3600 emplois :
Monsieur Macron,
allez-vous tuer Scopelec ?
C’est la plus grosse coopérative de France. Qui risque la fermeture sur
décision de l’Etat-actionnaire d’Orange. Et pour devenir quoi ? Des
auto-entrepreneurs. Que faites-vous, président Macron ? Que font vos
ministres ? Rien. Vous approuvez. Car ce dossier, c’est le symbole de
votre projet…
Ruffin François
Député de la Somme
4 avr. 2022
« Mais vous avez obtenu un rendez-vous avec l’Elysée ?
- Non, rien.
- Vous avez rencontré le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire ?
- Jamais.
- Agnès Pannier-Ruhnacher, la ministre de l’Industrie ?
- Pas une fois. Pourtant, notre dirigeant leur a écrit, ré-écrit », s’émeut Alain Tomas, associé-président du Conseil de surveillance, interrogé sur la cata en cours. « Malgré les milliers de salariés, malgré leur rôle d’actionnaire, les pouvoirs publics n’ont pas réagi. »
Scopelec, c’est en jeu 3600 emplois. C’est comme responsable l’Etat. Et depuis quatre mois, que faites-vous, président Macron ? Que font vos ministres Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Ruhnacher ? Vous ne bougez pas le petit doigt.
Qu’on résume :
Depuis cinquante ans, Scopelec, la première coopérative de France, travaille pour les PTT, puis France Télécom, puis Orange. Ses salariés ont posé le cuivre du téléphone, les câbles d’Internet, la fibre optique, et maintenant la 5G (et le débat n’est pas ici de son utilité).
Mais le 16 novembre dernier, malgré des décennies de partenariat, Orange annonce, d’un coup, sans prévenir, que le contrat sera rompu au 1er avril. Pourquoi ? Pour cause de prix : la firme peut trouver moins cher ailleurs, et notamment par des auto-entrepreneurs.
Il faut saisir la logique : Orange a, on le sait, durant des années, pressé ses salariés, les a poussés au burn-out et à des suicides en série, jusqu’à un PDG condamné à un an de prison. En interne, on a donc « réduit les coûts ». C’est sur l’externe, sur les sous-traitants, qu’on peut donc se rattraper maintenant. Et d’un claquement de contrat, Orange se débarrasse de son partenaire historique : « Chez nous, ils ont passé un accord avec Solution 30, relate Xavier Lasserre, qui travaille sur le site de Castres. La maison mère est basée au Luxembourg, et on sait comment ils travaillent : avec des auto-entrepreneurs, avec des travailleurs détachés qui viennent du Portugal. Ça va être bâclé, le réseau va se détériorer. »
Avec cette rupture, brutale, Scopelec est désormais placée en « procédure de sauvegarde ». Des milliers d’employés, de techniciens, sont plongés dans l’inquiétude, dans l’incertitude : leur entreprise n’aura même pas les moyens de payer un gigantesque plan social. A quelle sauce seront-ils mangés ? Seront-ils repris par la concurrence ? Avec quel salaire, quelle ancienneté, quels acquis ? Ou devront-ils monter leur micro-entreprise ?
Au fait. Qui est, qui demeure, le premier actionnaire de Orange ? Vous. L’Etat, à hauteur de 23%. On s’attendrait donc à une intervention de l’Etat, de vous comme chef, de vos ministres, pour éviter ce massacre industriel : c’est un acteur majeur de la filière télécom qui sera, sous peu, démantelé. On s’y attendrait, à cette intervention, d’autant plus que l’Etat, que vous, son chef, que vos ministres, ne cessez, depuis la crise Covid, de vanter « des achats publics responsables ». D’autant plus que l’Etat, que vous, son chef, que vos ministres, communiquez sur les « chartes d’éthique » des donneurs d’ordre envers les sous-traitants.
Eh bien non : l’Etat, vous, son chef, vos ministres êtes aux abonnés absents. Vous laissez faire le massacre. Malgré les appels au secours des dirigeants de Scopelec, malgré les SOS de détresse, le gouvernement ne bouge pas le petit doigt. Juste un sous-chef de cabinet qui promet de la « bienveillance » ! Véridique.
Faut-il s’en étonner ?
« Laisser faire » c’est votre mot d’ordre.
« Laisser faire » les actionnaires contre les salariés.
« Laisser faire » les multinationales puissantes contre leurs sous-traitants.
Mais surtout, qu’on admire le symbole :
C’est une société coopérative qui risque la disparition. C’est-à-dire, le statut le plus intégrateur pour les salariés, qui forment un collectif d’associés, qui participent aux décisions de l’entreprise, qui en retirent des bénéfices – plutôt que de nourrir des actionnaires. Autant dire, pour vous, pour la macronie, une hérésie.
Et tout ça sera remplacé par quoi ?
Par des auto-entrepreneurs. C’est-à-dire, le statut le plus dépourvu de droits, même de droits au chômage, de droits à la retraite. Et l’on sait que, en allié de Uber, Amazon, Deliveroo and co, on sait que vous bataillez ferme, contre la Commission européenne, contre le Parlement européen, pour que les auto-entrepreneurs demeurent exclus de ces droits. C’est la grande transformation de l’emploi qui s’est opérée sous votre règne : la montée en puissance des micro-entreprises, multipliées par trois depuis le début de votre mandat. La « création d’emplois », la « baisse du chômage », c’est d’abord ça : 600.000 auto-entrepreneurs en plus. Des bouts de boulot, bien souvent. Avec, en moyenne, 590 € de revenus mensuels.
Votre silence, votre indifférence, de vous président, de votre gouvernement, sont dès lors complices, approbateurs : chacun à sa place, Orange avec le pouvoir économique, vous avec le pouvoir politique, vous oeuvrez de concert. A faire éclater le salariat. A en revenir au travail à la tâche, sans statut assuré, sans revenu garanti.
Scopelec est le symbole de votre projeeeet.
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