, le 15 décembre 2020
Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir salué l’intense labeur des 150 femmes et hommes dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat. Que va-t-il se passer ensuite ?
Certaines ou certains se sont émerveillé.e.s de ce que pouvaient réaliser des femmes et des hommes normaux. Pas moi. Qui pouvait douter de leur travail ? En quoi les délibérations de « simples citoyennes et citoyens » seraient moins évoluées que celles des élu.e.s ? Il n’y a pas de diplôme de bon.ne.s élu.e.s. Les citoyen.n.es sont libres en revanche de consignes de partis. Les clés du succès résident dans le temps accordé à la maturation et à la réflexion, ainsi qu’aux rôles des facilitatrices et facilitateurs qui accompagnent les travaux. Ces deux points méthodologiques furent respectés et la production intellectuelle fut au rendez-vous.
Nous pouvons donc affirmer que cette délibération fut exemplaire et utile, une preuve de plus, s’il en fallait, que notre démocratie a besoin d’engager les citoyennes et les citoyens pour la nourrir.
L’enjeu est désormais d’inclure ce type de dispositif au long cours et de le sortir des mains de l’arbitraire présidentiel. Le sortir des mains de l’arbitraire présidentiel, pourquoi ? Rappelons le contexte dans lequel la convention vit le jour. Le président de la République faisait face à un climat insurrectionnel avec les gilets jaunes qui occupaient le devant de la scène. Il était en grande difficulté avec des reven-dications pour plus de démocratie, et un front de défense du climat grandissant.
Il s’est saisi de la perche qui lui était tendue pour réoccuper le terrain médiatique, avec le Grand débat national puis en consentant à donner son feu vert pour la convention citoyenne.
En ce qui concerne l’issue des mesures de la convention citoyenne, je plaide pour la voie parlementaire. Il est indispensable qu’Emmanuel Macron, qui dispose d’une large majorité à l’Assemblée nationale, assume devant la communauté nationale et internationale sa responsabilité en termes de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, son bilan environnemental est en dessous de zéro. De belles paroles, de beaux discours, mais nous avons malheureusement reculé sur ce front. La voie législative seule nous permettrait d’obtenir enfin des actes.
En revanche, s’il optait pour la voie référendaire, il s’offrirait une énième séquence de communication à l’heure du bilan de son quinquennat, une occasion de verdir un mandat en dessous de toutes les attentes et de tous les défis de notre ère.
Je suis fermement opposée à un référendum qui serait pour le président de la République une échappatoire à ses responsabilités et une rampe de lancement de sa future campagne présidentielle.
Le référendum est un « faux-ami » de la démocratie. Il dépend irrémédiablement d’un arbitraire. Celui qui pose la question en attend un gain politique et les citoyen.ne.s ne peuvent en faire abstraction. Ce serait une erreur de les contraindre à trancher ce dilemme insupportable.
Des femmes et des hommes travaillent depuis des décennies sur les politiques publiques environnementales. Elles et ils méritent notre confiance et notre engagement à leurs côtés. Ne leur savonnons pas la planche en plaidant pour un référendum piégeux, et en offrant ainsi à Emmanuel Macron une énième séquence de communication s’apparentant à du greenwashing ainsi qu’à du « democraticwashing », bien loin de la réalité de ses actes et de ceux de sa majorité. Que le président qui voulait tant le pouvoir, et a les pleins pouvoirs de fait, exerce enfin sa responsabilité.
Tribune rédigée en juillet 2020.
Source : https://kaizen-magazine.com/article/tribune-convention-citoyenne-le-piege-du-referendum/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire