Tous contre le démantèlement
d’EDF :
il faut qu’Hercule recule !
EDF a un projet super costaud puisqu'il s'appelle « Hercule ». EDF, l'électricien public, est en train de s'auto-démanteler sous le regard attendri des technocrates européens dont la raison de vivre est le dépeçage des services publics. Et alors ? Alors, on digère vite sa dinde et son champagne et on essaie de résister avec celles et ceux qui se bougent contre la fin du service public de l'électricité.
Un peu partout en France, les salariés d’EDF se mettent en grève. Le 17 décembre dernier, lors de ce qui était déjà la troisième journée de mobilisation nationale, la majorité des 30 employés du site d’Enedis de Mayenne ont interrompu le travail afin de dénoncer une « casse du service public au profit de quelques actionnaires ». (Oui, oui, Enedis, c’est en fait EDF).
Mêmes scènes au barrage de Grangent, dans la Loire, ou à la centrale du Bugey, dans l’Ain, et un peu partout en France. À Besançon, l’électricité a même été coupée quelques minutes par les grévistes. Dans l’ensemble du pays, 14 des 56 réacteurs n’ont fonctionné qu’à puissance réduite, la production d’électricité connaissant une baisse notable vers 19 heures.
Selon la direction, le taux de grévistes s’est établi à 28 %. La CGT a, pour sa part, évoqué un taux de grévistes de 35 % de l’effectif présent et de 60 % sur les sites de production. La mobilisation a été particulièrement forte sur les barrages, menacés de privatisation depuis des années.
En cause ? Le projet « Hercule », qui vise à scinder EDF en trois parties. Comme la direction du groupe nous prend pour des débiles, elle a fait dans le simple à comprendre. Il y a aura désormais trois EDF, avec chacun sa couleur. L’EDF « bleu », le seul à être 100 % public – merci de noter ce point important –, ce sera le nucléaire. Le « vert », c’est bien sûr pour les énergies renouvelables, et aussi la distribution. Et, enfin, « l’azur », qui regrouperait tous les barrages. La raison de cette absurdité ? L’Europe, comme toujours.
Un euro ou deux pour ma centrale nucléaire, s’il vous plaît ?
Car EDF a un souci : elle manque de thunes, grave. Tout d’abord parce que les réacteurs, en fin de vie, multiplient les pannes et les frais qui vont avec. Ainsi, en ce moment, un réacteur sur quatre est à l’arrêt, ce qui est énorme. Et il y a une grosse compétition entre ingénieurs et économistes, et ce jusqu’à la Cour des Comptes, pour estimer le coût du démantèlement des centrales, dont la facture est tellement grosse que personne n’ose avancer de chiffres.
Il faut dire que les génies de Polytechnique qui ont construit le parc nucléaire sans demander l’avis de la population n’ont pas pensé qu’il faudrait un jour démanteler les centrales, c’est ballot. Alors que ce chantier va durer un siècle, oui oui. De plus, EDF doit procéder à de lourds investissements dans l’éolien, le photovoltaïque, etc. Si l’État était responsable, ce serait simple : ces investissements, qui profitent à l’ensemble du pays et même à Dame Nature, sont du ressort de la puissance publique et non d’une entreprise, même publique. Mais comme l’État n’est pas malin, c’est à EDF de tout payer.
Surtout que, si l’électricité made in EDF est vendue moins cher que la moyenne européenne (18 centimes du KWH contre 21), c’est surtout parce que cette moyenne est tirée vers le haut par l’Allemagne, le Danemark et la Belgique. L’électricité est ainsi nettement moins chère que chez nous en Bulgarie, Hongrie, Lituanie, Croatie, et dans, au total, 16 pays européens sur 28 – en partie à cause des taxes, plus élevées en France il est vrai.
Source : Hellowatt |
La Commission européenne kiffe la découpe
Donc EDF est coincée. L’entreprise a utilisé le seul levier possible : demander à la Commission européenne une hausse du prix de vente de son électricité nucléaire – car les prix de base de l’électricité sont toujours réglementés. Or ce prix n’a pas augmenté depuis 2010… Seulement, l’occasion est trop belle pour la Commission, dont la raison de vivre est le démantèlement des services publics. Les technocrates européens exigent donc, en contrepartie, à EDF, qu’elle s’auto-découpe en trois entités colorées.
Pourquoi ? Parce qu’il est impossible de concurrencer une entreprise de réseau, comme la SNCF et EDF. Pour parvenir au saint Graal de la concurrence, il faut donc découper menu menu les anciens monopoles – rebaptisés « opérateurs historiques » à Bruxelles, pour bien signifier qu’ils relèvent du passé – afin de permettre aux gentils start-uppeurs de 2020 de venir concurrencer les méchants monopoles cégétistes de 1945.
Tous contre Bruxelles !
La chose est tellement absurde que, tout comme pour la privatisation des aéroports, on a vu se reformer un extraordinaire attelage politique, des députés Les Républicains participant, le 8 décembre dernier, à une conférence de presse organisée par des élus communistes et insoumis. Les parlementaires PS et écologistes ont annoncé qu’ils allaient déposer une proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) contre ce projet.
Évidemment, pour les socialistes, c’est un gag, puisque c’est ce parti qui, avec Jacques Delors et François Mitterrand, a construit de A à Z le « marché unique », que l’on me demandait de célébrer quand j’étais au collège (« en 1992, on fait l’Europe ! »), et dont le démantèlement des services publics est la suite logique, voulue, prévue, organisée.
Car vous y comprenez quelque chose, vous, à Enedis, RTE et compagnie ? Toutes ces sociétés sont créées de toutes pièces pour organiser de la « concurrence » au sein d’un secteur où elle est économiquement impossible et écologiquement absurde. Le b.a-ba de la transition écologique, c’est la transition énergétique, qui suppose de forts services publics, efficaces, puissants, à l’écoute des collectivités locales et des citoyens. Pas des marchés. Mais, en dépit de ces évidences qui frappent même les élus de droite, la Commission continue sur sa lancée mortifère…
Peut-on l’arrêter ? C’est toute la question. Pour l’instant, la pétition mise en ligne par la CGT, la CFE-CGC, la CFDT et FO a recueilli 30 000 signatures. C’est trèèèèèèès loin des 4,7 millions de signatures qu’il faudra réunir lorsque la procédure de referendum d’initiative populaire sera formellement lancée – si elle l’est, car avec les socialistes, la déception est la règle.
Lors de la privatisation d’ADP, une absurdité de premier plan, d’abord pour des raisons de souveraineté, le RIP avait échoué, ne recueillant qu’un million de signatures. Certes, à première vue, c’est désespérant. Mais on peut aussi se dire que ce serait chouette de ne pas échouer une deuxième fois, et de profiter de l’opportunité que nous donne Macron de lui rabattre le caquet, pour défendre une service public – celui de l’électricité – qui, contrairement aux navions, concerne absolument tout le monde.
En attendant, une nouvelle hausse de l’électricité est prévue en janvier. Je vous laisse avec ce graphique du Parisien, qui devrait vous donner envie de signer la pétition des camarades syndiqués. En effet, il y a 10 ans, un foyer de 4 personnes payait en moyenne 1019 euros par an d’électricité et, désormais, sa facture s’élève à 1522 euros ! ●
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