Le détricotage
des 146 propositions
de la Convention citoyenne
pour le climat
Fin juin, Emmanuel Macron s'est engagé à soutenir "sans filtre" 146 des 149 propositions élaborées par la Convention citoyenne pour le climat. Quatre mois plus tard, le bilan est en demi-teinte. Si un tiers des mesures ont bel et bien été reprises, les sujets polémiques ont été écartés.
Par Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID -
Publié le Mercredi 25 Novembre 2020
Il y a quatre mois, la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) présentait ses 149 propositions. Selon le gouvernement, qui a publié un tableau de suivi le 23 octobre, une cinquantaine de mesures ont été acceptées ou partiellement acceptées, notamment dans le cadre du Plan de relance et du projet de loi de finance 2021 en cours de discussion au Parlement. Du côté des 150 citoyens, un suivi a également été mis en place, via le site "Sans filtre". Selon eux, une seule mesure a été reprise sur la limitation des zones commerciales, tandis que 18 sont encore débattues et 11 en danger. Idem du côté du Réseau action climat, qui dénonce un détricotage.
Il apparaît effectivement que 50
mesures, sur les 146 retenues par Emmanuel Macron, ont été
(partiellement) reprises. Une dizaine d’entre elles sont en discussion,
et pour certaines très débattues au sein même du gouvernement, comme la
hausse de l’éco-contribution pour l’aérien, l’interdiction de la
publicité pour les produits les plus émetteurs, la création du crime
d’écocide (cf. infra) ou encore la taxation des engrais azotés. Or, le
Président de la République avait promis qu'il les soumettrait toutes,
soit au Gouvernement, soit au Parlement, soit directement au peuple
français, à l'exception des 3 jokers fixés en juin (modification
du préambule de la Constitution, taxe sur les dividendes, et limitation
de la vitesse à 110 km/h sur autoroute).
Selon I4CE, qui a dressé un bilan du plan de relance à l’aune des
propositions de la CCC : "le plan de relance répond à plusieurs demandes
formulées par les citoyens mais pour lesquelles ils n’avaient pas
évalué les montants nécessaires", précise le think tank. C’est le cas
pour l’hydrogène, l’électrification des ports, l’économie circulaire et
les circuits courts ou encore la transition agricole.
Pour
autant, des divergences persistent par exemple sur la définition de ce
qu’est un véhicule propre, les citoyens se basant sur le seuil de 95
gCO2/km, contre 133 gCO2/km pour le gouvernement. Autre point de
crispation, les investissements dans le ferroviaire, qui devraient à
parts égales soutenir le réseau et la baisse des tarifs. Or, les 4,75
milliards d’euros annoncés ne sont destinés qu’au réseau. En outre,
selon trois ONG, 4,1 milliards sont destinés à préserver les capacités
d’investissement de SNCF Réseau et seulement 650 millions d’euros
constituent de nouveaux crédits d’investissement. "C'est insuffisant
pour une vraie relance du ferroviaire", disent-elles.
La future
Loi CCC devra rectifier le tir, alors qu’elle est censée reprendre 40 %
des propositions. Le texte devrait être décomposé en cinq titres
reprenant les cinq grands thèmes sur lesquels les 150 citoyens ont
travaillé à savoir : consommer, produire et travailler, se déplacer, se
loger et se nourrir. Certains axes comme l'encadrement de la publicité,
l'information des consommateurs, la rénovation énergétique des bâtiments
ou l'artificialisation des sols seront également développés.
Le
projet de Loi devait être présenté en Conseil des ministres
mi-décembre. Mais la crise sanitaire bouscule le calendrier et une
première lecture aura lieu à l'Assemblée en mars. Dans la foulée, une
huitième session de la CCC devrait être organisée pour formellement
clore les travaux. D’ici là, les citoyens doivent travailler avec les
parlementaires autour de groupes thématiques.
Enfin, tout
dernièrement, Barbara Pompili, ministre de l’Ecologie, et Eric
Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ont transformé le crime d’écocide en
délit général de pollution et délit de mise en danger de
l’environnement. Pour Valérie Cabanes, juriste, il s’agit d’une
entourloupe, car elle ne fait qu’inscrire le droit européen (directive
de 2008) relatif à la protection de l’environnement dans le droit
français. Pour Cyril Dion, écologiste, qui a piloté la CCC, la
proposition présentée aux députés ne correspond pas aux définitions
internationales de l’écocide. Manque d’ambition ou retrait pour faire
plaisir aux lobbyistes de tous poils ? Le bel espoir que constituait la
CCC s’est déjà envolé dans l’atmosphère polluée des bassesses
gouvernementales.
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